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Le renard des grèves - Tome 1: Les enquêtes de Mary Lester - Tome 22
Le renard des grèves - Tome 1: Les enquêtes de Mary Lester - Tome 22
Le renard des grèves - Tome 1: Les enquêtes de Mary Lester - Tome 22
Livre électronique267 pages3 heures

Le renard des grèves - Tome 1: Les enquêtes de Mary Lester - Tome 22

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À propos de ce livre électronique

Quel est ce mystérieux saboteur de bateaux qui sévit dans un petit port de Bretagne ?

Dans un petit port du nord Finistère, depuis plus de quinze ans, un mystérieux malfaiteur sabote les bateaux mouillés sur l'estran. Amarres coupées, trous percés dans les coques, orins engagés dans les hélices, tous les coups sont utilisés pour détruire les bateaux. La rumeur a désigné le coupable de ces exactions : Fanch Brendaouez dit "le Renard".
Ce vieil original a tout pour faire un bouc émissaire parfait : dernier descendant d'une ethnie redoutée de la population paysanne, les goémoniers, il se plaît à provoquer, par sa vêture, par son non-conformisme aussi. Mary Lester est priée de mener une enquête discrète et de mettre hors d'état de nuire ce fameux "Renard". Cependant, ses investigations ne la mènent pas au coupable désigné. Elle retrouve sur son chemin une vieille connaissance, le sinistre Charraz.

Découvrez ou redécouvrez un morceau de Bretagne à travers ce thriller haut en couleur !

EXTRAIT

— Alors capitaine Lester, quid de cette expédition à Nantes?
Le commissaire divisionnaire Fabien, tiré à quatre épingles comme à son habitude, les mains jointes sur le ventre, carré dans son confortable fauteuil de bureau, un sinueux sourire de chanoine aux lèvres, contemplait Mary Lester les yeux mi-clos.
C’était un siège de similicuir, certes, — mais vraiment bien imité, ciré comme du vrai — avec accoudoirs et repose-tête, un vrai fauteuil de patron, mieux conçu pour les somnolences d’après déjeuner d’affaires que pour un travail efficace. D’ailleurs, hors le sous-main de buvard vert posé devant le commissaire, il n’y avait rien sur le plateau de bois verni. Pas une feuille, pas un document, pas une trace de poussière non plus. Le faux acajou luisait comme un étang sous la lune.
Mary Lester, assise sur une chaise face au commissaire, lui rendit son sourire et demanda de cet air candide qu’elle savait si bien prendre :
— Vous latinisez à présent?

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Le décor est très bien décrit par Jean Failler, chaque rocher de Guissény à Brignogan semble être passé sous sa loupe. C’est très étonnant de retrouver son terrain de jeu d’enfant comme décor d’un polar assez noir ! - Dadoo, Ma Bibliothèque

Habile, têtue, fine mouche, irrévérencieuse, animée d'un profond sens de la justice, d'un égal mépris des intrigues politiciennes, ce personnage attachant permet aussi une belle immersion, enquête après enquête, dans divers recoins de notre chère Bretagne. - Charbyde2, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Cet ancien mareyeur breton devenu auteur de romans policiers a connu un parcours atypique !

Passionné de littérature, c’est à 20 ans qu'il donne naissance à ses premiers écrits, alors qu’il occupe un poste de poissonnier à Quimper. En 30 ans d’exercice des métiers de la Mer, il va nous livrer pièces de théâtre, romans historiques, nouvelles, puis une collection de romans d’aventures pour la jeunesse, et une série de romans policiers, Mary Lester.

À travers Les Enquêtes de Mary Lester, aujourd'hui au nombre de cinquante-neuf et avec plus de 3 millions d'exemplaires vendus, Jean Failler montre son attachement à la Bretagne, et nous donne l’occasion de découvrir non seulement les divers paysages et villes du pays, mais aussi ses réalités économiques. La plupart du temps basées sur des faits réels, ces fictions se confrontent au contexte social et culturel actuel. Pas de folklore ni de violence dans ces livres destinés à tous publics, loin des clichés touristiques, mais des enquêtes dans un vrai style policier.

LangueFrançais
ÉditeurPalémon
Date de sortie15 janv. 2018
ISBN9782372601610
Le renard des grèves - Tome 1: Les enquêtes de Mary Lester - Tome 22

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    Aperçu du livre

    Le renard des grèves - Tome 1 - Jean Failler

    Chapitre 1

    — Alors capitaine Lester, quid de cette expédition à Nantes?

    Le commissaire divisionnaire Fabien, tiré à quatre épingles comme à son habitude, les mains jointes sur le ventre, carré dans son confortable fauteuil de bureau, un sinueux sourire de chanoine aux lèvres, contemplait Mary Lester les yeux mi-clos.

    C’était un siège de similicuir, certes, — mais vraiment bien imité, ciré comme du vrai — avec accoudoirs et repose-tête, un vrai fauteuil de patron, mieux conçu pour les somnolences d’après déjeuner d’affaires que pour un travail efficace. D’ailleurs, hors le sous-main de buvard vert posé devant le commissaire, il n’y avait rien sur le plateau de bois verni. Pas une feuille, pas un document, pas une trace de poussière non plus. Le faux acajou luisait comme un étang sous la lune.

    Mary Lester, assise sur une chaise face au commissaire, lui rendit son sourire et demanda de cet air candide qu’elle savait si bien prendre :

    — Vous latinisez à présent?

    — Quelquefois, dit le commissaire d’un air faussement modeste. Des réminiscences de collège, vous savez ce que c’est… Rosa la rose et tutti quanti…

    — De l’italien à présent, dit-elle admirative. De vous à moi, patron, vous ne seriez pas en train de me prendre pour une bille avec vos locutions étrangères?

    Le sourire du commissaire s’effaça immédiatement.

    — Une bille? fit-il en fronçant les sourcils.

    — Si j’osais, ajouta-t-elle, je dirais que vous faites l’âne pour avoir du son.

    Il n’était pas d’usage qu’on parlât sur ce ton au commissaire divisionnaire Fabien, par ailleurs Directeur des Polices Urbaines. Il fallait bien être Mary Lester pour s’y risquer.

    Ledit commissaire essaya de prendre un air sévère et de cacher la satisfaction qu’il avait à retrouver « sa » Mary Lester mais il n’y parvint pas. Le capitaine Lester était le point faible de cet homme au caractère intransigeant. Il supportait de sa part des impertinences qui eussent coûté cher à n’importe lequel de ses subordonnés.

    Mais Mary Lester n’était pas « n’importe lequel de ses subordonnés ». Personne n’ignorait, au commissariat de Quimper, qu’il préférait cette jeune femme à tous ses hommes. Sans l’avoir jamais avoué, Mary était la fille qu’il aurait aimé avoir si sa femme lui avait donné une progéniture.

    En dépit de ce statut privilégié, Mary avait un très bon contact avec ses collègues. Les simples gardiens de la paix reconnaissaient qu’elle n’était pas « bêcheuse » et, auprès des OPJ, depuis le départ du capitaine Mercadier, son ennemi intime, ça se passait plutôt bien.

    — Eh bien, heureusement que vous n’osez pas, dit-il, ce serait de l’insolence!

    — Oh, patron! fit-elle d’un air contrit, comment pouvez-vous imaginer pareille chose? De l’insolence?

    — Oh, vous n’êtes pas à ça près! dit-il d’un air entendu.

    Elle le regarda droit dans les yeux et, changeant de ton, elle précisa :

    — Comme si vous n’étiez pas déjà parfaitement informé de l’affaire de Nantes! Votre ami Graissac a dû vous en parler longuement et vous tenir au courant jour après jour.

    Le commissaire protesta sans trop de conviction :

    — Jour après jour? Faut pas exagérer!

    — Qu’importe, dit Mary, vous avez été en contact permanent. Est-il satisfait?

    Avant de répondre, le commissaire prit le temps d’allumer une Benson au filtre de papier doré à un gros briquet de bureau.

    — Je pense…

    Il rejeta une bouffée de fumée vers le plafond avec un air de parfaite béatitude et, regardant Mary avec un détachement affecté, il fit mine de s’inquiéter :

    — La fumée ne vous dérange pas, j’espère.

    — Non monsieur.

    Quelle autre réponse pouvait-elle apporter à cette fausse sollicitude? Mary Lester ne fumait pas; et si les effluves nauséabonds d’un trognon de cigare, tels que les affectionnait ce capitaine Leroux de triste mémoire, l’incommodaient fort, elle ne détestait pas l’arôme léger de tabac blond dégagé par les Benson à bouts liège du commissaire Fabien.

    Elle se tenait droite sur sa chaise, face au bureau du Directeur des Polices Urbaines, comme une élève attentive devant un jury d’examen, élégamment vêtue d’un large pantalon noir et d’une veste de cuir havane jetée sur un chemisier de soie grège.

    Il n’y avait probablement pas, dans un seul commissariat de l’hexagone, un autre capitaine de police habillé avec tant d’élégance discrète.

    Pour le moment, le seul examinateur était le commissaire divisionnaire Fabien et en fait d’examen il s’agissait plutôt de ce que les pilotes en retour de mission appellent dans leur jargon un « debriefing » pour ne pas utiliser la formule française de « compte rendu ».

    Une semaine s’était écoulée depuis la fin de son enquête dans la cité des ducs de Bretagne, et, rentrée avec Fortin, Mary avait dû faire un aller-retour à Nantes pour raisons personnelles. Elle n’était à Quimper que depuis le samedi après-midi et, en ce lundi matin, elle venait donc rendre compte officiellement au commissaire Fabien des résultats de sa mission.

    — Il ne vous l’a pas dit? demanda Fabien poursuivant son idée.

    — Pas dit quoi?

    — Qu’il était satisfait!

    — Satisfait n’est pas le mot qui convient, dit Mary Lester après réflexion. J’ai plutôt eu l’impression que le soulagement l’emportait sur la satisfaction.

    Le commissaire marqua sa surprise en levant les sourcils :

    — Le soulagement?

    — Oui, dit Mary. Soulagement de savoir que cette série de meurtres s’arrêtait et soulagement aussi de savoir que je débarrassais le terrain. Pour tout vous dire, j’ai eu comme l’impression qu’il m’a trouvée parfois bien encombrante.

    — Tiens donc! dit le commissaire en contemplant avec un mince sourire le bout incandescent de sa cigarette qu’il tenait, à son habitude, entre le pouce et l’index, d’une façon un peu précieuse. L’épisode avec cette fille… Comment s’appelait-elle déjà?

    — Marion Bélier, dit Mary en pensant : « S’il n’y avait eu que ça! »

    — Voilà, Marion Bélier, fille du président de la commission des lois au Sénat, n’est-ce pas?

    Et, en faisant comme s’il réfléchissait, il ajouta :

    — Qu’est-il advenu de cette plainte?

    Le commissaire Fabien aimait le beau langage; ce n’était pas pour rien qu’il était surnommé « vieille France » par ses subordonnés qui ne raffolaient pas de ses formules fleuries. Avec Mary Lester il pouvait se laisser aller à son penchant de faire des phrases car, bien que fréquentant étroitement le lieutenant Fortin dans le cadre de son métier, elle avait du répondant.

    Jean-Pierre Fortin, vieux complice de Mary Lester, usait d’un langage imagé et argotique tout à fait pittoresque qui avait le don d’irriter le commissaire et de ravir Mary.

    Elle évacua la question d’un geste désinvolte:

    — Je n’en sais rien. Le commissaire Graissac ne m’en a jamais reparlé.

    — Il faut dire, dit Fabien d’un air patelin, que vous y allez un peu fort quelquefois.

    — Vous trouvez? demanda-t-elle, candide.

    Il ne fut pas dupe de cette candeur si bien affectée. Ils se livraient un duel à fleurets mouchetés. Un petit jeu que l’un et l’autre adoraient.

    — Oui, et je ne suis pas le seul.

    Elle eut une moue dubitative:

    — Je ne crois pas. Je m’adapte aux circonstances en m’efforçant d’apporter des réponses appropriées aux problèmes qui se posent.

    Fabien attaqua:

    — Et, selon vous, braquer un pistolet automatique sur une jeune fille pour la faire obtempérer est une réponse appropriée?

    La parade fut immédiate:

    — Je n’en ai pas trouvé d’autre sur le moment, patron, et puis je me suis rendu compte que ce n’était pas la meilleure manière d’opérer. Alors j’ai rengainé mon arme.

    — Et vous lui avez passé les menottes!

    — Oui, parce que ça, c’était une réponse appropriée au problème qu’elle me posait.

    — Réponse excessive et peut-être traumatisante tout de même, dit Fabien.

    Elle protesta, calmement:

    — Non pas! Si je l’avais menottée en public, devant la presse, les photographes, certes elle aurait eu des raisons de se sentir humiliée. Mais ça s’est passé entre nous, au cœur d’un embouteillage et ça lui a probablement évité d’aller se jeter sous une voiture.

    Elle poussa une pointe:

    — Pensez-vous que le sénateur Mouton aurait préféré cette deuxième solution?

    Le commissaire rompit:

    — Vous avez de ces questions! dit-il en levant les yeux au plafond.

    — Et je lui ai enlevé les menottes avant même d’arriver au commissariat, ajouta Mary. Vous le savez, patron, ajouta-t-elle, parfois on est comme les arbitres de foot, obligés de prendre une décision dans l’instant. Après on peut regarder la vidéo une fois, deux fois, dix fois et déterminer ce qui aurait été la bonne attitude. C’est facile, dans la sérénité d’un prétoire ou d’un salon, de refaire le match!

    Et elle redit une fois encore en le regardant:

    — Après…

    — Glissons, dit Fabien en levant une nouvelle fois les yeux au ciel. Et ne parlons pas de vos rapports avec le capitaine Leroux.

    Mary sourit sans répondre.

    — Vous ne dites rien? demanda Fabien.

    — Ne venez-vous pas de dire qu’on n’en parlait pas? Donc on n’en parle pas. C’est du passé, patron. Leroux est à Nantes et je suis à Quimper.

    — Ça vous arrange bien, dit le commissaire.

    — Qu’est-ce qui m’arrange bien? Que Leroux soit à Nantes? Et comment, que ça m’arrange! Je peux vous garantir que si vous connaissiez le sujet, vous seriez bien aise qu’il soit loin de votre juridiction.

    — Je ne parlais pas de ça.

    Elle leva des yeux naïfs sur le commissaire:

    — Ah bon…

    Il ne fut pas dupe de ce regard candide. Enfin, pas trop. Il s’en voulait de ne pas savoir résister quand Mary le considérait de cette façon. Il se reprit:

    — Je voulais dire que ça vous arrange qu’on passe vos débordements sous silence.

    Elle s’indigna:

    — Mes débordements? Ce gros dégueulasse de Leroux m’agresse, et quand je me défends ce sont « mes débordements » ? Je rêve!

    Le commissaire fronça les sourcils. Ce « gros dégueulasse » faisait tache dans une conversation jusque-là de bonne tenue. Il soupira:

    — Pour vous faire reconnaître vos torts…

    — Pour me faire reconnaître mes torts, il faudrait que j’en aie! Et là, ce n’était pas le cas.

    La botte avait porté. Le commissaire Fabien en resta coi.

    — Et « votre » ministre? demanda Mary pour rompre un silence qui s’éternisait.

    Fabien parut redescendre sur terre:

    — Mon ministre?

    — Oui, vous m’aviez dit qu’il était inquiet, le voilà rassuré, j’espère.

    — Pour l’affaire de Nantes, oui. Mais, vous savez, il a d’autres fers au feu!

    — Je m’en doute, dit Mary.

    Le commissaire se pencha sur son bureau et demanda sur le ton de la confidence:

    — Je suppose que vous avez passé le dimanche à rédiger votre article pour Paris-Flash?

    Il cligna de l’œil d’un air entendu:

    — Dans le fond, je vous ai fait réaliser une bonne affaire!

    Mary se retint pour ne pas lui répondre vertement. Elle dit d’une voix calme:

    — J’ai passé mon dimanche chez moi, venelle du Pain-Cuit. Je n’ai pas écrit un mot de la journée. Il faisait beau et j’ai taillé mes hortensias. J’ai aussi parlé à mon chat et, à dix-sept heures, Amandine Trépon est venue frapper à ma porte avec des petits fours qu’elle venait de cuire.

    Le commissaire protesta:

    — Je ne vous demande pas un alibi!

    Elle grommela:

    — Encore heureux!

    Il ne releva pas cette nouvelle impertinence et demanda:

    — Puis-je savoir qui est Amandine Trépon?

    — Une dame qui habite près de chez moi. Elle s’occupe de mon chat lorsque je ne suis pas là et me rend tous les services qu’on peut attendre d’une bonne voisine. Elle cuisine divinement bien et c’est une femme charmante. Il faudra que je vous la présente.

    — Bonne idée, grinça Fabien. Une femme charmante qui cuisine bien, vous me donnez à rêver, Mary Lester!

    Le commissaire était affligé d’une moitié hypocondriaque qui cuisait à la vapeur viandes, légumes et poissons, et le gavait de pilules homéopathiques.

    — En plus, elle est libre, dit Mary. Un cœur à prendre.

    — Formidable! dit Fabien sans enthousiasme aucun. Et en échange, que lui offrez-vous?

    — Je lui raconte mes enquêtes, elle adore ça! Nous avons pris le thé devant le feu en dégustant ses petits fours. Une excellente journée, commissaire.

    Fabien hocha la tête et demanda:

    — Quand paraîtra votre article?

    Mary se mit à rire.

    — Vous en faites une tête, patron. qu’est-ce que vous craignez?

    — Rien! affirma Fabien trop vite, rien!

    Il avait pris un air dégagé, mais on ne trompait pas Mary Lester comme ça.

    — Commissaire, dit-elle en riant, vous me prêtez de noirs desseins.

    — Mais non! Je suis impatient de vous lire, c’est tout.

    — Je crains que vous ne deviez vous contenter du rapport que j’ai fourni à Graissac, dit Mary. Mon article ne paraîtra pas dans Paris-Flash.

    Le commissaire Fabien eut l’air stupéfait.

    — Pour quelles raisons? Vous avez trouvé un autre magazine qui paye mieux?

    — Patron! dit-elle d’un air réprobateur, vous avez donc une si piètre opinion de moi?

    — Pas de vous, mais des journalistes en général. Je me méfie, quoi!

    — Eh bien, vous avez tort! Mon article sur les « piqués » de Nantes, comme dit Fortin, ne paraîtra pas dans la presse.

    Le commissaire Fabien releva la tête, intrigué.

    — Et pourquoi?

    — Question d’éthique, patron. Pour cette enquête et grâce à vous j’ai reçu un salaire de capitaine, je m’en contenterai. Ma grand-mère disait toujours: « On ne saurait servir deux maîtres à la fois ».

    — Je suis agréablement surpris, Mary, dit le commissaire Fabien. Et votre grand-mère était une dame pleine de sagesse. Cela signifierait-il que vous réintégrez la maison?

    Elle répondit par une autre question:

    — N’est-ce pas ce que vous souhaitiez?

    Le sourire du commissaire s’élargit:

    — Si, bien sûr! Mais vous ne paraissiez pas très enthousiaste. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis?

    — Deux personnes, patron.

    — Ah?

    — Vous d’abord…

    — Je suis très flatté d’avoir eu une bonne influence sur vous, dit Fabien vertueusement.

    — Bonne… Bonne… redit-elle, il est peut-être prématuré de se prononcer. On verra.

    Fabien hocha la tête d’un air entendu: l’affaire n’était pas encore dans le sac!

    — Et cette seconde personne ? demanda-t-il.

    — Le capitaine Leroux.

    — Leroux? répéta Fabien ébahi, je me suis pourtant laissé dire que vos rapports n’avaient pas été particulièrement cordiaux.

    — C’est le moins qu’on puisse dire. Mais j’ai pensé que si le citoyen se faisait parfois de la police une fâcheuse image, c’est aux agissements de types comme Leroux qu’on le devait.

    — Ça se peut, dit prudemment le commissaire.

    — Et comment que ça se peut! Patron, savez-vous pourquoi j’ai obtenu les aveux de Sophie Maillard?

    — Cette femme qui avait tué trois fois?

    Elle hocha la tête affirmativement:

    — Oui.

    — Vous allez me le dire.

    — Parce que je lui ai offert des fleurs.

    — Des fleurs?

    Le commissaire Fabien en resta bouche ouverte. Cette Mary Lester parviendrait toujours à le surprendre!

    — C’est une méthode d’interrogatoire originale, finit-il par dire. Vous pouvez préciser?

    — Madame Maillard était à l’article de la mort lorsque je lui ai rendu visite sur son lit d’hôpital. Elle avait tué parce qu’on l’avait fort maltraitée. Et ce n’est pas Leroux, avec ses menaces, qui en aurait tiré un mot. Pas plus qu’un autre avec des promesses. Elle était au-delà de toutes nos pauvres contingences de bien portants.

    — Et vous avez eu l’idée de lui offrir des fleurs?

    — Que peut-on offrir d’autre à un moribond? Elle en a été très touchée et elle a pleuré. Je pense que, depuis la disparition de son ami, j’étais la première personne qui se soit montrée simplement humaine envers elle.

    Elle n’ajouta pas que ces fleurs, elle les avait achetées chez la mère de Balen, le simple d’esprit qui prenait les fesses et les seins des dames pour des pelotes à épingles dans les transports en commun nantais.

    Et elle ne dit pas non plus qu’elle était retournée à l’hôpital, appelée par Françoise Bertrand, l’infirmière du service de cancérologie, et qu’elle avait tenu la main de Sophie Maillard jusqu’à son dernier souffle.

    Il y a des choses qu’on se doit de garder pour soi.

    Après un temps de silence, le commissaire Fabien changea de sujet:

    — Connaissez-vous Kerlaouen? demanda-t-il?

    — Ça sonne comme un nom de la côte nord Finistère, dit Mary.

    — En effet, c’est un gros bourg situé sur ce qu’on appelle « la côte des légendes » ou encore « le pays pagan ». Ça vous dit quelque chose?

    — Le pays pagan, c’est le pays païen, il me semble. Quelques populations à évangéliser? Il faudra que j’en parle à l’abbé Cinabre.

    — Vous avez des relations dans le clergé?

    — À Nantes seulement. Et ce ne sont pas vraiment des relations. Mais je me suis laissé dire que l’abbé Cinabre est un missionnaire particulièrement performant. Une sorte d’artisan de la religion qui a sa petite église pour lui tout seul dans une rue retirée, à Nantes; il y applique à la lettre les règles du concile de Trente. Et je vous jure que ça ne désemplit pas; et ça marche au doigt et à l’œil!

    — Du quoi? demanda Fabien.

    — Du concile de Trente. En quelque sorte, les États Généraux de l’Église au milieu du seizième siècle.

    Était-ce l’annonce du retour de Mary Lester dans ses effectifs? Le commissaire Fabien était d’humeur folâtre.

    — Voilà qui ne nous rajeunit pas, dit-il plaisamment. Cependant votre abbé pourra repasser! Même les Saint-Politains ne sont pas parvenus à convertir leurs voisins pagans. Et pourtant, vous savez comment on appelait ce bled?

    — Saint-Pol-de-Léon?

    — Oui.

    — Les Saint-Politains ne seraient pas contents d’entendre traiter leur ville de « bled »!

    Fabien eut un geste désinvolte du bras, indiquant le peu de cas qu’il faisait de la susceptibilité éventuelle des Saint-Politains.

    — Ne disait-on pas que c’était « la terre des prêtres? » demanda Mary.

    — Gagné! dit le commissaire. Et vous avez bien fait d’employer l’imparfait: les séminaires ne font plus recette, les curés sont en voie de disparition, ce n’est pas comme les artichauts et les choux-fleurs!

    — Et les nitrates, glissa Mary.

    Ça fit ricaner Fabien:

    — Toujours écolo? ironisa-t-il.

    — Plus que jamais, dit-elle gravement. Et je ne vois pas en quoi ça prête à rire.

    — Je ne riais pas, assura Fabien avec la plus parfaite mauvaise foi.

    Elle secoua la tête d’un air de dire: « Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre! » et demanda:

    — Au fait, si vous me disiez qui on a tué?

    — Personne encore, dit Fabien.

    — Je note le « encore », dit-elle, je sens que vous ne désespérez pas!

    Le commissaire la regarda avec reproche:

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