Rien...
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À propos de ce livre électronique
Jamais auparavant Jean Pierre Makosso n’avait autant mobilisé les symboles dans le processus d’élaboration du discours littéraire que dans Rien... L’énonciation narrative est plurivocale, une triangulation entre la voix persistante d’un nourrisson, celle subreptice d’un adulte et celle plus discrète de la collectivité.
Tout au long du récit, le narrateur ne quitte pas la plage. Plus qu’un espace, la plage est un leitmotiv permanent et obsédant, l’un des motifs directeurs du texte. Elle ne renvoie à rien d’érotique, elle évoque d’abord la liberté, l’épanouissement ; le lieu de réflexion philosophique, de recueillement, de repos, le lieu propice à la manifestation de la sagesse.
Paradoxalement, la plage symbolise ensuite le vide, la nudité, la dépossession, le délabrement, le dénuement, le ravage, la ruine, la détérioration, la pollution. Tous ces moyens techniques et bien d’autres du récit servent à la réflexion sur la question centrale dans le texte : le mode de conception et de gestion du pouvoir en Afrique en général, au Congo en particulier, qui resterait le même en dépit de l’alternance au sommet de l’Etat : le peuple est envisagé comme la propriété et la chose du pouvoir qui en extrait le maximum d’utilités possibles au cœur d’un commerce immoral, national et surtout international.
— Dr. Luc Fotsing
Jean Pierre Makosso
Sorti de l'école traditionnelle et familiale, scolarisé à l'école des blancs, Jean Pierre Makosso, dans son parcours pragmatique a pu écouter et observer. Tout au long de sa scolarité, il a bien vite affiché son goût pour le verbe. Il choisit de s'affirmer dans le théâtre, suivant une formation à Pointe-Noire, sa ville natale et cela pendant des années. Il fit ses premières apparitions dans de grandes oeuvres théâtrales où il occupa toujours des rôles principaux puis dirigea, après sa première tournée en Europe, un groupe de jeunes comédiens amateurs. Évoluant dans la Compagnie de théatre Punta-Negra, il effectua plusieurs voyages hors de son pays d'origine, le Congo-Brazzaville. Après sa dernière tournée mondiale en 1996, il ouvrit à Pointe-Noire un centre culturel francophone dénommé Espace Océan, centre de formation et d'encadrement des enfants et des jeunes à la tradition congolaise et à la culture franco-africaine qu'il dirigea jusqu'à l'an 2000. En 2001, il finit par élire résidence en Colombie britannique au Canada, plus précisement dans la ville de Gibsons sur la côte du soleil à quarante minutes de Vancouver.
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Aperçu du livre
Rien... - Jean Pierre Makosso
Jean Pierre Makosso
Rien
First published by Editions Dedicaces 2019
Copyright © 2019 by Jean Pierre Makosso
Publié par les Editions Dédicaces.
Tous les droits sont réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique, mécanique, photocopie, enregistrement, numérisation ou autre sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Il est illégal de copier ce livre, de l’afficher sur un site Web ou de le distribuer par tout autre moyen sans permission.
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First edition
ISBN: 978-1-77076-771-3
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Publisher LogoUn jour on se réveille un matin et on comprend qu’on a plus de passé que d’avenir alors on va fouiller dans ce passé pour s’assurer qu’on n’a rien laissé au hasard.
Muan Mâ M’kayi
À ma fille Amanda
À l’enfance et à la jeunesse
Aux migrants que nous sommes
Et à moi-même¹
¹ Ce Rien de livre a failli ne pas voir le jour à cause d’un grave accident de voiture qui a failli m’emporter le 08-août-2018. Mine de rien, tout comme moi, il a survécu.
DU MÊME AUTEUR :
Aux Éditions Dédicaces
La voix du conteur, nouvelles (2008)
Le cri du triangle, Poésie, prose (2009)
Œuvres humaines, poésie (2010)
Human works, traduction anglaise d’œuvres humaines (2011)
Il était une fois… ce jour-là, roman (2012)
Francophonîquement vôtre, prose poétique (2017)
Aux Éditions l’Harmattan (Congo, France)
Le monde est un champ de proverbes, poésie (2013)
Zoé, conte pour enfants (2014)
Avec la haine des hommes ils créent la guerre
Avec leur colère ils détruisent la terre
Mais sois reconnaissant la guerre est finie
La terre se remplit
Bientôt tu n’auras plus rien à craindre
Bientôt tu n’auras plus à te plaindre
Ce qui s’est passé est une triste histoire
Efface-la de ta mémoire
Muän Mâ M’kayi in Le Monde est Un Champ de Proverbes
Introduction
Persécuté, je cours toujours. On me poursuit sans cesse. Je m’enfuis : de village en village, de ville en ville, de pays en pays, de continent en continent, d’un monde à un autre… mon…mon dieu, il n’y a qu’un seul monde, si on ne peut le sauver, où donc fuirai-je alors ? Tant pis, je me jetterai dans la mer. Noyade assurée vaut mieux que fusillade en vue.
(L’enfant, in La Voix du Conteur, aux Éditions Dédicaces)
Que se passe-t-il là-bas en Afrique ? Eh bien ! Je vais vous le dire. Rien. Il ne se passe rien. Absolument rien. Car s’il se passait quelque chose, les gens réagiraient. Ils ne sont pas insensibles les Africains, ah ça, vous pouvez me croire. S’il se passait quelque chose, l’homme de pouvoir se lèverait, prendrait le micro et tonnerait à la radio. Il aurait tout intérêt à montrer aux autres nations qu’il est bien là, majestueux et capable de maintenir de l’ordre dans son fief tout en respectant le désordre. Il vociférerait alors :
- Afrique, Africaines, Africains, cette nuit quelqu’un a attenté à ma vie. Je décrète un couvre-feu jusqu’à ce qu’on arrête ces semeurs de trouble.
Et il y aurait un couvre-feu sur toute l’étendue du territoire jusqu’à nouvel ordre. Voyez-vous, il ne se passe rien là-bas car s’il se passait vraiment quelque chose, l’opposant au pouvoir irait pleurnicher sur toutes les chaînes de télévisions mondiales que sa vie serait en danger, qu’il aurait vu des soldats du gouvernement rôder autour de sa maison, et il soulèverait une partie de la jeunesse à qui il distribuerait armes et munitions pour une guerre sanglante et tribale.
Il ne se passe rien croyez-moi, là-bas rien ne manque. Enfin peut-être l’éducation, l’électricité, l’eau potable, les routes, mais ça, les Africains semblent bien s’en passer alors tout baigne. Tant que la paix de l’homme au pouvoir et de son opposant, n’est pas dérangée, tout va bien. L’homme au pouvoir et l’opposant du pouvoir sont les bébés du continent. Il faut veiller sur leur santé et surtout sur leur sommeil. Il y a des endroits dans ce monde, même quand le chat miaule, les voisins appellent les services d’urgence, le curé et le médecin arrivent au même moment pour prier et soigner. En Afrique, non, le bébé toussote, les chars de l’homme du pouvoir, son avion et les voitures blindées de son opposant se mettent en action car nos seigneurs sont contrariés par ces toussotements du bébé. On rase sans état d’âme tout un quartier. Et aussitôt que l’avion décolle, on bombarde sur le bébé qui n’a pourtant, rien fait, et qui ne demande qu’à vivre et à découvrir le monde. Son tort est juste une action face à un besoin physiologique : pleurer, exprimer un besoin naturel, réclamer un dû. On est arrivé à brûler son père, sa case, on a violé sa mère, ses sœurs, mutilé ses frères devant lui et il pleure. Ses pleurs sont un cri de détresse, un appel au secours mais qui peut l’entendre, personne ne le voit… comme il ne se passe presque rien…en tout cas rien du tout. Tant que la sieste de l’homme au pouvoir
et de son opposant n’est pas dérangée, tout va bien comme dans le meilleur des mondes.
(Que se passe-t-il là-bas en Afrique in La Voix du Conteur, aux Éditions dédicaces)
Préface
Rien : est-ce l’annonce d’un ouvrage particulièrement vide ? Bien au contraire, il est rempli de constatations, souvent ironiques, parfois amères, concernant la défense et l’illustration du contexte sévissant au Congo, pays d’origine de l’auteur, et concernant notamment la situation politique, sociale et même l’histoire du pays, vue sous son aspect colonial et même post-colonialiste.
C’est d’abord sur le mot rien que s’attarde la plume de l’auteur, tout en jouant avec ses diverses implications et significations, allant jusqu’à créer le néologisme rienutile qui revient comme un refrain dans l’ensemble des textes. Un premier exemple donne le ton de départ de l’ouvrage :
« Mine de rien, tout ça n’a rien à voir, qu’il n’y ait plus rien à lire, plus rien à écrire, plus rien à apprendre ni à connaître, rien à voir ou à entendre, rien à être, rien à avoir, ce n’est rien du tout, rien à faire, rien de rien, rien pour rien, rien avec rien, rien sans rien, rien n’existe, « rien » existe et rien lui-même n’existe pas. »
Mais, par la suite, ce ton ironique, voire primesautier, prend des accents plus dramatiques, du fait des grandes alarmes qui peuvent résonner dans ce pays d’Afrique :
« Arrêtez de bombarder notre village, arrêtez de soutenir les opposants, les dictateurs et leurs partis politiques car vous le faites, non pas dans le but de nous aider mais pour votre propre intérêt, alors arrêtez ! »
C’est ainsi qu’un contexte politique et social finit par s’imposer dans la suite de l’ouvrage, au fur et à mesure que la plume de l’auteur s’agite, évolue, virevolte et finit par se trouver prise dans une sorte d’ouragan à la fois littéraire et satirique, du fait des sujets qu’elle aborde.
L’ensemble demeure cependant dans un contexte poétique. En effet, c’est avec une suite de poèmes en prose que l’auteur sait adopter successivement divers tons et rendre ses illustrations plus vivantes, jusqu’à atteindre un paroxysme dramatique dans la satire.
Jean Pierre Makosso n’a jamais fini de nous surprendre, du fait de son talent apte à faire partager au lecteur toutes les émotions, les révoltes, les critiques, les cris du cœur qui animent sa pensée.
Un recueil où transparaît ainsi toute une vie en même temps que toute une souffrance : il ne peut laisser indifférent. Laissez-vous, comme moi, emporter par cette fièvre littéraire et satirique : vous en sortirez plus instruit, plus libre, plus apte à comprendre les tourments qui peuvent agiter tout un peuple.
Thierry Rollet
Je n’ai jamais chanté politique, seulement la vérité.
MYRIAM MAKEBA (1932-2008) chanteuse de nationalité sud-africaine, naturalisée Guinéenne, puis Algérienne, puis citoyenne d’honneur française en 1990.
Qui vivra
Verra le Congo
À cheval sur le Congo
Ou flottant parmi les jacinthes d’eau
TCHICAYA U TAM’SI, écrivain congolais, (25 août 1931-22 avril 1988)
La poésie engagée ne doit pas emprunter le ton de la harangue ; autrement dit, elle ne doit pas uniquement créer l’action mais la susciter subtilement chez le lecteur. Il importe qu’elle soit plus engageante qu’engagée.
JEAN-BAPTISTE TATI-LOUTARD, écrivain congolais, (15 décembre 1938-4 juillet 2009)
I
LECTURE I
Sur les plages on rencontre du monde :
Y en a ceux qui tournent en rond
Y en a ceux qui font des bonds
Et y en a ceux qui font le monde ;
Qu’on crève
Ou qu’on vive
Qu’on écrive
Ou qu’on rêve
Qu’on dise
Ou qu’on lise
Qu’on chante
Ou qu’on danse
La terre tourne
Et Nous… On raconte !
(Muän Mâ M’kayi)
Rien que de la politique
Rien …me mène toujours quelque part, même si, pris comme ça, dans le tas, ça ne veut rien dire, ça n’explique rien, ça ne veut rien comprendre, mine de rien tout ça n’a rien à voir, qu’il n’y est plus rien à lire, plus rien à écrire, plus rien à apprendre ni à connaître, rien à voir ou à entendre, rien à défendre, rien à posséder, rien à être, rien à avoir, ce n’est rien du tout, rien à faire, rien de rien, rien pour rien, rien avec rien, rien sans rien, rien n’existe, « rien » existe et rien lui-même, n’existe pas, on s’en rend compte, on ne s’en rend pas compte, on délire, on se veut utile, on est inutile, on est…rien…on est tout ou rien, on est rien du tout qu’importe, qu’on ait nulle part où aller parce que partout ça brûle, que faire, rien d’autre, sinon plonger dans la mer, il faut sauver la planète, plus de temps à perdre il faut le faire vite et vite, tout ça se résume à… en attendant allons visiter Lune et Mars… Rien. Plus rien à faire. Rien que de la politique tout ça. Rien ne rime à rien. Un gros rien, un zéro, un veau qui ne vaut rien, donc un vaurien. Un riennutile comme dirait un papa que je connais. Un rien et un inutile, voilà. On se trompe.
Et puis, d’ailleurs, depuis les indépendances, qu’est ce qui est arrivé au Congo sinon rien, et pourtant il survit avec moins que rien… alors… tout baigne avec ou sans