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L'ai-je bien mérité ?: Roman policier
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L'ai-je bien mérité ?: Roman policier
Livre électronique223 pages3 heures

L'ai-je bien mérité ?: Roman policier

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À propos de ce livre électronique

Immergez-vous dans l'esprit d'un détenu incarcéré pour délinquance.

Une nuit en garde à vue à la gendarmerie. Je n’ai rien mangé depuis hier midi, j’ai faim. Première nuit de prison. Une cellule tout en béton de deux mètres sur deux. Une nuit sur une couchette elle aussi de béton recouverte d’un matelas plastique de quatre centimètres d’épaisseur. On m’a retiré mes lunettes de peur que je ne les utilise pour m’enfuir ou pour me faire du mal, je ne sais pas. Froid, peur, envie de vomir. Je suis un délinquant. Réveillé toutes les deux heures par un gendarme qui tape à la porte avec un « Ça va, Monsieur ? » et qui frappe jusqu’à ce que je réponde et s’en va comme il est venu, ombre dans la nuit. La lumière automatique du couloir met dix minutes pour s’éteindre à nouveau, la nuit recommence, interminable.
14 h 45, rendez-vous avec le Procureur de la République. Nous faisons le voyage jusqu’au tribunal dans une voiture bleue aux couleurs de la République. Le gendarme qui conduit roule sans se préoccuper des limitations de vitesse, c’est vrai que nous sommes partis en retard.
- Monsieur je vous avais prévenu, votre attitude n’est pas acceptable, vous allez en prison pour un mois. La jeune juge est sévère.
Rien à dire.

Ce roman policier décrit précisément, à l'aide de témoignages, le quotidien difficile des prisonniers français.

EXTRAIT

L’hygiène est à mes yeux une condition impérative de la vie en prison car elle conditionne l’équilibre et la dignité nécessaires des détenus. Il semble que mes nouveaux colocataires ne soient pas préoccupés par cet aspect de leur vie en détention.
Mais même si la saleté me déplaît fortement, c’est un autre travers des habitants de cette cellule qui va me rebuter le plus. Ils sont fumeurs tous les trois et d’après ce que je constate, ils fument énormément, au point qu’un nuage nocif flotte dans la cellule. Ma seule envie est de sortir de cet enfer, prendre l’air frais de l’extérieur et retrouver Michel, seul visage connu de ce nouvel univers. Je n’ai aucun moyen de connaître l’heure actuelle et je ne sais pas quand a lieu, ou a eu lieu, la promenade de l’après-midi. Dans mon ancienne cellule, de nombreux documents étaient affichés près de la porte dont l’un portait les horaires des sorties mais ici je ne vois rien de tel. Je ne veux montrer aux trois occupants ni mes angoisses ni mon désir de les oublier l’espace d’une promenade mais je tourne les yeux en tous sens espérant trouver le fameux affichage que je découvre enfin sur le flanc d’une des deux armoires. Je m’en approche sans montrer quel est mon but en faisant mine de regarder la télévision et je parviens à déchiffrer une petite feuille de papier raturé sur laquelle apparaissent les horaires tant convoités.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Stéphane Courseau - L’auteur nous plonge dans une prison française à suivre les pas d’un personnage qui n’était pas destiné à y entrer : hasard, pure délinquance ou acte manqué ? Après avoir visité de nombreux détenus il a dépeint avec véracité et précision le quotidien des prisonniers, leurs angoisses et leur révolte. Depuis l'écriture de ce roman, le législateur a assoupli les conditions d'incarcération pour les petites peines en privilégiant les mesures alternatives telles que le bracelet électronique. Découvrez ici ce qu'était le quotidien de ces femmes et hommes confrontés au pire des milieux.
LangueFrançais
Date de sortie12 juil. 2019
ISBN9782378779672
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    Aperçu du livre

    L'ai-je bien mérité ? - Stéphane Courseau

    Prison ferme

    Mardi 20 mai

    Karine vient de partir. Elle est heureuse d’aller passer quelques jours chez notre fille. C’est vrai qu’il est temps, celle-ci va accoucher en juillet et la chambre du bébé n’est pas encore prête. Alors maman va aider.

    Je vais rester seul pendant une semaine mais pas un instant pour m’ennuyer, il y a tellement de choses à faire dans cette grande maison. Nous avons acheté une grange et nous l’avons transformée. Quand je dis « nous », je devrais plutôt dire « mes ouvriers ». J’ai une entreprise de rénovation tous corps d’état. Mais les travaux n’ont pas avancé comme je l’avais imaginé faute d’argent en cette période de crise économique et nous avons emménagé dans une maison sans fenêtres ni salle de bains. Alors, cette semaine sera une semaine de plus de travaux. Avant la suivante.

    Hier, nous sommes allés acheter un vélo. Depuis deux mois je ne conduis plus. J’ai perdu tous les points de mon permis un à un, petits excès de vitesse pour grand rouleur de 90 000 kilomètres par an. Cette bicyclette sera ma liberté, nous habitons à trois kilomètres de la ville dans un village charmant mais vide de tout commerce.

    Deux de mes ouvriers travaillent dans la maison. Ils dorment et vivent là toute la semaine, nous allons les chercher chez eux le lundi pour les y ramener le vendredi. Après la pause du déjeuner ce jour-là, je leur demande de modifier la conduite d’eau principale, nous n’avons pas assez de pression aux robinets. J’ai bien mangé.

    À 14 heures, l’un des ouvriers m’explique que la pièce que nous sommes allés acheter ce matin avec Karine avant son départ pour refaire le raccordement ne correspond pas aux diamètres du tuyau existant. Ils l’ont déjà sectionné. Je vais donc devoir prendre le vélo pour retourner au magasin. Ça m’arrange car, comme à chaque fois, Karine partie laisse un grand vide autour de moi et je ne sais pas bien quoi faire. Et puis il fait très beau, une balade sera agréable.

    J’enfourche la bicyclette et pars dans une rue du village. Quelle drôle de sensation, je n’étais pas remonté sur une selle depuis mes quinze ans. Le temps de voir comment fonctionne la manette du changement de vitesse et en avant. Ma joie est pourtant de courte durée car je m’aperçois rapidement que les roues ne sont pas gonflées. Je dois faire demi-tour et chercher une pompe à vélo. Mais où ? Nous avons emménagé en janvier et nous avons déposé la moitié de la maison, rangée dans des cartons, dans une grange attenante. Notre vie est là, empilée, étiquetée, en attente de reprendre un jour. Comment, dans ce fatras, trouver une pompe à vélo dont je ne serais même pas certain du bon fonctionnement si jamais je l’y découvrais. Après de longues recherches, je dois me rendre à l’évidence, je ne dénicherai pas ce qu’il me faut. Je retourne à la maison.

    — Tu as le permis Mostafa ? 

    — Oui, mais pas le droit de conduire en France sinon j’aurais une grosse amende.

    Je ne le lui avais jamais demandé auparavant et sa réponse me ravit.

    — Pas grave, si on nous arrête je paierai, il faut aller acheter la pièce qui manque.

    — Oui, mais plus tard.

    — Ce serait mieux d’y aller maintenant pour avoir le temps de la poser avant ce soir pour remettre l’eau dans la maison.

    Mon agacement est visible.

    — Je finis ce que je fais, répond-il en me tournant le dos.

    Je comprends alors que nous n’irons pas au magasin ensemble. Je tourne les talons rageusement et cours presque jusqu’au portail de nos voisins. Un coup de sonnette. Personne. Un autre coup de sonnette. Toujours personne. Nous sommes en pleine après-midi, les gens travaillent.

    Alors, je vais prendre la clef de ma voiture et décide de partir seul. Je n’ai pas conduit depuis deux mois. Le juge m’a prévenu la dernière fois : « Si vous êtes repris à conduire sans permis, ce sera la prison ». Le risque est important mais je ne peux pas laisser la maison sans eau et il faut bien que j’achète une pompe sinon ma semaine sera un enfer, cloîtré ici.

    Conduire sans autorisation est un véritable calvaire. Bien entendu, il ne faut pas se faire prendre par les gendarmes mais surtout il faut éviter tous les dangers de manière à ne pas risquer d’accident. Je ne suis pas inconscient, du moins je le crois. Il faut choisir la bonne route, la bonne vitesse, être à l’affût de tout mouvement, à droite et à gauche car dans tous les cas c’est moi qui aurais tort en cas d’accident ou même de froissement de tôle.

    Pour me rendre à la ville voisine, j’ai le choix : soit la petite route directe mais sur laquelle je me suis fait interpeller deux mois auparavant au cours d’un banal contrôle sans infraction, un dimanche matin – le dernier jour où j’ai conduit jusqu’à aujourd’hui – soit contourner la ville en empruntant sa rocade. Peu de croisements et donc peu de risques avec d’autres véhicules. Vitesse maximale inférieure de vingt kilomètres à la limitation, bloquée par le limiteur de la voiture. Peu de monde sur la route, l’après-midi à la campagne est réservée au repos pour bon nombre d’habitants. Tout se passe bien, je suis au magasin. Enfin.

    Quelques minutes après me revoici au volant, une pièce de plomberie et une pompe à vélo à mes côtés, il ne reste plus qu’à rentrer. La route est encombrée tout à coup. Une longue file de voitures et de camions semble bloquer la rocade. Que se passe-t-il ? Ce n’est pas habituel par ici. Je prends ma place sans réfléchir dans ce serpent quasi inanimé. Une camionnette de service de voirie me double et s’arrête un peu plus loin en faisant défiler le message – Véhicule en panne, Bouchon, Ralentir – perché sur son toit. Finalement le cortège redémarre lentement, très lentement, assez pour que je voie au loin le bleu de l’uniforme des gendarmes. Non, rien à craindre, ils sont occupés à régler la circulation.

    Plus j’approche, plus j’ai peur tout de même. Je distingue parfaitement le premier gendarme maintenant, je ne le connais pas ou plutôt il ne me connaît pas. Deux mois auparavant lorsque les motards qui m’avaient arrêté s’étaient rendu compte que je n’avais pas de permis de conduire, ils m’avaient demandé de les suivre à la gendarmerie où ils avaient pris ma déposition. Nous avions passé deux heures ensemble et ils ne m’avaient laissé repartir qu’après que Karine soit venue me chercher tout en laissant ma voiture sur place. Après deux heures de huis clos, on se souvient des visages.

    Mais ce gendarme ne me connaît pas. Pas de risques donc. Je suis à cinquante mètres de lui. Il agite son bras pour faire signe aux automobilistes de passer, derrière lui un camion est en panne sur la file opposée. Pourvu qu’il ne me demande pas de stopper devant lui. Nous avançons encore, je passe, tout va bien, ouf. Mais je le vois approcher sa bouche du talkie-walkie fixé à son épaulette. Non, ça ne peut pas être pour moi. Mais déjà j’aperçois un second gendarme à cent mètres qui lui aussi fait signe d’avancer et qui de l’autre main approche son épaulette de sa bouche. Nous avançons, j’avance. Mes mains sont crispées sur le volant, j’ai baissé les deux pare-soleil. Plus je progresse et plus je crois le reconnaître : c’est lui qui m’a arrêté il y a deux mois. Tout à coup il me fait signe de stopper. Ça y est, cette fois sera la bonne.

    — Bah alors, Monsieur Courseau, qu’est-ce que vous faites là ? me lance-t-il dans un grand sourire.

    Prévenu

    Mercredi 21 mai

    Une nuit en garde à vue à la gendarmerie. Je n’ai rien mangé depuis hier midi, j’ai faim. Première nuit de prison. Une cellule tout en béton de deux mètres sur deux. Une nuit sur une couchette de béton recouverte d’un matelas plastique de quatre centimètres d’épaisseur. On m’a retiré mes lunettes de peur que je ne les utilise pour m’enfuir ou pour me faire du mal, je ne sais pas. Froid, peur, envie de vomir. Je suis un délinquant. Réveillé toutes les deux heures par un gendarme qui tape à la porte avec un « Ça va, Monsieur ? » et qui frappe jusqu’à ce que je réponde et s’en va comme il est venu, ombre dans la nuit. La lumière automatique du couloir met environ dix minutes pour s’éteindre à nouveau, la nuit recommence, interminable.

    14 h 45, rendez-vous avec le Procureur. Nous faisons le voyage jusqu’au tribunal dans une voiture bleue aux couleurs de la République. Le gendarme qui conduit roule sans se préoccuper des limitations de vitesse, c’est vrai que nous sommes partis en retard.

    — Monsieur, je vous avais prévenu, votre attitude n’est pas acceptable, vous allez en prison pour un mois. La jeune femme est sévère.

    Fin de la discussion. On ne m’a pas demandé de me défendre, j’étais condamné avant d’arriver. Tous les arguments, les phrases que j’avais préparés dans ma tête tout au long de la nuit ne verront jamais le jour. Une impression de vide me remplit, je suis vide. Karine, où es-tu ?

    Mais la descente n’est pas terminée, il faut entrer en prison maintenant. Dans la voiture des gendarmes qui m’ont amené à Châlons-en-Champagne pour y être présenté à la procureure, le trajet dans la ville est court et je ne sais pas comment nous arrivons devant la lourde porte qui sépare le monde de la prison. Je n’ai même pas l’idée de regarder autour de moi pendant que les battants s’écartent pour laisser entrer le véhicule.

    J’ai l’impression étrange en pénétrant dans la prison qu’on me prête attention. Certainement que je ne suis pas un client ordinaire : cinquante-sept ans, bonne tenue, rien d’un délinquant, à vue d’œil seulement.

    Passage à la fouille au corps, le gardien chargé de l’opération m’épargne le toucher rectal pourtant prévu à en voir les gants qu’il a enfilés.

    — Prenez cette carte ayez-la toujours sur vous et surtout ne la cassez pas ! Ma nouvelle identité est désormais le matricule 34910.

    Montée dans les étages. Le gardien qui m’accompagne semble sympa.

    — On parlait avec les collègues, ça doit être dur de tomber une première fois à votre âge. Il est prévenant, me vouvoie et m’appelle par mon nom. S’ils sont tous comme lui, ce ne sera peut-être pas si dur.

    Quartier des arrivants. Les nouveaux sont mis à part pour les évaluer avant de les insérer définitivement dans la prison. Un autre gardien aussi gentil que le précédent m’amène à la cellule. « On vous a mis à la 122, vous serez tranquille c’est des jeunes sans histoires ».

    Je ne sais pas où je suis, les couloirs s’enchaînent les uns après les autres. Murs jaunes sur toile de verre, plafonds à quatre mètres, toutes petites fenêtres à deux mètres de hauteur, juste là pour la lumière. Et partout des portes de cellules, étroites avec des verrous et œilletons. Vieux bâtiment rénové pour lui donner une apparence plus moderne. Enfin la cellule. Le gardien détache de sa ceinture un énorme trousseau de clefs et en insère une dans la serrure puis tire le verrou qui se trouve en haut de la porte étroite. Le tout est fait dans un bruit fracassant de frottement de métal.

    Malgré moi mes habitudes de professionnel de l’agencement donnent à mes yeux l’ordre de mesurer les lieux. La cellule mesure approximativement quinze mètres carrés avec toujours la même hauteur de 4 mètres. Au fond, deux lits surmontés de deux autres en mezzanine. Les montants sont en fer, fixés au mur et au sol. À droite, un ensemble cloisonné qui masque une cuvette de W.C, une douche et un lavabo. À gauche, deux armoires d’une porte chacune, elles aussi fixées au sol et au mur. Pour finir le décor, une table et quatre chaises en plastique.

    — Ne soyez pas inquiet, me dit le gardien en voyant mon hésitation à pénétrer dans ce lieu inconnu, vous allez vite vous habituer, je reviendrai vous voir plus tard. En fait je n’ai pas peur mais cet environnement est tellement éloigné de ce que j’ai rencontré dans ma vie que la notion d’univers carcéral me saute aux yeux.

    Trois jeunes hommes sont allongés sur leur lit, l’un d’entre eux me jette : «  Si vous n’avez pas mangé, vous pouvez prendre le yaourt sur la table ». Le trajet a été court mais, avant, l’attente pour voir la procureure avait été longue, la fin de journée est proche. Je le remercie mais lui réponds du bout des lèvres que je n’ai pas faim. Celui qui m’a parlé doit avoir vingt-cinq ans. Il semble gentil. C’est un gaillard costaud, bien que relativement petit. Il m’envoie un grand sourire. Le second, allongé sur une des paillasses supérieures doit avoir trente-cinq ans. Il reste immobile à regarder la télévision et ne s’intéresse pas à moi.

    Le dernier, un garçon trapu avec un début d’embonpoint doit lui aussi avoir vingt-cinq ans tout au plus. Il me dit bonjour puis un « T’es là pourquoi ? » auquel je réponds laconiquement par un « Conduite sans permis ».

    Cette réponse semble réveiller le second qui jusqu’alors m’avait ignoré.

    — Moi aussi c’est pour ça, tu as pris combien ? 

    — Je ne sais pas encore, je passe demain au tribunal. 

    La conversation est engagée et nous échangeons quelques considérations sur la justice et les prisons. Injuste, dure et aveugle, voilà tout. Ensuite, ne sachant que faire je m’assieds sur une chaise en retrait contre un mur. Les garçons regardent la télévision fixée au-dessus de la porte. Une émission de téléréalité sans intérêt pour moi.

    Le gardien a tenu parole et, un moment après, rouvre la porte et m’appelle d’un « Monsieur Courseau » tonitruant afin que je le suive.

    Il souhaite simplement me permettre d’évacuer mon stress en me faisant parler et en me donnant quelques informations.

    — Vous êtes là pour longtemps ? 

    — Je ne sais pas encore.

    — Oh vous savez ce n’est pas si terrible que ça ici.

    — Je verrai bien.

    Il a l’air vraiment agréable et je sens qu’il ne se force pas pour me parler. Il me donne des détails sur le programme du lendemain matin : entretien avec le lieutenant du secteur et rencontre avec le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation). Je n’ai pas d’idée de l’heure qu’il peut être. Je suis déconnecté des réalités tout comme si tout arrive à une autre personne.

    Retour en cellule. La soirée s’installe : le son de la télévision a été monté, les repas viennent d’être servis, je refuserai de manger encore cette fois, les douches ont été prises et les serviettes ont été mises à sécher sur les barres des lits. Les mouvements se ralentissent, mes compagnons se sont allongés à leur place et j’en déduis que la seule place disponible m’est réservée.

    Ce sera donc sur une couchette en hauteur que je dormirai.

    Heureusement que je suis un peu sportif, j’ai tout de même peur de sembler empoté en y montant.

    Vidage du paquetage fourni à l’entrée : produits d’hygiène, produits d’entretien, draps, couverture, assiettes, couverts et verres. Installation du lit, cinq minutes de passées. Il ne reste plus qu’à monter s’allonger et essayer de dormir. Je ne suis pas encore véritablement arrivé ici. L’impression d’être spectateur et non acteur est toujours présente. J’écoute les échanges entre les occupants de la cellule, deux d’entre eux semblent être camarades et surtout, malgré leur jeune âge, ils connaissent la prison pour avoir été déjà incarcérés à Reims, la grande ville voisine. Les fenêtres de la cellule sont grandes ouvertes et on entend des cris qui fusent des autres geôles. Il fait chaud pour cette fin mai. Des hommes s’interpellent de fenêtre à fenêtre, là aussi beaucoup se connaissent, s’appelant par leurs prénoms ou leurs surnoms. La prison ne doit pas être occupée à plus de la moitié par des « primaires » comme moi.

    La nuit commence. Il n’y a pas de couvre-feu, la télévision est toujours allumée et le néon inonde de sa lumière crue la pièce en commençant par les couchettes supérieures qui resteront illuminées jusqu’à 23 h 30, heure à laquelle deux de mes codétenus décident enfin de dormir. Le silence commence enfin et avec lui la réflexion qui était interdite jusque-là par le bruit et la lumière. Réflexion est un bien grand mot, il s’agit plus d’images qui défilent dans ma tête mêlant les faits à la représentation de mes fantasmes des temps à venir. Et Karine, toujours Karine. J’ai cinquante-sept ans, trente-cinq années de vie commune, deux grands enfants de plus de trente ans, trois petits-enfants et une quatrième qui arrive fin juillet. Crétin, que fais-tu là ? Nous n’avons jamais été séparés de cette manière aussi brutale excepté

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