Elon Musk: Les secrets d'une réussite insolente

Par Cyril de Sousa Cardoso

Tesla, SpaceX, PayPal, Neuralink ou le robot humanoïde Optimus sont quelques-uns des projets fous d’un génie autodidacte qui ambitionne de transformer le monde et nos modes de vie. Qu’on le veuille ou non, les innovations d’Elon Musk réinventent déjà les domaines de l’énergie, de la télécommunication, de la mobilité ou encore de l’industrie spatiale. Entre prises de risques vertigineuses et soif insatiable de nouveauté, Elon Musk poursuit son rêve de révolutionner la vie sur terre, mais aussi dans l’espace.

Comment cet entrepreneur-innovateur a-t-il construit son succès ? Quels risques a-t-il accepté de courir ? Comment parvient-il à devancer ses concurrents, quel que soit le domaine ? Quels sont ses principes de leadership ? Quelles sont les forces et les faiblesses de ses méthodes de management ?

Cyril de Sousa Cardoso analyse le parcours atypique d’un esprit libre et affranchi afin de comprendre la réussite de ce personnage aussi clivant qu’inspirant. En décryptant les stratégies d’innovation et d’organisation du système Musk, l’auteur brosse le portrait d’un entrepreneur à l’optimisme actif et donne les clés d’un leadership d’influence, tout en interrogeant le lien entre technologie et écologie.

Une source d’inspiration pour tout entrepreneur prêt à relever les défis de l’innovation !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Cyril de Sousa Cardoso est entrepreneur et le fondateur du groupe Audalom – Les petits bots qui oeuvre dans la transformation numérique et managériale des organisations. Il est cofondateur et président du mouvement Innovation Commando. Il est également conférencier et auteur de plusieurs ouvrages sur les thèmes de l’innovation.

• Langue: Français
• Éditeur: Mardaga
• Date de sortie: 22 sept. 2022
• ISBN: 9782804724320

Aperçu du livre

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Elon Musk

Cyril de Sousa Cardoso

Elon Musk

Les secrets d’une réussite insolente

En mémoire d’Alain Dupas, homme passionné et passionnant, astrophysicien et auteur. Sa rencontre avec Elon Musk, nos conversations et nos écrits communs sur les entrepreneurs-innovateurs et les implications économiques, sociales et écologiques des nouvelles technologies traversent ces pages.

INTRODUCTION

L’entrepreneur-innovateur

La PayPal Mafia

En cet automne 2007, devant l’objectif de Robyn Twomey, la scène possède l’esthétique des meilleurs films de gangsters américains de Martin Scorsese. Les treize hommes, qui se sont installés dans un décor de bar sur plusieurs plans, donnent le sentiment de former un parfait gang des heures sombres du quartier new-yorkais de Little Italy, où a grandi et dont s’est inspiré le réalisateur d’origine sicilienne pour ses films. La photo qui vient d’être prise n’a pourtant pas pour objectif d’illustrer un futur long-métrage ou un ouvrage sur les gangsters, mais a pour destination l’illustration d’un article du magazine Fortune¹ du journaliste Jeffrey O’Brien et qui a pour titre : « The PayPal Mafia. » Le magazine souhaite mettre en lumière le groupe d’entrepreneurs et d’investisseurs alors le plus influent de la Silicon Valley.

Le point commun de tous ces hommes réunis sur la photographie est d’avoir été à l’origine du succès du service de paiement en ligne PayPal, qu’ils ont revendu cinq ans plus tôt à eBay pour 1,5 milliard de dollars². Au moment de la publication de l’article, tous ont quitté l’entreprise pour développer, seul ou en association, de nouveaux projets. Sur la photographie figurent :

– Peter Thiel, le fondateur de Palantir Technologies, société experte en data science (« science des données ») et conseil de nombre d’États et organisations publiques à travers le monde. Il est également l’auteur de l’ouvrage star dans l’univers des start-up Zero to One : Notes on Startups, or How to Build the Future ;

– Jawed Karim, qui représente le trio formé avec Chad Hurley et Steve Chen, rencontré chez PayPal et avec qui il a fondé YouTube en 2005, avant de revendre la plate-forme l’année suivante à Google ;

– Jeremy Stoppelman et Russell Simmons, qui ont fondé Yelp, le service de publication d’annonces sur les commerces locaux, introduit en Bourse en 2012 ;

– Reid Hoffman, impliqué dans la création du réseau social professionnel LinkedIn ;

– David Sacks, fondateur du réseau social d’entreprise Yammer³.

Pour des raisons de conflits d’agenda, les dix-neuf membres identifiés de la PayPal Mafia ne sont cependant pas tous présents à la séance photo organisée par Fortune. Parmi les absents, un dénommé Elon Musk s’apprête à devenir dans la décennie qui suit une icône mondiale, autant adulée que critiquée. À la longue liste précédente des créations et développements d’entreprises de la PayPal Mafia, il nous faut donc encore ajouter celle de l’entrepreneur d’origine sud-africaine, du constructeur automobile de voitures électriques Tesla au constructeur aéro­spatial SpaceX en passant par la start-up neurotechnologique Neuralink ou la société de construction de tunnels pour trains à grande vitesse, The Boring Company.

Pour parfaire le tableau nous permettant de saisir l’influence de la PayPal Mafia, il nous faut également ajouter à cette liste de créations et de développements d’entreprises les sociétés qui ont vu leur histoire s’accélérer grâce à l’implication ou l’investissement d’un ou plusieurs membres de la PayPal Mafia. Parmi elles : Facebook, Uber, Airbnb, Reddit, Pinterest, Quora, Tumblr… En consultant l’infographie dynamique publiée par fleximize.com⁴ sur la PayPal Mafia, retraçant les liens de création, d’investissement ou d’accompagnement qui relient un ou plusieurs membres de l’équipe aux différentes sociétés technologiques, il en ressort une impression : en continuant à créer et investir ensemble après la vente de PayPal, ce réseau d’entrepreneurs a façonné de manière majeure l’univers technologique dans lequel nous vivons et ses possibilités à venir en investissant dans plus de six cent quarante-six start-up⁵.

Un monde à changer à l’échelle d’une vie

Elon Musk et les membres de la PayPal Mafia sont les représentants d’une catégorie particulière d’entrepreneurs, les « entrepreneurs-innovateurs⁶ », que Joseph Schumpeter⁷, économiste du début du XXe siècle et penseur de l’innovation, place au cœur du capitalisme, en tant que système de transformation et d’adaptation économique. Par leur goût du risque et de l’exploration d’espaces inconnus, leur imagination et leur capacité à innover, ces entrepreneurs identifient et exploitent en permanence de nouvelles opportunités économiques dans leur environnement et provoquent cette « destruction créatrice⁸ » nécessaire aux dynamiques économiques et au progrès technologique. Schumpeter fait en effet de l’entrepreneur-innovateur l’acteur clé des cycles économiques. À la phase de croissance consécutive à une innovation de rupture⁹, qui place l’entrepreneur-innovateur en situation de monopole ou de quasi-monopole, se succède une phase de diffusion de l’innovation où la concurrence se développe pour provoquer un ralentissement de la croissance, voire une décroissance, puis une destruction lorsqu’une innovation vient nuire, voire remplacer, la première.

C’est en tant que destructeur-créateur que s’explique une partie du désamour que peuvent provoquer ces entrepreneurs-innovateurs, qui remettent en cause les rentes et ordres établis pour les substituer par de nouvelles situations. Les entrepreneurs-innovateurs ne sont cependant ni les garants de la croissance globale, ni préoccupés par la prise en charge de celles et ceux qui souffrent de la destruction créatrice en voyant leurs emplois et activités disparaître. Ils sont en revanche, comme l’a mis en lumière Joseph Schumpeter, les acteurs indispensables du progrès technique.

Elon Musk incarne ce rapport ambivalent que possède une époque pour ses entrepreneurs-innovateurs, admirés par certains pour leurs rêves et créations qui souhaitent transformer le monde à l’échelle d’une vie, détestés par d’autres pour leur accumulation de richesse, ou encore leurs destructions et remises en cause d’ordres économiques et sociaux.

En décembre 2021, le Time Magazine sacre Elon Musk « personnalité de l’année ». Le magazine américain présente alors l’entrepreneur comme

l’homme le plus riche du monde qui ne possède pas de maison et a récemment vendu tous ses biens. Il envoie des satellites en orbite et exploite le soleil ; il conduit une voiture qu’il a créée, qui ne consomme pas d’essence et a à peine besoin d’un chauffeur. D’un simple mouvement de son doigt, la Bourse monte en flèche ou s’écroule. Une armée de dévots s’accroche à chacune de ses paroles. Il rêve de Mars en chevauchant la Terre, la mâchoire carrée et indomptable. Dernièrement, Elon Musk aime aussi tweeter en direct depuis ses toilettes¹⁰.

Alors que le Time justifie ce choix par « une vision audacieuse pour l’avenir », les critiques fusent, le Courrier international titrant au contraire sur la « pire personnalité de l’année¹¹ », citant le blogueur Paris Marx du blog Tech Won’t Save Us et qui s’interroge : « [L’]avenir [proposé par Elon Musk] est-il réellement celui dont nous avons besoin¹² ? »

L’éco-modernisme comme approche écologique

La question de Paris Marx place notre sujet sur le bon plan, celui de la vision de l’avenir et des réponses à apporter aux défis actuels de notre monde. C’est ici que se situe en réalité la ligne de clivage que marque Elon Musk. L’écologie n’a rien d’un monolithe idéologique, c’est au contraire un espace traversé par de nombreux courants. À la croisée des chemins pour l’humanité, l’entrepreneur incarne un chemin différent pour l’écologie face aux pessimistes, déclinistes ou collapsologues, celui de l’éco-modernisme. Entre les « effondristes¹³ » d’un côté et ceux qui nient la réalité du changement climatique et de l’anthropocène¹⁴ de l’autre, l’éco-modernisme, ou éco-pragmatisme, ouvre en effet une troisième voie à la pensée et expression écologique. Ce courant affirme ainsi l’exigence pour les humains d’utiliser « leurs capacités techniques, économiques et sociales, sans cesse grandissantes, pour améliorer la condition humaine, stabiliser le climat, et protéger la nature¹⁵ ».

Affirmer l’impératif de répondre au réchauffement climatique et à la perte de biodiversité n’est pas incompatible avec la mise en lumière de tout ce que la modernité nous a apporté. Car, en la matière, les chiffres et les séries statistiques sont têtus. Steven Pinker le souligne dans son ouvrage Le triomphe des Lumières, en considérant les tendances longues, l’humanité vit la période la plus paisible et heureuse de son Histoire : espérance de vie, sécurité, paix et prospérité sont en hausse à travers la planète, n’en déplaise aux pessimistes et déclinistes. La question est donc bien de savoir comment répondre aux enjeux écologiques sans faire dérailler le moteur du progrès qui a permis toutes ces réalisations au bénéfice de l’humain. Comment accélérer le découplage, c’est-à-dire la dissociation entre la prospérité économique et la consommation de ressources et les impacts sur l’environnement ?

La confiance dans les capacités de l’humanité à relever ces défis est partagée par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui l’affirme en 2022, lors de la remise de son dernier rapport :

Depuis 2010, les coûts de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne et des batteries n’ont cessé de diminuer, parfois jusqu’à 85 %. Un arsenal de plus en plus riche de lois et de politiques améliore le rendement énergétique, réduit les taux de déboisement et accélère la mise en place d’énergies renouvelables¹⁶.

Hoesung Lee, le président du GIEC, va même plus loin :

En prenant les bonnes décisions aujourd’hui, nous pouvons garantir un avenir vivable. Nous disposons des outils et du savoir-faire nécessaires pour limiter le réchauffement. Les mesures climatiques prises dans de nombreux pays me rendent optimiste. Plusieurs politiques, réglementations et instruments du marché se révèlent efficaces. Si nous les appliquons plus systématiquement, à plus grande échelle et de manière plus équitable, ils pourront contribuer à réduire radicalement les émissions et à stimuler l’innovation¹⁷.

Au cœur de l’affrontement idéologique entre courants écologiques, il était prévisible de voir un jour le mouvement de Greta Thunberg s’attaquer aux ambitions technologiques d’Elon Musk, ce qu’il fit en février 2021 en diffusant un spot publicitaire satirique¹⁸ pour moquer les ambitions de conquête martienne. Le message ? Cessons de rêver d’ailleurs, alors qu’il nous faut résoudre nos problèmes ici-bas. Comme si celles et ceux qui ont fait du film Don’t Look Up¹⁹ – qui parodie Elon Musk sous les traits d’un milliardaire irresponsable – une arme de communication écologique – finissaient eux-mêmes par demander aux êtres humains de ne plus regarder les étoiles. Inversement, et beaucoup plus respectueusement, Elon Musk soulignait en 2019 par un tweet que Greta Thunberg était pour lui « une jeune de 16 ans qui a un meilleur raisonnement et plus de cœur que la grande majorité des dirigeants politiques²⁰ ».

Mais n’en déplaise à ses détracteurs, Elon Musk est un humaniste et un écologiste. Un humaniste au sens où ses ambitions sont celles d’un homme cherchant à marquer l’Histoire par de grandes réalisations au service de l’humanité. Un écologiste qui souhaite développer des innovations et solutions technologiques pour répondre aux défis de notre époque, au premier rang desquels le réchauffement climatique. Contrairement à la caricature qui en est souvent faite, Musk n’a jamais eu pour objectif de se rendre sur Mars pour abandonner la Terre. La volonté de l’entrepreneur d’origine sud-africaine est de sauver la planète Terre, mais également de transmettre à l’humanité une seconde planète rendue habitable avec Mars : « Mon idéologie consiste à préserver la planète, d’une part, avec les énergies renouvelables, et à améliorer les technologies spatiales, d’autre part, afin d’établir une ville autosuffisante sur Mars²¹. » Et difficile de douter de sa sincérité tant ses efforts et les risques qu’il prend s’articulent avec détermination de manière cohérente. Au point d’être capa­ble de tout risquer et de se mettre en situation de faillite personnelle pour poursuivre ses rêves²², ou encore de dormir des jours durant dans son usine de production de Tesla en 2018 pour veiller, suivre et contribuer à une production à la peine.

Preuve supplémentaire que le sujet écologique est sincère, l’ambition l’habite depuis sa jeunesse et sa vie d’étudiant, son biographe Ashlee Vance soulignant ainsi que « déjà, on décèle ce cocktail de rêve et de rationalité scientifique dans un travail étudiant sur l’avenir de l’énergie solaire, intitulé facétieusement De l’importance d’être solaire²³ ». Affirmation écologique qu’il répétera de nouveau en 2017, en quittant le groupe des conseillers économiques du président Trump après sa décision de sortir des accords de Paris sur le climat : « Je quitte le conseil présidentiel. Le changement climatique est réel. Quitter les accords de Paris n’est pas bon pour l’Amérique ou le monde²⁴. »

L’inspirante révolution électrique

Musk porte la conviction que l’avenir ne pourra s’écrire sans le développement massif et radical des technologies électriques. En 2004, après la revente de PayPal, c’est dans cette perspective qu’il investit dans Tesla avant d’en prendre le contrôle. Elon Musk est alors convaincu par Martin Eberhard et Marc Tarpenning que les progrès technologiques des batteries lithium-ion rendent possible le développement de véhicules électriques de longue autonomie. C’est toujours avec cette conviction sur l’avenir des technologies électriques qu’il impulse en 2006 la création de SolarCity, entreprise spécialisée dans l’énergie solaire photo­voltaïque. Tesla fera l’acquisition de SolarCity en 2016²⁵.

La volonté de l’entrepreneur-innovateur est claire, créer, impulser et inspirer :

Notre intention avec Tesla a toujours été de servir d’exemple à l’industrie automobile et d’espérer qu’elle fabrique également des voitures électriques, afin que nous puissions accélérer la transition vers une technologie durable²⁶.

Tesla devient une arme industrielle dans la lutte contre le réchauffement climatique, car là où l’énergie électrique est décarbonée, les véhicules électriques, sur l’ensemble de leur vie (incluant le coût écologique de fabrication des batteries avec les technologies actuelles et leur recyclage en fin de vie), ont déjà un bilan environnemental meilleur que les véhicules thermiques²⁷,²⁸. Les autres groupes industriels automobiles se retrouvent à présent dans l’obligation d’accélérer le développement des véhicules électriques qu’ils avaient délaissé jusque-là²⁹. Cette réaction ne se faisant pas en premier lieu en réaction à des réglementations, mais bel et bien en raison du risque de se retrouver relégués sur un marché dont s’est emparé Musk³⁰, au bénéfice de la planète. En septembre 2021, la Tesla Model 3 devenait la voiture la plus vendue en Europe, toutes motorisations confondues, une première historique pour les véhicules électriques³¹.

Par son rôle de défricheur, capable de prendre des risques là où personne ne