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Le rêve d'après
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Livre électronique251 pages3 heures

Le rêve d'après

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À propos de ce livre électronique

« … Rêve tout simplement Arthur. Tu verras, ça va te changer la vie, si tu te laisses emporter par ton imaginaire… — Oui, mais encore faut-il rêver. — Comment ça ? Tout le monde fait des rêves. — Eh bien pas moi ! Enfin, je ne m’en souviens pas. — Mais est-ce que tu demandes à ton inconscient de t’en souvenir ? » Arthur se prête au jeu. Au réveil, sa vie bascule…


À PROPOS DE L'AUTEURE


Régine Rizzo est avant tout une amoureuse des mots, ceux qui en disent long et ceux qui ne parlent de rien… Propulsée sur le chemin de l’écriture par un songe, Le rêve d'après est un clin d’œil à son histoire rêvée…
LangueFrançais
Date de sortie20 déc. 2021
ISBN9791037745149
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    Le rêve d'après - Régine Rizzo

    Régine Rizzo

    Le rêve d’après

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Régine Rizzo

    ISBN : 979-10-377-4514-9

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Ce roman est comme une interprétation des poussières d’étoiles que tu as levées lors de ton envol.

    Merci pour l’inspiration. Salut, papa.

    La porte venait de claquer avec une telle force, je sursautai malgré moi. Quelques secondes de répit, avant que le sujet infecté me rejoigne dans cet espace. Mes doigts crispés comme souvent, la boule dans la gorge, je restai le dos appuyé à la porte métallique afin de prendre connaissance de ce nouvel endroit plus sombre encore que les autres. Je n’étais jamais arrivé jusque-là. J’avançai, à tâtons, comme si quelqu’un pouvait surgir à tout moment. L’ennemi infecté repéré était pourtant derrière, mais rien ne pouvait garantir qu’il soit seul sur ce niveau. Tout autour de moi, je tournai sur moi-même, la salle de contrôle du bateau, désaffectée comme toutes les ambiances dans lesquelles je naviguais, était complètement dévastée. Soudain, derrière un panneau, un mouvement se fit sentir. La tension monta d’un cran. Je devais rejoindre le reste de mon équipe. Une ombre surgit, rouge, tout son corps était incandescent et moi, je n’avais d’autre choix que de sauter par le seul hublot ouvert, en priant que j’atterrisse sur le pont inférieur, et non dans l’eau. Je fermai un quart de seconde les yeux. Dans mon dos, une lumière vive se fit sentir, je ne comprenais pas. Je me retournai donc. Dans l’embrasure de la porte, une ombre, les deux bras sur les hanches et la voix stridente de ma mère qui me rappelait à l’ordre : « Ça fait 15 minutes qu’on t’appelle pour dîner. C’est dingue ça, tu ne peux passer ta vie derrière les écrans ! Ça suffit ! »

    Mes doigts crispés sur la souris de mon ordinateur mirent quelques minutes à accepter de se détendre. Je n’avais vraiment pas envie de descendre. Et tout mon corps faisait de la résistance. Ma mère avait claqué la porte avec une telle force, que sans faire exprès, elle avait déclenché une invitation à replonger dans mon univers : le nouveau jeu à la mode, Deceit. Je vivais Deceit, je mangeais Deceit, je dormais Deceit. Depuis des mois déjà. Si bien que si on ne faisait pas partie de cette communauté de survivants face aux infectés, on ne pouvait pas comprendre. Et mes parents ne pouvaient donc rien saisir de ma vie, celle que je menais en huis clos. Une envie folle de m’y replonger m’avait suffisamment envahi pour que je puisse faire fi de l’intrusion maternelle et de sa sentence potentielle. Cependant, rapidement, mes espoirs s’envolèrent, quand je réalisai que mon avatar avait chuté dans l’eau. Mes calculs n’avaient pas été aussi justes que je le pensais. J’étais sur le pont trois et non quatre. La chute avait donc été fatale. Next !

    Le dîner avait été comme souvent, extrêmement tendu. Je devais en un temps record rattraper le repas en cours. Entrée, plat et même dessert m’étaient servis dans la même assiette, avec un coup de louche bien évocateur de la colère qui grondait chez ma mère. Mon père continuait, l’air de rien, sa conversation avec mon petit frère Paul. Depuis des semaines, il n’essayait même plus de faire des efforts me concernant. Je crois qu’il ne pouvait plus me voir en peinture, c’était largement réciproque. Mon petit frère, en lèche-bottes bien entraîné du haut de ses treize ans, en faisait des tonnes. Il se gargarisait de ce désaveu du père pour son aîné : moi, Arthur, 17 ans, en terminale générale, objectif bac dans quelques mois. Voilà mon seul pedigree légitime du côté de mes parents.

    De mon point de vue, je pouvais rajouter que j’étais devenu un expert Deceit, puisque je pouvais introduire de nouveaux joueurs dans la base de jeu. Une sorte de référent, à qui on demandait en off des conseils pratiques sur les techniques de jeu et surtout des stratégies. Jour et nuit, joignable en un clic, je me connectais à mon nouveau monde, celui du virtuel, celui qui me donnait l’impression d’avoir une vie dans un monde coupé de liens, de cours, de profs, de copains et de sorties. Le confinement avait eu raison de tout ce que la vie avait tenté de tisser pour moi. Enfin, pour être honnête, il n’avait rien gâché, parce qu’il n’y avait rien à gâcher !

    Avant la pandémie du nom d’un virus du net, Covid 19, je vivotais ma vie de lycéen. Je m’étais toujours demandé comment j’avais fait pour en arriver là, sans trop d’embûches, alors que rien ne m’intéressait. Les études étaient là pour les jeunes motivés, pleins de projets, d’envies de grandeur. Moi, je n’avais de but dans la vie que la journée puisse passer le plus vite possible comme la précédente et la suivante. Bref, la vie ne me plaisait pas. Je ne comprenais pas ce que je devais attendre d’elle, alors encore moins ce que les autres adultes, bien attentionnés, a priori, attendaient de moi ! Pourtant, comme un instinct de survie, je faisais en sorte qu’on ne me bouscule pas trop, d’autant que c’était l’année de l’examen français de référence, comme si sans le bac, on n’était rien. Au lycée donc, des notes moyennes me suffisaient, des cahiers bien remplis mais pas trop. Des camarades de classe, pour réaliser les travaux de groupe, devenus à la mode dans les programmes de baccalauréat, de ceux qu’on n’avait pas besoin de voir en dehors et cela me convenait très bien. À la maison, en ma seule possession : un téléphone qui ne me servait qu’à regarder des vidéos sur Netflix, dans une chambre équipée comme un bunker, pour dormir, jouer et survivre face à mon ordinateur, ma raison de vivre. Car là, une seule obsession : pas question de rejoindre les infectés, non pas de la Covid, mais de Deceit ! Voilà de quoi était faite ma vie de futur bachelier…

    Mon univers se résumait, depuis que les cours avaient été suspendus, à ma chambre et ses secrets. Son entrée était interdite, à mes parents comme à mon petit frère. Trop content de ne pas aller au collège, il avait vite déchanté lorsqu’au bout de trois semaines, ses professeurs avaient enfin trouvé le moyen de lui envoyer, à lui comme à ses camarades, des devoirs à faire. Je l’entendais régulièrement geindre dans les jupons de ma mère, qui s’était elle aussi retrouvée à la maison, brutalement, comme tout le monde, ou presque. Mon père, magasinier, avait continué son travail, de 5 heures du matin à midi tous les jours de la semaine. À la différence de ma mère, agent immobilier, pour qui l’activité n’avait pu se poursuivre normalement, mon père trouvait dans cette mission une sorte de valorisation. Lui était au front, en quelque sorte. Franchement, je ne voyais rien d’autre, que du boulot ingrat, pas très bien payé, et ennuyeux à souhait. Avec en prime le risque de ramener le virus à la maison, et pas celui de Deceit cette fois ! Je soupçonnais ma mère d’en penser parfois autant, quand elle faisait les comptes de la maison. Elle avait des envies de grandeur que nos finances familiales ne pouvaient s’offrir. Du coup, côté déco, elle se rabattait souvent sur le catalogue de La Redoute. Et forcément, en ces temps de confinement, les envies de décoration intérieure se faisaient pressantes pour agrémenter le quotidien.

    Et ce n’était pas dans l’objectif cette fois, d’épater la galerie, puisque plus aucun ami ne passait la porte de la maison, le week-end, au grand désespoir de mes parents. Heureusement, la technologie et ses nombreuses applications connectées permettaient de trinquer à distance, et éviter ainsi le sentiment de solitude. Il fallait juste prévoir sa propre boisson et des chips pour soi-même. Pathétique…

    De mon côté, je n’avais pas besoin de tant d’artifices pour me sentir seul, car cela faisait bien longtemps que je l’étais.

    Déjà, au collège, les autres jeunes ne me plaisaient pas beaucoup, enfin c’étaient surtout à eux que je ne plaisais pas. Trop maigre, trop intelligent, trop bizarre, trop différent en somme. Donc je restais en marge et finalement cela m’allait très bien. Seul problème de taille : ma mère et ses angoisses ! Toujours derrière mon dos, elle nourrissait la crainte que ces écarts se creusent entre le reste de la jeunesse et moi. Elle désirait ardemment que j’invite des copains, mais il aurait fallu pour ce faire en avoir. Alors elle m’en inventait, souvent du côté de ses copines, qui avaient des enfants du même âge que moi. Ses tentatives se résumaient par un fiasco souvent total qui la déprimait tout le restant du week-end et qui faisait râler mon père car la qualité des repas en pâtissait.

    Moi, ce à quoi j’aspirais c’était que ce confinement dure au moins suffisamment de temps pour que je devienne beaucoup plus vieux… Et que je n’aie pas à passer le bac ! En fait, le bac n’était pas réellement le problème, mais l’examen obtenu propulsait tout jeune bachelier vers des études supérieures, et là, dans mon cas, c’était le néant. Incapable de savoir ce que je voulais faire de mes dix doigts, à part jouer aux jeux vidéo. Simples, faciles, occupant tout le temps et l’espace, voilà ce qui me motivait le matin, au réveil, pour passer le temps de cette foutue vie de jeune.

    Parfois, je me réveillais dans l’espoir que je sois devenu vieux. Vieillir ne me faisait pas peur, au contraire, être jeune en 2020 ne servait à rien. Mes années adolescentes avaient été déjà angoissantes à mon niveau, alors là, aux portes de ce que ma mère appelait « les années de jeune adulte », j’avais atteint un autre plateau : le désintérêt total ! Donc si j’avais pu sauter les niveaux, comme dans mes jeux vidéo, j’aurais dépensé toutes mes vies.

    L’ambiance dans la maison était devenue infernale. Je fuyais tous les moments stratégiques de vie en communauté. Seuls les repas m’étaient imposés, avec en prime, les informations télévisées qui dépeignaient un monde enfermé sur lui-même dans lequel, même en allant mieux, je ne voulais pas vivre. L’absurdité des paroles de ces adultes bien-pensants me sautait à la gorge. Il fallait se protéger, s’enfermer chez soi, pour un jour pouvoir ressortir dans un monde qui lui n’aurait pas survécu. Pas très vendeur de mon point de vue…

    Quand j’ouvrais la bouche pour donner mon humble avis, ma mère me fustigeait du regard. Mon père levait les yeux au ciel, et mon frère, qui ne comprenait rien, allait se réfugier dans le frigo. Il prenait à vue d’œil les kilos que je perdais. Et moi, je finissais par repartir dans ma chambre, soulagé de rejoindre un monde où je n’aurais pas besoin de parler, ni même de faire semblant.

    Une seule chose me donnait un peu de réconfort, les appels en visio avec ma grand-mère, Arlette. Une fois par semaine, je me connectais pour parler avec elle. Chaque mardi, vers 18 heures, je la voyais apparaître, dans sa robe de chambre bleu ciel. Désabusée, elle avait arrêté de râler contre cette mise en pyjama à cette heure précoce. « Comme les poules », aimait-elle dire ! Depuis plus d’un an, elle avait rejoint le rang de ceux qui ne peuvent plus vivre seuls, chez eux. Dans sa maison de retraite, elle s’était créé un nouveau monde, très loin de celui qu’elle avait façonné toute sa vie. Seule constante, et c’était devenu son rayon de soleil hebdomadaire, les cours d’écriture. Arlette aimait par-dessus tout les rimes et les mots. Heureusement, les séances de poésie avaient survécu à la crise sanitaire. Sa survie résidait dans le manque d’intérêt des résidents. Seules trois vieilles dames assistaient au cours de Monique, retraitée de l’Éducation nationale, en manque de reconnaissance, qui n’était autre que l’épouse du directeur. Une chance, d’après ma grand-mère, car si Monique n’avait pas été la femme du dirlo, elle n’aurait jamais eu le droit d’entrer dans l’Ehpad. Distanciation oblige !

    Avec ma grand-mère, je n’avais pas à donner le change, et cela avait été vrai toute ma vie. Elle était franche, directe, ne posait aucun jugement sur les autres, seulement sur leurs actions. Alors l’air de rien, même ses conseils passaient facilement, subtilement. Et surtout dans mon cas, je n’avais jamais l’impression d’avoir reçu une leçon ! Alors quand je raccrochais, je me disais que cette femme était vraiment trop forte, car elle réussissait à chaque fois à illuminer ma petite vie. Même si cet éclat ne durait que quelques heures… En règle générale, jusqu’au dîner, qui à lui seul remettait un voile noir de reproches qu’ils soient justifiés ou non. Mes parents, dans leurs propos comme leurs lourds silences, avaient le chic pour amorcer une bombe même désarmée ! Deux options se dessinaient souvent face à moi, les écouter déverser leurs plaintes envers moi et là je me disais qu’ils n’avaient probablement pas tort, ou fermer les écoutilles, option que je choisissais souvent, surtout les mardis soir.

    Comme si le monde n’était pas assez pourri, ce matin-là, je m’étais réveillé de très mauvais poil. À peine avais-je mis le pied par terre que je détestais encore plus cette journée qui s’amorçait. Le velux de ma chambre avait été mal fermé, par qui on se le demande, si bien qu’une belle flaque d’eau s’était installée durant la nuit quelque peu pluvieuse.

    Toute la journée s’était déroulée dans cette humeur humide pour ne pas dire orageuse, entre moi et moi ! Et pour une fois, ma mère n’y était pour rien.

    Même mes parties de Deceit s’étaient soldées par des contaminations. Les ennemis infectés avaient eu raison de moi quatre fois de rang, avant que je n’abandonne mon groupe, qui de toute façon, commençait à ne plus me donner ses bonnes grâces.

    Il était presque 18 heures, et j’allais me connecter avec la seule personne qui me comprenait : ma grand-mère Arlette. 69 ans nous séparaient pourtant, quelques petites dizaines de kilomètres aussi, mais son sourire édenté avait un pouvoir sur moi presque sans limite.

    « Salut, grand-mère.

    — Bonjour, mon grand. Oh là là… Y’a un truc qui cloche. Ne me dis pas le contraire, ça se voit comme le nez au milieu du visage ! Et je ne te parle pas de ta coupe de cheveux qui visiblement n’a pas connu de peigne depuis un moment déjà, comme les miens d’ailleurs. Forcément, plus personne n’a le droit de sortir ni de rentrer, donc finies les coiffeuses à domicile, manucures et pédicures. Je suis en train de faire des trous dans me chaussons, figure-toi ! »

    En quelques secondes, Arlette avait mis le feu aux poudres, puis l’avait éteint, pour enfin faire diversion : du grand art pour ne pas dire de la grande Arlette ! Et moi je riais déjà. Elle était vraiment trop forte.

    « Ah, je préfère ce timbre de voix !

    — Enfin, j’ai encore rien dit grand-mère !

    — Eh bien justement, c’est ce que j’attendais… Il n’y a rien à dire. Aucun risque que tu ruines toute ma journée démentielle d’activités, de rapports humains très riches et variés, si tu vois ce que je veux dire !

    — Oh là là c’est vrai ça, comment tu fais pour ne pas déprimer là-bas ?

    — Ce que j’aime chez toi Arthur, c’est ton sens aigu de la diplomatie et de la psychologie… En ce point, tu ressembles beaucoup à ta mère !

    — Grand-mère !

    — Pardon, je ne voulais pas enfoncer le couteau… Bien, alors pour répondre à ta question, je ne sais pas trop comment je tiens… Je dirais que mon imaginaire est la source de mon bonheur et de sa survie… Pour ne pas dire la mienne !

    — Comment ça ? Je ne comprends pas…

    — Eh bien, les rêves… Ceux qui font vivre, tenir, remplir, sourire, aimer encore…

    — Ah ?

    — Oui, ceux qui éveillent naturellement ta journée, et ceux qui te prennent par surprise la nuit, et que parfois tu as envie de poursuivre le jour…

    — Tu es en train de me dire que tu rêves ta vie et c’est ce qui te permet de tenir ?

    — En quelque sorte… Je dirais plutôt que je vis ma vie. Je la rêve… Je la façonne à ma sauce. Je l’arrange si tu préfères. C’est pour cela que j’aime tant la poésie. On peut jouer avec les mots, comme avec un pinceau de peinture. Tu peux dépeindre toutes les émotions de la vie avec des mots. Tu prends le temps de les choisir, pour en faire un langage qui ne résonne que pour toi et tu…

    — Oh là là, tu m’as perdu ! Je te rappelle que la philo, ce n’est pas du tout ma tasse de thé, grand-mère…

    — Mais qui t’a parlé de philosophie, moi je te parle de rêves. Ceux qui font la vie !

    — Mais la vie n’est pas un rêve éveillé… Enfin, je crois…

    — Tu en es sûr ? Après tout, à quoi tu passes tes journées Arthur ?

    — … À jouer… la vie d’un personnage vidéo…

    — Et tu n’aurais pas envie d’être ton propre personnage ?

    — C’est-à-dire ?

    — Bah, c’est simple pourtant ! Au lieu de jouer sur ton écran, joue dans ta tête, comme si c’était un écran. Rêve tout simplement Arthur. Tu verras, ça va te changer la vie, si tu te laisses emporter par ton imaginaire…

    — Oui, mais encore faut-il rêver.

    — Comment ça ? Tout le monde fait des rêves.

    — Eh bien pas moi ! Enfin, je ne m’en souviens pas.

    — Mais est-ce que tu demandes à ton inconscient de t’en souvenir ?

    — Si je demande à mon inconscient ?

    — Oui, il faut demander les choses pour qu’elles arrivent. Tu crois que le monde marche comment Arthur ?

    — Tu crois que le monde tourne grâce aux rêveurs ?

    — Oui, car sinon on serait tous foutus. Regarde ce que ce virus fait de nous. Heureusement, il nous reste nos rêves. Nos rêves de voyages, de rencontres, de fêtes, de sorties, de partages !

    — Alors si je t’écoute, il faut que je demande à mon inconscient de m’aider à me souvenir de mes rêves ?

    — Exactement. Quand tu t’apprêtes à te coucher, tu te parles à toi-même en quelque sorte et tu verras, c’est formidable, ça marche… Oh là là, je dois te laisser, mon Arthur. Embrasse tout le monde pour moi, faut que je file manger. L’heure, c’est l’heure ici ! Et les rêves ne nourrissent pas, pas même une vieille dame comme moi ! »

    L’écran s’était figé. Arlette avait le bras en l’air, le sourire jusqu’aux oreilles et moi le cœur au bord des larmes. Ma grand-mère était formidable, elle me manquait beaucoup. Beaucoup trop. À ma mère aussi sûrement, mais elle ne le disait pas…

    ***

    Le dîner s’était achevé, comme souvent, par les reproches de ma mère qui tournaient autour de mon manque d’investissement… un manque d’investissement criant, dans les cours en ligne, comme dans mon aide à la maison. C’était bien simple, selon elle, j’étais devenu un touriste ou un zombie, elle ne savait plus trop. Mais une chose était sûre, c’était qu’elle voulait que cela s’arrête. Encore plus

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