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Chroniques du monde de Then: La légende de la Montagne d'Or
Chroniques du monde de Then: La légende de la Montagne d'Or
Chroniques du monde de Then: La légende de la Montagne d'Or
Livre électronique624 pages9 heures

Chroniques du monde de Then: La légende de la Montagne d'Or

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À propos de ce livre électronique

Des disparitions étranges, un univers magique et des légendes devenues réalités, voici le décor de cette aventure passionnante.

Dans le monde de Then, les magiciens disparaissent mystérieusement et les vieilles légendes du pays elfe deviennent tout à coup une réalité. Qui sont ces maîtres du destin sortis de nulle part et censés protéger le monde de Then d’obscurs sorciers ?
Et cette légende de clé qui ouvrirait une montagne d’or qu’un jeune elfe a trouvée ? Pour Sihalam, une jeune magicienne, tout cela n’est pas le fruit du hasard; cherchant des explications à ces évènements, elle se lance dans une aventure qui va la conduire dans un univers insoupçonné.

Découvrez les aventures de Sihalam dans ce roman fantastique que vous ne pourrez plus lâcher une fois commencé !
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie16 juin 2021
ISBN9791023619256
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    Aperçu du livre

    Chroniques du monde de Then - Eric Blezel

    Livre 1

    L’ascension d’Antonior Pertoch

    1

    Ce matin-là, le jeune Antonior Pertoch fut réveillé de bonne heure par le sifflement d’un oiseau. Initialement, il pensait que ce sifflement provenait d’un rêve, car il ne l’avait jamais entendu auparavant. Ce bruit était presque un roucoulement, mais Antonior, méticuleux et ordonné, le considéra comme un sifflement, car il était relativement aigu. Il se répéta, devint persistant, si bien qu’il finit par le réveiller. Il se leva, constata que le soleil n’était pas encore levé et ouvrit la fenêtre de sa chambre. Il entendit alors de nouveau et très distinctement le même sifflement qui venait manifestement d’un oiseau qu’il n’avait jusqu’alors jamais entendu. Trois petits coups secs, suivis d’un autre plus long et un peu plus aigu, et encore trois autres coups secs. Curieux de nature, Antonior sortit dans le jardin, chercha le passereau, l’aperçut, et le vit s’envoler vers la forêt à peine les yeux posés sur lui. Il remarqua au passage la présence d’un serpent, ce qui ne l’étonna pas ; sa maison étant située en bordure de forêt, il n’était pas rare de voir de tels animaux. Il observa l’oiseau, nota qu’il avait une très longue queue, et ne se souvenait pas d’en avoir déjà vu un similaire. Curieux, je connais pourtant tous les animaux de la forêt… Mais l’oiseau, qui s’était décalé un peu plus loin, continuait de siffler. Antonior, qui était bien réveillé et rempli de sa curiosité naturelle, entreprit de le suivre. Il en profiterait pour faire une promenade matinale dans cette forêt magique qu’il aimait tant, et dont il était coutumier. Il appréciait particulièrement de voir le soleil se lever parmi les senteurs si exotiques des arbres. Il prit donc quelques biscuits dans la cuisine, sachant qu’il aurait faim, et se couvrit d’un gilet, car il faisait encore frais le matin en cette saison. Il sortit ensuite doucement sans faire de bruit. L’oiseau était toujours là, s’était rapproché de la maison, non loin de la porte, et continuait son chant.

    La forêt voisine était une forêt elfique classique pour l’époque, forêts qui ont hélas presque toutes disparu aujourd’hui. On y rencontrait tout un tas d’animaux magiques, qui pour la plupart étaient sympathiques, mais souvent farceurs, et dont certains savaient parler. Il ne fallait donc pas s’étonner d’être parfois abordé par un oiseau, par un cerf, ou par n’importe quel autre animal sauvage, qui se contentait le plus souvent de se moquer de votre tenue vestimentaire. Il y avait néanmoins de véritables bêtes perverses et méchantes, mais trop peu nombreuses pour imposer leur malveillance aux promeneurs. Aussi était-il tout à fait possible pour chacun de s’y aventurer sans le moindre danger. Antonior se disait qu’à l’époque où les elfes étaient tous des magiciens, cela devait être un vrai plaisir de côtoyer ces animaux magiques et de communiquer avec eux ; mais ce temps était révolu, même si certains savaient encore le faire. Car les elfes magiciens, les Silencieux, avaient pour la plupart mystérieusement disparu.

    Il prit la direction du nord, en cheminant sur un sentier qu’il connaissait bien et en essayant de suivre l’oiseau. On aurait dit que celui-ci voulait l’entraîner quelque part. Puis, toujours en suivant le sifflement, peut-être attiré par je ne sais quelle pensée, il quitta le chemin et prit la direction de l’est, et marcha avec insouciance pendant plus d’une heure, juste orienté par le chant de l’oiseau. S’il avait fait attention, il aurait remarqué que le même serpent qu’il avait aperçu un peu plus tôt le suivait. Alors que le soleil commençait à s’élever dans le ciel, et que la matinée avançait, il voulut rentrer. Mais curieusement, et bien qu’il connût très bien la forêt, il eut beaucoup de mal à retrouver son chemin, et, au bout d’un moment, dut bien admettre qu’il était perdu. Il chercha en vain l’oiseau, mais celui-ci avait disparu. Il trouva un ruisseau assez large qui, de mémoire, n’existait pas à cet endroit de la forêt. En effet, il en connaissait par cœur la carte, et les cours d’eau se situaient plutôt sur la partie occidentale de la forêt, de l’autre côté de là où il se trouvait. Il se demanda un instant s’il n’avait pas été victime d’un enchantement, comme cela arrivait autrefois, notamment dans des histoires que lui racontait lorsqu’il était enfant son instituteur et ami le professeur Alfa, ancien membre du conseil elfique, qui avait remarqué son intelligence, et grâce à qui il avait pu rentrer à l’école. Il s’assit cinq minutes, prit de quoi manger dans ses poches, enleva ses chaussures et trempa ses pieds dans l’eau glacée de la rivière. À ce moment, il vit briller un objet dans l’eau. Celui-ci était à peine à un mètre de profondeur, et il eut assez peu de mal à l’attraper, après avoir enlevé son pantalon pour ne pas le mouiller. Il en ressortit une petite clé en or, magnifique, qui ne ressemblait à aucune autre qu’il avait vue jusqu’alors. Son mécanisme était extrêmement compliqué, avec un panneton complexe muni de multiples barrettes. La tige était superbe, et l’anneau, un ovale remarquablement décoré. Au soleil, elle brillait de mille feux. Il contempla la clé pendant cinq bonnes minutes, la mit dans sa poche, en se disant qu’il la montrerait à son cher professeur Alfa. Puis il décida de rebrousser chemin et, grâce au soleil, il s’orienta et tenta de rentrer. À peine cinq minutes s’étaient-elles écoulées depuis son départ de la rivière qu’il fit la rencontre d’un serpent qui lui barrait le chemin.

    « Bien le bonjour à toi, murmura celui-ci d’une voix bienveillante, je m’appelle Kerdoc. » Antonior, bien que surpris, n’en eut pas peur ; il savait que la plupart des animaux magiques de cette forêt n’étaient pas agressifs. Il avait de toute façon pris avec lui un couteau qu’il maniait très bien au cas où les rencontres se passeraient mal. À vrai dire, Pertoch aimait les armes, beaucoup moins les clés. Habilement, il lui répondit en le flattant :

    « Bonjour Kerdoc ! Je te connais, on m’a déjà parlé de toi en bien, on dit que tu es le plus sage et le plus ancien des serpents. Peut-être pourrais-tu m’aider à retrouver mon chemin, je crois que je me suis perdu. »

    Le serpent ravi lui répondit :

    « Mais c’est la vérité, à ceci près que je ne suis pas le plus ancien. Mais presque. Me diras-tu ton prénom et d’où tu viens ? Et alors je te dirai comment rentrer chez toi !

    — Je m’appelle Antonior Pertoch, du village de Solt.

    — Mais je te connais également, j’ai aussi entendu parler de toi : il paraît que tu es un brillant jeune homme. Viens, suis-moi, ton village est par ici. Tu en auras pour une heure de marche environ. Mais comment es-tu venu ici, il n’y a aucun chemin ? Sans doute tu te seras perdu ?

    — Oui, je marchais sans faire attention, et je me suis égaré. »

    Ils se déplacèrent ainsi en bavardant pendant plusieurs minutes. Puis Kerdoc amena doucement dans la conversation la clé qu’il venait de trouver.

    « Je t’ai vu tout à l’heure près de la rivière, tu as ramassé dans l’eau un objet qui brillait d’un fort éclat ; pourrais-tu me le montrer ? »

    Antonior prit subitement peur. Était-ce l’intonation de sa voix ? Non, il avait parlé d’un ton bienveillant. Sa peur retomba assez rapidement. Il ne lui répondit pas, et lui demanda si le serpent le suivait depuis longtemps.

    « Pas du tout, mais il se trouve que cette rivière fait partie de mon territoire de chasse, et le rocher qui la surplombe est particulièrement bien exposé, aussi m’arrive-t-il très souvent d’y rester pendant des heures, à attendre qu’une truite y passe et fasse mon déjeuner. Je t’ai donc vu arriver, et ramasser cet objet dans l’eau, objet que je n’avais, du reste, pas remarqué ce matin.

    — D’accord ; Regarde, c’est une clé, peut-être pourrais-tu me dire ce qu’elle ouvre ?

    — Tsssss, gronda le serpent qui se mit à grimper dans un arbre et s’enrouler dans une branche de manière frénétique, je connais cette clé… Une fort belle clé, il y a d’étranges inscriptions dessus… Une montagne… Oh… »

    Que lui racontait donc ce serpent ? Le reptile tourna alors brutalement son cou vers la droite, faisant fuir deux étourneaux qui s’étaient rapprochés d’eux.

    « Tsss, sales bestioles, ces étourneaux… je les ai toujours détestés.

    — Quelle montagne ? continua le jeune elfe intrigué, qui regardait la clé mais ne voyait aucun dessin dessus. Cette clé est magnifique et elle doit sûrement ouvrir un coffre avec peut-être un trésor ! Tu as l’air de savoir quelque chose ? Dis-moi s’il te plaît ? »

    Le serpent le fixa avec l’habituel regard hypnotisant qu’ils ont.

    « Je ne vais rien te dire sur cette clé, sinon que tu devrais… Elle pourrait t’apporter des… Mais j’ai déjà trop parlé, et je ne voudrais pas être ton complice.

    — Complice de quoi ? De quoi tu parles ? Tu es énervant à parler par énigme ; même si elle ne sert à rien, elle est jolie !

    — Tu fais comme tu veux, prends cette direction pour rentrer, quand tu arriveras à un grand chêne aux feuilles multicolores, va à droite : tu retrouveras le chemin qui mène au village de Solt. Bon courage à toi ! »

    Et Kerdoc s’enfonça dans la forêt. Quand il fut assez éloigné d’Antonior, une voix féminine venue de nulle part s’adressa alors au serpent :

    « Bon, c’est parfait ; il a la clé ! Et tu as aiguisé sa curiosité, c’est parfait ! J’espère que tu vas continuer comme ça…

    — Fiche-moi la paix, ! J’ai fait ce que tu m’as demandé de faire, estime-toi heureuse comme cela.

    — Kerdoc, tu sais un jour… »

    Antonior était excité, et mit moins de temps pour rentrer dans son village qu’il n’en avait mis à l’aller. Il était à peine midi lorsqu’il arriva, et se dirigea directement vers la maison du professeur Alfa, bien qu’il eût faim et qu’il aurait volontiers déjeuné chez lui. Il savait qu’il serait invité à déjeuner chez le professeur, et qu’il lui proposerait sûrement son omelette au piment qu’il détestait par-dessus tout. Il traversa les rues en courant, arriva sur la grand-place du village, où se trouvaient quelques habitants assis devant leurs maisons. Il passa en courant devant eux, peu habitués à voir quelqu’un courir hormis les enfants. Mais il trébucha, tomba, et la clé glissa et roula de sa poche sur quelques mètres. Comme il faisait beau, elle scintilla, et bien qu’elle fût petite, tous ceux qui assistaient à la scène la remarquèrent. Le jeune Virsou, le palefrenier du village qui revenait d’une tournée, vint l’aider à se relever et ramassa la clé par terre. Les deux jeunes hommes, du même âge, s’entendaient assez bien, même si Virsou n’était pas aussi érudit qu’Antonior. Celui-ci regarda la clé avec attention :

    « Quelle drôle de clé tu as, c’est curieux, je n’en ai jamais vue de pareille ! » Et il la lui rendit.

    « Merci, oui, je l’ai trouvée en forêt. Je vais la montrer au professeur Alfa peut-être qu’il pourra me dire ce qu’elle ouvre ?

    — Peut-être, mais elle me semble bien compliquée ! À propos, est-ce que je dois toujours passer ferrer ton cheval cet après-midi ? » Antonior se souvint alors que son cheval boitait et qu’il lui avait demandé de passer.

    « Oui je veux bien, il boite depuis deux jours et cela ne s’arrange pas. Je pense que cela vient de son antérieur droit.

    — D’accord, à tout à l’heure donc ! Je te dirai ça. C’est peut-être un problème de fer. »

    Pendant ce temps, quelques villageois s’étaient approchés d’eux, lui demandant où il avait trouvé une aussi belle clé. Mais Antonior ne répondit pas, et reprit sa route, ce qui provoqua des haussements d’épaules et une certaine colère des plus anciens.

    « Les jeunes sont vraiment devenus malpolis de nos jours ».

    Mais Antonior continua sa course. Il trouvait curieux que les villageois aient tous remarqué l’admirable beauté de sa clé malgré leur distance plus ou moins éloignée d’elle.

    La maison du professeur était tout au bout du village, un peu à l’écart de celui-ci, avec un grand jardin où paissaient de nombreuses chèvres. Il vivait seul dans sa maison, qui était une véritable caverne d’Ali Baba, et qui sentait bon comme autrefois. On le disait souffrant depuis plusieurs mois, mais chaque fois qu’on le voyait il apparaissait toujours en pleine forme. Il y avait notamment chez lui une très ancienne bibliothèque elfique, remarquable par le nombre et la qualité de ses ouvrages, qu’Antonior avait tous lus. Alfa était attablé, en train de manger, lorsqu’on frappa à la porte.

    « Qui va là, à cette heure de la journée, au lieu de déjeuner ? demanda en mangeant le professeur.

    — C’est Antonior, professeur, Antonior Pertoch !

    — Ha c’est toi Antonior, eh bien entre mon garçon, soit le bienvenu. »

    Il poussa la porte et entra dans la maison. Il y régnait toujours le même désordre qu’affectionnait particulièrement Antonior. Le professeur vint à sa rencontre.

    « Je suis en train de manger, comme tu le vois. As-tu déjeuné ? J’ai une omelette à te proposer ; il n’y a rien de meilleur qu’une omelette aux champignons avec du poivre de la vallée de l’Espète.

    — Non merci, professeur. Même s’il est vrai que votre omelette aux champignons est la meilleure de la région, voire du pays. Je suis venu vous montrer quelque chose. »

    Il sortit alors la clé de sa poche et la montra au professeur.

    « Hmmm… Je n’ai jamais vu une clé aussi belle et aussi compliquée. Où l’as-tu trouvée ? » Il la regarda minutieusement après avoir mis ses lunettes. « Elle a des mécanismes bien particuliers, aucune serrure du pays elfique n’est de ce type…

    — Je l’ai trouvée près de la rivière, dans la forêt.

    — Quelle rivière ? Celle de la clairière aux papillons ? »

    Il examinait la clé avec attention, et semblait presque fasciné par elle.

    « Non, plus à l’est ; en fait, je me suis perdu et je suis tombé sur cette rivière dont je ne connaissais pas l’existence. Il y avait aussi un serpent là-bas qui a vu la clé et m’a parlé d’une montagne.

    — Une montagne et un serpent ? » coupa le professeur en ouvrant grand ses yeux et en dévisageant Antonior. Il alla chercher une loupe dans un tiroir, examina très attentivement la clé de très près et il parla d’un ton plus solennel : « Comment s’appelait ce serpent ? A-t-il dit ce qu’il faisait là ? Pourquoi lui as-tu montré cette clé ? »

    Antonior était étonné de l’intonation qu’utilisait maintenant le professeur. Qu’avait donc cette clé de particulier ?

    « Kerdoc, un nom comme ça. J’ai fait croire que je le connaissais afin qu’il m’aide à rentrer.

    — Ah, Kerdoc… » murmura Alfa, soudain soucieux. « Oui, je le connais, c’est un vieux serpent, bien plus malin qu’on le pense, et qui a la possibilité de se transformer en humain, paraît-il, mais personne ne l’a jamais vérifié… Tout cela sent l’ensorcellement, mais pas forcément de lui. Tu me dis qu’il t’a parlé d’une montagne, c’est bien cela ?

    — Oui. C’est curieux, professeur, n’est-ce pas ? Il a expliqué aussi qu’il y avait d’étranges inscriptions dessus, mais je ne vois rien. En tout cas, il avait l’impression de savoir ce que c’était. Qui pourrait nous en dire un peu plus sur cette clé ?

    Oui, c’est curieux. Si tu veux bien me la laisser, je peux la montrer à quelques-uns de mes amis… »

    Antonior fut soudainement pris de la même crainte que tout à l’heure dans la forêt, il ressentait de l’énervement qui n’était pas habituel dans la voix du professeur.

    « Elle est tellement belle, professeur. Je voudrais la regarder encore quelques jours. Je vous la laisserai après la fête de l’école.

    — Bon d’accord ! répondit-il après avoir hésité un court instant.

    — Ah, une dernière chose, professeur. Vous vous souvenez de l’énigme kabohle que vous m’aviez apprise quand j’étais petit : la clé ouvrira la montagne… Pensez-vous qu’il s’agisse de cette clé ? Peut-être que j’ai trouvé un indice pour la résoudre ?

    — Ah, ah, rétorqua le professeur en rigolant, il y a tellement de clés et tellement de montagnes ! Mais peut-être ? Qui sait ! Peut-être qu’un jour quelqu’un connaîtra grâce à toi la solution de cette énigme ! Mais ce n’est pas certain !

    — Ce serait formidable ! » Disant cela, il regardait sa clé s qui scintillait de millefeux.

    Lorsqu’il retourna chez lui, il déjeuna à son tour, et s’enferma ensuite dans sa chambre pour regarder la clé. Puis, il la remit dans sa poche, et alla aider ses parents qui installaient les tables dans la cour de l’école afin de préparer la fête, qui devait avoir lieu dans deux jours. Ce déjeuner champêtre était sympathique et permettait à tous les villageois de se retrouver et de faire la fête. Celle-ci s’éternisant bien souvent tard dans la soirée, il y avait de temps en temps quelques abus liés à la consommation d’alcool, notamment chez les plus jeunes chez qui cette fête était un des seuls moments de l’année où ils pouvaient se divertir entre eux. Ils y passèrent l’après-midi, et une fois les tables installées, ils retournèrent chez eux. Ils aperçurent alors une foule de gens à l’entrée de leur portail. Celui-ci était cassé, et la maison, située quelques mètres plus loin, avait la fenêtre principale fracturée.

    Un des voisins s’approcha alors du père d’Antonior et luidit :

    « On dirait que vous avez été cambriolés. On n’en revient pas, on n’ose pas rentrer. C’est incroyable, il n’y a jamais eu de vol ici ! »

    Antonior sentit battre son cœur. Il avait un mauvais pressentiment.

    « Mais c’est incroyable en effet, répondit le père incrédule. »

    Ils entrèrent tous les trois, suivis de quelques autres villageois. La maison était dévastée, toutes les chambres sans exception avaient été fouillées, tout était renversé, dans les pièces, dans le salon, dans la cuisine, tout était à terre. Les provisions étaient éventrées, et un désordre sans nom régnait dans la maison. La mère d’Antonior se mit à pleurer. Son mari la prit dans ses bras en tentant tant bien que mal de la consoler.

    « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il, nous n’avons rien à cacher ; et qui dans le village pourrait nous faire du mal ? Il va nous falloir des semaines pour ranger tout ça ! Et nous n’avons même plus de provisions, regardez ! »

    Il montrait la cuisine où tous les bocaux et autres provisions avaient été vidés. Curieusement, rien ne semblait avoir disparu dans la maison. Antonior manipulait la clé dans sa poche. Était-il possible que le serpent l’ait suivi, qu’il se soit transformé en humain afin de la récupérer ?

    « Regardez, montra un des voisins, en ramassant quelque chose par terre, on dirait une épingle à chemise. Personne n’en utilise, que je sache… » 

    Tous regardèrent l’épingle. En effet, aucun elfe n’utilisait ce type d’épingle. C’était une coutume que l’on trouvait chez les humains, et ici, on disait que ça portait malheur. Mais il semblait à Antonior que le professeur Alfa en possédait une ou deux ramenées d’un périple ancien.

    « Des humains, des humains, cria la mère d’Antonior, nous avons été cambriolés par des humains. Il y a des humains dans le village !

    — Du calme, du calme, qu’est-ce que des humains viendraient faire ici ? Et nous n’avons rien à cacher, nous n’avons aucun trésor… C’est impossible. »

    Il avait fallu quasiment une petite semaine pour tout remettre en ordre dans la maison, grâce à l’aide généreuse des autres habitants du village pour qui ce cambriolage était un véritable choc. La fête du village avait même été repoussée de quelques jours afin que chacun reprenne ses esprits. Antonior restait silencieux. Il avait peur de sortir, mais il n’avait qu’une envie : retourner dans la forêt retrouver ce maudit serpent, qui était forcément le coupable. Le professeur Alfa était introuvable, Antonior avait tenté de le rencontrer à deux reprises, mais à chaque fois sa maison était vide. Une fois le calme retombé dans le village, un beau matin, il prit l’épée de son père qu’il savait manier comme un chef, et se dirigea en forêt de bonne heure, afin que personne ne le voie, décidé à en découdre avec le serpent. Il reprit le même chemin qu’il avait emprunté la dernière fois, mais ne retrouva ni la rivière ni le grand chêne. Néanmoins, de nouveau perdu, il se trouva soudainement nez à nez avec Kerdoc, qui le regardait de son regard lancinant. Sans hésiter, guidé par la colère, il dégaina alors son épée, et s’apprêta à lui trancher la tête :

    « Maudit serpent, tu t’es transformé en humain et tu es venu cambrioler ma maison pour me prendre la clé ! Tu vas me le payer. »

    Il abattit alors violemment son épée sur le cou de Kerdoc. Mais celui-ci, malin et rapide, enroula sa longue queue, bien cachée sous les feuilles, autour du corps du jeune homme et commença à l’étouffer avant que son épée ne s’abatte sur lui, si bien qu’il fut obligé de la lâcher.

    « Holà ! holà ! Jeune prétentieux. Je ne suis pas certain que celui ou celle qui réussira à me tuer soit encore né. Et ce n’est sûrement pas un jeune elfe et son épée bien trop lourde pour lui qui va y arriver. Maintenant, tu vas m’expliquer ce qui s’est passé, tu sembles savoir des choses sur moi… Parle donc avant que mes anneaux ne t’étouffent pour l’éternité.

    — Tu t’es introduit chez moi, transformé en humain pour me voler la clé, maudit serpent ! » cria Antonior avec difficulté.

    Il tentait tant bien que mal de se dégager, mais les anneaux l’enserraient, et déjà il sentait que sa respiration devenait difficile. En se débattant, il laissa tomber la clé. Très subtilement et très finement, de la pointe de sa queue, Kerdoc la ramassa et la hissa devant lui. Juste à hauteur de son visage.

    « C’est cet objet que je serais venu te voler ? Mais, dans ce cas, je n’aurais qu’à te tuer, et à repartir avec ! Pourtant je vais te libérer et te la rendre. Je te conseille d’être discret avec cette clé, il y a manifestement des personnes qu’elle intéresse. Il pourrait bien t’arriver des ennuis, mon pauvre enfant, et je ne pourrais même plus t’aider. »

    À ces mots, il desserra ses anneaux, et une magnifique jeune femme apparut, avec de magnifiques cheveux roux bouclés qui lui descendaient jusqu’aux pieds, et des yeux bleu ciel. Antonior, qui n’avait jamais vu une aussi belle femme, néanmoins terrorisée par la peur, n’osa rien dire. Kerdoc avait disparu. La jeune fille lui rendit la clé. Une sorcière ! ce serait bien ma veine !

    « Bonjour jeune homme, ne t’inquiète pas, je ne suis pas une sorcière ; je ne sais pas qui est venu te cambrioler, mais effectivement la personne devait peut-être la chercher. Tu l’auras peut-être montrée à quelqu’un. Tu devrais faire attention, c’est un bel objet qui pourrait attirer les regards… »

    Antonior était abasourdi. Certes, il savait qu’il y avait de la magie dans son pays, mais il ne pensait pas rencontrer une telle créature magique un jour. L’époque des Silencieux était terminée depuis longtemps. Du moins le croyait-il. Alfa lui avait un jour raconté une histoire où l’un des personnages était tantôt un elfe, tantôt un serpent… Était-ce le cas ici ? Il reprit ses esprits doucement, et se demanda qui pouvait savoir qu’il avait cette clé à part le professeur Alfa. Il se souvint alors avoir trébuché dans le village, et avoir aperçu la convoitise des villageois en la voyant. Il balbutia quelques mots à la dame apparue devantlui.

    « Effectivement dit-il, je l’ai laissée tomber et des habitants l’ont remarqué… Mais qui êtes-vous ?

    — Peu importe qui je suis, tu as trouvé un très bel objet, un objet exceptionnel. Tu as trouvé la clé de la Montagne d’Or. Je suppose que tu connais cette vieille légende. Cette clé est convoitée par beaucoup de monde : les humains de l’autre côté du grand fleuve Ripers, les nains, et un peu moins par les trolls. Car la légende dit que, comme son nom l’indique, elle ouvrirait les portes d’une montagne remplie d’or. Mais personne ne sait où se trouve cette montagne ! C’est tout le problème ! Mais toute cette histoire est très ancienne, et tout ce que je te raconte est avant tout une légende, mais une légende… qui pourrait être vraie, comme toutes les légendes de ce pays du reste… » Disant cela elle regardait Antonior en souriant.

    « Je… Je ne comprends rien, c’est uneclé…

    — Oui, c’est une clé, mais une clé légendaire… Tu vas comprendre ; oui, tu vas bientôt comprendre, tu vas bientôt comprendre ce que représente l’or, la richesse. C’est important que tu le saches… » Elle était redevenue sérieuse, et le regardait maintenant sévèrement.

    « Mais pourquoi ? L’or ne sert pas à grand-chose chez nous… enfin pas que je sache.

    — Jeune homme, j’espère que tu ne vas pas rester toute ta vie dans ce village. Tu es instruit. Et il est important que tu voyages et que tu aies conscience de ce que représente l’or chez les autres peuples. Dans certains pays, l’or est synonyme de pouvoir. Heureusement pas dans ce pays. Mais le pouvoir est quelque chose qui intéresse tout le monde, et qui pourrait bien… te tomber dessus. »

    Antonior ne comprenait rien, même si ce qu’elle disait ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd. Elle continua :

    « Chez les humains, le pouvoir est intimement lié à la richesse. Mais c’est un leurre ! Il est important que tu saches qu’il doit avant tout être en rapport avec la grandeur de ton esprit, et qu’un grand homme est celui qui agira pour autrui et non pour son enrichissement personnel.

    — Je ne comprends rien à ce que vous me dites, vous parlez comme si je devais être un jour quelqu’un de grand ? Connaîtriez-vous mon avenir ? C’est sûr que j’aimerais quitter Solt… Mais c’est impossible ! Et j’iraisoù ?

    — Je ne connais pas ton avenir bien sûr, continua la jeune femme avec un rictus, mais mon ami le serpent que tu as vu tout à l’heure m’a dit que tu aurais un grand… mais bref… je parle trop… Il est donc temps pour toi maintenant de découvrir d’autres choses qui te serviront plus tard. » Elle poussa un long sifflement, et aussitôt apparut un gigantesque oiseau qui vint se poser à côté d’eux.

    « Quoi ? Qu’est-ce que vous racontez ? demanda Antonior qui ne lâchait rien concernant son avenir. Qu’est-ce qui me servira plus tard ? Vous connaissez mon avenir alors… Et pourquoi avez-vous appelé cet oiseau ? Il est magnifique, c’est un gypaète.

    — Tu as trouvé une clé qu’il va falloir que tu protèges si tu ne veux pas te la faire voler. Et la meilleure solution pour se protéger est avant tout de bien se rendre compte ce qu’elle représente…

    — C’est une clé… Je ne comprends vraiment rien à ce que vous me dites… C’est une jolie clé que je mettrai sur un buffet, elle fera joli. Mais merci de vos conseils… Je n’ai pas besoin de votre oiseau pour rentrer chez moi. » Antonior reprenait confiance en lui, et gardait son sang-froid. La jeune femme s’en aperçut et lui sourit.

    « Tu as la tête sur les épaules, jeune homme. Voici Karos, le gypaète, tu le connais sûrement, tu es instruit et tu en as entendu parler. Tout le monde pense qu’il est résident de notre région, mais en fait il parcourt le monde de Then et le connaît bien mieux que n’importe qui. Il connaît le monde des humains, qu’il survole de temps en temps. Tu te plaignais de devoir rester toute ta vie à Solt ! Eh bien tu vas être servi ! Il n’est pas question que tu rentres chez toi ; tu vas aller faire un tour avec lui, afin que tu voies ce qui se passe autour de toi, afin qu’un jour tu ne prennes pas de mauvaises habitudes à tontour.

    — Je ne comprends rien . » Antonior semblait perdu, mais aussi flatté du compliment.

    Cela dit, il était assez partant pour faire un tour sur le dos du gypaète. De mémoire, cela n’était réservé qu’aux elfes du conseil, qui s’en servaient pour voyager, ainsi qu’aux plus riches. Le pays était en effet relativement grand, et les moyens de communication étaient rudimentaires. Il y avait des routes, qui étaient souvent dangereuses à cause de la présence de brigands, et la voie des airs, avec l’utilisation de gypaètes spécialement élevés.

    « Parfois, un simple regard vaut mieux que cent mille explications. Je te laisse avec Karos. Quant à mon nom, peut-être un jour le sauras-tu. Adieu ! »

    Antonior s’aperçut qu’il ne pouvait pas prendre son épée avec lui sans risquer de blesser l’animal. Il déposa alors celle-ci près d’un arbre et la recouvrit de brindilles et de feuilles mortes afin de la cacher.

    « Ne t’inquiète pas pour ton épée, Karos te ramènera ici, et tu la récupéreras.

    — C’est celle de mon père, je ne voudrais pas la perdre ! »

    Et il grimpa sur le cou du gypaète qui prit aussitôt son envol. Après son départ, Kerdoc vint rejoindre la jeune fille.

    « Tu n’y es pas allé de main morte, je pense que le gosse n’a rien compris. Tu l’as brusqué ! Je ne vois pas comment cela pourrait arranger nos affaires.

    — Tais-toi donc au lieu de protester ! C’est moi qui donne les ordres et qui décide. Nous n’avons pas d’autre choix je te rappelle, et parfois la brusquerie a dubon.

    — Vraiment ? Je le note, très chère Dachna. »

    Karos était loin d’être confortable, Antonior devait serrer sa courte crinière entre ses mains pour rester stable, mais il vécut la plus belle expérience de sa vie. Survoler le pays était tout simplement magnifique. Ils mirent à peine deux heures pour couvrir la grande distance qui séparait une extrémité de l’autre du pays. Il se rendit compte qu’il y avait pas mal d’erreurs sur les cartes géographiques du pays elfe, et garda en mémoire ce moyen pour y remédier. Il était émerveillé de voir la beauté des champs, des forêts, des petits cours d’eau, il distinguait les paysans dans les champs, les villages, les chaumières, les feux de bois, c’était un spectacle merveilleux et enivrant. Mais bientôt se profila le long ruban bleu sombre de l’immense et très large fleuve Ripers qui séparait le territoire des elfes de celui des humains. Quel spectacle ! L’immensité du fleuve qui s’étendait de chaque côté était magnifique. À droite au loin on apercevait même les sommets enneigés des montagnes d’Alzorg du royaume des nains. Quelle splendeur et quelle émotion ! Antonior se rendit compte que le gypaète volait alors à très haute altitude.

    « Qui est cette dame ? Je ne comprends rien à ce qui m’arrive ! demanda Antonior soudain tiré de sa rêverie. »

    Mais le gypaète qui d’habitude n’était pas bavard lui répondit :

    « La prochaine fois que tu la rencontreras, tu le lui demanderas. Nous allons traverser le fleuve et rentrer dans le territoire des humains, je ne pourrais pas voler à très basse altitude, certains essaieraient de me tuer avec leurs flèches. Nous resterons donc à une altitude suffisante pour que je ne sois pas touché.

    — Pourquoi voudraient-ils te tuer, qu’est-ce que tu as fait ?

    — Rien, certains humains tuent les animaux pour leur plaisir.

    — Ils m’ont l’air bien bizarres, ces humains. »

    Au-dessus du fleuve, il faisait nettement plus froid. Mais la température se réchauffa dès qu’ils survolèrent de nouveau la terre ferme. Karos volait très haut. Vue d’ici, la géographie n’était pas tellement différente que celle de son pays, il y avait les mêmes forêts, les mêmes champs, et les villages étaient plus grands, et surtout les maisons semblaient bien plus importantes que chez lui. Puis Karos se rapprocha d’un des villages.

    « Tu ne m’avais pas dit que tu devais voler haut ? s’inquiéta soudainement Antonior qui voyait l’oiseau descendre subitement ?

    — Ne t’inquiète pas. »

    Mais, au contraire, il continua sa descente, et se posa à quelques mètres à peine d’une chaumière située en bordure de forêt attenante à un champ où l’on voyait des paysans travailler. Là, il fit un mouvement brusque qui le fit trébucher de son cou, et tomber. Karos s’envola immédiatement vers la forêt.

    « Eh ! Mais qu’est-ce que tu fais ? cria Antonior. Reviens, ne me laisse pas seulici…

    — Je repasse te prendre demain matin juste avant l’aube ! » Et le gypaète s’envola.

    2

    Ainsi Antonior se retrouva-t-il seul chez les humains, en territoire inconnu. Il fut un instant apeuré, mais reprit assez vite confiance en lui. Il n’était pas le genre de personne à perdre son sang-froid facilement, et pouvait s’adapter à n’importe quelle situation rapidement et avec intelligence. Mais quelle histoire lui tombait dessus ! Il n’avait pas compris grand-chose au discours de la jeune femme, si ce n’est qu’il aurait peut-être un bel avenir. Mais il ne s’en souciait guère. Pour lui, il allait vivre une aventure qui allait le changer de ses habitudes. C’était ça l’essentiel à ses yeux. À peine le gypaète était-il reparti, qu’une jeune fille sensiblement du même âge que lui fit son apparition derrière la chaumière. Elle avait des cheveux blonds, un ruban noué derrière la tête, et était vêtue d’une jolie robe bleue. Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à une elfe, car il était impossible physiquement de différencier un elfe d’un humain. En effet, ils avaient les mêmes origines, et surtout la même langue. Il existait bien sûr un ancien langage à la fois humain et elfique, mais que personne n’utilisait. Elle s’approcha de lui :

    « Salut, d’où viens-tu ? Je ne t’ai jamais vu par ici, on dirait que tu arrives de la forêt ? Incroyable ! Comment t’appelles-tu ?

    — Bonjour, je m’appelle Antonior, et je viens… euh du village voisin !

    — De Barbey ? Et tu es venu à pied ? Tu as dû faire une sacrée trotte ! » 

    Elle lui souriait allègrement. Antonior se rendait bien compte qu’il lui plaisait.

    « Non, ce n’est pas si loin d’ici, mais bon je vais rentrer en fait…

    — Oh, mais tu peux rester prendre le goûter, j’habite juste à côté ; c’est bientôt l’heure et les domestiques ont préparé un excellent gâteau au chocolat avec du thé. Rien que pour ça, tu devrais rester.

    — Les quoi… mais oui, pourquoi pas ! »

    Antonior était très mal à l’aise. Mais la jeune fille insistait, aussi accepta-t-il son invitation, tout en jouant nerveusement avec la clé dans sa poche.

    La chaumière n’était en fait qu’une annexe de la propriété, qui était située à plusieurs centaines de mètres, séparée par d’immenses champs remarquablement entretenus. Plusieurs personnes y travaillaient, et d’autres semblaient les regarder. Cela n’avait rien à voir avec chez lui. Ici tout était ordonné, les champs bien labourés, les outils semblaient rangés, et les maisons avaient l’air bien plus solides que dans son pays.

    « Pourquoi ne travaillent-ils pas, ceux qui sont assis ?

    — Eh bien, ce sont les contremaîtres, ils surveillent les esclaves, pardi !

    — Les quoi ? Les esclaves… Vous avez des esclaves ?

    — Ben oui, pas toi ? Mais tes parents, ils font quoi ? »

    Antonior resta perplexe un moment. Il avait appris à l’école que les humains exploitaient les autres humains avec un système terrible appelé l’esclavagisme. Mais il n’en avait jamais vu. Il se sentit de nouveau mal à l’aise devant la jeune fille.

    « Si, si bien sûr, mais au fait je ne t’ai pas demandé ton prénom ?

    — Je m’appelle Claire, et mes parents sont propriétaires de cet immense domaine qui permet de nourrir quasiment toute la grande ville et presque toute la région.

    — Nous aussi on a des esclaves, mais pas autant, mentit Antonior.

    — Tes parents font quoi comme métier ?

    — Euh mon père est charpentier, et ma mère, elle ne fait rien.

    — Charpentier ? Mais c’est un travail d’esclave ! »

    Antonior était encore plus mal à l’aise. Il bredouilla :

    « Non, mais en fait il fait les plans, il calcule, il…

    — Ah, c’est un maître d’œuvre, il faut t’exprimer clairement, jeune homme. »

    Disant cela, ils étaient arrivés devant la porte de la maison. Celle-ci était immense, au moins dix fois la taille de celle de ses parents, construite avec des briques, avec une magnifique charpente en bois visible. Les murs étaient peints, avec des couleurs appareillées à celle des champs. À l’intérieur, ils furent accueillis par d’autres esclaves, que Claire présenta comme des domestiques.

    « En fait, ici on préfère dire domestique, parce qu’esclave c’est péjoratif. Mais c’est la même chose. Mais les nôtres sont sympathiques. Et on ne les maltraite pas !

    — Oui, nous non plus. »

    Antonior n’avait jamais vu de demeure aussi belle, l’entrée était immense, avec des tableaux sur tous les murs, de magnifiques statues. Et quelle architecture ! Il en était ébahi… Quel contraste avec ce qu’il connaissait jusqu’alors ! Ils s’installèrent dans une grande salle à côté de l’entrée, Claire claqua des doigts et aussitôt deux servantes apportèrent le goûter.

    « Apportez aussi quelque chose pour mon ami Antonior

    ­— Mais bien sûr, madame, répondit la domestique.

    — Ah, elle a encore oublié les verres… Jeanne, apporte les verres !

    — Si tu me dis où ils sont, je peux aller les chercher ! » Claire le regarda alors avec des yeux exorbités.

    « T’es malade ou quoi ? On n’a pas des domestiques pour rien ! » Ils prirent le goûter, le gâteau était délicieux, et Antonior félicita la cuisinière, qui écarquilla les yeux.

    « Décidément, tu es trop gentil, c’est Jeanne la servante qui l’a fait. D’habitude, personne ne la remercie. »

    À ce moment entra la mère de Claire, qui regarda Antonior en ouvrant grand les yeux. Celui-ci, il faut le préciser, était un très beau jeune homme avec des yeux bleu clair.

    « Bonjour jeune homme, quel est ton prénom ?

    — Bonjour madame ! répondit-il en reposant son assiette sur la table, je m’appelle Antonior.

    — Je suppose que tu es un camarade de Claire, que je ne connais pas encore…

    — Oui, il habite Barbey.

    — Antonior de Barbey ! Mais ce n’est pas la porte à côté, où donc as-tu mis ton cheval, je n’en ai pas vu à l’écurie ?

    — En fait, je suis venu à pied, madame !

    — À pied ? Eh bien si tu veux rentrer pour dîner chez toi, tu ne devrais pas tarder, il y a bien dix kilomètres pour aller à Barbey. Mais nous pouvons bien sûr mettre une calèche à ta disposition, à moins que tu aies prévu qu’on vienne te chercher.

    — Oh c’est très gentil de votre part…

    — Ou peut-être peut-il rester dormir ici, maman ? Nos chambres d’amis ne servent jamais.

    — Oui, c’est vrai ; mais il faudrait prévenir tes parents, je vais envoyer un coursier…

    — Mais ce n’est pas la peine, euh, j’ai déjà dit à mes parents que… que je me m’absentais pour une nuit…

    — Mais pour aller où ? demanda Claire, tu n’as aucune affaire avec toi…

    — Euh… en fait, c’est un pari que j’ai fait avec mes copains de Barbey, je leur ai parié que… j’étais capable de passer la nuit seul dans la forêt… voilà !

    — Quel pari stupide, répondit la mère en éclatant de rire. Mais ne sais-tu pas que la forêt est dangereuse la nuit, non seulement il y a des voleurs, des rôdeurs… et les animaux sauvages sont dangereux ; et puis à cette saison il fait froid. Tu es totalement inconscient. Ou insouciant ! Tu resteras dormir ici comme Claire le suggère. »

    À ce moment entra un autre jeune homme, légèrement plus jeune, avec des cheveux longs, qui lui masquaient partiellement les yeux.

    « Oui, nous aussi une fois on avait fait ce pari, on est restés deux heures, on était morts de trouille et surtout de froid.

    — Voici Gaspard, mon frère. Gaspard, je te présente Antonior, du village de Barbey.

    — Salut, tu es au collège Stanislas ?

    — Euh oui, répondit Antonior qui ne connaissait évidemment pas ce collège.

    — Ah cool ! Tu dois connaître monsieur Landry, le prof de sport : c’est mon parrain !

    — Ah oui, il est super sympa !

    — Moi je ne trouve pas, mais bon… » 

    Ils discutèrent un bon moment, jusqu’à ce que machinalement Antonior sorte la clé de sa poche. Il se ravisa au dernier moment, mais un peu tardivement.

    — Oh, fais voir ! On dirait la clé de la Montagne d’Or ! Trop bien ! Tu l’as eue où ? » demanda Claire.

    Disant cela, elle la lui prit les mains et la regarda longuement.

    « La quoi ? » demanda Antonior, surpris par sa réponse.

    La jeune personne qu’il avait vue en forêt disait donc vrai ! Mais il préféra ne pas dire comment il l’avait trouvée.

    « C’est la clé de ma tirelire !

    — On n’a jamais vu de clé ni de serrure comme ça, elle sort d’où ta tirelire ? Si c’est la clé de la Montagne d’Or, je veux t’épouser immédiatement ! Mais bien sûr, c’est une légende, personne ne sait où se trouve la montagne. Elle n’existe sûrement pas ! Mais en tout cas, elle est super belle ; c’est une superbe imitation »

    Gaspard regarda également attentivement la clé que sa sœur lui mit dans sa main.

    « La vraie n’est pas comme cela, à l’école ils nous l’ont montrée en image. C’est une mauvaise imitation. Et puis la vraie de toute façon n’existe pas, c’est une légende. »

    Il la lui rendit.

    « Remontre-la-moi trente secondes, s’il te plaît », demanda Claire.

    Antonior fut bien contraint de la lui redonner. Elle la regarda alors très attentivement, la tournant et retournant dans tous les sens.

    « C’est curieux, ce petit symbole qu’il y a sur la tige ? On dirait une fleur de lys inversée.

    — Où ça ? demandèrent les deux garçons qui n’avaient rien vu.

    — Là ! leur lâcha la jeune fille, en montrant du bout de son ongle le symbole.

    — Il n’y a rien, tu as de la merde dans les yeux !

    — Mais c’est toi qui es miro, tu le vois toi, Antonior ? »

    Antonior ne le voyait pas non plus, mais fit mine de voir quelque chose sans pouvoir dire exactement ce que c’était.

    « Les garçons, vous êtes complètement aveugles. » Elle rendit la clé à Antonior et se leva. « Venez, allons faire un tour dans le jardin, ou dans la piscine, il fait super doux dehors. »

    L’elfe remit la clé dans sa poche.

    On entendit tout d’un coup un bruit de chevaux, et Claire sortit alors précipitamment. Son père rentrait du travail. Elle l’accueillit en lui sautant au cou, en lui racontant qu’il y avait un camarade à la maison, qui avait une copie de la clé de la Montagne d’Or, doté d’un étrange symbole : une fleur de lys inversée.

    « La clé de la Montagne d’Or avec une fleur de lys inversée ? demanda son père, pensif.

    — Oui, il va te la montrer, il est super sympa et il est très mignon », lui répliqua-t-elle en rougissant.

    Entretemps, la mère de Claire, Jessica avait montré la chambre où Antonior passerait la nuit. Elle lui avait également donné un pyjama et de quoi se laver. La chambre était grande, d’une propreté irréprochable, avec un bureau en bois sculpté et un lit à baldaquin d’une grande beauté. On était loin du confort de sa maison. Dans la corbeille, devant la table, il y avait une enveloppe qu’il ouvrit machinalement. Celle-ci émanait du district de police de la ville de Jerso, où le shérif, un certain James Mangold, adressait ses vœux aux habitants.

    « Elle ne date pas d’hier cette lettre ! »

    Le soir, le dîner avait été très agréable. Patrick, le père de Claire, était loquace et n’hésitait pas à se vanter de son commerce à Jerso, la grande ville voisine. Antonior restait discret, découvrant le monde des humains, et leurs business, qui lui étaient tout à fait inconnus ou presque. Il était surpris de voir à quel point les deux peuples se ressemblaient tout en étant très différents. Il avait appris que l’on pouvait acheter des esclaves grâce à de l’or, comme n’importe quel autre objet. Malgré le côté abject, il trouvait cela pratique d’en avoir, mais il préférait les appeler serviteurs. De même, il trouvait pratique de pouvoir disposer au sein de sa maison d’une grande piscine alimentée en eau chaude, comme c’était le cas ici, par des serviteurs, même si ceux-ci parfois se brûlaient comme Claire le lui avait raconté. Il avait aussi remarqué combien le chef de maison était fier, fierté qu’il arborait constamment. Sa femme était également très fière, mais le montrait moins. À présent, il discutait du système répressif que représentait la police, autres personnages totalement inconnus de lui, et on discuta pour finir de politique. Ça, il en avait entendu parler. Puis, au bout d’un moment, Patrick lui demanda :

    « Il paraît, cher Antonior, que vous détenez une copie presque conforme de la soi-disant Clé de la Montagne d’Or ? C’est incroyable !

    — En fait, répondit Antonior, gêné, c’est un cadeau de ma marraine qui tenait ça de sa grand-mère… une tirelire avec une clé et une serrure rigolote, mais ça reste une clé banale… »

    Il fut encore une fois contraint de la montrer. Patrick la regarda attentivement, et remarqua également la fleur de lys inversée, qui malgré sa petite taille apparaissait extrêmement nette.

    « Très curieux... vous ne le savez pas, bien sûr, mais avant de monter cette ferme ici, j’étais professeur d’histoire à l’université de Nivers, spécialisé dans l’histoire des nains. Leur mythologie, leur gloire, leur décadence… J’avais même appris leur langue ! Ce qui m’est aujourd’hui d’une inutilité totale puisque nous n’avons aucun commerce avec eux. Quel dommage que ce peuple ait périclité ! Leur culture était immense, leur architecture fantastique. Mais bref, ainsi va la vie. Mais malgré tout, leur mythologie est passionnante, même si elle est fichtrement compliquée, tout

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