Nihonium
Par Serge Cassini
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À propos de ce livre électronique
Manuel aux formes variées en trois parties pour ne pas croire au Japon, entre ici et maintenant.
Quand la pornographie et le suicide mélangés sans précaution explosent à la gueule de l'expat.
Serge Cassini
Serge Cassini habite à Tokyo avec sa famille. Il n’a toujours pas été kidnappé par des extraterrestres, ce qui le réjouit et l’attriste à égalité. En attendant, il raconte des histoires bizarres pour le plaisir de tous.
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Aperçu du livre
Nihonium - Serge Cassini
I
salut nation de plomb
Ils allaient, l'insomnie visible à leur poignet. Ils étaient la relation de causalité entre le poignet et l'heure toujours exacte. Quand nous nous mîmes à les chasser, ils tentèrent de décoller leur poignet du bras mais c'était toujours l'heure exacte. Ils purent retirer leur poignet du bras mais la nuit pénétra dans le bras et commença à remonter vers le matin.
Ils s'endormaient et dormir avec eux, c'est encore eux.
Le problème c'est que les humains finirent par ne plus aimer vivre avec la machine de leur esprit.
Ils sont, pour nous, de pathétiques neveux de miel.
Tout était en place depuis toujours, surtout dans les montres de luxe.
Nous sommes arrivés après une race inutile. Puisque qu'ils sont meilleurs après réparation. Une race qui se laisse ouvrir comme une montre de luxe, malgré la finesse des mécanismes dévoilés, les dentelures, et cette race, meilleure parce qu'ouverte comme une montre, est une race inutile.
Nous sommes là (dans la peur qui se glissa dans les yeux) pour nettoyer la décomposition.
Qu'a été l'humanité ?
La plus fantomatique des permanences.
Il y en a encore pour dire que les pièces d'horlogerie et d'engins qu'ils avaient dans le ventre ont également été soleil et produits en or brillant.
Personne ne prit soin de ce bien. S'il exista. Ils élevèrent de grands magasins. Les grands magasins devinrent des villes d'étain.
Ils trichaient sur le temps. Ils vendaient en Suisse des éléments fabriqués en Thaïlande.
Pourtant ils reçurent un télégramme de leur fin. Mais il ne lisaient plus les télégrammes.
Au cours des cinq dernières années, les femmes des États-Unis disaient à leurs amis, achète-moi.
De flatterie en boutique en bracelet en louange draconienne. Ils n'ont pas vu qu'il y avait une pièce jointe avec leur humanité.
Si seulement ils avaient su vraiment regarder leur production pornographique.
Cette nuit-là, on rentra chez soi pour regarder une nouvelle nuit.
Cette nuit-là, les poignets ont été décrochés.
Ils ressemblaient à un rêve qui dort.
Il n'y a pas d'émeutes. Il y a à peine une clameur. Ce n’est qu'une révolution. Sans eux.
Quelle révolution ?
La cupidité suivante.
Une révolution qui touche la bile.
Ils sont tombés. Un criminel qui tombe en panne. Qui a appelé ?
Des gens bordées de gens. On se sent juste comme tous les travailleurs. On entasse.
Le ministre de l'unification fut clair. Pourquoi résister ? Pourquoi le canon, cette préoccupation chère, cette mêlée à tout moment, barricades, pistolets, mitraillettes ?
Nous avons marché dans l'humanité pour remonter le moral de l'humanité. Dans Amérique Street, il ne reste plus qu'un papillon.
La dernière humaine fut une Japonaise. La dernière humaine fut une enfant. La dernière humaine fut une danseuse nue.
En regardant de côté, nous avons demandé à la dernière humaine si elle avait une dernière volonté.
― Manucure.
Le ministre de l'unification a dit, le fusil est toujours juste avec les faux départs.
En regardant de côté, nous avons été ravis de cette Japonaise. Elle traînait merveilleusement dans la poussière.
Ils voulurent se gaver de femmes journalistes. Ils voulurent prendre l'avion immédiatement. Se servir des pauvres comme des radiateurs.
Ils n'avaient aucune trame à leur discours.
Il fallait que le son de la fanfare vînt de quelque part. Même pour se rapprocher.
Ils furent capable d'inventer des langues comiques pour tuer les femmes de ménage.
Devant leurs boutiques de coton, de confiseries et de masques, ils ont été couchés sur le dos. Ce fut comme fendre du bois.
Leur tête était faite de chair, de cheveux, de peau et d'os. Il y eut le son caractéristique du laminage des métaux. Un bruit de balançoire dans du brocard.
Nous regardions leurs fesses. De l'autre côté, il n'y avait rien à voir.
Ils avaient des photos dans leurs poches. Qui leur a fait croire à ces faux implants ?
Les plus pauvres surtout, les plus accidentés dans la naissance se croyaient appartenir à un palais impérial.
Ils ne sont pas morts de la peur de l'ennemi. Ils ont oublié de rédiger leur poème mortuaire. Ils ont oublié de parler du tonus de la mort.
Nous vîmes, en quelque sorte, l'humanité sortir de la corbeille. C'était une vieille dame au front et à la face larges, le nez proéminent et résolu, des rides profondes, poudrées, les cheveux propres et bien soignés, un long cou comme un serpent noir, un collier de perles, une jupe de marque.
Ils pensèrent qu'une foule de gens est un peuple. Ils inventèrent des hymnes. Puis ils inventèrent des hymnes comiques (kiss me girl) et rien ne changea plus.
Ils finirent par ne plus aimer, faute de croire que c'était de l'ordre de la culture.
Ils vendaient des miroirs. Mais des miroirs d'enfant, de plus en plus petits.
Désormais, nous ne savons que faire de cette Japonaise. Elle ressemble au squame du dernier érable avant la nuit.
Autrement dit, les chansons étaient faites pour s'adapter à la tonalité de leur esprit.
Nous pensions à un feu d'artifice ; ils se sont abattus comme une pluie de grêle, pressés d'en finir. Certains, plus rapides, sont devenus des lions fous.
Trois nuits, il a fallu trois nuits. Dont deux par inadvertance.
Ils ont été frappés de brûlure à la cervelle. Lors d'une lecture à voix haute. Ce n'était même pas drôle. Le crâne fêlé, ils avaient les yeux qui observent. De leurs crânes sortaient un tas d'asticots et ils avaient les yeux qui observent.
réunion à l'ambassade
il y a un camion noir devant l'ambassade
il y a un avion noir dans le ciel de l'ambassade
il y a un artiste belge dans l'ambassade
qui tatoue des porcs
dans le camion noir les yakuza ne rient pas
parce qu'ils se rendent compte qu'ils sont tatoués
comme les porcs de l'artiste belge
et ça ne leur plaît pas d'être tatoués comme les porcs d'un artiste non-japonais
ça ne leur plaît pas du tout
« qu'est-ce qu'on fait ? »
« on bute les porcs ? »
« on bute l'artiste ? »
« on bute l'ambassade ? »
dans l'avion noir le président ne sait pas
parce l'avion noir est un avion furtif
l'artiste belge est habillé en noir
il pense que le deuil est aussi idiot que le reste
il pense qu'un porc tatoué c'est postmoderne
l'ambassadeur lui serre la main
l'ambassadeur lui dit que dans le camion noir on trouve ses porcs tatoués offensant
« ce sont des porcs consentants monsieur l'ambassadeur »
« je n'ai pas pas peur des groupuscules »
« l'art est un groupuscule, on devrait pouvoir s'entendre »
« toute uchronie du capitalisme est un capitalisme »
dans le camion noir la tension monte
« on viole une fille ? »
« j'aurais dû être jardinier »
« on est victime d'une distortion de perspective ? »
la femme de l'artiste accuse son mari du malaise qui empoisonne le monde
l'artiste s'en fout
elle l'accuse d'avoir inventé la pulsion de mort
elle l'accuse de rêver à des photos de nus
l'artiste s'en fout
elle l'accuse de contrôler mentalement sa supérieure qui fait du lesbian harassment
elle l'accuse d’avoir un groupe sanguin inconnu
la femme de l'artiste l'a mis à la rue
c'est pour ça qu'il est à l'ambassade
sa femme parle de divorce mais veut faire l'amour
alors l’artiste dort dans un love hôtel avec ses projets artistiques
l’artiste belge n’est même pas belge
il rêve qu'il rencontre une sexomancienne
une sexomancienne est une femme qui prédit l'avenir en faisant l'amour avec son client
« ni onde ni particule onde et particule » dit la sexomancienne
parmi ses projets artistiques l'artiste pense à un vaudeville post-exotique qui se passerait à l'ambassade
il pense à la première phrase de son vaudeville post-exotique
« l'unité 731 a permis une avancée décisive de la pharmacologie nippone »
il y a un camion noir devant le love hôtel
il y a un oiseau noir sur les câbles électriques
non le vaudeville post-exotique se déroule en nouvelle calédonie
après la troisième guerre mondiale
l'artiste rêve qu'il se trompe de wagon
l’artiste se retrouve à la mauvaise heure dans le wagon réservé aux femmes
il est bousculé
victime de lesbian harassment dans le train réservé aux rêves féminins
dans le train on précise qu’il est interdit de croiser les jambes
il est interdit de faire comme chez soi
il est interdit d'être malade
il est interdit de se frotter
dans le wagon réservé aux femmes on commence à le prendre pour un voleur
un pervers
un chicaneur
un tatoueur de cuisses
il ne sait plus comment sortir de son rêve de wagon réservé aux femmes
dans le camion noir les esprits sont affûtés
« qu'est-ce qu'il complote ? »
« il va tatouer des souris ou des vaches ? »
« est-ce qu'un pervers dégénéré c'est quelqu'un de normal ? »
l'ambassadeur avoue en pleurant qu’il aime picabia
point de chute
pour savoir où on en est
il faudrait pour savoir où on est
il faudrait écrire les carnets secrets du japon caché
non pas japon caché parce que japon invisible
mais japon caché parce que japon plus vrai que nature
pas la maquette que les touristes miniatures parcourent
le soir sous les néons miniaturisés
mais pour savoir où on en est
il faudrait écrire sur le japon plus vrai que nature
le japon qu’on trouve dans les têtes
quand tout est perdu
quand on ne sait plus où on est
pas le japon qui dort dans la chaleur
pas le japon qui dort dans le froid
mais le japon caché
la boule de feu
la boule de feu qui pourra faire tout sauter
faire la maquette les touristes miniatures
faire sauter la chaleur et le froid
parce que le japon caché est toujours au centre d’une catastrophe
et la catastrophe c’est ce qu’on a trouvé de mieux
pour savoir où on en est de ne pas mourir
les touristes miniatures ne lisent pas les panneaux
il y a des panneaux cachés sous les panneaux indicateurs pour touristes
et tous les panneaux cachés disent la même chose
n’oublie pas que tu es en train de ne pas mourir
cela pourrait rappeler la mièvrerie des panneaux indicateurs pour suicidés
qui parsèment la forêt des suicide
mais c’est assez différent
n’oublie pas que tu es en train de ne pas mourir
ce n’est pas plus réjouissant qu’autre chose
mais cela invite à trouver le point de chute de la boule de feu
n’oublie pas
on oublie que d’accuser les autres est une amnésie
dire tu es un bon à rien
dire tu crois que le fric va tomber du ciel
dire c’est toujours la même chose
c’est toujours la même chose
tout cela prouve que ce n’est pas toujours la même chose
et que c’est une amnésie nauséeuse
ne pas oublier consiste à savoir que la boule de feu est sur le point de tomber
et là où elle tombera sera là où on en est
dans le japon caché
dire tu as fait de ma vie une erreur
c’est une amnésie fumeuse
dire ce que dit le prédateur qui se cache dans la proie
c’est une amnésie
dire ce que dit le prédicateur qui se cache dans l’arbre qui tombe
c’est une amnésie
dire ta boule de feu est déjà tombée sur ta tête
dire le mot pylône est sûrement d’origine grec
c’est une amnésie
n’oublie pas
pratique la non-amnésie
par exemple
se rendre dans la forêt des suicides et tagger les pancartes qui invitent à réfléchir encore une fois
en somme faire la psychanalyse des pancartes qui parsèment la forêt des suicides
nous aurons une bombe rouge dans la main droite et une bombe blanche dans la main gauche
la pancarte de la sinistre forêt ne sera éclairée que par la micro-luminescence des écrans
tombés des poches des suicidés
notre geste consistera à peindre la pancarte entièrement en rouge
puis à peindre un cercle blanc dégoulinant au centre
il faudra que la dégoulinance du cercle blanc soit suffisante
pour inspirer aux suicidés
pour inspirer aux détrousseurs de poches
pour inspirer aux trousseurs de jupon
pour inspirer à la police
aux touristes miniatures
le sentiment ambigu
le sentiment dégoulinant
du japon caché
le point où chutera la boule de feu
qui marquera enfin
le lieux et le temps
où en est de ne pas savoir vivre
Le cycle de la canicule
au japon, le sexe est de l’humanitaire en chambre
le japonais est souvent un garçon habillé
sur la porte de la chambre conjugale une pancarte clame : wall street sex
la japonaise dispose sur le lit de nombreux objets qui ont été transmis de génération en génération
la japonaise répand de l’herbe sur les objets
le japonais mange toute l’herbe avant de s’incliner devant l’ombre de sa femme qui se réfugie un instant chez les voisins
le japonais plonge dans les objets
le japonais reçoit un appel téléphonique du premier ministre
on s’informe de son excitation et de l’avenir du pays
le premier ministre parle à travers les objets étalés sur le lit
le premier ministre parle à travers le pommeau de douche
un nouveau syndrome est apparu
un syndrome de syndrome
certaines femmes donnent naissance à de la canicule au lieu d’enfant
c’est une situation alarmante
la canicule ne pourra pas payer votre retraite
le japonais brise le pommeau de douche
le japonais brise les objets
la japonaise sort de dessous le lit
les voisins sortent de dessous le lit