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Dernières nouvelles des arrière-mondes: Treize histoires d'ailleurs ou de demain
Dernières nouvelles des arrière-mondes: Treize histoires d'ailleurs ou de demain
Dernières nouvelles des arrière-mondes: Treize histoires d'ailleurs ou de demain
Livre électronique421 pages6 heures

Dernières nouvelles des arrière-mondes: Treize histoires d'ailleurs ou de demain

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À propos de ce livre électronique

Voyagez aux confins de l'univers grâce à ces nouvelles fantastiques et de science-fiction, venues d'ailleurs ou de demain.

Qui peut vous dépanner si la puce de programmation de votre troisième bras électronique est défaillante ?
Que voir lors d'une visite à Lupertulu, et surtout quel moyen de transport est le plus commode ?
A qui s'adresser sans paraître fou, lorsque l'on atteint les 200 ans et que l'on a un problème de santé ?
Peut-on se faire rembourser un rêve que l'on vous a attribué alors que vous ne l'avez absolument pas commandé ?
Et que faire des clones de votre chatte, alors que ceux-ci envahissent l'espace public (et que, pour une fois, vous n'y êtes absolument pour rien) ?
Ces questions, bien légitimes au demeurant, et tant d'autres, Eric Lysøe se propose d'y répondre dans les treize nouvelles de cet ouvrage.
Des thèmes importants directement tirés des arrière-mondes, qu'il fallait bien aborder à un moment, avec une rigueur quasi-scientifique, mêlée cependant d'une certaine touche de poésie.
Un voyage vers ailleurs et demain, qui vous apportera sans aucun doute des savoirs qui vous serviront peut-être, un jour ou l'autre.

Ce recueil de treize nouvelles toutes plus surprenantes que les autres vous feront voyager dans l'infinité des possibles que nous réservent le futur et l'univers. Glissez doucement dans ces histoires qui vous apporteront les dernières nouvelles des arrière-mondes !

EXTRAIT

— Vous avez entendu parler de l’amour ?
— Ben… je… bredouilla Jørberg.
— Mon père appartenait à la caste des programmeurs. Il avait quatre mains, comme tout le gratin de la ville haute. Et puis un matin, tandis qu’il commençait à établir un nouveau plan des quartiers ouest, il a croisé ma mère. Quelques jours plus tard, il débranchait ses poignets additionnels, renonçait à ses privilèges. C’est comme ça que je suis née. Dans une famille perpétuellement traquée par les humanos en tout genre. Car, vous vous en doutez, une défection pareille, ça plaisait guère à la Firme. Vous voyez encore vos parents ?
Décidément, elle avait le goût des questions abruptes.
— Je… Je m’en suis séparé en devenant inclus, répondit Jørberg.
— Ah oui, c’est vrai ! Votre admirable réussite sociale…
— Elle reste bien modeste.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Éric Lysøe est un écrivain, compositeur et professeur des universités français, d'origine norvégienne. Il est l'auteur d'essais, de romans et de nouvelles. Auteur de fictions, il est surtout connu pour ses travaux sur la littérature fantastique. Spécialiste de la littérature fantastique belge et de l'œuvre d'Edgar Allan Poe, il a également édité et longuement analysé l'œuvre de Rosny aîné, de Gabriel Deblander, d'Erckmann-Chatrian.
LangueFrançais
ÉditeurOtherlands
Date de sortie15 nov. 2019
ISBN9782797301713
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    Aperçu du livre

    Dernières nouvelles des arrière-mondes - Eric Lysøe

    Albert)

    L’histoire du livre

    — Rangement des auteurs ! claironna Targe.

    Vocques consulta son horogreffe, histoire de vérifier que son jeune collègue ne se trompait pas. Mais non, les quatre chiffres qui scintillaient sous la peau de son poignet marquaient effectivement 27:00. Le moment était venu où, selon le Grand Schéma, tout travail intellectuel devait prendre fin, et cela jusqu’au lendemain 11:30. Un citoyen comme lui, gardien en chef du Bureau des Fictions, n’aurait jamais dû se laisser surprendre de la sorte. Pensez… Abandonner à un stagiaire le privilège de mettre un terme aux opérations d’écriture ! Peut-être, après tout, Joeña n’avait-elle pas tort. Il vieillissait ! Il tapota un instant la mince plaque de plasma que sa parraine lui avait glissée sous l’épiderme le jour de ses sept ans. Cela faisait à présent un sacré bail. Mais il n’y avait aucune raison que le dispositif ait pris de l’avance. Les horogreffes, c’était pour la vie — à moins qu’on vous arrache un bras ou que vous attrapiez une de ces saloperies de vers des marais. Et de fait, la connexion au satellite le confirma sur-le-champ et sans équivoque possible. Il était bien 27:00. Il fallait aller ranger MM. les écrivains dans leurs boîtes. Entre ses lèvres exsangues, Vocques laissa filtrer un long soupir.

    — Dieu que ça passe vite ! lança-t-il à Targe. Je serais bien resté une ou deux unités-temps de plus, moi.

    Il reposa les dernières feuilles prélevées à la sortie du terminal. Il aurait dû les consigner auprès du Service des Censeurs au fur et à mesure de leur impression. Mais, cette fois encore, il n’avait pas résisté au plaisir de les parcourir du regard. À présent qu’il s’était laissé surprendre par l’horloge, il devenait impossible de les rapporter sans risquer de pénibles remontrances. Il soupira. Il savait pourtant qu’il était imprudent de lire des histoires ! Mais c’était plus fort que lui. D’autant qu’un nouvel auteur venait de rejoindre la petite troupe dont il avait la charge : le n° 342, un type franchement captivant. Il suffisait de tomber sur une de ses phrases, on ne pouvait plus détacher les yeux du paragraphe, voire de la page entière. Il fallait se faire violence pour regagner le Quartier Général et aller glisser la feuille dans la fente réservée aux premiers jets.

    — Bouge tes fesses, lui lançait Targe quand il le voyait ainsi plongé dans la lecture.

    Cette fois, cependant, le stagiaire ne l’avait pas rappelé à l’ordre. Sans doute avait-il estimé qu’il était trop tard pour réagir.

    — Je me demande bien, grogna-t-il, quel plaisir tu peux trouver à ce genre d’occupation. Tout le monde dit que c’est dangereux.

    Vocques haussa les épaules. Il hésita un long moment. Puis, après s’être placé hors du champ des caméras, il replia soigneusement les douze feuillets. Il prétexterait une interruption de réseau pour faire réimprimer au 342 ses dernières pages. Elles devaient certainement se trouver quelque part en mémoire. Celles qu’il venait de glisser discrètement dans sa poche, il les détruirait chez lui dès qu’il aurait fini de les lire.

    — Allons, Targe ! Nul n’ignore que les récits ne prennent corps que s’ils sont scandés à voix haute, et à proximité d’un réalisateur moléculaire, qui plus est.

    — On ne sait jamais, avec ces trucs. S’ils n’étaient pas à ce point redoutables, pourquoi prendrait-on la peine de les faire vérifier par toute une équipe de censeurs ?

    Vocques embrassa toute la salle d’un geste de la main :

    — Regarde ces cerveaux baignant dans leur saumure ! Tu crois vraiment avoir affaire à de dangereux terroristes ?

    Targe contempla les quarante-huit caissons de verre. Effectivement, les masses gélatineuses qui flottaient dans leur liquide mauve ressemblaient plus à d’inoffensives méduses qu’aux révolutionnaires de la forêt de Twinkx. Par instants, quand une nouvelle idée leur venait, une petite bosse se formait en une région donnée de leur cortex. On surprenait alors, une joconde à peine, l’éclair d’une décharge électrique. C’était tout. L’information devait ensuite circuler à travers le réseau compliqué de fils d’or qu’on voyait monter de la centaine d’électrodes réparties sur toute la surface de la matière grise. On avait beau néanmoins scruter les espèces d’écheveaux que formait l’ensemble au-dessus de chaque « aquarium » — tel était le nom par lequel Vocques désignait les caissons —, il était impossible de discerner le moindre signe d’activité. Ce n’était que bien après — cela durait plus ou moins longtemps, selon l’inspiration, à ce qu’on disait — ce n’était que bien après, donc, qu’on voyait sortir du terminal d’impression la feuille constellée de caractères bizarres. Du chignien, pour Targe, qui ne savait pas lire, bien qu’il fût capable de reconnaître les cinq lettres de son nom.

    — Et ça raconte quoi, l’histoire du 342 ?

    — On n’en est qu’au début. Une fille dans la savane, qui se débat contre des bestioles.

    — Mais qu’est-ce qu’elle fait là, cette gourde ? Elle pourrait pas rester tranquillement au gynécée en attendant qu’on la féconde ?

    — Toutes les femmes n’ont pas la vocation maternelle, Targe. Certaines sont des battantes et…

    — Tu vois à quel point il est dangereux de lire. La fiction, c’est toujours plus ou moins de la propagande. Ta nana, ça m’étonnerait pas qu’elle finisse par rejoindre la rébellion de Twinkx…

    — C’est possible, mais ce n’est pas dit explicitement.

    — Ouais, que des faux-culs, tes auteurs !

    Tout en devisant de la sorte, les deux hommes avaient poussé un grand chariot au milieu de la travée centrale. Ils s’affairaient à présent à déconnecter du terminal d’impression chacun des quarante-huit cerveaux dont ils avaient la charge.

    — Ça sert à rien, ces histoires ! Juste à nous embrouiller les méninges, poursuivit Targe.

    — Pourquoi alors, selon toi, le Pouvoir maintient-il en vie tous ces romanciers ? Il y a ici autant de têtes pensantes qu’au Bureau de la Philosophie. C’est bien signe que le Système central y trouve son compte.

    — Et ce serait quoi, Môssieur, l’intérêt de la chose ?

    — Mais je n’en sais rien, moi ! Développer chez les Maîtres programmeurs une certaine capacité à imaginer… Un truc comme ça !

    Targe achevait de déposer sur le chariot le dernier des vingt-quatre caissons dont il s’occupait quotidiennement. Vocques lambinait, comme d’habitude. Il s’interrompait sans cesse, que ce soit pour réfléchir ou simplement pour formuler une hypothèse. On le voyait saisir l’aquarium par les anses, le soulever de quelques pouces, puis le remettre à la place exacte où il venait de le prendre. Il en profitait alors pour se masser le front, grogner une phrase ou deux avant de revenir à sa tâche. Avec lui, l’enlèvement des auteurs, ça pouvait durer des unités-temps entières ! Il ne s’en tirerait pas sans aide. Il faut dire que Targe était pressé de rentrer chez lui et de se caler devant son mur à images pour assister au dernier match des Guerriers d’Univore. Le jeune homme saisit l’un des sept caissons qui restaient encore sur les tables d’écriture et le déposa hâtivement sur le chariot.

    — Ne les secoue pas comme cela ! grommela Vocques. Si le liquide anémotique vient à manquer, ils se dessèchent et crèvent. Je te l’ai dit cent fois…

    — Bah, j’en ai même pas renversé une goutte !

    Amnessiah se débattait avec l’énergie du désespoir. Si le singe-moellon avait le dessus, c’en serait fini de ses aventures. Elle se demandait bien, au passage, quel cerveau malade avait pu engendrer un être de ce genre : un assemblage de pierres mal équarries, reliées par des câbles métalliques et animées par on savait trop quelle puissance occulte. Un lecteur invétéré lui avait pourtant dit comment se défendre. Il suffisait de taillader l’un de ces maudits fils de fer et la bête tomberait comme une masse. Mais entre la théorie et la pratique, il y avait un gouffre que ses maigres forces ne lui permettaient plus de franchir. Elle marchait depuis le début de l’histoire et s’était battue contre des créatures inimaginables. La faim, la soif lui tenaillaient le ventre. Même sans le singe, il était probable qu’elle fût morte d’épuisement. Elle ferma les yeux et attendit le coup fatal. Elle eut alors l’impression qu’une phrase se formait dans sa tête. Quelque chose d’incompréhensible, une injonction insaisissable. Peut-être son auteur avait-il enfin pitié d’elle ? Mais presque aussitôt les mots, les sons s’enfuirent. Ils s’agglutinèrent comme autant de billes de mercure et prirent l’allure d’une question qui, cette fois, résonnait en dehors d’elle.

    — Alors, beauté, on abandonne la lutte ?

    Elle ouvrit un œil. Une sorte de gnome se tenait devant elle, le corps déjeté, le visage déformé, la peau d’un vert cru. Un végétal. Encore une de ces inventions du Bureau des Fictions ! Mais bienveillante, cette fois, en dépit de son air sarcastique. Car le singe-moellon ne bougeait plus. Il ne faisait que lui peser horriblement sur le ventre. Malgré sa taille ridicule, le nouveau venu avait dû trouver le moyen de réduire la maudite bête à merci.

    — Ainsi, on ne vous apprend pas qu’il suffit de trancher le câble vertébral de ces saletés pour qu’elles s’effondrent tout d’un coup par terre ?

    — Je sais, gémit Amnessiah. Encore faut-il y parvenir. Je suis une débutante. Mon histoire commence à peine.

    Le végétal hocha pensivement la tête :

    — Je parie même que tu ignores tout de l’endroit où tu es !

    — C’est vrai, je n’en ai aucune idée. Pour l’instant, mes connaissances se réduisent à ce que me soufflent mes lecteurs.

    — Tu en as beaucoup ?

    — Je n’en sais rien. Par flashes, j’ai seulement entrevu un type assez vieux. Il semblait ne pouvoir déchiffrer mes premières pages qu’en cachette.

    — Ce n’est pas très bon. Si ça se trouve, tu n’as pas encore franchi la barrière de la censure.

    — Il suffit que mon histoire circule sous le manteau… La preuve, je suis bien vivante.

    — Oui, mais tu restes à la merci de la moindre défaillance technique. Les réalisateurs moléculaires qu’utilisent les clandestins sont loin d’être fiables. Tu risques de te désintégrer d’un instant à l’autre !

    — C’est gentil de me remonter le moral !

    — Je t’en prie, ma jolie !

    Le végétal regarda autour de lui, fixant avec attention la ligne d’horizon.

    — On ferait mieux de ne pas s’attarder, avec tout ce qui circule dans la savane. Suis-moi, je vais te trouver un abri.

    La créature verte se mit à courir. Amnessiah lui emboîta tranquillement le pas. Une seule de ses enjambées en valait au moins dix pour le gnome. À ce train, il leur fallut un petit moment — du genre 00:22 — pour atteindre l’extrémité nord de la plaine herbeuse où ils s’étaient rencontrés. La jeune femme vit peu à peu grossir au loin une longue ligne sombre. Puis une véritable muraille végétale se dressa devant elle : des troncs massifs plantés en rangs serrés et coiffés d’un feuillage épais, presque noir, avec des reflets roses.

    — La forêt de Twinkx, lança solennellement son guide en s’appuyant contre une souche à demi calcinée.

    Amnessiah n’eut pas le temps de réagir. Quelque chose venait de la soulever avec une force inouïe. Sans s’en rendre compte, elle avait mis le pied sur un assemblage de planches disjointes qui la conduisait à présent elle ne savait où. Elle interrogea du regard son compagnon d’infortune, mais celui-ci fixait la cime des arbres, un large sourire aux lèvres. Alors, elle prit appui sur ses jambes et attendit patiemment l’arrêt du mécanisme.

    La plate-forme sur laquelle ils étaient tous deux perchés ralentit enfin, puis décrivit une légère courbe avant de les déposer doucement sur une terrasse de bois, dissimulée au cœur des frondaisons.

    Une foule de végétaux, mâles et femelles, s’était déployée le long des balustrades. Tous parurent hésiter un instant, puis ils s’approchèrent en formant un large cercle autour d’Amnessiah.

    — Belle prise, Jang’kaa, belle prise !

    — Comment cela ? fit la jeune femme, considérant la petite créature verte dont elle venait par ce biais d’apprendre le nom. Tu n’as rien attrapé du tout, mon mignon !

    Le gnome haussa les épaules.

    — C’est une façon de parler, ma jolie. Suis-moi ! Je vais te conduire au Quartier Général.

    Le végétal avait fendu la foule de ses semblables et filait par un pont de lianes. On eût dit qu’en s’élevant jusqu’à la cime des arbres, il avait fabuleusement développé ses facultés motrices. Amnessiah se rua à sa suite, mais elle eut cette fois bien du mal à soutenir son rythme. Et pourtant ! Il ne fallait pas le perdre de vue. Car les passerelles qu’il empruntait formaient un réseau compliqué, un vrai labyrinthe de cordes, de branches et de feuillages entremêlés.

    La jeune femme força autant qu’elle put la cadence. Elle allait parvenir au niveau de son guide quand quelque chose céda sous ses pas. Elle eut à peine le temps de pousser un cri et se retrouva dans le vide, à se balancer au bout d’une liane. De nouveau, elle eut l’impression qu’une phrase résonnait en elle. Elle ferma les yeux, bien décidée à comprendre ce qui se disait ainsi dans sa tête. Mais elle ne parvint qu’à saisir un mot : « livre ». Déjà, une autre voix venait de se superposer à la première, comme pour la masquer. Et cette fois, les sons, loin de provenir de sa pauvre cervelle, montaient, aigrelets, d’un point précis parmi les arbres :

    — Alors, ma belle, on joue les artistes de foire ?

    Le végétal la contemplait. Visiblement, la situation l’amusait. Elle le regarda sans comprendre.

    — Tu ferais mieux de m’appeler Amnessiah, grogna-t-elle, et surtout de venir m’aider, face de chlorophylle.

    — Jang’kaa, pour vous servir, princesse ! ironisa le gnome, avant de sauter de branche en branche avec une agilité peu ordinaire.

    Parvenu à sa hauteur, il porta deux doigts à sa bouche et émit un sifflement suraigu. Presque aussitôt, une nuée de végétaux vint à la rescousse. Ils dégouttaient littéralement des feuilles, comme si une averse violente avait fondu sur la forêt. Bientôt, ils formèrent une sorte de petite mare de verdure, à quelques aunes-courtes au-dessous d’Amnessiah.

    La jeune femme jeta un coup d’œil dans leur direction. Ils avaient pris appui sur un réseau de branches et se donnaient la main après s’être croisé les bras. Ils composaient ainsi une espèce de filet qui, lentement, se balançait de droite à gauche. Sans doute cherchaient-ils à épouser le rythme de la liane à laquelle leur visiteuse demeurait accrochée. Ils ne pouvaient cependant éviter certains décalages, de sorte qu’Amnessiah voyait par instants se creuser à ses pieds un vide de vingt ou trente mètres-furlongs.

    — Sautez, belle plante, mais sautez donc ! Nous vous rattraperons, et en douceur !

    Elle finit par lâcher prise. Elle flotta un moment dans les airs avant de se sentir récupérée par des dizaines de mains minuscules. Elle fut aussitôt conduite en direction de la plateforme la plus proche. En chemin, elle réalisa parfaitement que certains de ses génies protecteurs en profitaient pour la palper, comme pour apprécier l’élasticité de ses chairs ou de ses vêtements. Mais elle n’eut pas le temps, ni même l’envie, de se plaindre. Après tout, c’était la deuxième fois que le petit peuple des arbres lui sauvait la vie.

    Jang’kaa l’attendait sur un large anneau de bois construit autour d’un tronc énorme.

    — Nous sommes arrivés, fit-il.

    Il pressa un morceau d’écorce et une porte s’ouvrit, laissant paraître une volée de marches.

    — Enfin… presque ! corrigea-t-il. Mais la descente sera pour toi plus facile.

    — La descente ? demanda Amnessiah.

    Elle songeait que son auteur ne faisait pas preuve d’une imagination débordante. Il se contentait, finalement, de jouer au yo-yo avec ses personnages…

    — Enfin la quille ! fit Targe en retirant sa blouse grise.

    Vocques hocha la tête et fit un signe de la main au jeune stagiaire.

    — Tu peux y aller, dit-il. Je finirai de ranger.

    — Tu ne veux pas que je mette le 342 dans sa boîte ? Il ne te reste plus que celui-là.

    Cette fois encore, le vieil homme avait pris du retard.

    — Non, je me débrouille. On est vendremanche. C’est le jour de ton match.

    — Bon, je file alors… À lundiche !

    — C’est ça, à lundiche !

    Une fois seul, Vocques demeura un moment à considérer le vaste entrepôt des auteurs. Il y avait là, sagement alignés sur leurs rayonnages, des centaines d’écrivains, des milliers peut-être. Étagé sur des mètres-furlongs, l’ensemble s’étendait à perte de vue. Si le Système central ne maintenait que quarante-huit têtes en activité, c’était par simple souci d’équilibre. Il ne fallait quand même pas que les fictions prennent le pas sur la réalité. Voilà pourquoi les Maîtres programmeurs avaient instauré un principe de roulement. À chaque lune, on tirait un de ces plumitifs de l’oubli et l’on en remisait un autre. C’est ainsi que Vocques avait découvert quelques jours plus tôt celui qu’il appelait parfois son « petit nouveau ». En arrivant au bureau, il avait trouvé une note laconique : « Prière d’échanger le 1786 contre le 342 ». Il avait passé un moment à chercher le cerveau en question, car l’emplacement correspondant était vide. Un employé trop pressé, bien décidé sans doute à ne pas manquer le match du vendremanche soir, l’avait déposé au hasard des rayonnages, dans la travée 111, là où il n’avait strictement rien à faire. Vocques finit par le dénicher sous un amas de poussière et de toiles d’araignée. Pestant contre l’unique ouvrier chargé du ménage — et qui négligeait systématiquement les rangées du fond —, il essuya l’étui du revers de sa manche puis le considéra avec attention. Si le numéro était parfaitement lisible, il n’en allait pas de même pour le nom. À la différence de ses collègues, le vieil homme aimait avoir ne fût-ce qu’une idée approximative de l’identité de « ses » auteurs. Dans ce cas précis pourtant, il devrait se contenter de quelques fragments. Très endommagée, l’initiale du premier mot ressemblait vaguement à un J. La seconde lettre était manifestement un « a ». Un peu plus loin, se détachait une sorte de « v ». Entre les deux, il y avait un espace, dont on ne saisissait pas bien la valeur. En dessous, dans un alphabet inconnu, s’étalaient quatre signes impénétrables. Ces caractères avaient beau avoir triomphé, eux, de toute forme de dégradation, ils n’en défiaient pas moins les capacités ordinaires d’interprétation. Une sorte de symbole mathématique ressemblant assez à « pi » apparaissait à deux reprises. La première fois, il était suivi d’une espèce de sept, et la seconde d’un chiffre à peu près identique, mais légèrement surélevé — plus gracieux, plus petit, un peu comme un exposant : יהוה. Cette série déconcertante conforta le vieil homme dans l’idée qu’il avait affaire à un romancier-mathématicien. Il se repassa en mémoire la liste des auteurs qui, à sa connaissance, pouvaient correspondre à cette définition. Il n’en voyait aucun dont le patronyme pût commencer par « Jav » ou quelque chose d’approchant. De guerre lasse, il se résolut à le désigner par son seul numéro, 342. Du moins au début, car sitôt qu’il put apprécier les qualités de son « petit nouveau », il se mit à l’appeler régulièrement par les trois premières lettres de son nom, lesquelles, au bout du compte, résonnaient comme une sorte de diminutif affectueux.

    — Allez, mon vieux Jav’, essaie d’avancer un peu. J’ai hâte de connaître la fin de l’histoire.

    Une fois de plus, Vocques rêvait devant son aquarium favori. Il contemplait les circonvolutions du cortex, en suivait les replis sinueux d’où, par instant, montait un jet de bulles. Peut-être était-ce un trait de génie qui fusait ainsi jusqu’à la surface du liquide anémotique. Allez savoir ! Tant que le réseau des fils d’or n’était pas connecté au terminal d’impression, on ne pouvait avoir la moindre idée de ce qui se passait dans le mystérieux laboratoire de l’esprit.

    Le vieux gardien colla son oreille contre la paroi de verre.

    — Je sens bien que tu voudrais me dire quelque chose, Jav’. Mais il est trop tard à présent. Allez, repose-toi ! On en reparlera lundiche.

    — Combien de temps va durer cette maudite descente ? songeait Amnessiah.

    À mesure qu’ils s’étaient enfoncés tous deux dans les profondeurs, Jang’kaa avait perdu de sa vitesse et de son agilité. On devait avoir franchi le niveau du sol depuis un bon moment, de sorte que son pas devenait effroyablement lourd. C’était épuisant de le suivre ainsi, courbée en deux, tandis qu’il glissait de marche en marche, dans un insupportable ralenti. Mais comment agir autrement ? Il faisait si sombre dans l’étroit boyau qui avait succédé à l’élégante galerie creusée dans l’arbre ; l’escalier qu’il leur fallait emprunter était si inégal qu’Amnessiah n’avait nulle envie de chercher à dépasser son guide. À deux reprises d’ailleurs, elle s’était heurtée aux irrégularités des parois. Quelque chose comme une pierre saillant du plafond l’avait à demi assommée, puis une sorte de griffe, une racine sans doute, lui avait labouré le dos sur toute sa longueur. Le mieux était donc de s’en tenir là et de suivre la clarté fluorescente qui se dégageait du corps de Jang’kaa et qui, curieusement, devenait plus vive à mesure qu’on descendait.

    Enfin après un coude, une grande salle apparut, chichement éclairée par un couple de veilleuses.

    — Je ne puis aller plus loin, Amnessiah, murmura le végétal perché sur l’avant-dernière marche.

    Il était affreusement essoufflé.

    — C’est trop profond pour moi, poursuivit-il. Je crois qu’ils ont fait exprès de s’installer si bas sous terre… Pour ne pas être ennuyés par les humbles créatures de la surface…

    Il pointa du doigt une porte qui, au fond de la pièce, découpait sa silhouette incertaine dans un pan d’ombre.

    — Si tu frappes là-bas, ajouta-t-il dans un souffle, ils t’ouvriront et, sans doute, t’accueilleront.

    — Mais de qui parles-tu donc, mon ami ?

    Jang’kaa prit une large inspiration avant de répondre.

    — Des rebelles, évidemment ! Ce sont des humains, comme toi… Chez qui d’autre pouvais-je t’amener ?

    La petite créature verte avait commencé à remonter les marches de l’escalier interminable.

    — On se reverra, n’est-ce pas ? demanda Amnessiah vaguement inquiète.

    — À toi de décider, mon chou ! répondit le gnome avec un rire forcé. Enfin… à toi et, pour quelques jours encore, à ton auteur !

    Il soupira longuement avant d’ajouter :

    — Tu sais en tout cas où me trouver.

    — Merci pour tout, Jang’kaa, chuchota la jeune femme avec un petit signe de la main.

    Elle resta quelques minutes à attendre qu’au-dessus d’elle les derniers bruits de pas se fussent éteints, puis elle se redressa et traversa résolument la grande pièce. À la voir ainsi, nul n’aurait deviné que son cœur battait à tout rompre.

    — Tu avais raison, Targe, ça se gâte. Elle va bien rejoindre les groupes révolutionnaires.

    — Mais de qui parles-tu donc ? demanda le stagiaire en enfilant sa blouse.

    — Ben ! d’Amnessiah, l’héroïne du 342, répondit Vocques.

    — Me dis pas que tu as emporté les feuilles pour les lire chez toi ?

    — Non, bien sûr que non. Mais l’histoire m’a hanté tout ce vendremanche. Alors j’ai échafaudé des hypothèses. Et j’ai fini par te donner raison, c’est tout !

    — Quand même ! C’est pas trop tôt, fit le jeune homme. Tu vois bien que toutes ces fictions, c’est bigrement dangereux !

    Les deux employés sortaient un à un les aquariums de leur étui avant de les déposer sur le chariot pour les acheminer jusqu’à la salle d’écriture.

    Vocques se demandait quelle idée fantasque l’avait poussé à faire ainsi le malin. Aller raconter à Targe la suite de l’affaire ! Heureusement qu’il s’était arrêté à temps. Il aurait eu bonne mine d’avouer que, dans l’après-quinze de vendremanche, il était retourné à l’entrepôt des auteurs. Il s’était emparé du 342, l’avait conduit, pressé contre son cœur, jusqu’au Bureau des Fictions et, là… Eh bien, oui ! il l’avait connecté au terminal.

    C’est ainsi qu’il avait retrouvé Amnessiah et découvert les derniers épisodes de sa vie. Son entrée fracassante chez les révolutionnaires, son installation dans les bas quartiers, sa liaison avec Nessibe, l’aide de camp du général — un blondin qui ne plaisait guère à Vocques — puis leur brouille au terme d’une scène particulièrement violente. Ensuite, la fugue dans les marais… Bientôt, ce ver infâme qui s’était insinué en elle et dont elle avait failli mourir. Et toujours, à l’instant où elle croyait devoir tout perdre, cette voix dans sa tête qui lui dictait un ordre incompréhensible : « … sauver… livre ». Une fois de plus cependant, elle en avait réchappé. Mais c’était pour connaître bien pire : la traque menée contre elle par Nessibe, sa capture à la joconde même où elle sautait sur la plateforme des végétaux, l’agonie de Jang’kaa, la prison, les tortures, la rééducation, les électrodes sur le crâne et le retour à une liberté pour le moins surveillée. Puis le dernier acte. Par sa force de conviction, par son intelligence politique, elle se rallie de fervents partisans au sein de la rébellion. Et voilà qu’au beau milieu de l’assemblée générale, cette réunion grotesque destinée à planifier ce que tous appellent déjà l’« opération », elle se dresse sur sa chaise, interrompt le discours des va-t-en-guerre et tente de calmer ses propres troupes…

    — Je suis contre, résolument contre ce genre d’offensive ! Ce sont les auteurs de fiction qui nous ont donné le jour. Après, c’est vrai nous avons pu disposer de notre vie comme nous l’entendions, comme nous le pouvions. Au bout d’une octaine, chacun de nous avait déjà échappé au moins en partie à l’influence de son créateur. Telle est la loi. Mais cela montre précisément que les écrivains ne sont en rien responsables de nos maux. Et qu’en outre, nous leur devons un minimum de respect. Ce sont nos pères, nos géniteurs. Plutôt que de les détruire, mieux vaut les amener à se battre avec nous. Il faut libérer les cerveaux et non les anéantir !

    Nessibe, l’air narquois s’était mis à applaudir au discours d’Amnessiah. Il s’avança au milieu de la salle du conseil et parcourut l’assistance d’un ample mouvement circulaire.

    — Mais bien sûr, ces messieurs sont nos amis ! Pas un jour où ils n’inventent quelque chose pour nous rendre la vie agréable. Des monstres, des complots, des guets-apens. Nous n’avons qu’à demeurer les larbins de MM. les auteurs !

    L’orateur marqua un instant de silence avant de poursuivre. Puis, pointant l’index en direction de son ancienne maîtresse, il lança sa dernière flèche.

    — Décidément, tu déraisonnes, ma belle. Mais on va te laisser une chance. Tu participeras aux combats. Et si jamais tu trahis, si jamais tu t’enfuis une fois encore, eh bien ! nous saurons à quoi nous en tenir.

    Le général hocha la tête :

    — Ce sera pareil pour tout le monde. Ceux qui reculeront seront nos ennemis. Comme tels, ils auront droit à nos balles et à nos baïonnettes.

    — Mais c’est quoi, ce vacarme ? cria Vocques. On dirait des explosions.

    — C’est cela même, ironisa Targe. Nos troupes répondent aux révolutionnaires.

    — Comment ça ? L’entrepôt est attaqué ?

    Le vieillard courait en direction des aquariums.

    — Mais pourquoi s’en prennent-ils aux auteurs ?

    — Ça, faudra leur poser la question, petit père. Heureusement que nos chefs ont été prévenus à temps !

    Vocques se tourna un instant vers le jeune homme :

    — Oui, enfin… Je me demande comment ils ont deviné !

    — Si tu ne t’assoupissais pas tous les jours à 16:30 et si tu ne parlais pas en dormant, peut-être n’auraient-ils jamais su.

    Targe avait sorti un désintégrateur de sous sa blouse. Il en arma le mécanisme et pointa le viseur en direction de son supérieur.

    — T’es une jolie salope, quand même, Vocques ! Abandonner tes gosses pour te tirer avec le 342 ! Avant que je te crève, tu vas me dire où tu as planqué le vaisseau spatial et tout le tremblem…

    Le stagiaire n’eut pas le temps d’achever sa phrase. Une jeune femme était apparue, l’arme au poing. Très brune, très pâle. Exactement comme dans le roman de Jav’. Elle avait fait feu et, presque aussitôt, Targe s’était effondré sur le sol. En tombant, sa main s’était toutefois crispée sur la détente et le coup était parti. La balle traçante avait fait éclater deux aquariums avant de ricocher pour venir se loger dans l’épaule de Vocques. À présent, elle commençait son lent travail de destruction, attaquant chaque cellule, l’une après l’autre.

    — Il faut sauver le livre ! gémit le vieil homme.

    La voix avait changé, mais Amnessiah reconnut les mots qui lui trottaient si souvent en tête. Le blessé désignait un aquarium bien à l’abri dans son étui. La jeune femme s’approcha du caisson.

    — Derrière…

    Dissimulée sous un carton couvert de poussière, il y avait une liasse de feuilles imprimées.

    — Il rédigeait ça en douce, tout en écrivant votre histoire, murmura Vocques.

    Il vomissait des glaires gorgées de sang.

    — Jamais rien lu de mieux, hoqueta-t-il. J’ai tout préparé. Un vaisseau. Un réalisateur… Au fond de la travée 111. Là où personne ne va.

    Une roquette ouvrit en deux le plafond de l’entrepôt et, aussitôt, se mit à cracher des flammes. Amnessiah n’eut que le temps de se ruer dans la direction qu’on venait de lui indiquer.

    Le hasard avait bien fait les choses. La planète était assez petite, mais on ne risquait pas de s’y ennuyer. Car tout restait à faire et, pour l’instant, c’était un sacré chaos. L’eau et la terre s’entremêlaient en une sorte de vase épaisse. Le regard avait beau courir jusqu’à la ligne d’horizon, pas le moindre relief qui pût présenter une forme définie. Tout était vague et flou. Le bout de rocher sur lequel s’était posé le vaisseau semblait même dépourvu de contours. Il était noyé, comme tout le reste, dans une espèce de clarté grisâtre qui n’était ni ténèbres ni lumière.

    Amnessiah s’assit sur le dernier barreau de l’échelle métallique. Elle sortit le réalisateur moléculaire de sa boîte, l’installa sur le sol incertain de la planète et le mit en marche.

    — Pourvu que tu ne me laisses pas en plan, soupira-t-elle, en considérant la façade de la machine, noircie ici et là par les flammes.

    L’appareil émit bientôt un bourdonnement de bon augure. La jeune femme déplia les feuilles que lui avait confiées l’inconnu juste avant de mourir.

    — Genèse ! lança-t-elle à voix haute, en découvrant le titre du roman.

    Puis elle poursuivit :

    — Au commencement, la Terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu planait au-dessus du chaos...

    Jeux de cartes

    — Saleté de carte, grogna Jørberg 7.4 en contemplant l’image que lui renvoyait le miroir de sa salle de bains : un visage plutôt avenant, quoiqu’encore bouffi de sommeil, mais mal rasé et surtout largement entaillé sous la pommette gauche.

    Il retira la minuscule plaque de cérame qu’il s’était insérée quelques semaines plus tôt sous l’aisselle et la posa sur le rebord de la vasque.

    — Cela fait cinq fois en moins d’un mois que tu me taillades les joues, ma jolie. Si c’est pas un défaut de programmation, ça !

    Il fixa un instant la coupable, hésita à la jeter sur le sol pour l’écraser d’un coup de talon, puis finalement la glissa dans la poche de sa combinaison. Les puces de contrebande n’étaient évidemment pas garanties, mais ça pourrait peut-être amener ce gros porc d’Ufford à réfléchir s’il apprenait qu’une fois de plus il s’était fait refiler de la marchandise bas de gamme. Peut-être même qu’en jouant sur la corde sensible, Jørberg pourrait obtenir une remise importante sur une carte de remplacement. C’était quand même la première fois qu’on s’avisait d’attenter à ses jours !

    Tout en se tamponnant la joue d’une main hésitante, le blessé considérait son bras additionnel avant. En voilà un qui n’était pas moins responsable du massacre, après tout ! C’était lui qui, chaque matin, avait pour tâche de le raser ; lui qui, cette fois, et avec une rage insensée, avait entrepris de lui lacérer le visage. Or monsieur se balançait tel un membre innocent en frôlant par instants le rebord de la vasque, comme pour faire croire qu’il n’était pour rien dans toute cette histoire.

    — Programme absent du lecteur, susurrait son haut-parleur d’une voix douce et curieusement féminine. Veuillez insérer la carte d’extension et effectuer une mise à jour. Programme abs…

    — Bien sûr ! pesta le propriétaire du bras défaillant, pour que tu recommences à faire n’importe quoi ! Hors de question que je replace ta puce.

    Une main de belle facture oscillait au bout de l’appendice devenu inutile. À force de frotter contre le rebord de la vasque, elle laissa échapper un vrombissement de protestation. Aussitôt, le voyant rouge logé sous l’articulation de l’index se mit à clignoter, puis à pousser une sorte de bip plaintif. Jørberg le pressa nerveusement afin qu’il cesse d’émettre son signal tous azimuts. Il ne manquerait plus que la brigade

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