Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les multinationales: Statut et réglemetations
Les multinationales: Statut et réglemetations
Les multinationales: Statut et réglemetations
Livre électronique477 pages4 heures

Les multinationales: Statut et réglemetations

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Le présent ouvrage a été initié sur le constat qu’il existe relativement peu d’écrits en langue française relatifs à l’entreprise multinationale ou transnationale. En vue de contribuer à combler ce manque, il aborde le phénomène sous différents angles.

Le point de départ consiste à rechercher une définition et à situer les multinationales en droit international public. Ensuite, sur les plans national et international, différents droits et obligations sont passés en revue. Les questions suivantes sont alors traitées : quelles sont leurs obligations en matière civile et pénale ? Existe-t-il une responsabilité pénale pour des délits internationaux ? Quels sont les impacts de la responsabilité societale et des normes de soft law ? Une deuxième partie appréhende les multinationales du point de vue du droit des sociétés et plus précisément du droit des groupes. Ce dernier pose la question de l’intérêt d'une codification globale des groupes et apporte des solutions (en prolongeant la réflexion sur les responsabilités possibles de multinationales, celles de la société mère pour sa filiale est étudiée). Il s’agit de la problématique de la levée du voile social d’une société mère.

Du point de vue des droits, l’accent est mis sur la protection de leur propriété intellectuelle et des perspectives qui leurs sont ouvertes. Enfin, l’ouvrage aborde le cas particulier des savoirs traditionnels.

L’ouvrage s’adresse aussi bien au praticien du droit (magistrat, avocat, juriste d’entreprise, etc.) qu’au professeur, chercheur et étudiant.
LangueFrançais
Date de sortie11 janv. 2013
ISBN9782804456115
Les multinationales: Statut et réglemetations

Lié à Les multinationales

Livres électroniques liés

Droit pour vous

Voir plus

Articles associés

Avis sur Les multinationales

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les multinationales - Éditions Larcier

    couverturepagetitre

    © Groupe De Boeck s.a., 2013

    EAN 978-2-8044-5611-5

    ISSN : 2032-2445

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web :

    www.larcier.com

    Éditions Larcier

    Rue des Minimes 39, B–1000 Bruxelles

    Tous droits réservés pour tous pays.

    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    La Collection Droit des sociétés a pour vocation d’accueillir des ouvrages consacrés au droit des sociétés. Y sont traités en profondeur des sujets d’actualité tels que la convention de cession d’actions, la solution des conflits entre actionnaires, les voies possibles pour les sociétés en difficultés, la transparence, etc. Ces ouvrages se veulent d’une grande qualité scientifique et ancrés dans la réalité de la vie des affaires. Il s’adressent à tous les acteurs de la vie des sociétés : professeurs, magistrats, avocats, juristes d’entreprise, notaires, réviseurs…

    Dans la même collection

    JONET J.-M., EVRARD M., Joint ventures : des noces au divorce. Droit des sociétés, résolution des différends et arbitrage, 2006

    DE CORDT Y., SCHAEKEN WILLEMAERS G., La transparence en droit des sociétés et en droit financier, 2008

    THIRION N. (sous la direction de), Droit international et européen des sociétés, 2009

    LECLERCQ D., Les conventions de cession d’actions. Analyse juridique et conseils pratiques de rédaction, 2009

    COIBION A., Les conventions d’actionnaires en pratique. Contraintes juridiques, typologie et application aux opérations de Private Equity, 2010

    LELEU Y.-H., LOUIS S., Sociétés et régime matrimonial de communauté, 2010

    CAPRASSE O., AYDOGDU R., Les conflits entre actionnaires. Prévention et résolution, 2010

    GOFFIN J.-FR., Responsabilités des dirigeants de sociétés (3e édition), 2012

    Companies have a vital responsibility to ensure that the global marketplace is one of inclusion and acts as a force of improving, not injuring, social and natural environments. Because business interests increasingly overlap development objectives in today’s global society, there is growing need for responsible business pratices and partnerships with government and civil society. (…)¹

    « Les projets en vue d’un développement humain intégral ne peuvent (…) ignorer les générations à venir, mais ils doivent se fonder sur la solidarité et sur la justice intergénérationnelles en tenant compte de multiples aspects : écologique, juridique, économique, politique, culturel. »²

    1- G. KELL (executive head of the Global Compact), in Compact Quarterly, Volume 1, Issue 3, July 2005.

    2- Benoît XVI, Caritas in veritate, nº 48 ;

    Introduction

    ¹

    Affirmer que les sociétés multinationales occupent une place toujours plus importante dans notre économie est une évidence.

    La mondialisation économique s’est caractérisée par la montée en puissance des grandes entreprises et l’augmentation de leur nombre. Ainsi, parmi les premières puissances financières mondiales, on dénombrait en 2002 vingt-neuf multinationales. « Le chiffre d’affaires de General Motors est plus élevé que le produit national brut du Danemark, celui de Ford est plus important que le PNB de l’Afrique du Sud, et celui de Toyota dépasse le PNB de la Norvège. »².

    Certains auteurs situent le début du phénomène à la fin du XIXe siècle³, en prolongation de la première industrialisation, de l’apparition de la corporation, du Joint Stock Companies Act et du Limited Liability Act⁴. Vers 1900 apparaissent de grands noms bien connus : J. Rockefeller, J.P. Morgan, A. Carnegie, F. Woolworth…⁵. Sur le plan économique, les phénomènes suivants ont eu leur importance : environ cent ans de paix entre 1815 et 1914, la deuxième révolution industrielle dont notamment les évolutions dans les secteurs de la télécommunication et du transport, le colonialisme et l’impérialisme. S’y ajoute une première phase d’évolution vers la globalisation, jusqu’à la rupture provoquée par la révolution Russe⁶ et la première guerre mondiale (de 1850 à 1914 environ), phase caractérisée par l’émergence de sociétés modernes (chemin de fer, banques, manufactures…), le taylorisme⁷, l’acceptation de droits de propriété internationaux…⁸.

    Cette ère a été suivie d’une période de désintégration économique pendant les deux guerres mondiales, de nationalisations de secteurs-clés, notamment en Allemagne, et un divertissement des investissements du monde capitaliste entre autres en Amérique Latine, en Asie, ou encore en Australie…⁹. Enfin, le choc de la deuxième guerre mondiale a fait tomber le volume des échanges commerciaux internationaux en dessous de celui de 1920 : les multinationales ont alors perdu une partie de leur influence. C’est par la suite qu’apparaîtront les formes modernes des multinationales¹⁰.

    Ainsi, entre 1945 et 1960, de nouveaux secteurs prendront une nouvelle importance. Parmi ceux-ci, on dénombre notamment la consultance (par exemple Mc Kinsey¹¹…), les services, par exemple l’hôtellerie (Holiday Inn, Hilton…) et plus tard le fast food¹². La période subséquente est également caractérisée par la décolonisation, l’émergence, au niveau des instances internationales, du Group of 77¹³ et le premier choc pétrolier. Une nouvelle phase de globalisation peut être située à l’aube des années 80¹⁴. Depuis lors, l’approche des multinationales et leur perception par le public a changé : d’une part, il existe, sur le plan idéologique, une certaine suspicion à leur encontre ; d’autre part, l’on a assisté à une approche économique des multinationales et à un travail législatif de différents États tendant à les attirer sur leur territoire national¹⁵ ; enfin, des réflexions ont été menées sur un plan international tendant à l’établissement de Codes de conduite et à la mise en route d’un droit de l’investissement et d’une protection des investissements¹⁶.

    Au début de ce siècle, on comptait environ 77.000 multinationales avec 770.000 sociétés filles, qui généraient ensemble un chiffre d’affaires d’environ 19 billions de dollars¹⁷. En 2001, faisaient partie des cent plus grandes puissances économiques 51 entreprises privées et seulement 49 États¹⁸…

    Vu leur essor, il nous est donc apparu intéressant d’étudier les multinationales et ce plus particulièrement dans deux domaines : le droit des sociétés et le droit de la propriété intellectuelle.

    Toutefois, il ne s’agira pas ici de porter des jugements de valeur. Ceux-ci dépendront en dernière instance de la conscience personnelle de chacun¹⁹. On vient de l’évoquer, « l’image des entreprises multinationales est perçue de façon très contrastée. Pour les uns, les multinationales, dont l’influence est liée au pouvoir de l’argent, consolident la puissance et la richesse de quelques-uns au détriment de tous. Elles se permettraient même de manipuler ou de renverser des gouvernements étrangers »²⁰. « Pour les autres, les multinationales sont la forme la plus avancée de l’entreprise et donc sont les bénéfiques et indispensables moteurs du progrès économique et social »²¹. Ce constat est toujours d’actualité, même si les secteurs d’activités des multinationales ont partiellement changé pour se situer plus dans le domaine des services, notamment celui de la télécommunication²² et des services financiers, et même si leur taille peut désormais être variable pour englober des « micro-multinationales », plus particulièrement dans le domaine des technologies du web²³.

    Les multinationales suscitent toujours bien des questions et des critiques que l’on s’efforcera de prendre en considération.

    Un des reproches récurrents consiste à regretter qu’il n’existe généralement pas, en droit civil, de système de « responsabilité délictuelle du fait d’autrui », ce qui serait de nature à faciliter l’accès des victimes à la justice, auprès des tribunaux des pays des maisons-mères.

    Une autre critique porte sur l’absence de personnalité juridique internationale : il n’existe que des entreprises nationales ayant des participations dans des entreprises étrangères ; dès lors, une société mère n’est pas, en principe, juridiquement responsable des exactions de ses filiales à l’étranger même si elles polluent l’environnement, exploitent ou maltraitent ses salariés ou ses sous-traitants²⁴. En d’autres termes, cette critique vise les principes de la responsabilité limitée et de la personnalité juridique propre en droit des sociétés²⁵.

    F. Magnus y apporte partiellement une réponse à travers le droit des sociétés. Z. Gallez fait le point sur les possibilités de faire lever « le voile social ». Par ailleurs, la première partie aborde la problématique de la responsabilité sociale des entreprises et les instruments de soft law qui visent à responsabiliser les multinationales et à leur fournir des principes directeurs. En effet, il est plus que jamais nécessaire que l’entreprise mondialisée prenne ses responsabilités²⁶ pour permettre de sortir de la crise et de forger un capitalisme nouveau²⁷.

    Mais les multinationales, surtout financières, sont parfois plus fragiles qu’il n’y paraît. Certaines multinationales financières ont été affectées par la crise des crédits hypothécaires de 2008 ; celle-ci a eu un impact sur leurs bilans et les a rendues assoiffées de liquidités ; dans certains cas, elles ont alors été rachetées par des « fonds souverains » tels que, par exemple, le fonds Government of Singapore Investment Corporation (GIC)²⁸. Quelques multinationales industrielles ont dû constater à leurs dépens que leurs produits étaient dépassés : ainsi, l’ancien géant Kodak a dû être placé sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites²⁹. D’autres encore, telles que B.P. après l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon ont vu leur cours de bourse chuter avec un risque d’OPA hostile³⁰…

    Enfin, le sort de certaines multinationales est intimement lié à leur potentiel d’innovation, leur capacité de développer constamment de nouveaux produits et celle de faire protéger efficacement leur propriété intellectuelle. L’enjeu est de taille. Bernard Remiche et Nicolas Berthold font le point sur les possibilités qui s’offrent, à cet égard, aux multinationales. Norman Neyrinck, enfin, fait le point sur le cas particulier des « savoirs traditionnels ».

    1- C. BRÜLS, chargé de cours à l’UCL, formatrice en droit international (IfaPME), avocat (Liège), Rechtsanwältin (Köln).

    2- Rapport sur l’investissement dans le monde, 2002, CNUCED, disponible sous unctad.org/fr/docs/wir2002overview_fr.pdf, consulté le 21.05.2012.

    3- M. GHERTMAN, Les multinationales, 3e édition, collection Que sais-je, Presses universitaires de France, Paris, 1988, p. 123 ; voyez toutefois pour un aperçu depuis le XIVe siècle A. HENNINGS, Über das Verhältnis von Multinationalen Unternehmen zu Menschenrechten, Eine Bestandsaufnahme aus juristischer Perspektive, Universitätsverlag Göttingen, Göttingen, 2009, p. 9, citant notamment J. MC LEAN, Transnational Corporations in History : Lessons for Today, ILJ, 2004, pp. 363-377.

    4- A. HENNINGS, op. cit., pp. 10-11.

    5- H. GRASSEGGER, History of the Multinational Enterprise, Die Geschichte der Multinationalen Unternehmung, Seminar Theorien der Multinationalen Unternehmung, Universität Zürich, 21 novembre 2005.

    6- M. GHERTMAN, op. cit., p. 123.

    7- Voyez par exemple. R. KANIGEL, The One Best Way: Frederick Winslow Taylor and the Enigma of Efficiency, New York, Viking, 1997, pour une description de la méthode de rationalisation du travail « inventée » par Taylor.

    8- H. GRASSEGGER, op. cit., citant notamment G. JONES, Multinationals from the 1930s to the 1980s, in Leviathans, Cambridge University Press, 2005 et M. WILKINS, Multinational enterprise to 1930, in Leviathans, Cambridge University Press, 2005.

    9- Par exemple Unilever, voyez H. GRASSEGGER, op. cit. ; on notera qu’Unilever a été fondé le 1er janvier 1930 par la fusion de la compagnie néerlandaise de margarine Margarine Unie (famille Leverd) et du fabricant de savon Lever Brothers.

    10- D. F. VAGTS, The multinational Entreprise: A new Challenge for Transnational Law, HLR, 1970, pp. 739-792.

    11- L’entreprise avait déjà été fondée en 1926 mais elle est réellement devenue une entreprise multinationale dans la phase après-guerre (cf. http://www.mckinsey.com/locations/montreal/francais/aboutus/wherewestarted/, consulté le 22.05.2012) ; l’entreprise Arthur Andersen date de la même période alors que des prestataires tels que Price Waterhouse sont largement antérieurs (1849/1865).

    12- La société « McDonald’s » est fondée en 1955 ; le concept a inspiré d’autres comme Burger King et Taco Bell…

    13- Ce groupe, soutenu par les pays de l’ancien bloc de l’Est avait notamment pour objectif de forcer les Nations Unies à prendre en considération les intérêts des États nouvellement indépendants, P.T. MUCHLINSKI, op. cit., p. 5.

    14- S. BRUNEL, « Qu’est-ce que la mondialisation », Sciences Humaines, 2007, n° 180.

    15- Cela notamment en Suisse.

    16- P.T. MUCHLINSKI, op. cit., pp. 9-15.

    17- Voyez le rapport sous http://archive.unctad.org/en/docs/wir2005overview_en.pdf, consulté le 21.05.2012.

    18- J. BHAGWATI, In Defense of Globalization, Oxford University Press, New York, 2004, p. 166 ; A. HENNINGS, op. cit., pp. 12-13.

    19- « La conscience personnelle : dernier juge en matière morale ? », juin 2012, Pastoralie, disponible sous http://fr.didoc.be, consulté le 04.11.2012.

    20- M. GHERTMAN, op. cit., p. 3 ; en tant qu’exemple d’une telle interférence, on citera le présumé rôle joué par le groupe américain ITT dans le cadre du renversement du Président chilien Salvador Allende en 1973, A. SAMPSON, Weltmacht ITT, Die politischen Geschäfte eines multinationalen Konzerns, Rowohlt, Reinbek, 1973, pp. 235, 248 et également – par exemple – les activités de United Fruit au Honduras, au Guatemala et à Cuba, voyez P. CHAPMAN, Bananas: How the United Fruit Company Shaped the World, Canongate, New York, 2007, pp. 24 et svt.

    21- M. GHERTMAN, op. cit., p. 3 ; Voyez aussi E. MANDEL, « L’ère des multinationales », Le monde diplomatique, 1974 : « L’internationalisation du capital a marqué, dès ses débuts, l’ère impérialiste. Mais, avant la première guerre mondiale, et dans l’entre-deux-guerres, la centralisation internationale des capitaux n’était qu’un phénomène exceptionnel. À part les deux grandes sociétés anglo-néerlandaises Unilever et Royal Dutch-Shell, les trusts étaient en général dominés par le capital d’une seule nationalité… Ce sont les grandes corporations américaines qui se sont les premières lancées dans la voie des opérations à l’échelle mondiale. Les trusts verticaux et les sociétés à divisions multiples sont les chaînons intermédiaires qui conduisent du trust ou du monopole classique vers la société multinationale. Les principales sociétés européennes et japonaises les ont suivies sur la même voie… Par la dimension de leur chiffre d’affaires et de leurs investissements, les sociétés multinationales les plus puissantes dépassent largement les moyens d’action de la grande majorité des États. Les exemples abondent qui démontrent que les États des pays dits du tiers-monde – que les marxistes appellent plus correctement États semi-coloniaux – ne peuvent tenir tête à leurs agissements… » ; pour une approche critique, voyez aussi H. STEPHENSON, The coming clash. The impact of the international corporation on the nation state, Weidenfeld & Nicolson, London, 1972.

    22- Voyez par exemple. M. BÉNILDE, « Portrait de France Télécom en multinationale », Le monde diplomatique, mai 2009, p. 21.

    23- La notion est utilisée par J.M. PASSETO « Les PME du web sont des micro-multinationales », Le monde, 04.04.2011.

    24- A. MANGANELLA et O. MAUREL, « De l’impunité des multinationales », Le monde, 23.04.2012.

    25- On notera toutefois que dans les faits, il nous paraît désormais plutôt rare que des sociétés-mères ne paient pas du tout en cas d’accident, sous prétexte de ne pas être juridiquement impliquées. Il est probable que cela soit dû notamment au poids de l’opinion publique. Ainsi, il paraît que le groupe BP aurait organisé un fond de 20 milliards de dollars pour indemniser les victimes de la marée noire dans le Golfe du Mexique en 2010 ; un accord d’indemnisation partiel le portant sur 7,8 milliards de dollars) serait d’ailleurs intervenu avec une partie des victimes, vers la mi-avril 2012, voyez http://www.lapresse.ca/international/dossiers/maree-noire-aux-États-unis/201204/18/01-4516616-deepwater-horizon-bp-conclue-un-accord-de-78-milliards.php, consulté le 18.05.2012 ; une autre question est évidemment celle du quantum et du délai nécessaire pour obtenir paiement… ; à cet égard, il semblerait qu’Exxon Mobil aurait fini par ne payer que 500 millions d’euros à force de retards dans la procédure alors que l’entreprise avait été condamnée en 1994 à verser 5 milliards de dollars de dommages aux 30.000 habitants de la région sinistrée ; en ce qui concerne l’Erika, il semblerait que Total ait versé 170 millions d’euros aux 80 parties civiles, voyez « Marée noire américaine : BP va payer très cher » Le Figaro, 20.04.2011, disponible sous http://www.lefigaro.fr/societes/2010/04/30/04015-20100430ARTFIG00379-maree-noire-en-lousiane-bp-va-payer-tres-cher-.php, consulté le 20.05.2012.

    26- Voyez L. TIMMERMAN, Over multinationale ondernemingen en medezeggenschap van werknemers, Kluwer, Deventer, 2003 ; A.J.A.J. EIJSBOUTS e.a., Maatschappelijk Verantwoord Ondernemen, Handelingen Nederlandse Juristen-Vereniging, Kluwer, Deventer, 2010.

    27- Voyez C. CHAMPAUD, Manifeste pour la doctrine de l’entreprise. Sortir de la crise du financialisme, Larcier, 2011.

    28- Voyez I. WARDE, « Les fonds souverains au chevet des multinationales », Le monde diplomatique, mai 2008 ; l’auteur expose que le fonds Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), s’était alors porté acquéreur de 4,9 % de Citigroup pour 7,5 milliards de dollars, le fonds Government of Singapore Investment Corporation (GIC) injectait 10 milliards de dollars dans le groupe suisse UBS et le fonds souverain chinois China Investment Corporation (CIC) avait acquis 9,9 % du capital de la grande banque d’affaires Morgan Stanley, pour 10 milliards de dollars…

    29- Voyez par exemple Le Figaro, 19 janvier 2012, disponible sous http://www.lefigaro.fr/societes/2012/01/19/04015-20120119ARTFIG00434-kodak-se-declare-en-faillite.php, consulté le 19.05.2012.

    30- La situation était jugée critique en avril 2010, http://www.lefigaro.fr/societes/2010/04/30/04015-20100430ARTFIG00379-maree-noire-en-lousiane-bp-va-payer-tres-cher-.php, consulté le 19.05.2012 ; la multinationale avait alors prévu des fonds à concurrence de 20 milliards de dollars pour indemniser les victimes de la marée noire.

    Première partie

    Les sociétés multinationales :

    généralités

    Christine BRÜLS, chargé de cours à l’UCL, formatrice en droit

    international (IfaPME), avocat (Liège), Rechtsanwältin (Köln).

    Chapitre I

    Statut des multinationales

     sur le plan du droit international

    Section 1

    Définition

    La question de la définition des multinationales est posée depuis de longues années sans qu’elle n’ait trouvé de solution¹. En effet, il n’existe toujours pas, à notre connaissance, dans un des instruments internationaux, de définition juridique unanimement admise. Par ailleurs, il n’est pas aisé d’en donner ou d’en choisir une parmi les propositions formulées en doctrine. Ainsi, la portée et l’orientation de la définition dépendra du contexte dans lequel elle sera appliquée : aux fins d’une recension d’entreprises « multinationales » dans un pays ou un secteur géographique, pour établir des statistiques ou illustrations, ou encore en vue de rechercher des responsabilités…

    Selon certains auteurs, une multinationale est une « firme dont le capital est pris dans un processus d’accumulation international sur la base d’un processus productif, lui-même international ; c’est la forme sous laquelle s’organise un sous-ensemble du capital »². Toutefois, la notion de « firme » en tant que telle nous paraît être imprécise de même que celle de « processus productif ».

    Selon d’autres, c’est « une entreprise qui, grâce à des investissements directs, possède, contrôle et gère des actifs qui génèrent des revenus dans un ou plusieurs pays ». Ce descriptif est toutefois quelque peu flou, notamment quant à la manière dont ces investissements devraient être effectués pour être pris en compte et quant à la question de savoir si un simple lien contractuel ne pourrait pas être suffisant.

    D’autres encore considèrent qu’une multinationale « est une entreprise qui possède au moins une unité de production à l’étranger »³, ce qui soulève toutefois la question de savoir si cette définition englobe également les unités de prestation de services.

    Dans une acception large, il est question de groupes ou de réseaux « de sociétés et d’autres entités qui sont établis selon le droit national de différents États et qui peuvent prendre des formes juridiques diverses » ou encore d’« entreprises (et toutes leurs entités) qui produisent ou distribuent à l’étranger, qui y prestent des services et/ou y détiennent ou contrôlent des actifs générant des revenus, peu importe leur forme (privée, publique, mixte)⁴ ».

    La définition actuellement proposée par le Service cantonal de statistique⁵ de Genève nous semble être à la fois précise et pragmatique pour identifier les sociétés multinationales. Suivant ce service, la multinationale est « une société ou un groupe de sociétés de capitaux dont les activités principales (de production ou de prestation de services) s’exercent dans plusieurs pays et font l’objet d’une gestion ou d’un contrôle centralisé »⁶.

    Les critères mis en œuvre pour identifier une multinationale sont dès lors assez simples : l’implantation et l’organisation de l’entreprise et, de manière plus controversée, sa taille⁷. Implicitement, la définition fait également appel à la notion d’investissement direct ou de participation financière qui est généralement essentielle pour l’existence d’une société multinationale, même s’il est imaginable qu’une société multinationale puisse se constituer de façon exceptionnelle sur la base de seuls liens contractuels entre sociétés qui seraient indépendants de toute participation à leur capital.

    Pour ce qui est de l’implantation de l’entreprise et son organisation, la présence dans plusieurs pays est une condition évidente ; ainsi, selon le Service Cantonal Suisse, le nombre minimal de pays doit être fixé à trois, cela pour éliminer les entreprises purement binationales. La zone géographique doit être assez étendue pour exclure les entreprises simplement transfrontalières. D’autres sources estiment toutefois qu’une présence dans un seul autre pays est suffisante⁸. Par ailleurs, selon le Service cantonal de statistique de Genève, ce sont les activités principales de l’entreprise qui doivent être exercées dans ces différents pays, à l’exclusion de simples représentations. À titre illustratif, on ne qualifiera pas de multinationale une entreprise de transport aérien ou une banque qui disposerait uniquement d’un réseau d’agences ou une banque avec des simples représentations à l’étranger.

    La gestion ou le contrôle centralisé suppose que les diverses entités soient techniquement intégrées et financièrement interdépendantes ; cela n’empêche pas nécessairement des modes d’organisation plus souples au sein du groupe. Toutefois, sur la base de ce critère, les pures sociétés de portefeuille⁹, qui n’ont pas pour fonction de contrôler d’autres entreprises ou d’organiser leurs activités, n’en font pas partie. Par ailleurs, la définition retenue exclut les entreprises liées par contrat de franchising à une éventuelle multinationale¹⁰, ce qui nous paraît discutable. Sont également éliminées les entreprises entretenant des relations étroites avec des sociétés étrangères sans pour autant appartenir au même groupe. Cela vise en principe les réseaux de distribution, certaines agences de conseil…

    En ce qui concerne la taille, le Service proposait auparavant de fixer des critères mesurables en termes d’emplois ou de chiffre d’affaires¹¹. Certains auteurs ont cité un chiffre d’affaires annuel de 100 millions de dollars¹² ; d’autres attirent à juste titre l’attention sur le fait qu’il n’y a pas nécessairement une corrélation directe entre l’activité internationale d’un groupe et son chiffre d’affaires, si bien que ce critère ne devrait pas être une conditio sine qua non¹³.

    Cela étant, on constate que sur le plan international, diverses notions et descriptions sont utilisées. Ainsi, les instances des Nations Unies évoquent fréquemment le terme « société transnationale ». Selon la doctrine, il s’agirait, à la différence de l’entreprise multinationale sensu strictu, d’entreprises dont les actionnaires et administrateurs sont également dispersés sur le plan international, ce qui diffère du schéma de l’entreprise-mère comprenant un centre de décision¹⁴.

    Or, en pratique cette nuance n’est pas toujours prise en considération : ainsi, les normes des Nations Unies font indistinctement référence à des entreprises « transnationales »¹⁵ ou « multinationales ». Ni les principes directeurs de l’OCDE¹⁶ à l’intention des entreprises multinationales¹⁷, ni la Convention tripartite de l’OIT¹⁸ ne définissent les notions de façon définitive. L’OIT semble qualifier de « multinationales » les entreprises qui possèdent ou contrôlent à l’étranger des exploitations, des centres de distribution, de services ou d’autres installations¹⁹. Et l’OCDE expose qu’« une définition précise des entreprises multinationales n’est pas nécessaire pour les besoins des Principes directeurs. Il s’agit généralement d’entreprises ou d’autres entités établies dans plusieurs pays et liées de telle façon qu’elles peuvent coordonner leurs activités de diverses manières. Une ou plusieurs de ces entités peuvent être en mesure d’exercer une grande influence sur les activités des autres, mais leur degré d’autonomie au sein de l’entreprise peut être très variable d’une multinationale à l’autre. Leur capital peut être privé, public ou mixte. »²⁰.

    Les principes s’appliquent donc à toutes les entités qui gravitent autour d’un groupe quel que soit leur degré d’autonomie et peu importe la répartition des responsabilités entre elles.

    En définitive, on s’entend pour utiliser la notion de « multinationale » pour désigner des entreprises²¹ et toutes leurs entités qui produisent ou distribuent à l’étranger, qui y prestent des services et/ou y détiennent ou contrôlent des actifs générant des revenus, que leur forme soit privée, publique ou mixte²². On notera toutefois qu’on ne peut pas exclure des questions qui nous occupent toutes les autres entreprises sensu lato. En effet, plus particulièrement dans le domaine des droits de l’homme ou du droit pénal international, on ne distingue pas entre les sociétés multinationales et les autres entreprises. Par ailleurs, le but des normes internationales et Codes de conduite n’est pas de créer une telle distinction, les recommandations étant pertinentes pour toutes les entreprises.

    Section 2

    La qualité de sujet de droit international ?

    Le principe selon lequel seuls les États sont sujets du droit international est mis en cause depuis un certain temps²³. En effet, l’évolution a été telle que le droit international public s’applique également aux acteurs non étatiques tels le Saint Siège, le Comité International de la Croix Rouge, l’Ordre de Malte et les Organisations Internationales. Par ailleurs, des individus peuvent être responsables pour des crimes internationaux et être titulaires de droits²⁴.

    Selon la Cour Internationale de Justice, est sujet de droit international celui qui est porteur de droits et obligations et qui peut agir pour la préservation de ses droits²⁵. Dans le même sens, la doctrine considère généralement qu’est sujet de droit international public celui à qui a été reconnu la capacité d’être titulaire de droits et obligations de droit public et dont le comportement est réglé par le droit international public : l’État souverain et l’individu²⁶. Selon certains auteurs, il en résulte que les multinationales peuvent d’une certaine manière également être considérées comme des sujets de droit international²⁷ ou à tout le moins comme entités bénéficiant pour l’atteinte de certains objectifs d’une personnalité internationale limitée²⁸. D’autres encore évoquent leur « fonction juridique renforcée » (gesteigerte rechtliche Funktion)²⁹. L’existence de droits et obligations emporterait donc la qualité de sujet de droit. Plusieurs nuances doivent toutefois être apportées à cette thèse. La titularité de droits et obligations ne signifie pas que ces sujets sont mis exactement sur le même pied que les États. Bien au contraire, il peut y avoir des sujets de droit de nature différente. Ainsi, par exemple l’individu ou la multinationale ne pourront pas agir devant la Cour Internationale de Justice.

    Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’une reconnaissance, sans plus, des multinationales en tant que sujet de droit international public soulèverait pas mal de difficultés : l’une serait liée à l’absence de définition précise et d’identification univoque ; une autre aurait trait à la détermination des normes du droit international qui leur seraient applicables.

    Dès lors, certains auteurs préfèrent se référer à la qualité de « participants au processus de décision international »³⁰ ; d’autres, encore, se concentrent sur la capacité des multinationales à réaliser certains actes juridiques, cette dernière étant déterminante pour fixer l’étendue de leurs droits et obligations³¹.

    Pour des raisons de pragmatisme juridique, cette solution nous paraît pouvoir être retenue : les acteurs non étatiques sont présents sur le plan national et international et leurs capacités ne cessent de croître, notamment en raison d’un transfert de pouvoirs du secteur public vers

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1