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L'utopie en marche: François Neveux, entrepreneur et inventeur économiquement incorrect
L'utopie en marche: François Neveux, entrepreneur et inventeur économiquement incorrect
L'utopie en marche: François Neveux, entrepreneur et inventeur économiquement incorrect
Livre électronique341 pages3 heures

L'utopie en marche: François Neveux, entrepreneur et inventeur économiquement incorrect

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À propos de ce livre électronique

L'auteur nous raconte l'incroyable aventure d'un entrepreneur hors du commun.

François Neveux, entrepreneur exceptionnel, a souhaité dès le début de sa vie professionnelle travailler différemment. Il a cherché avec tous, employés, clients, concurrents à tisser d’autres relations, où l’homme est premier dans la communauté humaine du travail et non le « système ». Nombre d’exclus, de laissés pour compte seront aussi associés au sein des entreprises qu’il a créées. Lorsqu’il entend parler du projet de Chiara Lubich, fondatrice du Mouvement des Focolari, qui propose l’Économie de communion dans la liberté comme réponse aux problèmes économiques de notre temps, il souhaite pleinement s’engager à sa suite. Progressivement, il lâche tout ce qu’il a édifié en France et s’investit totalement au Brésil. Là, il donne tout : son savoir-faire, ses brevets, sa technologie, son argent.

François Neveux était un spécialiste de l’assainissement, il était aussi un inventeur-né. Il déposa trente-cinq brevets qui le placèrent comme expert auprès des Normes Européennes. Il a aussi développé, en son temps, le marché du loisir, en produisant des planches à voile, des kayaks, des bateaux... François Neveux, avec des éclairs de génie mais aussi avec un humour inouï, nous passionne par cette utopie tenace qui ne l’a jamais lâché : créer le Paradis sur terre ! Il est décédé en août 2006, après quelques mois d’une maladie fulgurante, à l’âge de 70 ans.

Le récit passionnant d'un homme exemplaire qui a mis son génie au service de la société.

EXTRAIT

29 mai 1936, 11 heures

C'est un garçon !
Une mère contemple son chef-d'œuvre dans ses bras en lui murmurant des mots tendres.
Un père crie de bonheur avec force : «Ce petit sera un révo­lutionnaire !» Dehors la clameur de la rue fait entendre la révolte de la foule : le Front Populaire est en marche.
François Neveux est né !
Ces trois voix vont désormais accompagner le petit François : la voix qui ose dire le désir d'amour, la voix de l'enthousiasme et celle de la protestation.
Sève vitale
C'est un enfant rieur ! Il vient d'ouvrir le cadeau de son père : un livre !
C'est un livre qui a ouvert la première fenêtre sur le monde...
C'est une fenêtre entrouverte qui a laissé rentrer le vent de tous les possibles.
Robinson Crusoé : mon monde ! dira le petit François.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Isaline Bourgenot Dutru a été successivement, professeur de français, graphologue puis professeur des Ecoles. Actuellement, elle se passionne pour l’écriture sous toutes ses formes. D’abord du vivant de François Neveux, puis lors d’une enquête au Brésil en compagnie de l’épouse de celui-ci, elle a recueilli la riche matière de ce récit passionnant. Mariée, mère de deux enfants et jeune grand-mère, elle vit dans la région d’Aix-en-Provence.
LangueFrançais
Date de sortie15 févr. 2018
ISBN9782853139731
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    Aperçu du livre

    L'utopie en marche - Isaline Bourgenot Dutru

    Sommaire

    I. La connaissance par l’imagination

    29 mai 1936, 11 heures

    Sève vitale

    Racines

    Première lecture

    Quand une mère veut…

    Études et copains, l’âge d’or !

    Neveux, encore et toujours, alarmé, alarmant…

    Celle qu’on n’attendait pas

    Lien

    Premier départ

    Inventer du nouveau, inventer du « Neveux » et entreprendre !

    Le plastique, une bombe !

    Un nouveau vocabulaire se balance : toute la famille de « roto »…

    Pas d’horizon, pas de limite !

    Des fosses en fonçant, mais surtout en risquant !

    « Si tu veux être heureux, commence par rendre heureux les autres ! »

    Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement

    Des larmes qui changent une vie

    Lecture et relecture

    II. La part pour l’autre

    Un, deux puis cent…

    Du travail à loisir

    Juste une question de regards

    Rebondissements

    Débauchés mais embauchés

    Vents d’Est

    Et pendant ce temps-là, aux Éts Neveux, arrêt sur image…

    « Anne, ma sœur Anne »

    Alors vint « l’histoire »

    Attention d’Angers

    Au secours ! Il n’y a pas de loi pour interdire la misère !

    Coûte que coûte

    Fulgurances

    Ils ont aimé !

    En retrait

    III. Un nécessaire abandon du pouvoir

    On peut faire des affaires le jour et chanter dans les rues, la nuit !

    Hiver

    De la pénombre des abris au soleil des tropiques

    Un coup de tonnerre bleu dans un ciel gris à l’infini

    Quand croire, c’est faire !

    Normes énormes

    Le congrès historique

    Le pôle Spartaco

    Le sourire de José

    Émergence

    Mais qui étaient ces Brésiliens « moins brésiliens que François » ?

    Louco

    Injecter, s’associer, recycler et travailler autrement

    Le tournant

    Petit carnet de voyage

    L’imitation héroïque

    Virage à 180°

    IV. Renaître ensemble

    L’atelier de Claire

    Le mur blanc, le toboggan jaune et la toute petite tondeuse, en vrac !

    Père et fils, tralala !

    « Tu peux mettre la machine dans ton garage et commencer à produire »

    La chaîne s’allonge, la famille s’agrandit

    Le nuage prend forme, on peut lire

    Petit inventaire technique à la Prévert. Extraits…

    Paroles, paroles, paroles… chiffres et programme de vie

    « On attendra qu’ils soient plus mûrs »

    Chagrin, paix et reconnaissance

    Ô Brésil, à nouveau, nouveau monde !

    Liberté, Égalité, Fraternité… ou les trois « phi » économiques ?

    Premiers pas à la française…

    Si on mangeait ensemble, si on parlait ensemble ?

    Synergie

    De la boue noire de Philippe à l’or des roses de Fred

    Avec ce qu’il y a eu de plus modeste, de plus petit…

    Et pourquoi pas nous ?

    Lyrisme

    Témoins

    Quand le rideau se déchire…

    26 août 2006, 12 heures 30

    V. Épilogue

    Lorsqu’un livre nous met en marche…

    Le goût du dernier voyage

    Éloge des utopies

    Petite carte postale de l’auteur

    Empreinte

    Remerciements

    Cahier-Photo

     Dans la même collection

    Fin

    À François Neveux,

    Phare pour beaucoup d’entrepreneurs en France,

    au Brésil et dans le monde,

    À Françoise Neveux, sa femme,

    Le sel de ce livre.

    À la nouvelle génération,

    À mes enfants, gendre et petit-fils bien-aimés,

    Fred et Julie, la relève,

    Max, l’avenir,

    Thomas, la promesse.

    I

    La connaissance

    par l’imagination

    « L’imagination est la reine du vrai,

    et le possible est une des provinces du vrai.

    Elle est positivement apparentée avec l’infini. »

    Charles Baudelaire,

    Curiosités esthétiques

    29 mai 1936, 11 heures

    C’est un garçon !

    Une mère contemple son chef-d’œuvre dans ses bras en lui murmurant des mots tendres.

    Un père crie de bonheur avec force : « Ce petit sera un révolutionnaire ! » Dehors la clameur de la rue fait entendre la révolte de la foule : le Front Populaire est en marche.

    François Neveux est né !

    Ces trois voix vont désormais accompagner le petit François : la voix qui ose dire le désir d’amour, la voix de l’enthousiasme et celle de la protestation.

    Sève vitale

    C’est un enfant rieur ! Il vient d’ouvrir le cadeau de son père : un livre !

    C’est un livre qui a ouvert la première fenêtre sur le monde…

    C’est une fenêtre entrouverte qui a laissé rentrer le vent de tous les possibles.

    Robinson Crusoé : mon monde ! dira le petit François.

    Racines

    Il est toujours intéressant de mesurer comment un être est habité par les histoires de sa famille, comment il les a faites siennes. Certains destins portent le sceau du désir de continuer l’œuvre commencée par un lointain ancêtre. D’autres accomplissent les rêves secrets qu’un grand-père a tout juste murmurés. Pour d’autres enfin, comme dans une course de relais, le témoin se passe de père en fils. Notre existence est souvent au bénéfice de tous ces rêves, racontés ou devinés, chacun cherchant à tracer son futur.

    Un lointain ancêtre de François Neveux, François Lamothe, fut chirurgien mais aussi fabricien au sein d’une église près de Bordeaux. Être fabricien, fonction qui a aujourd’hui disparu, lui donnait la responsabilité de prendre en charge les enfants pauvres, les déshérités, les orphelins, sur le plan de l’éducation et sur le plan religieux. Il se devait aussi de les aider financièrement pour les établir dans le monde. Ainsi, « fabricien » pouvait-il se comprendre comme une sorte de ministère laïque au cœur de l’Église. Tout cela se situait sous le règne de Louis XIV et ce fut la première fois que le prénom de François apparut dans la famille.

    Beaucoup plus tard, le grand-père du petit François, Eugène Neveux, se passionna pour la création d’une des plus belles machines à rêves du voyage : les moteurs de bateaux. En tant qu’officier mécanicien de la marine, il suivait scrupuleusement l’entretien des moteurs et pour les maintenir en parfait état de marche, il voyagea tout autour de la terre. Perfectionner les nouveaux moteurs, c’était l’idée fixe. Plus tard, il rejoignit les ateliers de chemins de fer en Alsace puis muté en Nouvelle-Calédonie, il y installa les voies ferrées et les bâtiments de la gare de Nouméa. Lors d’une expédition à Cayenne, il mourut brutalement, et son fils de dix ans dut rapidement assumer le rôle de chef de famille. Le petit Jean-Jacques venait de terminer son enfance.

    Né avec le siècle, Jean-Jacques Neveux vivait à Reims lorsque la première guerre mondiale éclata. La ville fut en grande partie détruite, la maison familiale aussi. Il ne restait plus à Jean-Jacques qu’à trouver rapidement un logement pour sa mère, son frère et sa jeune sœur. Il partit seul à Paris et trouva rapidement un petit appartement pour les siens, au dernier étage d’un immeuble de l’avenue des Ternes. À partir de cet instant, Jean-Jacques n’eut de cesse que de se sortir de toutes les situations incertaines, précaires.

    Jean-Jacques était devenu le chef de famille.

    Mais la vie à Paris lui fit rêver de campagne. Au fur et à mesure des années, Jean-Jacques se sentit un homme de la terre : il désirait secrètement devenir ingénieur agronome. Trois années au sein de l’École d’Agriculture de Châlons-sur-Marne lui donnèrent une solide formation dans le domaine agricole. Mais un rêve ne reste pas longtemps un rêve pour Jean-Jacques. Le devoir de réussir est un des puissants ressorts du jeune homme. Et Jean-Jacques sut vite décrocher un emploi à la hauteur de ses exigences : régisseur d’un excellent château du Médoc. La propriété était splendide, des vignes à perte de vue où les jus de la treille sont connus dans le monde entier. Il fallait tout faire à la perfection pour continuer à produire un grand cru classé !

    Très vite, son caractère très affirmé lui attira un respect unanime. C’était l’homme que l’on écoutait et que l’on suivait car il devint rapidement très compétent. Tout ce qu’il entreprenait réussissait avec succès : il fut d’emblée adopté par toute la famille du château.

    À côté du domaine, un haras magnifique. Jean-Jacques était souvent invité car les chevaux l’intéressaient et ses conseils étaient utiles. Une nièce du propriétaire s’éprit rapidement de cet homme qui dégageait un charme étrange. Il était fort, puissant, déterminé. Il obtenait la plupart du temps ce qu’il voulait. Très vite, lui aussi fut conquis par cette jeune femme de vingt-six ans, une beauté brune singulière. Au premier coup d’œil, il ne vit qu’une chevelure folle, abondamment bouclée. Mais en se rapprochant, ce fut le regard pur de cette jeune femme qui le retint : ses ravissants yeux verts semblaient une promesse de bonheur. Aussi jolie que douée, elle était très artiste et pleine d’esprit. Excellente pianiste, elle remporta le premier prix du Conservatoire de Bordeaux. Elle composa des mélodies, écrivit des poèmes et des contes. Elle était gaie. Tout le monde aimait Guitou.

    Noces intimes avec voile de dentelle pour Marguerite, dite Guitou, voyage de noces magique au Pays Basque… puis quelques semaines passèrent et Guitou découvrit qu’elle serait bientôt mère, dans trois saisons… Très vite, l’histoire s’accéléra. Une petite Colette vit le jour, et moins de deux ans après, Monique fit son entrée. Jean-Jacques, voyant sa famille s’agrandir rapidement, décida d’abandonner ses vignes pour réaliser un projet plus audacieux. Il devint rapidement le bras droit du directeur d’une société de fabrication de machines routières. Cinq ans plus tard, il créait sa société, la société Neveux, et travaillait pour les Ponts et Chaussées. Un chantier énorme à mener à bien. Fabriquer des routes. De belles routes. En France, seuls quelques grands axes étaient achevés et il restait tant à faire.

    Inventer… Une obsession… Jean-Jacques transforma sa maison en un immense laboratoire d’expérimentations. Sur la table du salon, des plans, des modèles réduits, de l’huile pour moteurs, de l’essence. Il tâtonnait, cherchait et… la plupart du temps trouvait. Aussitôt, il déposa des brevets, conçut et réalisa des machines très modernes : des goudronneuses, des gravillonneuses et des bitumeuses ! Elles étaient extrêmement performantes !

    Jean-Jacques était en train de perfectionner son usine lorsqu’un troisième enfant s’annonça. Alors il déménagea à nouveau toute la maisonnée en achetant à Bordeaux, dans le quartier du Bouscat, Maïtena, une jolie villa basque. Annette, dite Nanette, venait juste de naître.

    Jean-Jacques obtint de concevoir tout un important réseau routier. Les routes de La Rochelle à Poitiers puis celles qui descendent sur Angoulême pour remonter à Bordeaux et enfin relier La Rochelle : c’était ce qu’il appelait son « triangle de goudron ». Il partait toute la semaine afin de surveiller au mieux ces quelque cinq cents kilomètres de routes mieux dessinées et plus sûres. Puis l’attente d’un quatrième enfant fit rêver les parents d’un fils… Et si la nature les entendait ?

    C’est ainsi que le petit François fit son apparition, le 29 mai 1936, en pleine contestation ouvrière. Et l’immense joie du fils arrivé au foyer donna des ailes à Jean-Jacques pour résoudre les problèmes de son entreprise face aux injonctions du Front Populaire. Mais très vite, d’autres soucis se précisèrent.

    Lorsque la seconde guerre mondiale éclata, trois ans plus tard, l’usine dut fabriquer des têtes d’obus pour la France. Puis la débandade générale de milliers de gens sur les routes fuyant les Allemands fit rage. L’exode inonda Bordeaux de familles cherchant un abri sûr, une destination à l’étranger. Guitou s’était inscrite à la Croix-Rouge pour apporter sa contribution en aidant les gens les plus désorientés. Des familles entières allaient transiter par Maïtena.

    Rapidement, l’usine de Jean-Jacques fut réquisitionnée par les Allemands. Jean-Jacques savait qu’il ne devait pas se soumettre. Une nuit, il décida d’envoyer toutes les têtes d’obus à une fonderie. Devant ce geste de sabotage, il lui fallut vite partir avant que l’ennemi ne retrouvât sa trace. Il laissa l’usine ainsi, en complet dysfonctionnement. Et dans le même temps, il rassembla sa famille, quitta Maïtena et s’en alla aussi loin qu’il put pour se réfugier dans une grosse ferme du Médoc, une propriété immense où il fallait retrousser ses manches sans relâche pour manger.

    Où sont les cultures ? Où sont les vignes ? Où sont les troupeaux ? Il n’y a rien. Des champs tristes à l’horizon. Tout est à imaginer.

    Alors Jean-Jacques revint à sa première passion : l’agriculture. Il devait réussir.

    Le domaine était immense et François, l’explora à sa façon. Il aimait par-dessus tout aller chez les métayers ou les fermiers du coin. Ils étaient si différents de ses parents. François se sentait vraiment chez lui lorsqu’il les voyait « faire chabrot », blaguer, jurer et chanter. C’est ce monde-là qui l’amusait et qu’il choisit très tôt.

    Pendant ce temps, Jean-Jacques ne songeait qu’à faire surgir une oasis. Il voulait planter, cultiver, récolter, rapidement. Les paysans alentour étaient dubitatifs. Mais au bout de quelques mois, quand ils virent l’immense résurrection du domaine avec des moyens très modernes, inattendus pour l’époque, ils ne doutèrent plus de son génie. Les cultures donnaient ! Et les vignes étaient plantées. Jean-Jacques soignait ses animaux tout seul, sans jamais faire appel à un vétérinaire. Il confiera aux siens qu’il vérifiait dans des livres tout ce qu’il était en train de réaliser, mais que son imagination intuitive fut toujours première. Pour lui, c’était la plus sûre voie de connaissance.

    Système D. Surtout, « ne pas crever de faim ». Ne pas décolérer. Faire beaucoup avec peu de moyens grâce à la force de l’imagination : voilà le programme de Jean-Jacques Neveux qu’il essaiera coûte que coûte de transmettre à ses enfants. Pour cela, il faut être actif sans relâche et inventer sans cesse. Oui, tout est à conquérir lorsque l’idée est là.

    « Des bateaux ont fait le tour du monde et des trains ont pu relier des villes grâce à mon père », pensait Jean-Jacques. Lui, regardait le ciel et considérait les avions. En jouant avec des sarments de vigne, il mit au point le premier aggloméré de bois de vigne. Il réalisa ainsi des planches très particulières, ultralégères et ininflammables. Sûr qu’elles pourraient servir à réaliser de magnifiques ailes d’avion, il proposa ses planches à des sociétés d’aviation. Il implanta également une usine à gaz… gaz issu des sarments de vigne. La vigne est immortelle, Jean-Jacques n’en a jamais douté.

    Les routes du Bordelais existent encore et l’esprit d’invention a continué à se transmettre. Et dire que quelques années avant sa mort, dans les années soixante-dix, il réalisa, à partir de l’euphorbe, cette herbe assez commune, un nouveau carburant pour les voitures, le carburant vert. Prophétique, non ?

    Première lecture

    « Robinson Crusoé : le monde ! » dirait François Neveux.

    On ne peut imaginer à quel point ce livre fut un cadeau pour François. Les caractères d’imprimerie devinrent de véritables gènes qui rentraient en lui. Sans cesse il se martelait : « Seul, abandonné, sans ressources, tout reste possible ! L’important : tout tenter, tout imaginer pour découvrir le monde et s’en sortir ! »

    Ce que ne savait pas Jean-Jacques Neveux, c’est que ce livre préparait aussi la fébrile volonté d’indépendance de son fils. Pour François, l’horizon immédiat était de quitter son île, celle de sa famille, pour tout oser.

    Comment faire quand on ne dispose que d’un vélo pour quatre ? À l’adolescence, on trouve très vite l’énergie pour satisfaire sa soif d’indépendance. François s’organisa un atelier qu’il construisit en pisé. Il n’avait que quatorze ans, mais il avait promis à la plus jeune de ses sœurs, Nanette, de deux ans son aînée, qu’il appelait « l’autre moitié de moi-même », de l’emmener danser dans les bals alentour. Système D. Trouver de vieilles motos. Dans les granges, les garages, les décharges. S’en fabriquer une, originale, unique, toute flambante, avec les pièces mises bout à bout. Et surtout, la repeindre en bleu ! François en collectionna une bonne demi-douzaine ! Toutes bleues ! Écouter le moteur et partir, n’importe où… Nanette et François faisaient le mur. Par précaution Nanette prenait le vélo, et François tirait sa sœur avec sa moto bleue ou la laissait monter sur la moto en tirant le vélo. L’important était de revenir se coucher avec le soleil levant.

    Leur mère, toujours au courant, feignait de ne rien voir. Elle préférait se taire mais se réjouissait secrètement de voir que Nanette délaissait ses tâches ménagères pour tenter l’aventure avec lui.

    Pourquoi les trois sœurs restaient-elles souvent perplexes vis-à-vis de leur jeune frère ? Il disait toujours qu’il voulait changer le monde. Sa soif de contacts avec les gens les plus différents, comme Robinson avec Vendredi, et les réalisations techniques assez audacieuses dans son atelier les surprenaient tellement qu’elles commençaient à se dire : « Et si c’était lui qui avait raison ? »

    Quand une mère veut…

    Le premier cadeau de la vie pour le petit François fut le sourire de sa maman : Guitou la tendresse infinie, Guitou l’encouragement permanent, Guitou la confiance absolue en ses enfants. Et tout sera entrepris pour sa grande œuvre qu’est la maternité : cinq enfants, trois filles en premier et deux garçons. François, l’aîné, devra attendre plus de dix ans pour accueillir Jean-Michel, le dernier de la tribu Neveux.

    Le ressort puissant de Guitou sera d’oser tous les possibles pour que le petit François grandisse, fasse des études et bâtisse sa vie d’homme. Guitou s’accrocha à cette mission : ses enfants avant tout ! Les mener loin, les mener libres…

    En considérant ses enfants, les idées lui vinrent pour venir à bout de toutes les situations. Oui, ses enfants la mettaient en marche et la firent naître à elle-même autant qu’elle continua à les enfanter.

    À l’issue du baccalauréat de François, Guitou n’eut qu’une idée en tête : inscrire son fils dans une école d’ingénieurs. Elle pressentait des dons prometteurs, et savait qu’il ne fallait rien gâcher. Jean-Jacques et Guitou étaient à Bordeaux et l’école, à Marseille. Les parents ne pourraient assumer des études supérieures aussi loin. Était-ce raisonnable ? Les obstacles de la distance et de l’argent représentaient de gros freins. Et pourtant, ce ne fut pas la raison qui l’emporta, mais la détermination. En quelques jours, François fut inscrit à l’École de Marseille.

    Guitou faisait confiance.

    La ténacité de Guitou était telle, que quelques années plus tard, lorsque son second fils dut faire des études supérieures, elle dut trouver coûte que coûte un moyen pour faire rentrer l’argent. Aussitôt, elle se mit à écrire des contes d’animaux pour enfants, « les Contes de Guillaumette ». Elle les fit éditer elle-même et partit les vendre dans les écoles bordelaises.

    Oui, Guitou faisait confiance car à chaque fois, elle mettait tout en œuvre pour ses enfants.

    Études et copains, l’âge d’or !

    Qui a pu penser des études sans copains ?

    Études égalent pensionnats ! Au total, presque quinze ans : du cours préparatoire à la fin de la Terminale. Les pensionnats, pour François, furent rapidement une sorte d’initiation à la connaissance de l’âme humaine en général. François se trouvait un air moche et il se sentait pauvre parmi ses « collègues de prison » souvent beaucoup plus aisés que lui. Et pourtant, au lieu de développer un stupide complexe d’infériorité, il comprit qu’il avait un énorme avantage dans la vie : rester soi-même tout en communiquant avec tous. Dans les conversations, il était étonné du peu de profondeur partagée et des tout petits risques que ses collègues osaient prendre. Sa force était de ne juger personne. Il se rendit compte, progressivement, qu’on l’écoutait, qu’on l’imitait et qu’on lui emboîtait le pas quand il proposait des « aménagements » dans cette vie d’interne… si terne. Les projets, il en avait et il était devenu, malgré lui, une vague déferlante dont il était illusoire d’en vouloir arrêter le cours.

    Après le pensionnat, démarrage classique : démarrage sans fric. Comment peut-on faire son trou quand on a très peu de moyens ? Étudiant à Marseille, ses parents à Bordeaux, François se débrouilla pour faire toutes les réparations de sa logeuse. Elle avait des travaux tous azimuts à envisager dans sa maison et tout de suite l’esprit d’à-propos a joué. Pourquoi ne pas proposer de tout remettre d’aplomb, en échange, le loyer ne serait plus qu’une simple formalité ? C’était au fond « le mode d’emploi de la vie », selon François : donner sans s’appauvrir, donner et enrichir la relation.

    Trois ans à l’École d’Ingénieurs de Marseille en même temps qu’une licence de Sciences à la Fac et voilà François entouré des meilleurs copains. Au début, il y avait les Marseillais et les autres. Les Bordelais faisaient

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