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Green-Eyed Monster: Un roman policier passionnant
Green-Eyed Monster: Un roman policier passionnant
Green-Eyed Monster: Un roman policier passionnant
Livre électronique247 pages3 heures

Green-Eyed Monster: Un roman policier passionnant

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À propos de ce livre électronique

Deux meurtres et un rituel identique : une créature aux yeux verts peinte sur la scène de crime. 

Qu’arrive-t-il à Ellis Greene ? Il a tout pour être heureux. Le voilà promu chef de groupe à la brigade criminelle de Paris, après une brillante carrière dans la police. Pouvait-il rêver mieux, lui qui, vingt-cinq ans plus tôt, quittait son Amérique natale sans un sou en poche ? Mais il se sent malade : il a des trous de mémoire, des absences… Les médecins soupçonnent un Alzheimer précoce. On lui conseille de prendre un congé en attendant les résultats. Mais pour Ellis, il n’est pas question de quitter la brigade. Il vient de mettre au jour les agissements d’un tueur en série. Deux meurtres, et un rituel identique – une créature aux yeux verts peinte sur la scène de crime. Qui est donc ce tueur insaisissable ? Ellis veut en avoir le cœur net. Alors, il suit la piste du tueur aux yeux verts, malgré son état de santé, et les soupçons grandissants de sa hiérarchie.

Suivez les investigations d'Ellis Greene qui, malgré l'interdiction de ses médecins et de ses supérieurs, part à la poursuite du tueur aux yeux verts.

EXTRAIT

Je me réveille, et je pense à la maladie. A-t-elle gagné du terrain ? Quel souvenir ai-je perdu ? Je tourne la tête et je vois les cheveux d’Anna sur l’oreiller. Parfois, cette image suffit à me faire recouvrer la mémoire. Les autres jours, je délire un peu ; je m’imagine dans un vieil hôtel de Karikal, et il me faut des heures pour reconnaître la maison.
Je ne suis plus flic depuis quelques mois. Mais il hante encore mes cauchemars. Le tueur aux yeux verts, comme l’a surnommé la presse – mais avec mon équipier, on l’appelait le green-eyed monster.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Âgé de 20 ans, étudiant en commerce à Lille, Benjamin Van-Hyfte se consacre en parallèle à l’écriture. Originaire du Nord, il est passionné de littérature depuis l’enfance. Les lectures de James Ellroy et de Trevanian l’ont inspiré pour l’écriture de son premier roman policier.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie30 janv. 2017
ISBN9782359628029
Green-Eyed Monster: Un roman policier passionnant

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    Aperçu du livre

    Green-Eyed Monster - Benjamin Van-Hyfte

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    Table des matières

    Résumé

    Green-eyed Monster

    ÉPILOGUE

    Dans la même collection

    Résumé

    Qu’arrive-t-il à Ellis Greene ? Il a tout pour être heureux. Le voilà promu chef de groupe à la brigade criminelle de Paris, après une brillante carrière dans la police. Pouvait-il rêver mieux, lui qui, vingt-cinq ans plus tôt, quittait son Amérique natale sans un sou en poche ? Mais il se sent malade : il a des trous de mémoire, des absences… Les médecins soupçonnent un Alzheimer précoce. On lui conseille de prendre un congé en attendant les résultats.

    Mais pour Ellis, il n’est pas question de quitter la brigade. Il vient de mettre au jour les agissements d’un tueur en série. Deux meurtres, et un rituel identique – une créature aux yeux verts peinte sur la scène de crime. Qui est donc ce tueur insaisissable ? Ellis veut en avoir le cœur net. Alors, il suit la piste du tueur aux yeux verts, malgré son état de santé, et les soupçons grandissants de sa hiérarchie.

    Âgé de 20 ans, étudiant en commerce à Lille, Benjamin Van-Hyfte se consacre en parallèle à l’écriture. Originaire du Nord, il est passionné de littérature depuis l’enfance. Les lectures de James Ellroy et de Trevanian l’ont inspiré pour l’écriture de son premier roman policier.

    Benjamin Van-Hyfte

    Green-eyed Monster

    Thriller

    ISBN : 978-2-35962-802-9

    Collection Rouge

    ISSN : 2108-6273

    Dépôt légal fevrier 2016

    ©Ex Aequo

    ©2016 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    À Loïc et Juliette,

    Relecteurs assidus.

    À la team. Ils se reconnaîtront.

    1

    Je me réveille, et je pense à la maladie. A-t-elle gagné du terrain ? Quel souvenir ai-je perdu ? Je tourne la tête et je vois les cheveux d’Anna sur l’oreiller. Parfois, cette image suffit à me faire recouvrer la mémoire. Les autres jours, je délire un peu ; je m’imagine dans un vieil hôtel de Karikal, et il me faut des heures pour reconnaître la maison.

    Je ne suis plus flic depuis quelques mois. Mais il hante encore mes cauchemars. Le tueur aux yeux verts, comme l’a surnommé la presse – mais avec mon équipier, on l’appelait le green-eyed monster.

    Je ferme les yeux et je revois le plancher couvert de sang. Ironie du sort. Cette image, que je hais, reste gravée en moi pendant que mon cerveau efface toutes les autres. 

    J’écris cette longue note pour enfermer le souvenir du monstre au fond d’une étagère. Drôle d’idée, non ? En général, on écrit pour se souvenir. Ce soir, au contraire, j’écris pour oublier.

    Tout commença en mars 2014. J’étais alors chef de groupe à la crim’ du Quai des Orfèvres. Mon équipe fut saisie d’un assassinat, dans un appart du dixième. La victime s’appelait Arthur Klein.

    En arrivant sur la scène de crime, je vis d’abord Joseph Narboni. Je le connaissais bien. C’était un vieux briscard de la police scientifique. Un spécialiste de la citation. Ce jour-là, penché sur le cadavre, il murmura :

    — L’œil était dans la tombe, et regardait Caïn…

    — Tu comptes entrer dans les ordres, Narboni ? C’est drôle, j’ai toujours cru que tu étais athée.

    — Ce n’est pas la Bible, mécréant, ce sont des vers. Et s’il faut trouver quelque chose à écrire sur la pierre tombale de notre macchabée, je pense qu’ils conviendront.

    — Pourquoi donc ?

    — Jette un œil.

    Il s’écarta un peu et désigna le cadavre avec son bistouri. Arthur Klein était allongé par terre, nu. Une corde épaisse liait ses poignets au bas de ses mollets. Les fibres avaient entamé sa peau. Des lésions, au moins une quarantaine, couraient le long de son torse. Sur chacune, le sang coagulé avait formé une auréole d’un noir poisseux. Comme des morsures de serpent.

    Il y avait une longue plaie, à la gorge, suffisamment nette pour trancher la carotide et provoquer le décès. Sa bouche était entourée par un bâillon.

    En promenant mon regard ailleurs, je compris ce qui avait motivé la remarque de Narboni : deux yeux verts, surmontés de deux petites cornes, étaient dessinés sur la cuisse du cadavre.

    — Un tatouage ?

    — Non. Dans les deux cas — les yeux et les cornes — c’est de l’aquarelle toute simple qui a été utilisée. Touche un peu, si tu en doutes, l’américain.

    L’américain. C’est le surnom que m’avait trouvé Narboni, à cause de mon prénom anglo-saxon. Ellis Greene. Parti des States depuis trop longtemps pour avoir gardé ne serait-ce qu’une nuance d’accent.

    Je pressai mon doigt sur ce que j’avais pris pour un tatouage. Aussitôt, l’œil se déforma et laissa apparaître des incisions le long de l’iris.

    — De la peinture séchée, rien de plus, commenta Narboni. Et vu la réaction de la peau, elle a sûrement été appliquée post-mortem.

    — Et pour les lésions sur le ventre ?

    — L’homme a été longuement battu. Je suis presque certain que les coups ont été faits avec une crosse. Ça ressemble fort à des impacts de palette. La victime était encore vivante à ce moment-là, vu la coagulation du sang. Étant donné l’angle des blessures, l’assassin doit mesurer cinq à dix centimètres de plus que sa victime. Les plaies sur le haut du torse sont plus profondes, ce qui confirme cette idée.

    — Et pour la blessure à la gorge ?

    — Faite à l’arme blanche, avec une lame très courte. C’est un coup fulgurant, rapide. Je pense à un poignard, ou une lame plus fine encore. Peut-être un couteau à huître. C’est cette blessure qui a provoqué le décès.

    — L’heure de la mort ?

    — Entre deux heures trente et trois heures du matin. Le légiste confirmera.

    — En pleine nuit. Pas étonnant pour quelqu’un qui a prévu de dérouiller sa victime avant de l’assassiner. 

    — Oui, c’est sûr…

    Quelque chose dans sa voix me fit penser qu’il était préoccupé.

    — Quoi ?

    — Rien, rien…

    — Arrête, je vois bien que ça fourmille d’hypothèses sous ce petit crâne chauve.

    — J’ai juste l’impression que quelque chose cloche.

    Il montra de nouveau le cadavre :

    — Dis-moi franchement : tu trouves que ce type a l’air d’un caïd ?

    — Pas vraiment… C’est un comptable, à ce qu’on m’a dit. Un locataire discret.

    — Pas vraiment, répéta Narboni en clignant de l’œil. Alors, j’ai du mal à comprendre pourquoi ce type sans histoires s’est fait zigouiller par un tueur chevronné, et assez timbré pour dessiner une peinture sur la cuisse de sa victime.

    — Qu’est-ce qui te fait dire que ce gars est chevronné ?

    — Eh bien, tout ça est trop propre pour un amateur. Pas un cheveu, pas une fibre, pas une empreinte. L’assassin a même nettoyé les doigts du cadavre pour qu’on ne retrouve pas de chair sous les ongles. C’est du travail de pro. Quelque chose me dit qu’il portait des vêtements de protection, tout comme nous.

    Pour illustrer son idée, Narboni tapota la charlotte qui recouvrait son crâne dégarni.

    — Autrement dit, tu penses que l’assassin et la victime forment un drôle de couple.

    — Je ne pense rien. Je ne fais que constater. Et mon constat, c’est que le mode opératoire ne colle pas avec le profil de la victime. Après, tu en déduis ce que tu veux. Penser, c’est ton job, l’américain.

    La mort de Klein coïncida avec l’entrée à la crim’ d’une nouvelle recrue : Guillaume Crombez, la trentaine, et deux ans et demi de carrière aux stups. Schneider, mon patron, me chargea de former Crombez les premières semaines, et de veiller à sa bonne intégration dans mon groupe d’enquête.

    C’était un lundi matin, et je broyais du noir avant même que le procureur nous passe un coup de fil. L’idée d’avoir ce Crombez dans les pattes m’agaçait plus qu’autre chose. Ce n’était pas de la mauvaise volonté ; juste que j’avais entendu des trucs sur ce type. On disait qu’il avait fait foirer une saisie de coke, d’où son départ précipité des stups. La façon dont Schneider me présenta le bonhomme ne fit rien pour me rassurer.

    — Veille bien sur lui, Greene. C’est un bon flic, il a un grand potentiel. Il est juste un peu sanguin.

    Pour une bleusaille de soixante kilos, avoir le sang chaud peut être une qualité. Mais en feuilletant le dossier de Crombez, je découvris qu’il avait la carrure d’un boxeur poids lourds, et qu’il avoisinait le mètre quatre-vingt-dix.

    — Et je suis censé faire quoi s’il s’énerve ?

    Amine leva les yeux de son journal. Lui et moi partagions le même bureau depuis huit ans — un record à la crim’ — et chacun avait pris l’habitude d’écouter l’autre d’une oreille attentive. Une sorte d’accord informel, car en règle générale, nous étions tous les deux de très mauvais confidents.

    — Tu lui mets un coup de Taser.

    — Je ne sais pas si Schneider avait ça en tête quand il m’a demandé de veiller sur lui.

    — Qui sait ce qu’il a en tête ? Schneider a tellement potassé le management à l’anglo-saxonne que quand un flic prend la porte, il préfère dire que notre cher collègue s’envole vers d’autres horizons.

    Il mima des guillemets, pour m’assurer que la citation était authentique.

    — Mmh. Mais alors, quel adjectif il faut deviner quand on me dit que Crombez est sanguin ?

    Amine haussa les épaules, et proposa :

    — Bourrin ?

    Mon rire retentit jusque dans le couloir, où passaient deux lieutenants qui jetèrent un regard curieux dans ma direction.

    — Vu son physique, je ne serais pas étonné.

    — Il bossait où, avant ?

    — Aux stups. Deux ans et des poussières.

    — Qu’est-ce que ça apprend, un bleu aux stups ? Ça sait taper à la machine ? Faire du café ?

    — J’en sais rien. En tout cas, ça sait écouter. J’étais censé le rencontrer à onze heures, mais il est midi passé et Schneider lui tient toujours le crachoir.

    Je le savais, car, quelques minutes plus tôt, j’étais passé devant le bureau de Schneider, et j’avais aperçu Crombez à travers la vitre en verre fumé.

    Il se tenait debout, la tête légèrement inclinée. Sa silhouette était si imposante qu’elle donnait l’impression de remplir tout l’espace du bureau, et en le voyant se balancer d’un pied sur l’autre, j’avais presque été soulagé que les murs ne s’effondrent pas.

    Je n’étais pas entré. Mieux valait laisser Schneider finir sa leçon de morale sur les qualités du flic modèle. Tous les nouveaux venus passaient par là. J’y avais échappé, uniquement parce que Schneider était toujours à l’école de police quand je posais mes cartons au premier étage du 36.

    Et parce que, l’année de son parachutage à la crim’, il avait appris, à ses dépens, qu’Ellis Greene n’acceptait pas d’autres sermons que ceux du pasteur.

    Ma première rencontre avec Crombez eut lieu le même jour, vers seize heures, sur la scène de crime. Je consultais le contrat de location de Klein, quand j’entendis Claire, qui m’appelait depuis le balcon.

    — Greene ! Je pense que ton élève est arrivé…

    Je sortis. En me penchant sur la balustrade, je vis un homme aux dimensions d’ogre, rajeuni par des cheveux très clairs qu’une raie soignée séparait en deux. Il était courbé, dans la cour intérieure de l’immeuble, une main collée contre la gouttière ; il vomissait.

    Je descendis les escaliers, en me demandant s’il vomissait à cause du cadavre, ou bien parce que le long entretien avec Schneider avait eu raison de ses tripes.

    — Lieutenant Crombez ?

    Je lui tendis un mouchoir. Il s’essuya la bouche, se releva et me fit face. Je découvris sa tête, qui dépassait la mienne de quelques centimètres.

    Ma surprise fut telle que je reculai d’un pas. J’attendais un visage buriné, un nez écrasé par les coups, un regard bovin. Le visage de Crombez était tout l’inverse : fin, harmonieux, allongé par un long nez retroussé… Et percé par deux yeux brûlants, où l’on pouvait lire autant de crainte que de défi.

    Avant d’être appelé sur la scène de crime, j’avais feuilleté ses états de service.

    Mandelbaum, son mentor aux stups, avait écrit : « vif d’esprit, bonne capacité d’analyse. Mais ne fait aucun effort d’intégration ; tendance à l’insubordination… » Étonnant de voir à quel point il portait sur la figure les attributs que lui prêtait son ancien chef.

    — Je suis le lieutenant Greene. Tu vas intégrer mon groupe d’enquête pour ta période de formation.

    Il voulut dire quelque chose, mais la nausée l’empêchait encore de parler. Il me fit signe d’attendre, se pencha et vomit de nouveau.

    — Ça va aller ?

    — Oui… C’est passé, merci. Désolé…

    — Bien. Hum, comme tu le vois, tout le monde est déjà au travail. Quand on arrive sur une scène de crime, les hommes de mon groupe savent ce qu’ils sont censés faire.

    Je pointai mon doigt vers le balcon, où Claire mitraillait la façade avec son appareil.

    — Par exemple, Claire est quatrième de groupe. Son rôle, c’est de prendre des photos de la scène de crime. Elle part du cadavre, et elle s’éloigne jusqu’à prendre une vue d’ensemble. Ça nous sert ensuite pour le dossier de l’enquête.

    — D’accord.

    — Pour l’instant — ça changera dans les jours à venir — tu n’as pas de rôle attitré, tu es un électron libre. Ça t’évite les tâches pénibles comme la paperasse et l’enquête de voisinage. Tu peux faire ce que tu veux. Le revers de la médaille, c’est qu’il faut te creuser la cervelle pour trouver une activité utile… Tu vois la véranda derrière toi ?

    Crombez se retourna. De l’autre côté du grillage, une dizaine de clients prenaient le café en terrasse.

    — J’ai lu sur leur devanture qu’ils faisaient des concerts trois nuits par semaine, continuai-je. Qui sait, peut-être qu’un client a remarqué une drôle d’activité la nuit dernière, dans l’immeuble d’en face. Ou, mieux encore, peut-être que le café a une caméra de surveillance braquée sur la cour intérieure… Tu devrais aller y faire un tour.

    Il acquiesça et s’en alla. Je faillis conclure par un mot de bienvenue, mais il avait disparu de la cour avant que j’ouvre la bouche.

    Crombez… Toute une histoire ! Les quatre mois que nous avons passés ensemble ont été houleux. Je l’ai haï, d’abord. Il m’a fait quelques coups bas, en retour. C’était de bonne guerre.

    Pourtant, quand la maladie empira, il fut le seul à me couvrir. Les autres m’ont cru fou. Sans Crombez, je n’aurais jamais su la vérité. Et si Crombez n’avait pas été là, jusqu’au bout, on m’aurait retrouvé raide mort, dans un mobile-home, sur un plancher sanguinolent.

    2

    J’ai encore passé trois heures, assis dans un fauteuil, à regarder fixement le papier peint. Sandra appelle ça un épisode apathique. Dans ma tête, ça ressemble à un court-circuit. Comme si une bestiole se promenait dans mon crâne et m’empêchait de penser.

    Je me rappelle de mon premier court-circuit à la brigade, le matin suivant le meurtre de Klein. C’était un jour gris. Une pluie fine battait les carreaux de la mansarde — Bureau secret (Amine et Ellis veillent au grain !) où l’on se réunissait toujours pour les briefs. Chacun s’assit dans la pièce suivant nos habitudes. Crombez, qui entrait dans le bureau pour la première fois, s’assit contre l’appui de fenêtre, un peu mal à l’aise.

    Je pris la parole sans me douter du fiasco qui allait suivre. Je fis d’abord un résumé de l’enquête préliminaire. Le témoignage des voisins ne nous avait pas appris grand-chose. L’immeuble d’en face était occupé en majorité par de vieilles Polonaises, qui avaient l’imagination fertile quand il s’agissait d’avoir entendu un bruit la nuit dernière.

    — Nous avons les informations générales sur la victime. Arthur Klein, quarante-six ans, expert-comptable. Divorcé, sans enfants. La priorité, c’est d’établir le déroulement des heures qui précèdent le meurtre. Quelles personnes ont vu Klein la veille ? Ça ne va pas être facile. Je pense que le bonhomme avait peu d’attaches. Les contacts dans son calepin et sur son mobile sont assez réduits. La plupart sont des numéros professionnels. Claire, que t’a raconté le frère Jonathan ?

    — Ils avaient prévu de déjeuner ensemble, hier midi. Quand Jonathan est arrivé à l’appartement, il a vu que la porte fermait mal et qu’on avait brisé la serrure. Il est entré et a découvert le corps. Il a appelé les pompiers.

    — Quand se sont-ils vus, dernièrement ?

    — Au réveillon. Depuis, Arthur n’a pas donné de nouvelles. Juste un coup de fil, il y a quelques semaines, pour dire qu’il commençait à travailler en freelance, à côté de son job. Il a parlé d’un cabinet d’audit, en Suisse. Il voulait travailler pour eux.

    — Ce qui explique les séjours à Zurich, ajouta Amine en brandissant le plus récent relevé bancaire de Klein. Trois transactions qui concernent le Central Hotel, et quatre faites à la gare de Zurich, depuis le vingt-six février.

    — Et aussi un contrat téléphonique signé en début d’année chez un opérateur suisse. On dirait que Klein se préparait à bourlinguer d’un pays à l’autre. Krohn s’occupe déjà des relevés du mobile français, je veux quelqu’un sur le mobile suisse. Lieutenant Hugard ?

    Claire leva le nez de ses notes, regarda autour d’elle, puis acquiesça :

    — C’est dans mes cordes…

    Ça manquait de naturel, sans doute à cause de la présence d’un nouveau. J’avais l’impression de répéter un texte. Crombez, d’ailleurs, nous écoutait avec un sourire en coin.

    — Bien. Il faudra discuter avec les types de Zurich. Voir s’ils savent quelque chose des activités de Klein avant sa mort. Quand on en saura davantage sur la Suisse, on pourra s’attaquer à la deuxième piste de l’enquête, à savoir…

    Le mémo rédigé par Narboni, l’autopsie prévue pour seize heures, le lien entre la peinture verte et d’autres crimes enterrés dans les archives du 36 ?

    Qu’avais-je en tête en parlant d’une seconde piste ? Je n’en sais rien. En un instant, mon idée s’évapora. Je n’entendis plus que les clapotis sur le carreau, et le bourdon du radiateur. Un putain de court-circuit. J’étais incapable de sortir un mot.

    — Ça va, Ellis ?

    La voix d’Amine me parvint d’outre-tombe. Je sortis comme d’un long sommeil, et je vis les regards curieux posés sur moi. C’était si gênant. Pas une fois, dans ma carrière, je n’avais perdu mes moyens pendant un brief.

    — cha vva

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