Le Journal du dimanche

Éloge de la nouvelle

généralement bref, des personnages pris de biais – en cours de route –, une atmosphère ramassée, une chute qui clôt l’action ou, parfois, la laisse en suspens, mystérieusement. Voici ce qui grosso modo distingue le genre littéraire de la nouvelle. Si je devais tenter de le définir par des images, en le comparant au roman traditionnel, je dirais que ce dernier pourrait être De nos jours le recueil de nouvelles n’est pas vraiment à la mode ; il effraie les éditeurs et les libraires. vous diront-ils en chœur et consternés. Le pire est qu’ils disent la vérité. Qu’importe ! Ne les écoutez pas. Les grands nouvellistes classiques sont nombreux et célébrés, tous édités en poche. Partez en vacances avec Anton Tchekhov, partez avec Luigi Pirandello. Lisez au hasard et en liberté ; un texte par jour par exemple, un rythme léger qui laisserait le temps d’entendre résonner en vous des voix lointaines. C’est que vous ne partirez pas qu’avec deux grands écrivains, vous serez accompagné par la multitude de leurs créatures : une femme promène son chien, un homme éternue, un autre se meurt de jalousie, une étrangère revient mourir dans le lieu qui a caché ses amours… Certes Tchekhov vous emmènera dans les villes de province de l’immensité russe où s’étiolent des existences bancales ; alors que Pirandello vous promènera en Sicile ou à Rome, dans un jeu d’ombres qui favorise la folie et la cruauté. Ce n’est pas un hasard s’ils ont été tous les deux de grands dramaturges, il y a un lien entre l’écriture pour le théâtre et celle de la nouvelle. Un lien pas très simple à définir, qu’il faut chercher du côté de l’épure et du savant usage des détails ; dans les deux cas, le lecteur-spectateur est pris par la main avec autorité, l’auteur lui montre ce qui pourrait sembler banal et provoque le trouble avec des histoires de tous les jours. En introduisant volontiers vers la fin une déflagration soudaine qui fragmente la réalité. Dans la préface à sa première édition de Pirandello demande à ses lecteurs de le pardonner si s’offriront à eux dans cette C’est exactement cela que l’on perçoit en parcourant ces recueils composés de centaines d’histoires : des morceaux de mosaïque désassemblés qui pourraient se reconstituer en une fresque ; mais voilà, l’écrivain ne veut pas de fresque grandiose, il s’arrête avant, il nous raconte des petits bouts de vie, qui se développent dans un lieu lointain de nous, géographiquement et historiquement, un matériau humain à la fois morcelé et universel. Une tentative de raconter le monde par éclats furtifs, sans l’enserrer dans une cage et sans donner de morale ou d’explication. Chers lecteurs qui aurez j’espère du temps cet été, l’univers est à la portée de tous. Pirandello a écrit environ 260 nouvelles, Tchekhov plus de 650. Vous ne serez jamais seuls.

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