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UN HOMME À ABATTRE

Quand Jean Wyllys s’envole vers l’Europe à la fin du mois de décembre 2018, c’est officiellement pour profiter des vacances parlementaires. Destination Madrid. À cet instant, l’escorte policière qui accompagne le jeune député de Rio pourrait nourrir des soupçons. Pourquoi ces trois grosses valises pour un court séjour touristique ? Pourquoi a-t-il tant pleuré en quittant sa mère, ses frères et sœurs ? Pourquoi s’est-il effondré la semaine précédente dans les bras de sa cheffe de cabinet ? Mais le doute n’entre pas dans les compétences des trois policiers chargés de le protéger. Six mois plus tôt, l’une de ses amies, Marielle Franco, militante LGBT et conseillère municipale de Rio, a été sauvagement assassinée. La menace est là, chaque jour plus présente, plus intime aussi. Dans la rue, Jean Wyllys se fait parfois bousculer, traiter de « pédé ». Alors quand il embarque pour l’Europe, il a le cœur serré. Il sait qu’il ne reviendra pas – pas tout de suite. Et quitter le pays, pour un Brésilien normalement constitué, est un déchirement, une désertion, comme si un gardien de but quittait le terrain en plein match.

Les semaines suivantes, le voilà à Madrid. Le ciel est sombre, il fait un froid de gueux. Élu député pour la troisième fois consécutive, il a observé la flambée de violences qui a suivi l’élection de ce président d’extrême droite, outrancier et vulgaire, Jair Bolsonaro, notamment contre les gays et les transsexuels. Le 20 janvier, près de São Paulo, un fanatique a tué puis arraché le cœur d’une trans de 35 ans pour y placer une image pieuse. Wyllys finit par donner des nouvelles sur Twitter : « Préserver une vie menacée est aussi une stratégie de lutte vers des jours meilleurs. » À l’occasion d’un entretien téléphonique avec le quotidien Folha de São Paulo, il confirme son exil et indique renoncer à son mandat. La famille Bolsonaro, le père et ses trois fils (versés eux aussi dans la politique), applaudit avec ironie la décision sur les réseaux sociaux : « Bon débarras. »

Ce départ rappelle les années noires de la dictature militaire instituée en 1964, quand opposants politiques, artistes, professeurs, scientifiques fuyaient clandestinement le Brésil. En 2019, avec le retour de la droite fasciste et nationaliste au pouvoir, ils sont une poignée à partir, de leur plein gré et par répugnance face à un gouvernement où figurent de nombreux généraux qui ne jurent que par la Bible, affirme que les filles doivent s’habiller en rose et les garçons en bleu, qui soutient accessoirement que la terre est plate et que le national-socialisme est un modèle culturel. Surnommé (le mythe) par ses partisans, l’ex-capitaine Bolsonaro promet qu’avec lui « les Indiens n’auront plus un centimètre carré de terre » et

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