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Jours tranquilles à Damas: Chroniques syriennes
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Jours tranquilles à Damas: Chroniques syriennes
Livre électronique150 pages1 heure

Jours tranquilles à Damas: Chroniques syriennes

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À propos de ce livre électronique

Rencontres avec des citoyens syriens en pleine guerre.

Depuis 2011, la Syrie traverse un cauchemar. Une guerre atroce, des morts par centaines de milliers, des destructions apocalyptiques et l’exil pour des millions de citoyens. Sous l'apparente revendication démocratique du début se jouait une partie bien plus sournoise : des rivalités régionales sur fond de l’éternel conflit entre sunnites et chiites, tandis que grandissait le monstre djihadiste avec la complicité de pays voisins. Et pourtant la vie n’a cessé de continuer dans ce pays multiséculaire où l’attachement aux racines n’est pas un vain mot. Beaucoup sont restés, de gré ou de force. Afin de rencontrer ces citoyens au milieu de la guerre, et tenter de comprendre la complexité du conflit, le journaliste François Janne d’Othée s’est rendu plusieurs fois à Damas et ailleurs dans le pays. Ces chroniques, basées sur des reportages, des souvenirs et des rencontres, où se mêlent émotions et géopolitique, jettent une lumière nouvelle sur un conflit qui se trouve à l’épicentre des équilibres mondiaux.

Découvrez des chroniques, basées sur des reportages, des souvenirs et des rencontres, où se mêlent émotions et géopolitique, et qui jettent une lumière nouvelle sur un conflit qui se trouve à l’épicentre des équilibres mondiaux.

EXTRAIT

Malgré les nombreux barrages sur les avenues, Damas garde une apparence de normalité. Les habitants ne s’aventurent toutefois pas dans la périphérie, notamment à Harasta et dans la Ghouta orientale. Rebelles de l’Armée syrienne libre, islamistes et autres djihadistes y occupent plusieurs bastions que le régime bombarde allègrement. En retour, voitures piégées et roquettes font peser une menace permanente en ville. Mais on s’y habitue. « Quand une roquette tombe, on enlève les morts, on nettoie le sang sur le trottoir, et la vie reprend comme avant. Dans les écoles, les élèves descendent dans les caves à la moindre alerte et puis s’en retournent en classe. » Avec son passeport belge, Myrna voyage sans problème : « Mes amis qui n’ont qu’un passeport syrien font l’objet de suspicions et parfois d’humiliations dès qu’ils passent la frontière », raconte-telle. Et pourtant, ils ne se plaignent pas. Sauf des sanctions internationales qui, déclarent-ils, sont source de pénuries et de hausses de prix insupportables. « Dis-le bien à Bruxelles ! » Ce sera le seul coup de gueule qu’elle entendra. Pour le reste, c’était motus. Peur ? Fatalisme ? Dilemme face à des choix cornéliens, entre un régime liberticide mais qui assure la coexistence et des rebelles qui inspirent surtout la peur et la méfiance ? Un peu de tout, certainement.

À PROPOS DES AUTEURS

François Janne d’Othée, journaliste, est spécialisé sur l’actualité internationale. Collaborateur notamment du magazine belge Le Vif L’Express, il arpente souvent les pays en conflit : Rwanda, ex-Yougoslavie, Somalie, Congo, Syrie… et n’en oublie jamais la Belgique, ce laboratoire de la coexistence traversé de tendances centrifuges. Il est l’auteur de Bruxelles, Ceci n’est pas une ville, du guide Petit Futé Rwanda et de L’Afrique centrale vingt ans après le génocide. Il a vécu deux ans au Maroc en tant que professeur de français.
Myrna Nabhan est une politologue syrienne, rédactrice au Huffington Post et réalisatrice du documentaire Damas, là où l’espoir est le dernier à mourir.
LangueFrançais
Date de sortie21 juin 2018
ISBN9782360135158
Jours tranquilles à Damas: Chroniques syriennes

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    Aperçu du livre

    Jours tranquilles à Damas - François Janne d'Othée

    « Car nul pays n’est plus complexe, plus difficile, plus révolté par nature que la Syrie. »

    Joseph Kessel, En Syrie, 1927

    Préface

    Il y a des événements qui bouleversent nos existences, qui nous tombent dessus sans notre avis et qui nous hantent. Ce qui se passe en Syrie a bousculé le cours de ma vie. Mon monde a changé depuis le déclenchement de cette guerre en 2011 qui n’épargne rien, ni personne. Je fais partie de ceux qui ont échappé, du moins physiquement, au chaos syrien pour tenter de mieux en parler. De Bruxelles, je voyais à travers les écrans de télévision mon autre pays exploser à 4000 km de moi. La Syrie d’aujourd’hui n’est plus celle que j’ai connue et aimée, celle qui m’a vue grandir. Elle est désormais devenue ce pays qui effraie le monde entier.

    Il y a quelque chose de tellement fort et d’indescriptible qui m’y rattache et qui m’a poussée à me rendre là-bas, à plusieurs reprises, durant la première année du conflit. Mais de chaque voyage, je revenais désorientée et très affectée, mon insouciance s’était définitivement envolée dans l’odeur de la poudre. C’est dans ces circonstances que j’ai rencontré François Janne d’Othée lors d’un dîner dans une petite brasserie bruxelloise. Sa passion pour la Syrie, ce pays loin là-bas qui n’est pas le sien, nous a instantanément rapprochés. Il a été l’un des premiers à m’encourager à retranscrire la souffrance de ce pays pour que, peut-être, d’autres ici puissent la ressentir. Ses conseils avisés m’ont permis de trouver refuge dans l’écriture face à l’atrocité de ce conflit. Cette brasserie aujourd’hui n’est plus, mais la Syrie elle, profondément meurtrie est toujours debout.

    Après avoir mis à l’écrit de nombreuses fois toutes ces émotions qui me traversaient, je me suis vite rendu compte que les mots à eux seuls ne parvenaient pas à exprimer l’étendue de la réalité de terrain. Aucun mot, aucun sentiment n’était assez fort pour exprimer ce que l’on ressentait. Au cœur de la guerre, il existe des hommes, des femmes et des enfants, des héros du quotidien qui malgré la terrible épreuve qu’ils traversent, essaient tout de même de continuer à sourire à la vie. J’ai décidé donc d’embarquer une caméra dans mes valises et de partir à la recherche de ces images manquantes de nos écrans de télévision pour réaliser un documentaire et donner la parole à ceux que l’on n’entend pas. Je voulais m’intéresser à toutes ces petites histoires individuelles qui forment la grande. Je me suis mise à interviewer et à filmer les enfants, les femmes, les passants, tous ces gens qui pensent d’abord à vivre et qui, parfois ont connu la mort sans avoir perdu la vie, mais tentent toujours de garder la tête haute. Au début, j’étais terrorisée de tout ce que je voyais, entendais, vivais et ressentais. J’étais envahie par mes émotions et n’arrivais pas à les contrôler.

    De retour à Bruxelles, mon chemin a croisé à nouveau celui de François qui, encore une fois, m’a donné de précieux conseils sur la manière d’appréhender ce conflit, et m’a fait comprendre qu’il était nécessaire que j’apprivoise mes réactions et mes émotions pour que je puisse me protéger sans me faire happer par la noirceur de la guerre. Voir la guerre à travers la lentille de la caméra ne rend pas la situation moins difficile, et il n’existe aucun bouton sur lequel appuyer pour effacer la vision de la souffrance et de la douleur. Il m’a aidée à accepter l’idée que ce conflit était devenu une partie de moi-même. Et au fur et à mesure de mes voyages, j’ai appris à rire avec eux au grondement des avions et au sifflement des obus. La situation est extrêmement déroutante, mais quand on la vit, elle n’a plus rien de surprenant. Quand les gens sentent qu’ils peuvent mourir à n’importe quel moment, ils vivent la vie de la manière la plus profonde et la plus pleine possible. Dans tout ce chaos, dans cette Syrie dans laquelle il est devenu si difficile de vivre, cette société à bout de nerfs, épuisée par cette guerre qui n’en finit pas, fait tout pour préserver ce qui lui reste d’espoir. Il y a de la vie là-bas, plus de vie que quiconque en-dehors de ce pays ne peut l’imaginer. Cette guerre a pris beaucoup plus que ce que nous possédions, cette guerre nous a ravi nos souvenirs, nos racines, nos rêves, mais elle n’arrivera pas à tout détruire. Malgré les blessures, les gens continuent de sourire et d’aimer car l’arme la plus puissante de cette guerre contre la terreur, c’est l’espoir et la résilience. La Syrie, éternelle incomprise, est autre chose que le synonyme de guerre. Elle n’est pas le tombeau de l’Humanité mais restera, toujours et à jamais, le berceau de toutes les civilisations.

    Ce conflit et ses conséquences nous touchent tous. Dans les pages qui suivent, François Janne d’Othée s’est employé à démêler l’engrenage complexe de ce pays dont tout le monde parle mais que peu, au fond, comprennent. Par des rappels historiques et l’analyse pertinente des événements les plus brûlants de cette guerre qui n’en finit pas de tuer, l’auteur a l’incontestable mérite d’éviter l’écueil du manichéisme. Il a réussi à cerner la complexité de cette terre maintes fois millénaire, de cette société pleine de contrastes avec ses espérances et ses frustrations, et de son histoire politique avec ses réussites et ses échecs. L’exercice était loin d’être simple, vu le déchaînement de réactions passionnées et le déferlement de discours simplistes à la simple évocation du mot Syrie, de tous ceux qui pensent que le monde se divise entre le bien et le mal. La vérité est qu’il y a des bons et des mauvais de tous les côtés, et un seul vrai coupable : ce tourbillon de violence qui a effacé tellement de vies.

    Myrna Nabhan

    Politologue belgo-syrienne, auteure du documentaire

    « Damas, où l’espoir est le dernier à mourir »

    Introduction

    La Syrie n’est pas mon pays. Mais depuis que je l’ai découverte, alors que les flammes de la révolte menaçaient de la consumer, je ne l’ai plus quittée. Désormais, c’est la Syrie qui m’habite, que je sois à Damas, Alep, Paris ou Bruxelles. Jusqu’alors, cette contrée ne m’évoquait pas grand-chose, si ce n’est l’écho d’un pouvoir autoritaire. En me rendant au Liban en 2007 pour participer au marathon de la paix, je n’avais pas pris la peine de poursuivre jusqu’à Damas, alors que c’était très simple d’y aller. Je n’avais donc aucun préjugé.

    Une consœur m’avait conseillé d’aller voir ce qui se passait à Damas alors que chacun regardait vers l’Égypte qui venait de se défaire de Hosni Moubarak. Bonne idée, si ce n’est qu’elle n’a jamais reçu son visa (à Paris), alors que moi j’ai bien eu le mien (à Bruxelles). Et me voilà parti seul, en juin 2011, pour mon premier voyage en terre inconnue. Il sera suivi de trois autres, obtenus après insistance et de lourdes formalités. J’aurais volontiers séjourné pour de longues périodes, mais je n’y ai pas été autorisé par les autorités syriennes. Je précise ici que celles-ci ne m’ont jamais offert le moindre verre de thé, et c’est très bien ainsi.

    Pourquoi écrire sur la Syrie ? Parce que depuis près de huit ans, elle traverse un cauchemar. Une guerre atroce, des morts par centaines de milliers, des destructions apocalyptiques et l’exil pour des millions de citoyens. Au début, les diplomaties occidentales ont voulu y voir un nouveau domino du « printemps arabe » qui s’abattait après les bouleversements survenus en Tunisie, en Égypte et en Libye. Mais sous l’apparente revendication démocratique se jouait une partie bien plus sournoise : des rivalités régionales sur fond de l’éternel conflit entre sunnites et chiites, tandis que grandissait le monstre djihadiste avec la complicité de pays voisins.

    Pour tenter de comprendre cette complexité, et se confronter au réel, rien de tel que d’aller sur le terrain à la rencontre des habitants restés au pays, ce que peu de journalistes ont fait. Ce récit est basé sur mes reportages, mes souvenirs et des rencontres aussi touchantes que variées. Donner la parole à ces citoyens restés de gré ou de force au pays était la moindre des choses, tant ont proliféré les discours prétendant savoir ce qui est bon pour eux, sans jamais leur demander leur avis.

    Couvrir les prémices du conflit m’a donné un avantage certain en termes de maîtrise de l’information. Je l’avais déjà expérimenté au Rwanda, où je me trouvais un mois avant le début du génocide. En Syrie, figurer parmi les derniers touristes à traverser le pays avant son abandon par les Européens m’a permis une vision d’ensemble qui m’a beaucoup aidé pour les reportages et analyses ultérieurs.

    Ces chroniques ne sont pas du « journalisme sur la guerre », mais « en temps de guerre ». Ce sont moins les belligérants qui importent que les citoyens syriens traumatisés par ce conflit et qui tentent, à leur niveau, de ramener la paix dans leur quartier, leur ville, leur pays. « Jours tranquilles à Damas », c’est une façon de dire que la Syrie n’est pas tout entière à feu et à sang, contrairement à ce que des images trompeuses peuvent suggérer. Même si la guerre est dans toutes les têtes, la vie quotidienne se poursuit : les marchands ouvrent leurs échoppes, les enfants vont à l’école, les balayeurs nettoient les rues, les familles vont au parc

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