Un PIED DANS CHAQUE TOMBE
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À propos de ce livre électronique
Béatrice se réveille abandonnée, oubliée dans un hôpital complètement désert. Ce n'est pourtant ni cet endroit sinistre ni son état qui la perturbent le plus. Ce qui l’embête par-dessus tout, c’est qu’elle est amnésique. Non seulement elle ne se souvient pas des circonstances qui l’ont menée en ce lieu, mais sa propre identité lui est également inconnue. Sa meilleure amie l'attend dans le couloir et hélas, Béatrice ne la reconnaît pas. Après lui avoir expliqué les événements entourant leur mort prématurée, celle qui deviendra sa guide spirituelle aura pour tâche de lui montrer le chemin qu'elle devra emprunter afin de retrouver la mémoire. De même, elle lui présentera l'épreuve finale qu’elle devra franchir pour pouvoir accéder à un monde meilleur. (De la même autrice: Le corridor Tomes 1 et 2)
Élyse Charbonneau
Mère de deux merveilleux enfants, Elyse Charbonneau est née à Laval, où elle a passé la majeure partie de sa vie. Amoureuse de la nature, elle tente de s’approcher le plus possible des Laurentides. Elle a fait des études en cinéma, domaine dans lequel elle a travaillé quelques années. Comme elle souhaitait éventuellement fonder une famille, elle a vite compris qu’elle devait s’orienter vers une autre carrière, même si elle adorait son métier. C’est pourquoi elle a ensuite évolué dans le secteur de la santé. Or, malgré tout l’amour qu’elle éprouvait pour sa clientèle, elle savait, en son for intérieur, qu’elle ne se trouvait pas au bon endroit. Puis, après une grossesse difficile, on lui a suggéré de se lancer dans l’écriture. Un conseil qu’elle a suivi, pour notre plus grand bonheur.
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Avis sur Un PIED DANS CHAQUE TOMBE
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Aperçu du livre
Un PIED DANS CHAQUE TOMBE - Élyse Charbonneau
Table des matières
Prologue
Marie-Soleil Leroux
Olivier Parent
Julien Dupuy
Valérie Lachapelle
Simon Légaré
Mélanie Côté
Béatrice Simard
Un pied dans chaque tombe
Elyse Charbonneau
img1.pngCatalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre: Un pied dans chaque tombe / Élyse Charbonneau.
Noms: Charbonneau, Elyse, 1979- auteur.
Description: Édition originale : Lanoraie (Québec), Canada : Les Éditions de l'Apothéose, [2016].
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20200098152 | Canadiana (livre numérique)
20200098160 | ISBN 9782925049821 (couverture souple) | ISBN 9782925049838 (PDF)
| ISBN 9782925049845 (EPUB)
Classification: LCC PS8605.H36596 P54 2021 | CDD C843/.6—dc23
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.
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Conception graphique de la couverture: Graf XXL
Direction rédaction: Marie-Louise Legault
© Elyse Charbonneau, 2016
Dépôt légal – 2019
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Imprimé et relié au Canada
1re impression, mars 2021
Prologue
Il fait noir, très noir. L’obscurité troublante est accompagnée d’un air ambiant lourd et glacial. Béatrice est incapable de bouger, comme si son corps était retenu, attaché dans ce qu’elle imagine être un lit. Pourtant, elle ne reconnaît ni le matelas ni le réconfort familier que lui procurent habituellement ses couvertures. Un mélange de nervosité et de peur se répand alors dans chacune des fibres de son anatomie. Elle se demande bien où elle se trouve et ce qui s’est passé. Elle veut se lever, il faut qu’elle se lève. Même complètement brouillé, son cerveau ordonne à ses muscles de se contracter. Ses extrémités s’exécutent discrètement pour commencer, et tour à tour, tous ses membres se mobilisent tranquillement. De tous petits mouvements pour commencer, puis elle reprend finalement le contrôle de son corps. Elle doit maintenant ouvrir les yeux, mais elle hésite un court instant.
D’une part, le besoin de savoir se fait sentir, mais d’une autre, la crainte de se retrouver dans un endroit totalement inconnu est également présente. Les sécrétions séchées retenant ensemble ses paupières ayant cédé, Béatrice parvient finalement à ouvrir graduellement les yeux. Un brouillard très dense provoqué par l’absence prolongée de son fonctionnement visuel se dissipe peu à peu. La faible lueur de la pièce n’est nullement agressive, mais guère rassurante pour autant. La couleur pastel délavé des murs encouragerait n’importe quelle personne en santé à devenir malade. Le manque total de décoration renforce l’impression que projette l’endroit, qui se veut dénudé de vitalité et de chaleur humaine. Il y a plusieurs lits, bien que tous soient vides et impeccablement faits.
De nombreuses machines indiscrètes dont l’utilité échappe complètement à l’adolescente sont installées à côté d’elle. C’est alors qu’avec effroi, elle prend conscience qu’elle est allongée dans un lit que l’on retrouve dans un seul endroit: l’hôpital. Libre de toutes connexions entre elle et les appareils, elle passe tranquillement ses mains sur toute la surface de son corps, à la recherche d’une blessure, d’un pansement, d’une raison susceptible de justifier sa présence dans ce lieu. Or, rien d’apparent ne lui saute aux yeux. Puis, elle constate qu’elle a omis d’inspecter la composante la plus importante de son anatomie: sa tête. Elle tâte doucement son épaisse chevelure noire et tombe rapidement sur un morceau de tissu fixé à son crâne fraîchement et partiellement rasé. Elle a probablement reçu un coup sur la tête. Inquiète, elle scrute les alentours pour ensuite se rendre à l’évidence… Quelque chose cloche. Elle est seule, vraiment seule. Elle ne voit ni n’entend personne, mais une réalité encore beaucoup plus effrayante la frappe de plein fouet.
—Bordel! Mais qui suis-je? se demande-t-elle à voix haute.
Le néant total. Béatrice n’a aucune idée de son identité, de qui sont les membres de sa famille ni d’où elle vient. Aucun détail de sa vie ne lui revient à l’esprit. Comme la panique s’empare rapidement d’elle, son corps tout entier réagit en produisant soudainement des spasmes incontrôlables. Ensuite, ce sont ses poumons qui se détraquent. L’oxygène n’étant pas consommé adéquatement par ses cellules, elle a l’impression d’étouffer et de manquer d’air. La jeune femme s’assoit et porte instinctivement les mains autour de sa gorge. Se concentrer sur sa respiration, l’écouter, la sentir, puis la régulariser. Il est impératif de se calmer, ce n’est forcément qu’une crise de panique. «Il faut se mettre en mode focalisation. Inspire... Expire...» se dit-elle. Du coup, son rythme cardiaque diminue et ses profondes inhalations se font de plus en plus régulières.
Après plusieurs secondes qui ont paru de longues heures interminables, la quiétude reprend sa place. Des étourdissements et un mal de tête carabiné font ensuite leurs apparitions. La jeune femme a besoin d’un calmant, d’un antidouleur, voire même des deux. De toute évidence, elle a besoin d’aide. «La cloche!» À proximité des lits d’hôpitaux, il y a toujours une petite cloche à la disposition des patients afin qu’ils puissent solliciter l’assistance du personnel médical. Elle est bien cachée, mais pour Béatrice, pas question d’abandonner. La cloche en main, elle appuie sur le bouton rouge. Dès lors, une lumière orangée s’allume au-dessus de la porte de sa chambre.
La jeune femme attend quelques secondes, puis quelques minutes, sans que personne ne s’amène. Complètement démunie et perdue, la patiente sent ses yeux se remplir d’eau. Viennent ensuite des larmes qui coulent le long de ses joues. Elle ne peut concevoir qu’il n’y ait pas au moins une personne, dans cet hôpital, qui la connaît, qui pourrait répondre à ses questions. Déboussolée et constatant qu’aucune aide ne lui sera apportée, elle descend de son lit. L’engourdissement douloureux qu’elle ressent dans ses jambes et qui est provoqué par des millions de fourmis psychologiques et envahissantes tarde à se dissiper, mais finit tout de même par disparaître. Sur ses gardes, elle sort légèrement la tête de la pièce, regarde à sa gauche, puis à sa droite.
—Hé! Ho! Il y a quelqu’un?
Non seulement elle n’obtient aucune réponse, mais de plus, il n’y a personne en vue. On dirait que tous les employés et les patients ont quitté précipitamment les lieux. Le corridor est sombre, inquiétant et désert. La thèse d’un incendie serait plausible, car un léger brouillard semble fusionner avec l’air. Il n’y a pourtant aucune trace de fumée, d’objet calciné, ou d’émanations. Il y a néanmoins des chariots de médicaments épars dont les tiroirs sont restés ouverts, des tiges munies de soluté qui ont été renversées, de même que des ordinateurs fermés. Un peu partout sur les planchers se trouvent des papiers, des serviettes, des lingettes et des gants. Si tout un chacun a cru bon disparaître à la suite d’un événement de toute évidence critique, pourquoi Béatrice est-elle encore ici? Qu’a-t-elle bien pu faire pour qu’on ne prenne même pas la peine de la faire évacuer? Peut-être que son état ne le permettait tout simplement pas. Puis, se démarquant des autres, une autre question, plus triste, celle-là, surgit dans son esprit. «Et si personne ne m’avait accompagnée? Si personne n’avait assez de considération pour moi pour être resté à mes côtés?» Se sentant tout à coup seule au monde, Béatrice en vient à penser qu’elle n’a peut-être pas de famille et d’amis. Elle chasse rapidement ces idées négatives de sa tête et tente de se concentrer sur du concret. Comme un pansement est fixé autour de sa tête, un médecin l’a probablement soignée. Il doit donc assurément exister un dossier à son nom quelque part, dossier dans lequel se trouve une fiche médicale où figurent toutes les informations à son sujet, comme son nom, son âge, son adresse, une personne à contacter en cas d’urgence. Cependant, comme elle ignore tout de son identité, elle devra user de stratégie afin de dénicher son le sien.
Béatrice se dirige vers un bureau à aire ouverte qui ressemble en tous points à un espace de travail réservé aux infirmières. Puisqu’il y a quelques documents sur le comptoir, elle y jette un coup d’œil. Soucieuse, elle ouvre le rabat du premier. À l’intérieur, il n’y a qu’une seule et unique feuille sur laquelle sont écrits quelques mots à la main: «Femme de 34 ans. Projectile reçu au niveau de l’abdomen. Décès constaté trois jours après son arrivée.»
—Et c’est tout? Pas de nom, d’informations personnelles, de résultats d’examens, de notes du médecin? s’interroge-t-elle.
Avant de consulter la deuxième fiche, elle s’arrête brusquement et inspecte brièvement son corps. Elle doit chercher le dossier d’une adolescente de seize ou dix-sept ans présentant une blessure à la tête. Le dossier suivant, rempli tout aussi à la hâte que le précédent, appartient à une adolescente de son âge ayant reçu une balle au niveau du visage. Ça lui ressemble un peu, mais après l’avoir examiné, le sien semble intact. Il y est également inscrit que son décès a été constaté sur les lieux du crime, ce qui met immédiatement un terme à ses interrogations. Ensuite, elle met la main sur les fiches d’un jeune homme de seize ans, d’une adolescente et de deux autres garçons ayant plus ou moins le même âge. Au cours de la dernière semaine, tous sont trépassés après avoir reçu un ou des projectiles à différents endroits de leur corps. Béatrice est horrifiée de découvrir que tous ont rendu l’âme dans des conditions similaires.
Découragée et déçue de ne pas mettre la main sur des informations pertinentes, elle observe un peu plus attentivement les lieux, afin de s’assurer qu’elle se trouve bel et bien dans un hôpital et non à la morgue. Plus ou moins rassurée, elle revient sur les dossiers. Il n’y a rien, aucun détail susceptible de lui permettre de découvrir son identité, d’en connaître davantage sur son état… rien qui pourrait s’apparenter de près ou de loin à son cas. Elle se dirige donc derrière le bureau des infirmières, à la recherche d’indices, mais ne trouve que des feuilles blanches. Désemparée, elle soupire. Ces bouts de papier la déstabilisent complètement, puisque tout comme elle, ils sont sans contenu et vides. Elle se sent abandonnée, oubliée comme jamais. Elle n’a aucune idée de la façon dont elle doit s’y prendre pour se sortir de cette fâcheuse situation. Frustrée, elle ramasse les pages vierges, les chiffonne, puis les lance de tous les côtés, comme si cette perte de contrôle momentanée pouvait l’aider à résoudre l’énigme. Mais se défouler de la sorte lui procure tout de même un bref instant de satisfaction. C’est alors qu’une voix vient perturber son état catharsis. Du coup, elle ne peut faire autrement que de sursauter
Une voix douce et mélodieuse; celle d’une jeune fille, assurément. Comprenant qu’elle n’est pas seule, Béatrice se demande s’il s’agit d’une bonne ou mauvaise nouvelle. Pendant un court moment, son corps se dissocie de son esprit et se met en route. Craintive, elle voudrait reculer, faire demi-tour et se cacher quelque part afin de découvrir d’où vient cette voix, mais elle en est incapable. Elle aurait aimé prendre le temps de penser; or, ses muscles en état de contraction ne laissent au doute aucune chance de s’installer. Un peu contre son gré, l’adolescente se laisse guider vers cette voix réconfortante. Dans un corridor parmi les débris, elle aperçoit une jeune femme assise par terre. Adossée au mur, elle fredonne un air. Cependant, elle s’arrête brusquement lorsqu’elle se sent observée. Voyant Béatrice, son visage s’illumine d’un sourire magnifique et sincère, puis elle se lève pour aller la rejoindre.
—Enfin, Béatrice! Ça fait un bon moment que je t’attends, tu sais!
—Euh... vous me connaissez? Béatrice? Et vous, vous êtes? Où sommes-nous? Qu’est-ce qui se passe?
—Doucement, doucement avec tes mille et une questions… Tu m’étourdis. Tu ne te souviens vraiment de rien?
—Je n’ai aucune idée de qui je suis, confit Béatrice en éclatant en sanglots.
—Ça me brise le cœur de te voir dans cet état! Calme-toi... Bon, commençons par le début; mon nom est Mélanie et je suis ta meilleure amie. Toi, tu t’appelles Béatrice et tu as dix-sept ans. Tu habites chez tes parents et tu as une sœur plus jeune que toi. Nous fréquentons l’école secondaire et de plus, nous sommes dans la même classe.
Mélanie marque une pause et lance un regard plus que sérieux à son amie.
—Et nous sommes toutes les deux décédées.
En entendant cela, le corps tout entier de Béatrice se raidit. Assez étrangement, cette annonce ne lui procure pas l’effet de surprise escompté. Même si cette option n’avait jamais été envisageable jusqu’à maintenant, au plus profond de son être planait tout de même un doute. Cet endroit sinistre et désert, l’absence d’odeurs, de chaleur et de clarté donne l’impression que l’air et le temps sont suspendus. Elle aurait dû s’en rendre compte, le voir, et même le ressentir. Son état lui semble si évident, tout à coup, que la honte éprouvée ne peut faire autrement que de s’afficher au grand jour. Son cerveau, si bien conçu, a probablement et volontairement omis d’envisager cette éventualité pour protéger son âme, comme s’il savait qu’elle n’était pas disposée à recevoir cette troublante information. Le fil des pensées de Béatrice est par endroits entrecoupé et par d’autres, emmêlé. La pauvre fille est submergée par la peur. Une peur qui n’a rien à voir avec le fait qu’elle doit faire face à la mort, mais qui est plutôt provoquée par l’inconnu, l’ignorance et l’absence de souvenirs.
La défunte voudrait au moins éprouver des regrets et savoir que sa famille lui manquera. Elle tente inutilement de se rassurer en se disant qu’il est sans doute beaucoup plus facile d’accepter son décès lorsqu’on n’a aucune idée de ce qu’on laisse derrière. Comprenant son désarroi, Mélanie tente de la réconforter, la prend dans ses bras et la serre très fort.
—Ne t’en fais pas, je suis ici pour t’aider à te souvenir. Premièrement, je dois te dire comment nous avons rendu l’âme. Enfin, ce dont je me souviens. C’est la seule information qu’il m’est permis de partager avec toi. Ensuite, j’aurai quelque chose à te montrer.
Mélanie regarde Béatrice, qui absorbe chacun des mots qu’elle prononce. Incertaine de pouvoir déterminer où se situe son niveau de capacité à assimiler les prochaines informations ou si son amie est simplement disposée à comprendre et à recevoir ce qu’elle doit lui annoncer, Mélanie prend quelques secondes pour se concentrer. Elle prend ensuite