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Récits de professeurs d’université à mi-carrière: Si c'était à refaire...
Récits de professeurs d’université à mi-carrière: Si c'était à refaire...
Récits de professeurs d’université à mi-carrière: Si c'était à refaire...
Livre électronique352 pages4 heures

Récits de professeurs d’université à mi-carrière: Si c'était à refaire...

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À propos de ce livre électronique

On peut étudier pour devenir enseignant et chercheur, mais il n’existe pas de formation qui conduit au poste de professeur d’université. Pourtant, quiconque exerce cette profession remarque qu’elle renferme nombre de coutumes et de pratiques qui s’apprennent pour la plupart dans le feu de l’action et, parfois, à la dure.

Ce collectif souhaite donner accès aux coulisses de la vie d’un professeur d’université aux doctorants qui aspirent à la profession et aux professeurs en début de carrière. Dans un style qui contraste avec le classicisme scientifique, une vingtaine de professeurs à la mi-carrière provenant de divers champs disciplinaires et de plusieurs universités québécoises prennent la parole pour raconter un événement marquant de leur carrière afin d’en dégager des constats et des leçons. Si c’était à refaire, que feraient-ils différemment ? Comment se projettent-ils dans l’avenir ? Comment envisagent-ils le futur de l’université ?

Bien que les différents témoignages rendent compte de l’unicité des parcours, ils mettent aussi en exergue des éléments de convergence qui permettent d’établir les dix commandements de la recrue dans la carrière professorale. À travers cet ouvrage, l’aspirant ou le nouveau professeur vivra par anticipation des événements qui jalonneront possiblement sa carrière et pour lesquels il n’existe pas de livres pour se préparer…
LangueFrançais
Date de sortie19 janv. 2022
ISBN9782760556102
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    Aperçu du livre

    Récits de professeurs d’université à mi-carrière - Stéphane Allaire

    Introduction

    Si c’était à refaire… ce que nous apprennent les récits de professeurs à la mi-carrière

    Frédéric Deschenaux et Stéphane Allaire

    On peut étudier pour devenir enseignant et chercheur, mais il n’existe pas de formation qui conduit au poste de professeur d’université. Pourtant, quiconque exerce cette profession remarquera qu’elle renferme nombre de mœurs, coutumes et pratiques non officielles. Hélas, faire un tel constat ne fournit pas de clés pour naviguer dans l’univers et les méandres du monde universitaire, tout en jonglant avec ce qu’il est convenu d’appeler « les trois volets de la tâche professorale » que sont l’enseignement, la recherche et les services à la collectivité.

    Nous l’avons nous-mêmes constaté dans notre propre expérience de professeur, mais nos observations individuelles se sont confirmées dans le cadre des fonctions de doyen dans nos établissements respectifs, puisque nous étions appelés à interagir de façon particulièrement proximale avec de nouveaux collègues. Ainsi, l’idée de ce collectif découle de cette dernière implication, mais également des constats que nous arrivons à faire, maintenant rendus à notre mi-carrière. Forts de nos expériences, nous avons souhaité solliciter d’autres collègues arrivés au même point que nous dans leur carrière pour contribuer à cet ouvrage, qui vise à fournir de potentielles clés de lecture du monde universitaire, de manière à favoriser la préparation de la relève professorale, c’est-à-dire les doctorants qui aspirent à une carrière de professeur d’université et les personnes qui le sont depuis quelques années.

    C’est le livre Devenir professeur de Pierre Noreau et Emmanuelle Bernheim (2019) qui a d’abord alimenté notre réflexion sur le sujet. À travers un panorama d’éléments concrets et utiles, cet ouvrage s’avère un outil précieux, mais pas nécessairement incarné dans de réelles histoires. Un état des connaissances scientifiques aurait quant à lui mené à des propositions génériques qui, bien que pertinentes, auraient peu permis de rendre compte des aspects officieux de la profession. Pour y parvenir, il nous a semblé important de descendre au cœur même du travail de professeur et de le saisir à travers différentes façons dont il est pratiqué (Lave et Wenger, 1991).

    C’est pourquoi nous avons adopté l’approche du récit de pratique (Desgagné, 2005). D’abord, son aspect particulariste permet d’avoir accès aux spécificités d’un contexte avec un certain niveau de profondeur et de détails. Ensuite, en conjuguant à la fois la description d’une situation et la réflexion sur celle-ci, le récit de pratique offre un potentiel d’apprentissage fondé sur l’expérience. Enfin, la combinaison de plusieurs récits dans un même ouvrage permet d’illustrer les ressemblances tout autant que les différences qui peuvent caractériser la profession de professeur d’université.

    Avec le soutien des Fonds de recherche du Québec, dont le scientifique en chef signe la préface de cet ouvrage, nous avons lancé un appel de textes à travers le réseau universitaire québécois. Tout professeur ayant cumulé une quinzaine d’années d’expérience à ce titre était invité à raconter un événement marquant, à réfléchir à ce qu’il ferait autrement s’il pouvait reprendre sa carrière, puis à se projeter dans l’avenir.

    Une quarantaine de propositions ont été reçues. Après un déchirant exercice de sélection, nous en avons retenu 20, dont 16 se retrouvent dans la version finale du collectif. Une majorité d’universités et une diversité de disciplines sont représentées.

    L’ouvrage s’articule en quatre parties. La première aborde la construction identitaire des professeurs d’université. Ainsi, les textes de cette partie relatent des questionnements inhérents aux multiples facettes de la carrière professorale. La deuxième partie s’intitule Une profession de choix, car les textes qui en font partie abordent l’impressionnante diversité d’avenues possibles qui s’offrent aux professeurs d’université. Chaque situation implique des choix dont il importe de prendre conscience pour ne pas se perdre en chemin. En effet, comment rester fidèle à ses intérêts et compétences, tout en recherchant la reconnaissance de son travail par les pairs ? La troisième partie aborde les frontières de la profession à travers des récits qui relatent des transitions vécues avec les conciliations qui s’y rattachent, notamment le délicat équilibre à établir entre la vie professionnelle et familiale. Enfin, la dernière partie aborde l’aspect collectif de la carrière professorale, qui peut sembler contre-intuitif quand les tâches et réalisations individuelles retiennent spontanément l’attention.

    La lecture des récits permet de dégager certains constats sur la carrière professorale, car malgré la diversité des domaines, des établissements et des parcours vécus, on constate la récurrence de certains thèmes. D’abord, la liberté s’ancre au cœur de la vie professorale, mais elle s’accompagne d’un certain vertige face à toutes les possibilités. Ensuite, on y observe l’omniprésence du regard des pairs, inhérent à la vie universitaire. La liberté de choix et l’évaluation par les pairs combinées induisent une forme de pression dont il semble difficile de s’affranchir en début de carrière, et même après. L’expérience acquise avec le temps, parfois à la dure, permet cependant de relativiser les choses en regardant le chemin parcouru dans le rétroviseur.

    La liberté

    La liberté de choix fait partie intégrante de la vie des professeurs d’université. On en trouve des manifestations autant dans les documents officiels que dans les conventions collectives. En effet, le professeur est libre de choisir quel cours il veut offrir, comment il veut l’offrir, ce qu’il veut enseigner. Même chose en recherche : les professeurs décident de leurs projets de recherche, de leurs collaborateurs, ils décident de faire ou non une nouvelle demande de subvention, d’accepter ou non le contrat de recherche que leur propose un partenaire. Mais tous ces choix ne s’exercent pas nécessairement sans contraintes. Le regard des pairs vient baliser ces choix, pour ne pas dire les contraindre. En effet, un professeur ne peut pas donner n’importe quel cours. Les collègues lui reconnaissent une expertise, un champ disciplinaire, mais à l’intérieur de cette expertise, une certaine liberté de choix existe. Même chose en recherche, où l’évaluation par les pairs constitue la pierre angulaire du mode d’attribution des subventions de recherche et de la publication scientifique. Un professeur peut vouloir travailler sur un thème, mais ses pairs dans ce domaine vont juger de la pertinence de lui accorder ou non une subvention, de publier ou non un article. En somme, la liberté universitaire est balisée par la collégialité (Deschenaux, 2019).

    Le regard des pairs et la pression qui l’accompagne

    Puisque les récits traitent du vécu de professeurs après une quinzaine d’années dans le monde universitaire, on y lit l’omniprésence du regard des pairs dans les différentes facettes de la tâche. Cette volonté de correspondre aux attentes des collègues et aux standards du domaine vient avec son lot de pression. Plusieurs questions taraudent les professeurs, souvent en début de carrière, mais pas exclusivement. Serai-je à la hauteur ? Est-ce que mes collègues vont accepter ma répartition de tâche, me donner ma permanence, ma promotion ? Est-ce que j’en fais assez ? Devrais-je publier un article de plus cette année ?

    Ces questions s’accompagnent souvent de diverses formes de pressions. Il y a d’abord la pression explicite, qui vient de collègues ou de membres de la direction qui font savoir aux recrues qu’on n’a pas deux chances de faire une bonne première impression, pour réussir son « démarrage en recherche ». Il devient alors difficile de refuser d’écrire un article de plus ou de laisser passer une occasion de subvention dans son champ d’expertise. Qu’est-ce que les collègues vont dire ? Qu’est-ce que le doyen va dire ?

    De cette impression de ne jamais en faire assez se dégage une pression autoinfligée, dont l’incidence sur la santé psychologique a été documentée, notamment en recherche (Leclerc, Bourassa et Macé, 2017). En effet, la compétition est bien réelle pour l’octroi des subventions, notamment. Aussi, l’obtention de la permanence et des promotions dépend du dossier qui fait état des réalisations depuis l’embauche ou depuis la dernière promotion. Conséquemment, une idée s’insinue subrepticement : il faut être à la hauteur, donc il faut accepter de donner ce cours supplémentaire, il faut faire cette demande de subvention, même après en avoir obtenu deux cette année, il faut faire ce contrat de recherche, qui, par la magie de l’autosuggestion, s’arrime de toute manière parfaitement avec telle subvention. Il faut participer à ce comité, car il faut mettre en valeur son expertise au service de la collectivité. Et pourquoi ne pas accepter une responsabilité administrative (p. ex. direction de programme) pour montrer une activité dans toutes les composantes de la tâche ?

    L’expérience salvatrice

    Plusieurs récits de professeurs à la mi-carrière notent que le désir de reconnaissance et la pression ressentie en viennent à s’estomper avec l’expérience. La compétition entre collègues, notamment en recherche, s’avère réelle, mais avec le temps, le doute qui pousse à en faire plus, voire trop, cède sa place, avec l’expérience, à une certaine assurance. Les règles entourant la permanence ou la promotion s’éclaircissent avec le temps, permettant de mieux discerner les attentes concrètes des pairs.

    À force d’évoluer dans le monde universitaire, les professeurs arrivent également à cerner ce qui les anime, là où ils font une différence dans leur milieu. Et les récits mettent en lumière un constat trop souvent occulté : une carrière universitaire peut être épanouissante dans toutes les composantes de la tâche, pas seulement en recherche ou en enseignement. Avec le temps, certains professeurs constatent que les tâches collectives comme la direction de programmes ou de département, ou d’autres services à la collectivité peuvent s’avérer une source de satisfaction professionnelle, malgré la mauvaise réputation que ces tâches traînent. En effet, ces tâches divertiraient des missions plus importantes, comme la recherche et l’enseignement. Pourtant, ces tâches collectives incarnent l’idéal de collégialité tant valorisé. En effet, rares sont les réalisations en solo à l’université. La dimension collective de la tâche professorale s’avère importante, souvent plus qu’on peut le croire.

    Plusieurs récits rapportent que l’expérience laisse une place à la sérénité face au travail accompli. Si c’était à refaire, plusieurs disent qu’ils auraient aimé pouvoir se rendre compte plus tôt de tout le travail fait et bien fait, mais surtout de leur satisfaction à constater que ce qu’ils font correspond finalement aux attentes implicites ou explicites dans leur domaine.

    Il convient également de souligner les côtés moins glorieux de la tâche professorale. En effet, son mode de fonctionnement unique, en collégialité, laisse la porte toute grande ouverte aux jeux de coulisses et aux risques qui s’y rattachent. En effet, sous des apparences de détachement, de vertu et de rigueur scientifique, il existe des situations où certaines personnes abusent de leur pouvoir, comme en témoignent certains récits. Un nouveau professeur averti en vaut deux, aimons-nous penser.

    Finalement, les récits nous ont inspiré des lignes de conduite pour naviguer dans les eaux troubles du début de la carrière universitaire. Nous proposons ainsi, de manière ludique, mais néanmoins empreinte d’un certain sérieux, les dix commandements de la recrue dans la carrière professorale :

    Les dix commandements de la recrue dans la carrière professorale

    1)  Ta liberté et ton indépendance, tu protégeras.

    2)  L’idée que ton point de vue s’avère moins valable que celui de tes pairs plus expérimentés, tu combattras.

    3)  À dire non, tu apprendras.

    4)  De l’éparpillement, tu te méfieras.

    5)  À la vie de ton établissement, tu t’intéresseras.

    6)  La diversité des manières d’être professeur d’université, tu reconnaîtras.

    7)  Un réseau de collègues proches et avec qui il est plaisant de travailler, tu te développeras.

    8)  D’un mentor, tu t’entoureras.

    9)  Tes réussites, tu célébreras.

    10)  De tes refus (articles, subventions), tu apprendras.

    Avant de céder la parole à nos collègues, nous souhaitons leur adresser nos sincères remerciements pour le temps qu’ils ont consacré à la rédaction de leur récit, mais aussi pour reconnaître l’audace dont ils ont fait preuve. D’abord, le format demandé était peu orthodoxe comparativement aux écrits qu’un professeur d’université a l’habitude d’élaborer. Ensuite, le récit de pratique implique une certaine mise à nu professionnelle dont le courage du partage mérite d’être souligné. Enfin, ne nous leurrons pas, leur chapitre dans cet ouvrage aura peu de poids dans un curriculum vitæ (CV) ambitionnant de décrocher une subvention de recherche. Il faut donc y voir une contribution noble et généreuse à la préparation de la relève et, ce faisant, à la pérennité d’une profession qui permet d’exercer une liberté de choix comme peu d’autres l’offrent.

    Il faut également souligner la générosité de Pierre Noreau, qui a accepté de signer la postface de l’ouvrage. C’était pour nous une belle façon de boucler la boucle, après que son ouvrage eut servi d’inspiration à cette démarche !

    Bibliographie

    Deschenaux, F. (2019). « Survivre à la collégialité », dans Devenir professeur, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, p. 267-277.

    Desgagné, S. (2005). Récits exemplaires de pratique enseignante : analyse typologique, Québec, Presses de l’Université du Québec.

    Lave, J. et Wenger, E. (1991). Situated Learning : Legitimate Peripheral Participation, Cambridge, Cambridge University Press.

    Leclerc, C., Bourassa, B. et Macé, C. (2017). « Dérives de la recherche et détresse psychologique chez les universitaires », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé, vol. 19, no 2, <https://journals.openedition.org/pistes/5155>, consulté le 4 août 2021.

    Noreau, P. et Bernheim, E. (2019). Devenir professeur, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

    Partie

    1

    La construction identitaire de la profession

    Je suis professeur de psycholinguistique et de phonétique à l’Université du Québec en Outaouais depuis 2004. Je suis polyglotte et j’ai vécu dans quatre pays. Niveaux de compétence linguistique canadiens, un document que j’ai rédigé en 2012, est utilisé par le gouvernement fédéral pour évaluer le niveau en français et pour accorder la citoyenneté canadienne, ainsi que par des ordres professionnels et d’autres organismes. Mes intérêts de recherche concernent l’espéranto parlé, les variétés de français, l’immigration, l’altérité, l’identité des polyglottes et l’acquisition des langues. J’ai fait de la danse professionnelle, je joue du violon et du piano, je fais des sports de combat et, en ce moment, je me passionne en plus pour la programmation et la peinture à l’acrylique. Je suis une personne assez excentrique, mais très réglo. Dans la vie de tous les jours, je me présente dans l’ordre inverse.

    La vie est un gruyère et il faut y faire son trou, dit le proverbe. Je n’ai jamais rêvé de devenir une prof à la fac, mais les choses se sont faites ainsi. Les manuels de langues accrochés à la barre l’ont emporté. Pour une passionnée de langues, de linguistique et de phonétique, c’était l’option la plus évidente, à moins de vouloir bosser pour l’armée ou Google. Mon arrivée au Canada n’était pas un véritable choix, disons que c’était plutôt l’absence de choix, après avoir soutenu, à Paris, ma thèse de doctorat sur l’espéranto parlé, oui, oui, il s’agit d’une langue inventée. Je me suis volontairement engagée dans cette voie de garage, comme certains le disent, en ne voyant que les bons côtés de la situation.

    Commençons par les bons côtés. Tout d’abord, les conditions matérielles ici sont bien meilleures qu’en Europe continentale. Il m’est arrivé de bosser comme courtier en immobilier à Paris et le patron de l’agence disait de penser à la commission quoi qu’il arrive. Je suis honnête : l’argent ne fait pas le bonheur, mais ne peut pas nuire. En devenant prof d’université, vous serez bien payés et travaillerez selon votre propre horaire sans faire de présentéisme de 9 à 5, ce qui équivaut pour moi au service militaire à vie. Cette liberté organisationnelle va de pair avec la liberté académique qui permet de mener les recherches que vous voulez et de configurer vos activités professionnelles selon vos préférences. Cette liberté est inestimable, à condition d’être capable de la gérer. J’imagine certains lecteurs qui font déjà la moue parce que je commence par l’aspect financier. J’ai déjà été artiste et je sais à quel point il est difficile de vivre de sa passion. La plupart des profs sont passionnés par leurs sujets de recherche, ce qui les amène dans la profession. Ils font partie des privilégiés, car en étant bien payés, ils peuvent se consacrer à leurs projets, avec un esprit dégagé de soucis alimentaires. À mon avis, la charge de travail est raisonnable. Si le nombre de cours à donner par année est déterminé par la convention collective, chaque département établit les normes en matière de productions de recherche.

    Je suis convaincue que pour survivre à l’université et y vivre heureux, il vaut mieux avoir la mentalité de parachutiste. Je m’explique : il faut être suffisamment courageux pour sauter, mais aussi autonome, rapide et débrouillard une fois atterri. Les études doctorales permettent d’apprendre comment mener un projet de recherche à terme, mais elles ne préparent pas à être prof – une bonne partie de votre travail sera consacrée à l’enseignement, qui va monopoliser beaucoup d’énergie et de temps. Beaucoup procèdent par imitation en essayant de ressembler à de bons profs qu’ils ont eus et s’en sortent assez bien, d’autres se rendent littéralement malades devant l’idée de parler dans un amphithéâtre ou même devant une petite classe. Pour ma part, j’ignorais tout de l’enseignement universitaire au Canada et des relations étudiants-enseignants ici. Mon apprentissage s’est fait sur le tas. En revanche, j’avais un avantage, celui d’avoir fait de la scène pendant longtemps dans une autre vie, et je n’avais pas de problème avec le public. Pour beaucoup de profs, « faire son spectacle », comme on dit entre collègues, est une source de stress permanent. Les professeurs sont jugés et évalués sur la base de leurs prestations en enseignement (et de l’absence de plaintes de la part des étudiants). Pour survivre et pour vivre heureux, il est important de se donner des moyens pour performer en tant qu’enseignant : se former en techniques d’enseignement, en technologies, en gestion de classe, en méthodes d’évaluation, en gestion de conflits et, pourquoi pas, en techniques de prise de parole en public et en utilisation de la voix. Au début de ma carrière, n’ayant pas de modèles locaux, j’avais demandé à des collègues la permission de venir dans leurs cours pour m’inspirer de leurs exemples. Toute chose étant perfectible, il faut être capable d’identifier les points à améliorer.

    Les étudiants sont de plus en plus revendicatifs. Maintenant, on parle de la « clientèle » étudiante. On ne vient plus à l’université pour s’instruire, mais pour « chercher un diplôme ». Dans mes cours, j’impose le vouvoiement pour tout le monde et je vouvoie les étudiants en toutes circonstances. Cela donne une dynamique plus professionnelle. Le respect va dans les deux sens. Le « vous » est une forme de politesse. Même si j’écoute attentivement et avec intérêt la salle, c’est moi qui prends les décisions. C’est ma responsabilité. Il faut que ce soit clair pour tout le monde dans la salle. Je rappelle, à l’occasion, que si les études universitaires au Québec ne coûtent pas cher, c’est parce qu’elles sont financées en grande partie par le contribuable, et que réussir les cours est, pour les étudiants, une responsabilité civique vis-à-vis du contribuable. La salle de classe n’est pas un souk et les règles établies sont les mêmes pour tous. Par contre, s’il m’arrive de me tromper dans la notation d’un travail, par exemple, je n’ai aucune difficulté à reconnaître mon erreur, mais je ne marche pas au chantage ni au marchandage. Soyez justes, honnêtes et fermes si vous voulez avoir une vie longue.

    Le monde universitaire est fait de paperasse de toutes sortes et vous allez le découvrir rapidement. Là aussi, vous aurez besoin d’un coup de main de la part de vos collègues experts. Beaucoup de nouveaux profs dépriment (pour ne pas parler de détresse) parce qu’ils ne savent pas comment rédiger leur tâche annuelle, leur bilan de réalisations ou une demande de subvention. Je vous ai parlé de la mentalité de parachutiste : or trouver rapidement des ressources ou repérer les bonnes pratiques pour réaliser une tâche fait partie de cette mentalité. Frappez aux portes, posez des questions, demandez de la rétroaction. Il y a, certes, des formations offertes à l’occasion par le syndicat, mais la voie officielle n’est pas toujours suffisante, ni la plus rapide.

    Certains profs se voient davantage comme des enseignants, alors que d’autres, comme des chercheurs. Dans tous les cas, les deux aspects sont à combiner. La pression de publier est constante, et le nombre et la qualité des publications constituent un critère objectif de l’évaluation de la performance. Le prestige de l’éditeur est pris en considération également, mais un nombre reste un nombre. Soyons honnêtes, les prestigieuses revues ne peuvent pas publier tous les excellents articles, faute de place. Toutes les prestigieuses revues ne garantissent pas toujours l’excellence des recherches publiées : en 2020, The Lancet, une des plus grandes revues médicales mondiales, a publié un article basé sur des résultats douteux qui a fait objet d’un retrait par la suite. Personnellement, je ne cours pas après la gloire ou le prestige. À partir du moment où vous publiez des articles bien ficelés avec des résultats sérieux, personne ne vous reprochera le manque de prestige de l’éditeur. Cela dit, il y a aussi des profs qui ne publient jamais rien et qui n’ont pas de problèmes pour autant. Deux poids, deux mesures est un modus operandi classique dans le monde universitaire, malgré l’existence de conventions collectives et de multiples règlements.

    Les délais entre la soumission d’un texte à publier, l’acceptation par l’éditeur et la parution comme telle sont parfois très longs. Il y a des stratégies pour augmenter rapidement le nombre de publications, si besoin est. Tout d’abord, pensez à des colloques qui proposent de publier des contributions sous forme d’actes de colloque ou dans des revues. De plus en plus d’organisateurs de colloques offrent cette possibilité, certains vont même jusqu’à garantir à toutes les personnes qui présentent une communication de

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