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Euphrosyne s'en va t'au diable: Un roman policier sur fond de politique
Euphrosyne s'en va t'au diable: Un roman policier sur fond de politique
Euphrosyne s'en va t'au diable: Un roman policier sur fond de politique
Livre électronique164 pages2 heures

Euphrosyne s'en va t'au diable: Un roman policier sur fond de politique

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À propos de ce livre électronique

Une Grâce s'invite à Servignan.

Tout ronronnait à Servignan, petit commune du canton de Genève. Jusqu'à l'arrivée d'une Grecque bronzée et rebondie, prénommée Euphrosyne et prête à tout pour faire carrière à la Mairie...
La créature venue du Sud, impossible à intégrer dans le microcosme communal, paiera cher le prix de ses intrigues.

Un roman qui mêle jeux politiques, jeux de séduction et enquête policière au cœur du canton de Genève.

EXTRAIT

Il avait eu l’occasion, peu après son mariage, de louer une charmante villa dans le chemin privé qui longeait le collège, et bien entendu, sa jeune épouse avait cessé d’y travailler. Elle avait d’ailleurs indiqué avec un rire de gorge qu’elle espérait bien ne plus devoir travailler pour le restant de ses jours.
En revanche, elle ne cachait pas que la politique l’attirait, puisque ses épousailles avec un citoyen genevois lui avaient immédiatement procuré la nationalité suisse. Elle racontait à qui voulait l’entendre qu’elle se verrait assez bien députée au Grand Conseil, voire au Conseil national, « tant le niveau des gens en place était nul ».
Elle n’avait à vrai dire aucune culture politique. Ses origines modestes la poussaient d’instinct vers un parti de gauche, où elle pensait qu’elle serait mieux accueillie, mais elle redoutait de devoir se soumettre à une discipline d’action trop contraignante. Finalement, elle adhéra au parti écologiste. Au début, Jean-Marc Taillard écouta le récit des rêves de sa femme avec une indulgence amusée. Il pensait pour sa part que «la politique» était une occasion de perdre beaucoup de temps et d’argent, mais il n’osa pas lui refuser un engagement qui ne manquerait pas de la distraire. Lui-même passait des heures innombrables au collège. Il avait la réputation d’un coupeur de cheveux en quatre que même le désir de retrouver sa douce épouse ne parvenait pas à calmer. Sans sa présence sur tous les fronts, il était persuadé que rien ne fonctionnerait normalement. Il lisait personnellement tout le courrier, signait tous les engagements de dépenses, vérifiait la ponctualité de tout le monde.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Magali Orsini est une véritable arlésienne, née aux portes de la Camargue en 1941. Elle a gardé de sa Provence natale une indéfectible joie de vivre, qui lui fait jeter sur son entourage un regard amusé et corrosif.
Militante de la première heure dans les rangs de la gauche, elle s’est installée en Suisse après la grande fête de mai 68. La politique d’une petite commune du canton de Genève, à la fois internationale et rétrécie, lui a inspiré son premier roman policier.
LangueFrançais
ÉditeurRomPol
Date de sortie4 août 2017
ISBN9782940164585
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    Aperçu du livre

    Euphrosyne s'en va t'au diable - Magali Orsini

    coïncidence.

    Chapitre 1

    Ce mardi 15 octobre, Jean-Marc Taillard, directeur du fameux Collège du Lac, sis à Servignan, petite commune du canton de Genève, s’était levé de mauvaise humeur, avait répandu toute la journée ladite mauvaise humeur sur tous les humains croisés sur son passage : secrétaires, professeurs, doyens, parents et bien entendu, élèves. À 17 heures, il était tout simplement d’une humeur exécrable.

    Il détestait particulièrement voir les membres de son entourage rentrer chez eux les uns après les autres, après un joyeux « Au revoir Monsieur, bonne soirée ! » Comme si tous ces médiocres pouvaient prétendre avoir une vie privée tellement intéressante !

    Seule demeurait la fidèle Claudette, sorte de longue asperge à lunettes, qui lui vouait depuis de longues années un culte indéfectible. Elle était déjà sa maîtresse quand était arrivée au secrétariat, envoyée par une agence d’intérim comme aide de bureau, une jeune grecque rebondie et bronzée, prénommée Euphrosyne, qui lui avait procuré le choc de sa vie.

    La pauvre Claudette avait failli en mourir. Elle avait renoncé pour son grand homme à l’espoir de toute autre rencontre et lui avait consacré des centaines de milliers d’heures supplémentaires. Et voilà que du jour au lendemain, celui-ci passait sans la voir, happé dans le sillage parfumé de sa poupée multicolore.

    Elle avait eu beau s’évanouir en pleine cafétéria, perdre dix kilos sur les quelques-uns qui lui restaient, rien n’attirait plus son attention que les moindres faits et gestes de la nouvelle venue. La douleur fut à son comble quand son directeur adoré réunit tout le personnel et le corps enseignant pour annoncer son prochain mariage.

    C’était il y a huit ans. Aucun enfant n’était né de cette union sans que personne n’ait jamais osé poser de questions indiscrètes à ce sujet. Euphrosyne avait à peine trente-quatre ans. Lui en avait largement cinquante. Il était encore assez bel homme, grand et sec, malgré ses cheveux dégarnis, et deux rides horizontales qui se formaient sur son front pour un oui ou pour un non, lui donnant un air éternellement contrarié.

    Il avait eu l’occasion, peu après son mariage, de louer une charmante villa dans le chemin privé qui longeait le collège, et bien entendu, sa jeune épouse avait cessé d’y travailler. Elle avait d’ailleurs indiqué avec un rire de gorge qu’elle espérait bien ne plus devoir travailler pour le restant de ses jours.

    En revanche, elle ne cachait pas que la politique l’attirait, puisque ses épousailles avec un citoyen genevois lui avaient immédiatement procuré la nationalité suisse. Elle racontait à qui voulait l’entendre qu’elle se verrait assez bien députée au Grand Conseil, voire au Conseil national, « tant le niveau des gens en place était nul ».

    Elle n’avait à vrai dire aucune culture politique. Ses origines modestes la poussaient d’instinct vers un parti de gauche, où elle pensait qu’elle serait mieux accueillie, mais elle redoutait de devoir se soumettre à une discipline d’action trop contraignante. Finalement, elle adhéra au parti écologiste. Au début, Jean-Marc Taillard écouta le récit des rêves de sa femme avec une indulgence amusée. Il pensait pour sa part que « la politique » était une occasion de perdre beaucoup de temps et d’argent, mais il n’osa pas lui refuser un engagement qui ne manquerait pas de la distraire. Lui-même passait des heures innombrables au collège. Il avait la réputation d’un coupeur de cheveux en quatre que même le désir de retrouver sa douce épouse ne parvenait pas à calmer. Sans sa présence sur tous les fronts, il était persuadé que rien ne fonctionnerait normalement. Il lisait personnellement tout le courrier, signait tous les engagements de dépenses, vérifiait la ponctualité de tout le monde.

    Perpétuellement angoissé, il ne savait répondre à aucun petit problème de fonctionnement du collège sans organiser plusieurs réunions avec l’ensemble des intéressés. En fait, seule son opinion avait le droit de triompher mais il pensait presque de bonne foi qu’il s’agissait de celle de la majorité. Il s’était choisi comme doyens deux hommes d’âge mûr, discrets et serviles qui s’épiaient l’un l’autre, lui procurant un maximum d’informations et de racontars de toutes sortes.

    Trois grandes piles de dossiers rangées au carré décoraient en permanence le bureau directorial. Elles devaient alimenter le conseil de direction, qui avait lieu tous les vendredis matins de 8 heures à midi. Celui-ci comprenait, outre le directeur, les deux doyens et la fidèle Claudette, un enseignant responsable de chacune des disciplines les plus importantes : mathématiques, français, allemand. La ponctualité y était parfaite et le silence de mort. Jean-Marc Taillard commençait par la pile de gauche, la plus récente. Il lisait à voix haute les lettres des parents reçues au cours de la semaine. La plupart contenaient des griefs contre l’établissement ou le corps enseignant. Untel se plaignait des côtelettes d’agneau trop grasses, un autre exigeait un distributeur de préservatifs dans le hall, le troisième souhaitait que l’on déplace la date de la course d’école. On se plaignait souvent de la sévérité des enseignants, en oubliant que l’on avait choisi une école privée pour échapper au prétendu laxisme de l’école publique. Personne ne riait jamais en conseil de direction, si ridicules que soient certaines missives. Le mot d’ordre donné implicitement par la direction était « sérieux et morosité ». Vers 9 heures, la charge de répondre à chaque lettre avait en général été distribuée aux membres de l’assemblée et l’on pouvait passer à la deuxième pile, qui concernait les relations avec les autorités cantonales.

    Bien que ne recevant pas un sou ni de l’État de Genève, ni de la commune de Servignan, l’enseignement donné au Collège du Lac était sous l’étroite surveillance du Département de l’instruction publique. Le dossier complet de chaque candidat professeur était soigneusement examiné avant d’être agréé et la conformité des programmes avec ceux du secteur public régulièrement vérifiée. Les innombrables lettres des innombrables services dudit département avaient l’art d’exaspérer le directeur déjà facilement enclin à la colère.

    — Une certaine Janine Dupanloup va venir assister à votre cours de mathématiques. Vous avez de la chance Monsieur Thiard ! Je suppose qu’il faudra aussi l’inviter à la cafétéria… Quand je pense à tout cet argent jeté par les fenêtres, il ne faut plus s’étonner de la nullité de leurs élèves !

    Le dénommé Thiard ne fit aucun commentaire. Il y a bien longtemps qu’il avait perdu le feu sacré de la transmission de la reine des disciplines, en présence ou pas d’une envoyée du DIP. Au contraire, il était plutôt content d’avoir un témoin du genre de blousons dorés auxquels il avait affaire. Il n’était pas rare que plusieurs d’entre eux annoncent en début d’année que, ne s’intéressant à rien, ils n’avaient pas l’intention de s’intéresser aux mathématiques plus qu’à la géographie ou le dessin. Ils faisaient néanmoins partie de la statistique de réussite au bac international et la direction de l’école ne faisait aucun cadeau aux enseignants quand la moyenne des élèves reçus était en dessous de ses espérances.

    On passait généralement à la troisième pile aux alentours de 11 heures. Jean-Marc Taillard avait refusé d’accorder une vraie pause aux membres de son conseil. Tout au plus ces derniers étaient-ils autorisés à se rendre aux toilettes une fois dans la matinée et à commander une boisson à la fidèle Claudette qui se chargeait d’aller la chercher à la cafétéria.

    — Chaud, le café, si possible ! ajoutait sournoisement Pierre Rivoire, le professeur de français, pour obliger la pauvre fille à accélérer dans les couloirs au risque de renverser le précieux breuvage.

    La troisième pile n’était pas destinée à diminuer de volume ni à faire l’objet d’une quelconque délégation à un membre de l’assistance. Il s’agissait de projets pédagogiques tous plus fumeux les uns que les autres sur lesquels on revenait chaque semaine. Jean-Marc Taillard allait les chercher tout autour de la planète, de l’Australie à la Finlande et du Japon à l’Argentine. Il les exposait d’un air pénétré, les soumettait à un tour de table où chacun devait exprimer son opinion en deux ou trois phrases, puis il les rangeait soigneusement de l’autre côté de la table en poussant toujours le même soupir :

    — Je vois que nous ne sommes pas mûrs.

    ***

    Euphrosyne obtint de son époux une petite pension pour faire face à un minimum d’investissements en liaison avec ses nouvelles activités et sur lesquels, selon elle, il eût été fastidieux de rendre des comptes. Elle avait été bien accueillie chez les « Verts », en particulier par les hommes, quand elle avait sollicité son inscription l’année précédente. Bien que son mari lui eût récemment offert une petite Audi, elle se fit un devoir d’arriver en vélo aux assemblées générales et de répartir ostensiblement ses déchets triés dans les containers de couleurs différentes installés par la mairie.

    Le président du parti cantonal fut sa première occasion d’adultère. Bien qu’il fût depuis de longues années en ménage avec une compagne aussi rousse que passionnée d’écologie, il ne résista pas aux avances insistantes de la nouvelle recrue. Euphrosyne lui fit le coup immuable de l’admiration sans borne, conjugué à un soin tout particulier de son décolleté. Pour parler aux hommes de pouvoir, elle avait coutume de se planter devant eux, telle une sentinelle, les bras le long du corps, la gorge offerte. Comme elle était de petite taille, les yeux de ses interlocuteurs devaient généralement s’abaisser vers les siens. S’ils quittaient ceux-ci pour s’abaisser encore de trente centimètres vers ses redoutables doudounes, pour revenir tout chavirés croiser son regard, elle considérait que la partie était gagnée.

    C’est bien ce qu’il advint avec le chef de file des Verts. Une fois la bête ferrée, elle obtint de son mari que lui et sa compagne soient invitées pour un week-end dans un chalet que Jean-Marc Taillard possédait à Morgins. Jouant la néophyte avide d’apprendre les rudiments de l’écologie, elle avait fait admettre l’idée d’une après-midi studieuse. Elle travaillerait avec Robert (il s’appelait Robert) pendant que les autres iraient se promener. L’aventure fut brève, mais « Freezy » (comme elle souhaitait être appelée désormais) prit l’habitude de mentir à son mari. Elle loua un studio dans la vieille ville de Genève. Ainsi, installée aux premières loges pour participer à sa manière à la vie politique genevoise, elle s’estima prête pour une ascension fulgurante.

    La première marche devait être l’élection au conseil municipal de leur petite commune. Ce fut chose assez aisée, étant donné la notoriété de son époux et le petit nombre de candidats écologistes pour ce genre de mandat. Euphrosyne Taillard se mit alors à tisser un réseau d’intrigues à peine croyable, jetant son dévolu sur toute créature du sexe mâle susceptible de lui procurer une information sur un parti adverse ou une rivale potentielle.

    Peu à peu, Jean-Marc Taillard réalisa que son rêve de repos du guerrier avait pris fin. Le bel oiseau était de moins en moins souvent là pour l’accueillir au soir de ses dures journées, malgré tous les marbres et toutes les dorures dont il avait orné la cage à sa demande. La plupart du temps, sa femme arguait de réunions, principales et secondaires, de commissions et de sous-commissions. Elle rentrait souvent alors qu’il était profondément endormi. De plus elle commençait à rechigner à s’éloigner de Genève durant les vacances scolaires.

    Ce soir-là, il demeura longuement devant la fenêtre principale de son bureau, contemplant les cèdres centenaires du parc et ressentit une mélancolie particulière. Cette vie n’était plus du tout celle qu’il avait voulue. Il sentait son monde lui échapper et ce n’était pas le dévouement de la pauvre Claudette qui le consolerait. Il comprit qu’il devrait bientôt avoir avec son épouse une discussion décisive pour qu’elle accepte d’abandonner ces ridicules activités politiques.

    ***

    Ce même mardi 15 octobre se terminait par une magnifique soirée d’automne. La place Centrale de Servignan était bordée d’un parapet, d’où l’on dominait le lac Léman et son célèbre jet d’eau. En face, les premiers contreforts du Jura avaient revêtu, comme chaque année à la même époque, des couleurs chatoyantes, avec une dominante rouge brique. Ils étaient à l’heure actuelle pleins de savoureux champignons cachés sous les feuillages, que les Genevois se faisaient une joie d’aller ramasser au grand dam des Français voisins qui les avaient baptisés « pique-meurons ».

    Une grande trouée verticale correspondait à un petit téléphérique qui, été comme hiver, emmenait les amateurs jusqu’au prochain sommet. De là, promeneurs ou skieurs, selon la saison, rejoignaient d’autres stations plus importantes, jusqu’au col de la Faucille.

    Vers 19 heures, de petits groupes de personnes, toutes

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