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Nouveau voyage dans le pays des nègres: Suivi d'études sur la colonie du Sénégal et de documents historiques, géographiques et scientifiques - Tome II
Nouveau voyage dans le pays des nègres: Suivi d'études sur la colonie du Sénégal et de documents historiques, géographiques et scientifiques - Tome II
Nouveau voyage dans le pays des nègres: Suivi d'études sur la colonie du Sénégal et de documents historiques, géographiques et scientifiques - Tome II
Livre électronique399 pages5 heures

Nouveau voyage dans le pays des nègres: Suivi d'études sur la colonie du Sénégal et de documents historiques, géographiques et scientifiques - Tome II

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À propos de ce livre électronique

Extrait : "Il y a cent ans à peine, l'idée d'aller aux îles était une idée de mort, et si quelque audacieux chercheur de fortune bravait la terreur publique en s'embarquant pour ses lieux redoutés, il emportait, en quittant sa terre natale, les adieux éternels de ses amis. Aujourd'hui on est moins effrayé, parce que les relations sont devenues plus fréquentes entre la métropole et ses colonies, parce que les routes, les canaux, les chemins de fer ont ouvert..."

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LangueFrançais
ÉditeurLigaran
Date de sortie19 juin 2015
ISBN9782335075946
Nouveau voyage dans le pays des nègres: Suivi d'études sur la colonie du Sénégal et de documents historiques, géographiques et scientifiques - Tome II

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    Aperçu du livre

    Nouveau voyage dans le pays des nègres - Ligaran

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    VUE DE SAINT-LOUIS

    Avertissement essentiel

    La partie de ce volume qui a pour titre : Études sur la colonie du Sénégal, contient, outre l’historique complet de cette possession française, mes vues personnelles sur son avenir ; mais ce n’est qu’un projet, et il ne doit en rien faire préjuger les intentions ultérieures du gouvernement.

    Pour faire ce travail, j’ai dû analyser et même quelquefois critiquer les actes de l’administration coloniale antérieurs à 1846, année où mes notes ont été prises. On comprendra que ma tâche eût été impossible si je m’étais laissé conduire par des scrupules en louant ce qui me semblait attaquable.

    Je dois aussi rappeler que la mission que j’avais reçue (voir les instructions de M. l’amiral de Mackau dans l’Introduction du premier volume) m’imposait le devoir de fournir au gouvernement tous les documents propres à l’éclairer sur la politique et le commerce de l’Afrique occidentale.

    Mes Études sur la colonie du Sénégal ne sont donc pas une œuvre de fantaisie faite en vue de me donner de l’importance, mais le compte-rendu sérieux et consciencieux d’une mission de confiance.

    Je dois encore rappeler qu’il n’a pas dépendu de ma volonté de livrer plus tôt à la publicité un travail dont la date remonte à huit ans.

    A. RAFFENEL.

    Paris, ce 6 février 1856.

    Première partie

    I

    Le Sénégal tel qu’il paraît être. – Les Dieppois et les Rouennais sont les premiers Européens qui aient fondé des établissements aux côtes orientales de l’Afrique. – Rivalités des Portugais ; leurs prétentions.

    Il y a cent ans à peine, l’idée d’aller aux îles était une idée de mort, et si quelque audacieux chercheur de fortune bravait la terreur publique en s’embarquant pour ses lieux redoutés, il emportait, en quittant sa terre natale, les adieux éternels de ses amis.

    Aujourd’hui on est moins effrayé, parce que les relations sont devenues plus fréquentes entre la métropole et ses colonies, parce que les routes, les canaux, les chemins de fer ont ouvert, en France même, des communications qui n’existaient pas, il y a un siècle, entre les populations du centre et les populations du littoral. Aujourd’hui on ne dit plus les îles ; on dit l’Asie, l’Afrique, l’Amérique, l’Australie ; les colonies de la France sont connues par leur nom, et ces noms n’inspirent plus d’effroi. Le mystère des régions tropicales est dévoilé ; on ne raconte plus à la veillée les merveilleuses aventures des hardis voyageurs qui ont franchi l’Océan pour établir leur demeure à la Martinique, au Canada, à Saint-Domingue, à l’île de France. Le prestige de ces noms est détruit ; la gloire d’avoir vu l’Atlantique et le cap des Tourmentes est éclipsée.

    Chacun sait aujourd’hui que les pays compris entre les tropiques donnent, en retour de leur éternelle verdure et de leur ciel toujours bleu, des chances de mortalité plus grandes que dans les pays tempérés ; mais chacun sait aussi que ces chances, examinées avec l’œil de l’expérience, doivent perdre leur caractère terrifiant. Les Antilles, l’île de la Réunion, la Guiane même, si tristement célèbre, il y a cinquante ans, par les lamentables récits des déportés du 18 fructidor, sont aujourd’hui réhabilitées.

    Le Sénégal ne l’est pas. Le Sénégal est demeuré tel qu’il était autrefois ; c’est toujours une terre maudite ; c’est toujours une fosse ouverte et ne se fermant pas.

    Quelles sont les causes de cette réprobation qui a survécu au temps, qui a résisté aux révolutions accomplies dans les idées. Le Sénégal offre-t-il un asile privilégié aux fléaux endémiques qui frappent l’existence ? Non ; car ces fléaux sévissent aux Antilles avec plus de violence. Le Sénégal se trouve-t-il situé à une si grande distance de la métropole que ceux qui auraient le désir de s’y établir soient préoccupés de la longueur du chemin ? Non ; car les autres colonies sont éloignées d’Europe d’une distance au moins double.

    Pourquoi donc le Sénégal demeure-t-il frappé d’interdit devant l’opinion ? Pourquoi ces familles d’émigrants qui vont demander à la terre étrangère la subsistance que la patrie ne peut pas toujours leur offrir, n’ont-elles jamais pris la route du Sénégal ?…

    C’est que le Sénégal est bien réellement une terre maudite. C’est que, indépendamment d’un climat capricieux et perfide, beaucoup moins meurtrier toutefois que celui des Antilles (n’oublions pas de le signaler), on trouve au Sénégal une vie des plus misérables.

    Les Européens qui l’habitent vivent sur un îlot de sable ; sur un îlot de sable sans eau, sans terre, sans arbres, sans gazon ; sur un îlot de sable baigné pendant sept mois par des eaux salées . Ils ne sont pas propriétaires du sol et ne veulent pas le devenir. Ils n’arrivent au Sénégal que pour s’y livrer à un trafic mesquin, et ils n’attendent, pour abandonner à jamais cette terre désolée, que la réalisation d’une modeste fortune ; jour de bonheur qui ne luit pas sur tous, hélas !

    Voilà l’existence de la population blanche du Sénégal ; elle comprend environ cent vingt âmes.

    D’autres Européens, employés du gouvernement, partagent avec elle les misères et les privations attachées à cet affreux séjour. Ces derniers, presque tous contraints par un tour de service ou par des nécessités de carrière, y viennent à contrecœur, y vivent avec douleur et le quittent avec joie, heureux quand ils ont pu préserver leur santé des atteintes de la fièvre, de la dysenterie, de l’hépatite et surtout de ce mal qui, se jouant de la science des médecins, frappe de mort quiconque ne sait pas accepter les regrets de la patrie absente.

    On conçoit que le souvenir rapporté d’un pareil exil, choisi dans des vues de spéculation par les uns, accepté sous l’empire de la nécessité par les autres, doive être pour tous un souvenir amer dont le secret n’est pas gardé. C’est qu’en effet il n’y a au Sénégal ni promenades pittoresques, ni jardins odorants, ni douces causeries, le soir, sous le frais feuillage des grands arbres.

    Du sable mouvant, un soleil de plomb, des maisons blanches qui réfléchissent des rayons brûlants, une population en guenilles : voilà les joies matérielles du Sénégal. Il n’y a plus dès lors à s’étonner de le retrouver avec sa fâcheuse renommée d’autrefois.

    Pas de population attachée au sol pour le cultiver et l’approprier aux besoins d’un peuple civilisé ; pas de colonie. Aussi le Sénégal n’est-il aujourd’hui qu’un lieu d’échange, ancien bazar-d’esclaves transformé en marché où se troquent les gommes du Sahhrâ, les peaux des troupeaux des pasteurs foulhs et quelques grammes d’or arrachés aux eaux de la Falémé et aux terres d’alluvion du Bambouk.

    Il y a pourtant de la terre et de l’eau comme partout au Sénégal. Il y a de riches cultures dans le haut de son cours ; et les indigènes y récoltent en abondance du riz, des mils, du coton, de l’indigo. Les habitants de Saint-Louis vont s’approvisionner au Fouta du mil nécessaire à la subsistance des nègres de l’île, et les troupeaux y sont nombreux. Ainsi, non seulement les indigènes vivent dans des conditions presque luxueuses, mais ils nous font participer aux produits que donne leur pays.

    Dieu n’a donc pas dépouillé la terre de la Sénégambie des trésors de la production.

    Pourquoi n’en profitons-nous pas ? Pourquoi la main intelligente de l’homme civilisé a-t-elle refusé son aide à cette terre qu’il a choisie, à cette terre qui lui donnerait aussi des joies et des douceurs s’il voulait les lui demander ?

    La réponse viendra plus tard. Disons auparavant qui a découvert le Sénégal et par quelles phases il a passé avant nous.

    De tout temps la nation portugaise, dont la place est incontestablement marquée au premier rang dans l’histoire des navigations du XVe siècle, a revendiqué l’honneur d’avoir fondé les premiers établissements européens aux côtes occidentales de l’Afrique. À l’époque où la fièvre des découvertes poussait l’Europe vers les terres barbares de l’Atlantique, bien au-delà des colonnes d’Hercule et des promontoires réputés infranchissables par les légendes du paganisme et du Moyen Âge, les opinions, jusque-là favorables aux Portugais, se trouvèrent divisées ; d’innombrables prétentions surgirent de toutes parts.

    Lorsque le délire de l’action fut passé, on s’occupa de chronologie et de répartition. Ce fut le temps de la polémique et de la controverse.

    Les Portugais entrèrent des premiers dans la lice. Ils y parurent armés des glorieux exploits de leurs capitaines du XVe siècle que dirigeait le génie de leur prince immortel, Henri le Navigateur. Les Français les suivirent : moins riches en documents officiels, ils n’avaient à opposer à leurs adversaires que des traditions locales et d’obscurs récits de quelques marins de Dieppe, consignés dans des mémoires.

    Un voyageur français, Villaut de Bellefond, paraît être le premier qui eut recours à ces documents. Sa relation imprimée en 1669, sous le titre de Remarques sur les costes de l’Afrique et notamment sur la coste d’or, pour justifier que les Français y ont esté longtemps auparavant les autres nations, est établie sur les manuscrits de la bibliothèque de la ville de Dieppe et principalement sur un acte d’association des marchands de Rouen avec ceux de Dieppe, du mois de septembre 1365, pour l’exploitation du commerce aux côtes d’Afrique. Le récit détaillé qu’il donne se trouve, de plus, affirmé par Samuel Braün, qui fit trois voyages en Guinée, de 1611 à 1620 ; par Dapper, dans sa description de l’Afrique, publiée en 1668 ; et par d’Elbée, en 1669 et en 1670.

    Après Villaut de Bellefond, le père Labat, dans sa Nouvelle relation de l’Afrique occidentale, publiée en 1728, soutient la même thèse ; mais, moins heureux que Villaut, il ne put en appeler aux témoignages confirmatifs que son devancier avait consultés, car un incendie avait dévoré, en l’année 1694, lors de la prise de Dieppe, les précieux manuscrits qui établissaient les droits de la France.

    Toutefois des preuves matérielles existaient sur les lieux mêmes. Dans une ancienne batterie du fort de la Mine, appelée encore la batterie de France, une inscription à demi effacée laissait distinctement apercevoir les chiffres 1 et 3, premiers chiffres d’un millésime du XIVe siècle ; on citait aussi l’existence des armes de France, encore visibles dans l’église de la Mine, ainsi que sur une porte du fort d’Assem.

    La lutte semblait devoir se terminer là ; mais les Portugais refusèrent d’admettre les témoignages qu’on invoquait contre eux. La relation de Villaut de Bellefond, que ne justifiaient plus les manuscrits dieppois, fut considérée comme une œuvre d’imposture. Les armes de France trouvées dans l’église du fort Saint-Georges de la Mine et le millésime fruste de sa batterie ne donnèrent lieu qu’à des dissertations héraldiques et à de savants commentaires. On se borna à conclure que le millésime ne pouvait être du XIVe siècle, parce qu’alors l’usage vulgaire des chiffres arabes n’était pas encore introduit en Europe ; et que les armes aperçues étaient ou l’écu de Portugal orné de la croix fleuronnée d’Aviz, ou l’écusson français fleurdelisé dont se servait l’infant don Henri, comme on le voit encore sur son tombeau à Batalha.

    Cette réfutation eut un plein succès. Les Dieppois se virent dépossédés de la gloire que leurs aïeux avaient légitimement acquise ; et les Portugais, déclarés les premiers navigateurs qui eussent osé doubler le cap Bojador, le cap Vert et le cap des Palmes, jouirent sans rivaux d’un succès qu’ils n’avaient pas eu.

    Il appartenait à un homme aussi éminent par l’érudition que par le talent littéraire de relever enfin le gant qui paraissait destiné à rester éternellement dans l’arène. M. d’Avezac, chef des archives de la marine, a traité la question avec la lucidité et la logique qui caractérisent tous ses travaux, et dans une brochure détachée d’un travail étendu, il a fait crouler pièce à pièce l’édifice que les adversaires qu’il combattait avaient somptueusement élevé. Armé de documents irrécusables, fruits de laborieuses recherches, il a prouvé que les prétentions des Dieppois étaient justes, et que c’était bien à eux qu’appartenait l’honneur des premières découvertes des côtes d’Afrique.

    Réhabilitée par une autorité aussi respectable, la relation que Villaut de Bellefond adressa à Colbert, en 1669, reprend de droit le caractère d’authenticité qu’elle n’aurait jamais dû perdre, et l’on peut dès lors en toute confiance lui faire des emprunts pour tracer rapidement l’histoire des premiers établissements des Français aux côtes de l’Afrique occidentale.

    II

    Comment se sont formés les premiers établissements des côtes de l’Afrique occidental Recherches sur la découverte du Sénégal.

    Au commencement du mois de novembre 1364, les Dieppois équipèrent deux vaisseaux du port de 100 tonneaux chacun, et firent voiles vers les Canaries . De là ils poussèrent plus au sud et arrivèrent au cap Vert à Noël. Ils mouillèrent dans une baie qu’ils appelèrent baie de France, devant la rivière nommée depuis par les Portugais Riofresco, nom que nous avons plus tard corrompu en celui de Rufisque.

    En quittant ce lieu, ils arrivèrent à un endroit que les naturels nommaient Boulombel, et que les Portugais ont appelé Sierra-Leone. En continuant toujours au sud, ils parvinrent à un village, près d’une petite rivière (le Rio-Sextos), sur la côte du Poivre, et ils le nommèrent Dieppe, à cause de la ressemblance qu’ils trouvèrent à ce village et au havre qui le précédait, avec le havre et le site de leur ville natale.

    « La quantité d’ivoire qu’ils apportèrent de ces costes donna cœur aux Dieppois d’y travailler, qui depuis ce temps y ont si bien réussi, qu’aujourd’hui ils se peuvent vanter d’estre les meilleurs tourneurs du monde en faict d’yvoire . »

    En 1365, les Dieppois, de retour dans leur pays, s’associèrent aux marchands de Rouen pour l’exploitation du commerce de l’Afrique. L’acte de cette association, cité déjà, existait encore au temps de Labat dans le cabinet d’un avocat du roi de la ville de Dieppe.

    Les Dieppois et les Rouennais équipèrent, cette même année 1365, quatre vaisseaux, dont deux eurent pour mission de commercer dans les lieux qui avaient été découverts l’année précédente, et les deux autres de s’avancer au sud à la découverte de nouvelles terres.

    Le premier de ses deux vaisseaux s’arrêta au grand Sestre, près du cap des Palmes, sur la côte du Poivre. Les gens de l’équipage trouvèrent le lieu si charmant qu’ils le nommèrent Paris. Ils y demeurèrent quelque temps et y firent de très bonnes affaires en échangeant leurs marchandises contre le poivre qui croissait abondamment en cet endroit.

    Le second vaisseau dépassa la côte des Dents et atteignit la côte d’Or. Sa troque fut bonne pour l’ivoire, mais il ne rapporta que très peu d’or ; il fut, en outre, si mal reçu par les naturels, que les marins normands n’osèrent plus y retourner.

    Les armateurs de Dieppe et de Rouen continuèrent, les années suivantes, leurs opérations de trafic avec les points de la côte où leurs navires avaient reçu un bon accueil. Ils établirent des comptoirs au cap Vert, à Boulombel, au cap de Monte, au petit Dieppe et à Sestre-Paris, sans plus chercher à s’avancer vers le sud.

    Leur commerce de poivre, dont l’usage commençait alors à s’introduire en Europe, leur procura de grands bénéfices ; mais il leur suscita aussi des envieux. Les Anglais, les Hollandais, les Portugais voulurent se rendre à la côte et y dirigèrent quelques-uns de leurs navires en 1375 ; mais « voyant que les Français y avaient partout des loges comme au cap Vert, Boulombel, et que les Mores les aimaient, ils renoncèrent pour ce temps au commerce de ces costes . »

    Bien que de courte durée, comme le dit Villaut, cette concurrence avait eu pour résultat d’amoindrir les profits habituels des armateurs normands. Ils se rappelèrent alors leurs premières tentatives à la côte d’Or en 1365, et ils résolurent, malgré le souvenir du mauvais accueil fait alors à leurs compatriotes, d’expédier derechef un autre bâtiment.

    La Notre-Dame de bon Voyage, du port de 150 tonneaux, partit de Rouen en septembre 1382 pour cette destination. Elle y arriva en décembre, trouva les naturels plus traitables, et revint à Dieppe avec un riche chargement d’or.

    Le 28 septembre de la même année, trois autres navires appareillèrent de Dieppe pour les mêmes parages : la Vierge, le Saint-Nicolas et l’Espérance.

    La Vierge s’arrêta au lieu où la Notre-Dame avait déjà fait sa traite, et qu’on appelait la Mine, à cause de la quantité d’or qu’on y avait recueillie ; le Saint-Nicolas alla à Mouré, 15 lieues environ à l’est ; l’Espérance parvint jusqu’à Akara, 30 lieues plus loin.

    En 1383, une nouvelle expédition de trois navires prit la même route. Deux étaient chargés de matériaux de construction qui servirent à bâtir un établissement à la Mine ; le troisième, contrarié par des difficultés d’atterrissage, revint en Europe sans avoir abordé.

    Vers l’an 1410, le commerce des Français à la côte d’Afrique cessa d’être prospère. Ils comptaient alors neuf ou dix comptoirs et avaient su gagner complètement l’amitié des naturels, qui les préféraient à tous les autres peuples.

    C’est à cette époque que la France, en proie à des guerres désastreuses, dut renoncer à de nouvelles découvertes et cesser tout à fait les expéditions qu’elle avait coutume d’envoyer aux côtes d’Afrique. Ces guerres qui suivirent, ainsi que le dit le père Labat, « l’accident funeste arrivé au roi Charles le sixième, » laissèrent aux Portugais toute liberté pour s’emparer des comptoirs que les Français ne pouvaient plus défendre.

    Le moment n’était malheureusement que trop opportun ; car les Portugais venaient récemment de s’établir à l’île Saint-Thomas, dont la découverte, la première qu’on puisse leur attribuer dans ces parages, avait été faite en 1405 par un grand vaisseau équipé à Lisbonne « pour courir les costes d’Afrique. »

    De Saint-Thomas, ils armèrent des caravelles pour prendre successivement possession des établissements abandonnés par les Normands sur la côte d’Or.

    En 1412, ils abordèrent à File du Prince, puis passèrent en terre ferme à Bénin et à Akara, où ils construisirent un fort.

    En 1423, ils s’avancèrent jusqu’à la Mine et y mouillèrent le 23 avril, jour de la Saint-Georges. Ils s’occupèrent d’abord à relever les anciennes constructions françaises ; mais l’importance de cette position leur parut telle qu’ils se décidèrent à y bâtir un château, qui prit le nom de Saint-Georges de la Mina, et fut achevé, en 1482, sous le règne de Jean II.

    En 1444, des caravelles parties de Lisbonne s’étaient emparées d’Arguin, qui, selon toute probabilité, n’avait pas encore été occupé.

    Le commerce portugais, sans rivaux à la côte d’Afrique, et encouragé par le roi Jean II et ses successeurs, qui en confièrent l’exploitation à des compagnies bien organisées, atteignit rapidement à une grande splendeur. Mais les Portugais ne surent pas tirer parti de ce succès. Ils se montrèrent, disent les chroniqueurs, si avides et si cruels, que les peuples nègres essayèrent partout de s’affranchir de leur domination. À Akara, en 1576, les Portugais sont massacrés et le château rasé de fond en comble ; des révoltes moins graves éclatent également sur d’autres points.

    Les Français venaient alors de reparaître à la côte du Poivre et à la côte d’Or, et sans doute leur présence ne fut pas étrangère à ces manifestations hostiles. On peut le croire, du moins ; car ils avaient laissé parmi les populations un souvenir que l’occupation portugaise n’avait point effacé, et qui donnait journellement lieu à des regrets et à des comparaisons offensantes pour ceux qui leur avaient succédé.

    Les Français, toutefois, ne purent se livrer au trafic qu’avec appréhension, et dans des parages éloignés des établissements portugais. C’était au commencement du règne de Henri III ; les luttes intestines qu’ils venaient de soutenir, et dont ils n’étaient pas encore sortis, ne leur permettaient pas d’employer de grands moyens. Ils occupaient seulement Akara, Cormantin et Takorai, où les naturels les avaient appelés ; ils allaient, en outre, traiter à Mouré et au cap Coste.

    Cette situation, devenue dangereuse pour les Portugais par suite des mauvaises dispositions des naturels et la préférence marquée de ceux-ci pour les Français, devait inévitablement exciter à un haut point les craintes des marins de Lisbonne. Ils s’en prirent d’abord aux nègres, envers lesquels ils redoublèrent de violence ; puis ils attaquèrent de vive force les trafiquants français qu’ils rencontrèrent.

    En 1586, ils coulèrent à Akara un vaisseau de Dieppe nommé l’Espérance, après avoir tué ou fait prisonniers les gens de son équipage.

    Cinq ans après, ils brûlèrent sur la rade du cap Coste un autre grand vaisseau. Et cela, sans parler des rencontres journalières où ils brûlaient les chaloupes, tuaient les hommes et faisaient des prisonniers.

    À ces pertes supportées par le commerce français vinrent s’ajouter les guerres civiles du temps de Henri III et de Henri IV.

    Il fallut encore une fois faire retraite et renoncer au commerce que nous avions en réalité créé ; mais ce triomphe ne profita pas aux Portugais. Leur puissance commerciale en Afrique touchait à son déclin.

    Ravivée par l’apparition passagère des Français, l’exécration que les naturels portaient depuis longtemps aux Portugais s’accrut considérablement. D’un autre côté, les nègres, désespérés de ne pouvoir continuer leur trafic avec les Français, appelèrent partout les Hollandais, qui, depuis 1545, fréquentaient les côtes d’Afrique et venaient récemment de construire le fort de Nassau (aujourd’hui Gorée). Ils opposèrent ainsi aux Portugais une rivalité qui devait amener prochainement leur expulsion complète de la côte et permettre aux Français de reconquérir leurs droits.

    On a sans doute remarqué que dans cette esquisse historique, tout entière empruntée à Villaut de Bellefond, il n’est nulle part question du fleuve Sénégal et de l’île de Saint-Louis.

    Il n’est cependant pas permis de supposer que Villaut, qui a eu à sa disposition les archives de la ville de Dieppe et qui s’est livré à de très laborieuses recherches pour établir sa thèse, ait commis l’incroyable oubli de parler de la capitale actuelle de nos possessions de l’Afrique occidentale et du grand fleuve qui l’arrose.

    Villaut voyageait en 1666.

    Que peut-on induire de cela ? C’est qu’assurément le Sénégal était demeuré inconnu aux marins de Dieppe et de Rouen qui parurent à la côte d’Afrique au XIVe siècle, et que si, dans la suite, il avait été découvert soit par des Français, soit par des étrangers, il n’avait pas encore acquis au temps de Villaut, c’est-à-dire dans la seconde moitié du XVIIe siècle, assez d’importance pour prendre place dans la relation de ce voyageur.

    En procédant par ordre chronologique, on trouve la première mention du Sénégal dans « les navigations de messer Alouys de Cademoste ou Ça da Mosta, gentilhomme vénitien, parti du cap Saint-Vincent-le 22 mars 14 55, sur une caravelle de 90 tonneaux armée par l’infant Henri de Portugal. »

    Nous citons les passages en entier

    « … Si qu’elles (des caravelles portugaises) enlevaient de ces Arabes (d’Arguin) tant mâles que femelles, qui se vendaient en Portugal, et faisaient le semblable par toute la côte qui tient à ce cap Blanc et plus avant jusqu’au fleuve de Sénéga, qui est très grand, séparant une génération nommée Azanaghes d’avec le premier royaume des noirs, et sont ces Azanaghes basanés, mais tirant plus sur le brun, et font leur résidence en certain lieu de cette côte, qui est par-delà le cap Blanc, errant, la plupart d’entre eux, par le désert qui confine avec les susnommés Arabes de Hoden .

    Du grand fleuve appelé le ruisseau de Sénéga, anciennement nommé Niger, et comme il fut retrouvé. – Depuis que nous eûmes outrepassé le cap Blanc, nous naviguâmes à vue toujours d’icelui, tant que par nos journées nous parvînmes au fleuve qu’on nomme le ruisseau de Sénéga, qui est le premier et le plus grand de toute la terre des noirs, et entrâmes par cette côte-là où ce fleuve sépare les noirs d’avec les basanés qu’on nomme Azanaghes, divisant semblablement la terre sèche et aride (qui est le désert susnommé) d’avec le pays fertile qui est celui des noirs. Et cinq ans avant que je me misse à la route de ce voyage, ce fleuve fut découvert par trois caravelles du seigneur Infant, qui entrèrent dans icelui et traitèrent paix avec ces noirs, parmi lesquels ils commencèrent à démener le train de marchandise : en quoi faisant d’année à autre, plusieurs navires s’y sont transportés de mon temps. Ce fleuve est grand et large en bouche de plus d’un mille, étant assez profond, et fait encore une autre bouche un peu plus avant avec une autre île au milieu. Par ainsi, il s’embouche dans la mer en deux endroits, à chacun desquels il fait plusieurs bancs d’arène et levées qui se jettent au large dans la mer, par l’espace d’un mille, et, en ce lieu, monte la marée et cale de six en six heures, dont le montant se jette avant dans le fleuve par plus de soixante milles, selon que j’en ai été informé par les Portugais qui ont navigué dans icelui longuement. Et qui y veut entrer, faut qu’il voyse selon l’ordre des eaux, pour cause de ces levées qui sont à la bouche d’icelui fleuve, depuis lequel jusqu’à cap Blanc on compte trois cent octante milles, étant la côte tout aréneuse, jusqu’auprès de cette bouche, environ vingt milles, et s’appelle la côte d’Anterote, laquelle est du domaine des Azanaghes basanés. Et me semble fort étrange et admirable que de là le fleuve, tous les peuples sont très noirs, grands, gros, de belle taille, bien formés, le pays verdoyant, peuplé d’arbres et fertile ; et deçà les habitants se voient maigres, essuis, de petite stature, et le pays sec et stérile. Ce fleuve, comme plusieurs sont d’opinion, est une branche de Gion qui prend son origine au paradis terrestre, et fut nommé Niger par les anciens, lequel Gion arrosait toute l’Éthiopie et s’approchant près de la mer Océane devers ponant, là où il s’embouche, jette plusieurs autres branches et fleuves, outre celui-ci de Sénéga. L’autre bras qu’il jette encore est le Nil, qui passe par l’Égypte et se joint avec notre mer Méditerranée. Telle est l’opinion de ceux qui se sont avec travail délectés à chercher le monde et s’enquérir des nouvelles d’icelui.

    Du royaume de Sénéga et de ses confins. – Le pays de ces noirs, sur le fleuve de Sénéga, est le premier royaume des noirs de la basse Éthiopie, et les peuples qui habitent aux rivages d’icelui s’appellent Gilofes. Toute la côte et cette région dont nous avons ci-dessus fait mention consiste tout en plat pays jusqu’à ce fleuve et par-delà encore ; tant qu’on parvient à cap Vert, qui est pays relevé et le plus haut qui soit en toute la côte ; c’est à savoir quatre cents milles plus outre qu’icelui cap. Et selon ce que j’ai pu entendre, ce royaume de Sénéga confine du côté de levant avec un pays nommé Tuchusor ; devers midi avec le royaume de Gambra ; de la partie de ponant avec la mer Océane ; et du côté de Tramontane, se joint avec le fleuve susnommé qui sépare les basanés d’avec ces premiers noirs . »

    L’auteur de ces navigations devait être nécessairement entraîné à grossir la part des découvertes faites par la nation à laquelle appartenait le prince qu’il servait et dont il avait reçu de grands témoignages d’affection et d’estime. Il serait donc prudent de n’admettre son récit qu’avec réserve, si l’on avait à lui opposer une seule dénégation ; mais le silence de Villaut, qu’on ne peut expliquer par un oubli, et l’obscurité qui enveloppe, dans les historiens étrangers à la nation portugaise, la découverte du Sénégal et l’établissement de Saint-Louis, donnent aux allégations de Cademoste une authenticité inattaquable. Les historiens portugais, et parmi eux le célèbre Jean de Barros, confirment ces allégations. Ils attribuent au capitaine Dionisio Hernandez la découverte du Sénégal, et assignent l’année 1446 comme l’époque où elle est exécutée.

    En se livrant à un examen approfondi de la question, on se trouve en outre fortement sollicité à attribuer la découverte du Sénégal aux Européens établis à Arguin. Eux seuls pouvaient envoyer en reconnaissance dans les lieux voisins de leur résidence, parce que seuls ils pouvaient assurer aux petits navires chargés de ces aventureuses missions un port de relâche et un lieu de ravitaillement. C’est bien, en effet, deux ans après l’occupation d’Arguin par les Portugais que le Sénégal est découvert.

    Les navigateurs dieppois du XIVe siècle, au contraire, soit qu’ils possédassent (chose contestée) les connaissances nautiques nécessaires pour naviguer en haute mer, soit qu’ils ne les possédassent pas, devaient ou longer les côtes basses et

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