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Journalistes en Algérie: Destins individuels, histoire collective
Journalistes en Algérie: Destins individuels, histoire collective
Journalistes en Algérie: Destins individuels, histoire collective
Livre électronique533 pages7 heures

Journalistes en Algérie: Destins individuels, histoire collective

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À propos de ce livre électronique

Le premier livre connecté sur l’Algérie !
Rien de grand n’a été accompli dans le monde sans passion. Cette sentence de Hegel traverse de bout en bout ce livre qui nous emmène dans un voyage épique au cours duquel une séquence de l’Algérie a été l’œuvre de femmes et d’hommes passionnés, jetés dans le tourbillon de l’histoire. On verra Ahmed Ben Bella au sommet de sa gloire s’en prendre aux médias. Déchu, quasiment oublié, il connaîtra l’amour et se mariera avec une journaliste. On verra Houari Boumediene maladroit, gagner en assurance pour, enfin, devenir l’alpha et l’oméga de l’État et de la société. Chadli Bendjedid désemparé en 1988. L’auteur exhume des noms de journalistes oubliés, inconnus aujourd’hui. Pourtant, ils ont accompagnés avec une plume élégante la voix de l’Algérie révolutionnaire. Bientôt le mur de la réalité, le doute, la révolte, la répression. Voguant sur une mer de sang des hordes terroristes vont, durant une décennie, marquer à jamais la conscience collective algérienne. Ce passé récent, tragique va-t-il influer sur son avenir ?
LangueFrançais
Date de sortie24 oct. 2018
ISBN9782312065564
Journalistes en Algérie: Destins individuels, histoire collective

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    Aperçu du livre

    Journalistes en Algérie - Mohamed Koursi

    cover.jpg

    Journalistes en Algérie

    Mohamed Koursi

    Journalistes en Algérie

    Destins individuels, histoire collective

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-06556-4

    À mes deux mamans, Bekhta et Khadidja

    J’ai la nostalgie du pain de ma mère,

    Du café de ma mère,

    Des caresses de ma mère…

    Et l’enfance grandit en moi,

    Jour après jour,

    Et je chéris ma vie, car

    Si je mourais,

    J’aurais honte des larmes de ma mère !

    Fais de moi, si je rentre un jour,

    Une ombrelle pour tes paupières.

    Recouvre mes os de cette herbe

    Baptisée sous tes talons innocents.

    Attache-moi

    Avec une mèche de tes cheveux,

    Un fil qui pend à l’ourlet de ta robe…

    Et je serai, peut-être, un dieu,

    Peut-être un dieu,

    Si j’effleurais ton cœur !

    Si je rentre, enfouis-moi,

    Bûche, dans ton âtre.

    Et suspends-moi,

    Corde à linge, sur le toit de ta maison.

    Je ne tiens pas debout

    Sans ta prière du jour.

    J’ai vieilli. Ramène les étoiles de l’enfance

    Et je partagerai avec les petits des oiseaux,

    Le chemin du retour…

    Au nid de ton attente !

    Mahmoud DARWICH

    La Vérité est un miroir tombé de la main de Dieu

    Et qui s’est brisé.

    Chacun en ramasse un fragment

    Et dit Que toute la Vérité s’y trouve.

    Jalâl ud Dîn Rûmî

    (1207 – 1273)

    Note au lecteur

    En parcourant cet ouvrage, vous allez remarquer des codes QR, sorte de pictogrammes que j’ai intégrés dans différentes sections de cet essai qui peut se lire d’ailleurs sans nécessairement ouvrir le lien auquel ce code renvoie. J’ai tenté cette expérience d’une passerelle entre la version papier et une extension vers un contenu numérique. Un site a été conçu dans lequel des vidéos d’époque sur les faits que je rapporte peuvent être visionnées{1}. Des films documentaires, des photographies d’anciens journalistes, des documents ainsi que des UNES de journaux constituent cette première bibliothèque virtuelle. J’ai utilisé cette méthode parce que la navigation sur internet est devenue le geste le plus anodin et le plus observé dans l’espace public{2}. Avec presque 50 millions d’abonnements, un nombre nettement supérieur à celui des habitants, le taux de pénétration du mobile en Algérie est le plus important en Afrique. J’ai tenu compte de cette tendance pour offrir cette « nouvelle » façon de lire et de regarder un livre.

    Lever de rideau

    « … Balayés par un courant d’affaires magnifiquement dédaigneux. Jamais siècle ne fut plus séculier, plus pauvre d’amour et de bonté. Les milieux intellectuels ne sont plus que des phares ou des refuges au milieu de ce tourbillon d’ambitions concrètes. »

    NIETZSCHE

    Il se réveille, déplie son journal, la mémoire encore nourrie d’un journaliste cheveux au vent, stylo prêt à harponner l’événement et bloc-notes ouvert pour consigner sur les pages de la postérité les chapitres d’une construction nationale dont chaque mot annonce la fin de l’asservissement colonial. Ce journaliste était militant durant la guerre de libération. Il était attendu comme un messie dans les dechras, douars et villages juste après l’indépendance. Ses articles, disait-on, partaient jusqu’à la capitale pour frapper aux portes de la houkouma (gouvernement) et même du Zaïm et du Raïs (président). Témoin et écrivain d’un roman national, il était le produit d’une alchimie épique. Sa plume parlait du peuple en lui formulant des promesses impossibles à renier.

    Et voilà qu’aujourd’hui, il est confondu de n’être qu’aux ordres d’un maître de cérémonie qui a joué la partition de la prédation et de la rapine.

    Si la mémoire collective algérienne porte toujours les stigmates d’un système inégalitaire qui a été balayé en cet été 1962 ; le citoyen s’est réveillé depuis et, en cette année 2019, il se frotte les yeux :

    Est-ce que j’ai rêvé ? Le « nous » a-t-il existé ? Pourquoi ce bâton sur ma tête ? Pourtant, il y a peu, j’étais l’unité dans le nombre. J’étais l’arbre protégé par la forêt. Commentce manche inquiétant menaçant est né de mes entrailles ? Pourquoi se retourne-t-il contre moi ?

    Une chape pessimiste pèse sur les consciences.

    Les libérateurs qui ont rompu, hier à même le sol, le pain de la fraternité au maquis se sont éloignés du peuple. Mais, s’ils sont devenus invisibles et inaccessibles c’était pour mieux travailler. Le piège de la pensée rurale pétrie dans la pudeur et la discrétion a fourni la justification qui a endormi les questions.

    On a dit au peuple, une fois l’indépendance acquise, le grand jihad (combat) commence¹. Alors forcément, s’ils n’ont plus le temps de lui rendre visite c’est pour la bonne cause.

    Naïveté. L’espace de séparation est devenu, entre-temps, un élément de la distinction.

    Le spectacle est choquant. L’Algérie « une et indivisible, solidaire et sociale » s’est retirée telle la marée révélant ce qu’elle charriait loin des regards et que plus de deux générations de populisme n’ont pu cacher indéfiniment. L’indépendance arrachée, le système combattu et battu semble perdurer. Derrière la forteresse, les mêmes privilèges. De ce côté du mur, les mêmes attentes, les mêmes frustrations et les mêmes colères.

    « J’ai pris les chemins de la vie, pieds nus et le ventre creux » disait le poète MustaphaToumi².

    L’amertume est à fleur de peau et offre un inquiétant spectacle de « trop de mémoire »³ dont chaque lambeau arraché à la vie réelle montre que, quelque part, le serment de novembre a été trahi⁴.

    Les cérémonies sacrificielles des années quatre-vingt-dix n’ont pas servi à absoudre une corporation qui revendique son indépendance et jure de son honnêteté, la main posée sur un combiné de téléphone relié à dieu. L’héritage a-t-il été dilapidé par un enfant adultérin né de l’union entre le parjure et la convoitise ?

    Ils sont morts, dans les années cinquante au siècle dernier pour un rêve appelé liberté dans un pays porté au cœur qui a pour nom Algérie. Corps disloqués mais esprit rebelle.

    La Place de la Résistance face au port d’Alger supporte toujours ce portefaix figé dans une posture intenable comme pour rappeler que l’exploitation n’a pas été définitivement terrassée. 2 mai 1962, l’OAS frappe. 210 morts, 150 blessés. Dans trente ans, leurs petits-fils connaîtront aussi la fureur de la violence portée par une autre horde avec un sigle, également, aux trois lettres : le GIA.

    Ils sont morts, dans les années quatre-vingt-dix au cours de ce même siècle sans savoir pourquoi. Corps fauchés à la fleur de l’âge, bouches muettes instrumentalisées par des ventriloques passés maîtres dans l’art de basculer avec une incroyable aisance de la proclamation du 1er novembre 1954, à la déclaration universelle des droits de l’homme et aux comptes codés de banques dont les noms ne sont connus du public que par les thrillers et autres films policiers dont ils se gavent.

    En Algérie, 2019 est l’année de la férocité. Les ambitions personnelles ou de groupes sont déjà parties en safari avant même que le feu d’artifice du 1er janvier n’illumine nos nuits grillant la révérence à la Nouvelle-Zélande. Le côté sombre de la force s’est exprimé en premier. Un remplacement sans aucune explication de milliers de cadres, des « révélations » anonymes prises au sérieux quand, en même temps, des lanceurs d’alerte sont traqués, des blogueurs arrêtés, jugés et incarcérés.

    Merzoug Touati, un blogueur a été condamné, en juin 2017, à 7 ans de prison ferme pour « intelligence avec les agents d’une puissance étrangère de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de l’Algérie ». Il avait appelé sur son compte Facebook à protester contre la nouvelle loi de Finances et diffusé sur son blog un entretien vidéo avec un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.

    Salim Yezza, militant berbériste originaire des Aurès est arrêté, le 14 juillet 2018, à l’aéroport de Biskra alors qu’il s’apprêtait à rentrer en France, son pays de résidence. Il avait écrit sur son mur Facebook « Ana Mzabi ou ddez m3ahoum » (Je suis Mozabite et ton opinion m’importe peu) en guise de signe de solidarité avec cette communauté qui a fait l’objet, en 2014, de plusieurs fatwas diffusées sur des médias moyen-orientaux et sur les réseaux sociaux les déclarant kharidjites et qu’il fallait de ce fait les exterminer. Le 7 août 2018, il est condamné par le tribunal de Ouargla à un an de prison avec sursis assorti de 100000 DA d’amendes. Aussitôt la sentence prononcée, les avocats de la défense ont promis de « saisir les deux rapporteurs spéciaux de l’ONU en l’occurrence M. Michel Forest,  rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme ainsi que M. David Kaye, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression.

    Saïd Chitour, fixeur et collaborateur pour la BBC et le Washington Post  a été  arrêté le 5 juin 2017 à l’aéroport d’Alger. Il était poursuivi pour « intelligence avec une puissance étrangère ». Le 11 novembre 2018 lors d’un  procès « sans témoins, ni partie civile » au tribunal de Dar El Beida (Alger) il se défend en répondant aux questions du juge  « Je n’ai fait que reprendre des articles déjà parus dans des quotidiens, que je traduisais en anglais. Je n’avais ni scoop, ni exclusivités. Mes infos, je les obtenais par la presse ….J’ai toujours informé les services de sécurité de mes déplacements et de mes rencontres, car j’ai toujours porté l’intérêt du pays au-dessus de tout ». Condamné à 16 mois de prison ferme et une année avec sursis, il est libéré le jour même. La peine de prison ayant été  déjà purgée, puisque il a passé plus de 16 mois en détention provisoire.

    Code de l’information ou code pénal ?

    Abdou Semmar, éditeur du site d’informations Algérie Part, et son collègue Merouane Boudiab ont été arrêtés le 23 octobre 2018 et placés en détention provisoire à la prison d’El Harrach, deux jours plus tard. Ils sont poursuivis pour « diffamation par voie de diffusion, menaces et atteintes à la vie privée des gens ». Les deux plaignants sont Mohamed Mokadem, alias Anis Rahmani, directeur du groupe Ennahar (qui contrôle entre autres une chaine de télévision d’informations en continu de droit privé)  et le wali (préfet) d’Alger Abdelkader Zoukh.

    S’agit-il d’une atteinte à la liberté d’expression ou d’une sombre affaire de droit commun ? S’ils sont en  prison pour  «délit de presse» se pose immédiatement la question de la pertinence de la dépénalisation  de « l’infraction ». Dans cette imbroglio, la chaîne de télévision Ennahar a diffusé en boucle, pendant la journée du jeudi 25 octobre, des informations à leur encontre les impliquant, dans un réseau d’escrocs et de maîtres chanteurs qui extorquent des fonds et les transfèrent à l’étranger. Ennahar a diffusé des images les montrant menottés au tribunal ou encore en train d’être transférés en prison.

    L’ONG et Reporters sans frontières RSF ont réagi. Les deux prévenus ont été défendus par une quarantaine  d’avocats. Le Front des Forces Socialistes (FFS) ainsi que la ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme se sont  mobilisés pour les défendre. Le 8 novembre, soit  17 jours  après leur interpellation, le juge chargé de l’affaire au niveau du tribunal de Said Hamdine, à Alger, a décidé de relaxer les deux prévenus en ordonnant un complément d’enquête au sujet de ce dossier. Mais, d’autres journalistes sont restés en prison : Ilyes Hadibi et Adlène Mellah, qui gèrent des sites. Ils sont poursuivis respectivement pour « diffusion d’informations personnelles sur les réseaux sociaux », « outrage aux institutions » et « atteinte à la vie privée ».

    Le code de l’information de 2012 reconnait  la «presse électronique». Le prix du président de la République l’intègre dans son concours annuel. Des ministres, des commis de l’Etat passent par ses canaux pour communiquer. Mais, face à la justice, le journaliste d’un média électronique n’existe pas .Il est juste un blogueur. Le code de l’information prévoit une autorité de régulation de la presse écrite, (art.40), une autorité de régulation de l’audiovisuel, (art.64), tandis que  le titre V qui comporte 6 articles (67à 72) traite de la question des médias électroniques et, enfin, l’article 94 « créé » un Conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie du journalisme, dont les membres sont élus par les journalistes professionnels.

    Que reste-il des médias et de la « belle » aventure intellectuelle des années post 1988 quand, aujourd’hui, la moindre enquête publiée est crucifiée par un lectorat sceptique qui a toutes les raisons de croire que ce qu’on lui sert n’est qu’un plat aux ingrédients à la qualité douteuse concocté par un cuisinier faussaire qui ne respecte aucun code éthique ou déontologique ?

    El Watan, journal primé à plusieurs reprises pour la qualité de ses articles a publié le 28 juillet 2018, une enquête en deux parties sur « Les Frasques et prédation des enfants de la nomenklatura », « La république des Fils de… » qui est accueillie de façon froide par son lectorat qui y voit un parti pris flagrant et un positionnement en prévision des prochaines élections.

    Je suis intervenu dans ce débat public auquel a participé un des fondateurs de ce journal : « El Watan a beaucoup de mérite. C’est un fait qu’aucun journaliste ne peut nier. J’ai lu la 1ere partie de cette enquête. Je suis resté sur ma faim. Il ne s’agit nullement d’une enquête mais d’un (long) article sur des faits, des pratiques et des noms que la rue connaît sans avoir de preuves. Une enquête journalistique apporte des preuves. Les anciens diraient : « on a vu le fantôme de Fawzi⁶. »

    Sur son mur, « SmailSmailSmailAyrathan » écrit le 25 juillet 2018 à 14 h 05 :

    « Comment se fait-il que quelques journalistes arrivent à avoir des informations sensées rester dans le secret le plus hermétique possible et imaginable pendant que d’autres ne tirent, malgré leurs courses effrénées, aucune bribe de celles-ci ? Toutes les sources d’information leurs sont fermées et de ce fait leurs canards ne se contentent de publier que des faits divers ou des contributions de personnes vivant dans l’éloignement de l’actualité politique nationale. Alors, sommes-nous dans un pays où, pour recueillir de l’information, il faut être journaliste proche du pouvoir ? Ces gens qui ont la primeur de l’information ne travaillent-ils pas pour des clans bien organisés au sein du régime au lieu de travailler pour le droit des populations à l’information dénuée de toute propagande ? Allez savoir jusqu’où peut aller la manipulation !!!! »

    Les aspirations humaines prennent souvent des directions imprévisibles. Sinon, comment expliquer qu’à l’échelle de l’Algérie, la vision et le discours qui ont été à l’origine d’un des plus grands mouvements d’émancipation du continent africain soient, après plus d’un demi-siècle d’indépendance, toujours à l’ordre du jour ? Chantier ouvert en permanence et qu’aucun maître d’œuvre ne semble capable de maîtriser.

    Prononcées par les uns, recherchées par les autres, brandies comme un trophée de guerre ou preuves de la forfaiture… les valeurs qui ont cimenté le socle de la solidarité et la fraternité vacillent.

    Il y a un moment que l’Algérie s’est réveillée pour découvrir que son lit a été fait et défait par des mains qui ont tissé les toiles de la traîtrise et du mensonge. Le programme est le même depuis l’indépendance. Des forces avec des capacités (de nuisance) inégales en course pour le pouvoir, rivales, concurrentes, ennemies entre elles mais solidaires et soudées face aux autres. Soudées contre la marche de l’histoire qu’elles ne cessent de contrarier.

    Ce blocage s’est réglé, temporairement, dans le sang durant l’été 1962. Il s’est reposé d’une façon tragique en 1988 et s’est poursuivi une décennie pour voir émerger, à l’autre bout du tunnel, une population hagarde qui n’en revient pas d’être toujours là, survivante d’une période dont elle ne s’est toujours pas expliqué les causes frappées du sceau du secret d’histoire.

    L’ordre du jour n’a pas changé.

    Un groupe s’approprie le chronomètre national et remonte son mécanisme selon son propre temps social jusqu’à ce qu’arrive un « nouveau maître » des temps. Un cycle de rapine et de violence s’ouvre. Dans son arrogance, Pharaon a voulu infléchir la prophétie. Mais Moise a trouvé refuge dans les eaux du Nil. Dieu n’a pas doté l’Algérie d’un fleuve biblique mais un torrent souterrain travaille les fondations de la maison commune en permanence. Il prend différentes formes même s’il s’exprime très souvent contre l’autorité centrale.

    Irrédentisme communautaire en Kabylie avec ses excroissances sécessionnistes, opposition de la société civile avec son étendard planté en permanence à In Salah face à la loi sur les hydrocarbures qui lève le verrou sur l’exploitation du gaz de schiste, « guerre par procuration » entre mozabites et Chaâmbi à Ghardaïa, purges, infiltrations et faits du prince au sein des partis politiques qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité avec leur tête de file indéboulonnables jouissant de pouvoirs insoupçonnés pour fructifier des affaires familiales et appauvrir le débat social, Etat coupé de la société, terrorisme frémissant, toujours prêt à bondir, à frapper, Bel Abbès, Ouargla, Skikda, Béjaïa, partout… des mouvements de contestation rejettent « la fête de la musique » et demandent du travail en adressant un sévère avertissement aux « autistes » tapis dans les wilayas, les ministères et la présidence en organisant à la place de ces concerts des prières publics collectives encouragées par des loups sortis tout droits de nos peurs et errances.

    Kamel Daoud chroniqueur et écrivain controversé écrit :

    « Le populo-islamisme devient une affaire grave. Cela réactive le trauma de la guerre des années 90 et annonce des jours mauvais. Cela fait peur. N’en déplaise aux amateurs du déni, aux explicateurs aériens par leur « expertise culturelle », il s’agit d’une contestation idéologique : on revendique le développement et la justice sociale en expliquant que les concerts de chants sont une dépense inutile. Le fait-on pour les dépenses d’un match de football ? Non. Le fait-on contre les immenses dépenses de ministères de rente comme celui des anciens Moudjahidines ? Non, les idéologues islamistes n’oseront pas, ils savent que faire annuler un festival par des prières est moins risqué que de s’attaquer directement aux sources de rentes du Régime. Parle-t-on du coût de la corruption ce que cela induit comme sous-développement local ? Non. On préfère la prière de rue, à la manière du FIS, contre des festivals de chants car c’est « rentable », plus facile, moins risqué et plus « rassembleur ». Cette méthode pose les jalons d’une perception des dépenses publiques « haram/hallal ». Pas ceux d’une contestation contre des abus. Elle est ciblée. Son but n’est pas la justice mais la négociation. Elle trompe la foule. Ce n’est pas un front de révolte, c’est un Front de Salut, islamique »

    Djmawi Africa, un groupe de musique Gnawa fondé à Alger dans une université il y a une quinzaine d’années, se met en scène sur une photo (dos tourné à l’objectif de l’appareil photo, face au mur, une table où sont mis en évidence leur instrument de musique) sur le même modèle que postent les services de communication de la police, de la gendarmerie ou de l’armée quand ils neutralisent une bande de malfaiteurs ou de terroristes.

    Les médias ont jugé, commenté et pris position sans aucune enquête sérieuse. Le journal El-Fajdr a traité les personnes qui ont « saboté » la soirée à Ouargla « d’arriérés et d’extrémistes dangereux, voire de terroristes ». Des habitants ont aussitôt réagi et ont déposé plainte contre ce journal pour injures, offense et incitation à la haine. Une plainte similaire a, également, été déposée contre Chourouk News TV.

    Je suis intervenu sur mon mur Facebook en écrivant :

    Le courant islamiste est une réalité en Algérie. Il travaille la société en profondeur depuis des lustres. Mais de là à insulter un mouvement de protestation qui est resté jusqu’à preuve du contraire pacifique est maladroit à mon avis. Un journal se doit d’abord d’enquêter et de vérifier. C’est trop facile de rester derrière son bureau dans une température climatisée et de s’en prendre à un groupe indéfini. C’est par ces pratiques du mépris et de la hogra qu’on cristallise la haine et qu’on prépare le lit de l’intolérance. Combien de jeunes qui ont cru manifester pour une vie décente se sentent aujourd’hui offensés ? Région arabophone, les mots exprimés dans un article écrit en arabe à plus d’effet. Traitons avec intelligence et compréhension la mal vie des gens. Parce que celle-ci est réelle. Quand tout se ferme devant moi, ne venez pas m’inviter à danser.

    Quel rôle, quelle responsabilité, quelle mission au journaliste. J’ai exercé ce métier plus de trente ans. Je voudrais questionner le temps, appeler des témoins, brandir des documents, écouter le râle de celui qu’on égorge, ne pas détourner le regard face aux larmes de celle qu’on harcèle et licencie injustement.

    Au-delà de leurs engagements éditoriaux ou de leurs intérêts prosaïques, les journalistes sont une conscience qui se cherche.

    Messagers de la guerre ou de la paix ? Comment accompagner pacifiquement le changement auquel on aspire tous ?

    Cet essai remonte le temps pour dessiner le profil du journaliste et rappelle certaines étapes essentielles qui ont modifié sa façon de travailler.

    Une fresque épique que je propose dans cet essai. On verra Ahmed Ben Bella au faîte de sa gloire s’en prendre aux médias. Déchu, quasiment oublié, il connaîtra l’amour et se mariera avec une journaliste. On verra Houari Boumédiène maladroit gagner en assurance pour, enfin, devenir l’alpha et l’oméga de l’État et de la société. Chadli Bendjedid désemparé au moment où les États Unis dévaluent le dollar et les cours du baril de pétrole s’effondrent. J’exhume des noms de journalistes oubliés, inconnus aujourd’hui. Pourtant, ils ont accompagné avec une plume élégante, révoltée, incisive, attendue par les chancelleries, reprises par les médias étrangers la voix de l’Algérie révolutionnaire et sa marche au pas de charge du développement.

    Bientôt le mur de la réalité, le doute, la révolte, la répression. Voguant sur une mer de sang des hordes terroristes vont, durant une décennie, commettre les pires crimes.

    1988 : Le général Khaled Nezzar est investi des pleins pouvoirs de police pour assurer la sécurité. Froid, jetant dans les rues d’Alger des troupes formées dans les techniques de la guerre pour mater des adolescents.

    1990 : Abassi Madani porteur d’une ambition capable de dévorer tout un pays se voit empereur. Ali Belhadj, apôtre, veut porter la toge avec à la main, en guise de sceptre, un glaive.

    On verra la douleur et la rage, le désespoir, des rêves brisés.

    2005 : On verra aussi sur les cendres naître un nouvel espoir.

    On sera tenté de ne voir, dans cet essai, qu’un hommage à une profession. Il s’agit plus que de cela. Un témoignage sur une période sociale que j’ai vécue et que je tente de décrypter à partir de la pratique journalistique. C’est dans ce passé récent que se trouve une grande partie des éléments qui expliquent notre présent et préparent notre avenir.

    Trop longtemps, la plume du journaliste a caressé ce rêve d’être « unpouvoir » conçu uniquement comme un front contre tous les autres pouvoirs. Une construction mentale qui a fini par emporter cette profession dans des aventures, plus ou moins heureuses, plus ou moins intelligentes dans un rapport conflictuel et de fascination-répulsion vis-à-vis des autres cercles d’influence¹⁰.

    C’est cette brève histoire que je déroule.

    _____________________________

    Notes

    1. Par analogie à la guerre de libération nationale, El Djihad al Akbar, c’est la mobilisation de tous pour venir à bout du sous-développement.

    2. Mustapha Toumi, né à la Casbah d’Alger en 1937 était un poète, parolier et auteur de la chanson chaâbiSobhane Allah Ya Eltif immortalisée par cheikh El hadj M’hamed El Anka. Un poème qui parle d’injustice sociale, de corruption et de nombreux maux qui gangrènent la société. « Je ne suis pas cultivé. Mais, j’ai eu pour maîtres la faim et le dénuement. ». Engagé, il a activé durant la guerre de libération nationale à la radio clandestine « la Voix de l’Algérie libre et combattante ». Il a publié plusieurs de ses poèmes dans Alger républicain et a été un collaborateur de Serge Michel dans Alger Ce Soir. Mustapha Toumi est décédé le 3 avril 2013 à Alger.

    3. Paul RICŒUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Éd. du Seuil, 2000, p. 149. « ….L’Algérie offre l’image d’un pays qui vit mal une absence manifeste de l’autorité publique, un Etat déliquescent, une population traversée par un désespoir qu’explique la perte de ses repères et de ses valeurs, une crise économique appréhendée davantage comme une conséquence d’une mauvaise gouvernance que comme fatalité, une baisse du pouvoir d’achat, une hausse du taux de chômage, une succession d’«affaires» où la corruption et la rapine ont gangrené aussi bien l’appareil économique que les institutions et les esprits…. » ose écrire Ghediri Ali  , Général-major à la retraite bravant l’obligation de réserve qu’il est censé observer dans une  contribution : « L’élection présidentielle de 2019 : Entre espoirs et périls » El Watan , 12 novembre 2018

    4. La Proclamation du 1er novembre 1954 promet « la restauration de l’état algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques et le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions. »

    5. Le 29 mai 2017, 701 kilos de cocaïne sont saisis au port d’Oran. Des changements d’une ampleur inédite font trembler les services de sécurité. Le général-major, Menad Nouba, commandant en chef de la gendarmerie nationale, Abdelghani Hamel, général-major, patron de la police, le directeur national des renseignements généraux, Djamel Bendarradji, Khalifa Ounissi, directeur de la police de l'air et des frontières , plusieurs chefs de sûreté de wilaya, le général-major Boudjemaâ Boudouaour, directeur des finances du ministère de la Défense Nationale… sont limogés. Cinq généraux-majors Saïd Bey, Habib Chentouf, Abderrazak Chérif, Menad Nouba, et Boudjemaâ Boudouaouer sont arrêtés et relâchés. Un effet boule de neige qui n’épargne pas l’ensemble  des directeurs départementaux de la police, des officiers de transmissions, certains commissaires même au niveau local ou de quartier. Un remplacement rapide, massif, brutal.

    6. Pour avoir une idée sur « Fawzi », se reporter à la section, En Liberté conditionnelle.

    7. Dans un message audiovisuel diffusé à partir de Londres, Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle (en exil) déclare : « J’appelle le peuple kabyle, à accepter de bonne grâce et en toute conscience la mise sur pied d’un corps de contrainte, d’une organisation de sécurité de la Kabylie. Pourquoi je le fais ? C’est parce que, sans autorité, nous ne serons que des troubadours, je suis moi-même un troubadour, mais nous n’aurons jamais de prise sur le réel, nos enfants continueront à aller à l’école de l’aliénation et à se faire tabasser dans la rue par la police coloniale à chaque fois qu’ils descendent pour protester. Il faut que l’autorité coloniale soit remplacée par l’autorité kabyle. J’appelle même la jeunesse à s’engager dans ce corps de contrainte, ce corps de sécurité, chacun aura une mission noble à l’intérieur. »

    8. Le 30 juillet 2018, une attaque terroriste à Azzaba, dans la wilaya de Skikda, s’est soldée par la mort de 7 soldats et 14 grièvement blessés. La riposte menée par les éléments de l’armée a permis de neutraliser une partie de ce groupe évalué à une quinzaine de terroristes : Hamoudi Ammar, dit Abou Derrar, Yousfi Khaled, dit Kaâkaâ, Douaoudi et MezhoudMouadh, dit Mourad Abou Abed Salem qui avaient rejoint les groupes terroristes respectivement en 1994,2008 et 2009. Skikda située à moins de 200kms des frontières tunisiennes est devenue dès 1990 une zone de passage et de repli successivement pour l’Armée Islamique du Salut (AIS), le GIA, AQMI. Abdelmalek Gouri (dit Khaled Abou Slimane, 1977 – 2014) a été émir de la katiba El-Arkam d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ensuite chef de Jund al-Khalifa fi Ard al-Jazaïr (soldats du Califat en terre algérienne) affilié à DAECH.

    9. Béchar, Ouargla, Bejaia, El Oued, Boumerdès… annulent fin juillet, début août 2018 les activités artistiques programmées dans le cadre de l’animation culturelle de la saison d’été. Une prière de rue à Sidi Bel-Abbés est organisée pour empêcher la tenue du festival de la musique raï. A Tébessa, des salafistes font irruption lors d’un concert de musique et font arrêter le concert en intimidant l’assistance. Les mots d’ordre partent systématiquement des réseaux sociaux.

    10. Durant les années 1970, Johan Galtung, fondateur des études sur la paix constate que les journalistes confondent conflit et violence. Les médias privilégient l’effet « bang-bang » comme en scénarisant les faits et paroles des élites, les groupes vulnérables n’étant que rarement évoqués. « Lessolutions « douces sont méconnues, les solutions « dures » surestimées, et les responsabilités unidirectionnelles. »

    Pourquoi cet essai ?

    Je dois à des anciens de l’Information et de la Communication, qui ont lancé sur Facebook un Cercle pour réunir les gens de la plume que l’écume des jours tente de précipiter dans l’oubli, l’idée de cet essai1. Il ne s’agit pas d’une crispation sur le passé ni d’une tentative d’imposer à la marche du temps le rythme du passé simple ou de l’imparfait conjugués à la première personne du singulier. Il ne s’agit pas, non plus, d’avoir le retrait du « souffleur à la troisième personne » sur la scène de l’Histoire, mais, plutôt d’une tranche de vie à travers mon expérience dans les médias.

    J’ai vécu les débuts de ce Cercle sur le net et assisté à ce « déferlement » de photos publiées sur des parcours passés, des voix tues, des silhouettes disparues. J’ai vu aussi des anciens rendre hommage à leurs pairs. Des noms, des trajectoires, des expériences, des situations sorties de l’oubli et de l’anonymat. « Un tourbillon dans le fleuve de la mémoire » pour paraphraser Walter Benjamin.

    J’ai lu leurs appels. Un espace providentiel pour demander des nouvelles d’un collègue, d’un confrère, d’un ami disparu, perdu de vue. Et cette info qui tombe : « décédé, malade, hospitalisé, vivant reclus quelque part en Algérie ou à l’étranger ». Ces mots écrits sur le mur du Cercle qui déchirent le voile du silence en demandant s’il y a quelqu’un de l’autre côté de ce mur de l’oubli.

    « J’ai assuré, à ses côtés, la matinale durant la décennie noire au siège de la Chaîne 3 de l’époque (Zabana). On enchaînait le Journal parlé de 23 h avec celui du lendemain 7 h. Pour des raisons de sécurité, on passait la nuit sur un lit de camp sur place pour ne pas prendre de risque de rentrer le soir. Quelqu’un a-t-il de ses nouvelles ? » (Nafissa Berkache, C*)², une bouteille à la mer que le Cercle a rendu possible face au désert que les aléas de la vie ont imposé au présent. On les imagine « stylo aux doigts, bloc-notes frémissants ».

    Pourquoi ne pas consigner, noter cette masse d’informations qui a accompagné ces photos ? J’ai toujours été frappé par le travail exécrable de la vie sur notre histoire. Cette indolence qui nous fait oublier l’essentiel. J’ai enseigné l’histoire des médias à l’université et ça m’a aidé à prendre conscience de la nécessité de déchirer le voile de l’oubli. « Les souvenirs sont nos forces. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume des flambeaux. » Victor Hugo.

    Celui qui veut jeter un œil « indiscret » sur la presse algérienne nationaliste est frappé par sa richesse, sa diversité mais bute sur le peu d’études disponibles. Les biographies des bâtisseurs et des acteurs de la presse postindépendance sont rares. Celles de leurs successeurs également. Et on se dirige vers le même scénario pour les journalistes qui ont émergé à partir des années quatre-vingt quand la presse écrite va connaître une rupture avec l’ancien système où seule la presse publique était admise et reconnue. Les anciens partent… en silence, aspirés dans les « trous noirs » de la mémoire et les nouveaux arrivent… sans histoire.

    « Je me rends compte que nous savons très peu de choses sur les femmes et les hommes qui constituent la corporation. Beaucoup de nos « pères » nous ont quittés prématurément. Les uns emportés par la furie meurtrière qui a endeuillé notre pays, une décennie durant, les autres, partis doucement sans faire de bruit. C’est à peine si nous nous sommes aperçus de leurs départs », a écrit l’ancienne P-DG d’Horizons et d’El Moudjahid dans une revue consacrée à ceux qui ont tracé les premiers sillons de la presse écrite.

    Au moment où j’écrivais cet essai, deux anciens journalistes El Hadi Merad de l’APS et Abdelkrim Mehennidit Kerroum d’Alger républicain sont partis dans l’anonymat le plus total. N’eussent été des parents à eux qui travaillaient dans la presse, personne n’aurait entendu parler d’eux. Un autre regard, une autre mémoire, encore une expérience de vie qui part sans laisser de trace. Combien sont-ils en ce moment à livrer leur dernière bataille au seuil de l’au-delà ? 28 août 2018, Yazid Ait-Hamadouche dont la voix chaleureuse estconnue à travers les émissions Serial Tagueur et Menthe à l’eau, paraplégique, décède à la suite d’une complication chirurgicale au CHU de Kouba, à Alger. Sur son mur Abdelkrim Meziani écrit : « la jeunesse branchée algérienne vient de perdre l’un de ses plus ardents défenseurs et promoteurs. Il était de routes les luttes sur le front culturel à l’effet de faire reculer l’intolérance pour mieux sacraliser le droit à la différence artistique et culturelle ».

    J’abhorre cette tradition « algérienne » qui nous fait exhumer le nom ou le parcours de personnes uniquement à leur mort. Ignorés durant leur vie, voilà que morts ils deviennent une marchandise. Que de fois avons-nous vu des officiels toute honte bue se faire accompagner de photographes et de cameramen pour fixer des moments où la pudeur incite à la retenue, à la réserve. Dieu, préserve-moi, au moment ultime, d’une pareille mascarade !

    Ce « désert des mémoires » semble se poursuivre. Si les contributions font flores sur le système politique avec leurs inévitables références et informations puisées dans des médias, ces derniers semblent, pour l’instant, échapper au regard des historiens. Certes, il existe quelques productions mais elles restent, pour l’instant, éparses, embryonnaires par rapport à leur diversité et surtout compte tenu des étapes et des épreuves qu’ils ont traversées.

    Une période qui a bouleversé le monde de la presse, je parle des évenements d’octobre 1988 et de la décennie sanglante qui s’en est suivie a été très peu étudiée par les principaux concernés. Les livres qui emergent dans cet océan de douleur, de remise en cause et de sang pour marquer face à l’oubli cette douleur se comptent sur les doigts d’une seule main. (3) Chaque 5 octobre, les médias reviennent sur cette tragédie en exhumant les mêmes discours, particpant, de fait, à fabriquer l’oubli à force de reproduire au lieu de produire une connaissance.

    Il est navrant de constater que, plus d’un quart de siècle après, la liste complète et précise des journalistes et hommes de culture qui ont été assassinés durant la décennie noire ne soit pas établie d’une façon rigoureuse. Leur biographie encore moins. Et c’est la moindre des choses que de l’évoquer aujourd’hui. On leur doit de pouvoir maintenant vivre en famille, sortir, apprécier la douceur et goûter à l’amertume de la vie.

    Tout aussi navrant de constater que le nom de Sid-Ali Benmechiche, journaliste à l’APS, ne figure pas sur la plaque à la place de la Liberté de la presse du 1er Mai (Alger) érigée à la mémoire des journalistes morts emportés par la fureur durant la décennie noire. Titulaire d’une licence d’anglais, il a préféré le journalisme à l’interprétariat .Fils de chahid, enfant de Climat de France (Oued Koriche), il est tombé dans la fusillade qui a éclaté le 10 octobre 1988 devant le siège de la DGSN à l’issue de la marche dirigée par Ali Belhadj depuis la mosquée de « Kaboul » jusqu’à Bab El Oued et qu’il a préféré couvrir lui-même que d’envoyer un de ses reporters. Le trajet de la marche était lui-même porteur de risque. Impossible que les marcheurs puissent étaler la force de leur nombre dans les ruelles étroites de la Casbah  .La géographie a donc imposé le circuit. Che Guevara, place des Martyrs, rue de Bab-El-Oued, l’esplanade de la DGSN, l’avenue Ahmed Boubela (ex-La Marne), l’avenue colonel Lotfi (ex- Bouzaréah), l’avenue Askri Ahcène (ex-général Verneau). Trop facile pour un acte prémédité. Le natif de Bordj Menaiel ne retraversera pas le portail numéro 7 de Che Guevara. Sid-Ali Benmechiche,un nom gravé sur une plaque de marbre couverte de suie et de dépôt de toutes sortes, scellée on ne sait trop comment à l’entrée d’un immeuble vétuste, qui menace ruine abritant le bureau d’El Moudjahid à Oran et les services techniques de l’APS .

    Dans un échange entre membres du Cercle, j’ai noté cet appel : « Invoquer les morts leur évite de sombrer dans l’oubli, perpétue leur rêve et permet aux vivants de se réconcilier avec eux-mêmes… L’initiative du Cercle des anciens de la communication et de la culture va dans ce sens : elle entend rendre hommage à ceux qui

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