"Autrefois ... j'étais enfant": Rennes et Dinard 1943 - 1951
Par René Dassonville
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À propos de ce livre électronique
Il nous dépeint les fais et gestes d'un enfant , ses sentiments et ses réactions, face au monde et aux adultes.
Des références à la littérature, des extraits de chansons, ainsi que des illustrations viennent enrichir cette oeuvre pleine de vie, de sensibilité et d'humour.
René Dassonville
Après des études à Rennes, lycée, puis université, René Dassonville a exercé la fonction de professeur d'allemand et de formateur, jusqu'à sa retraite. Parmi ses loisirs, l'écriture a toujours tenu une place privilégiée. C'est ainsi qu'il a déjà publié un livre de souvenirs,deux comédies policières et un livre d'humour.
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Aperçu du livre
"Autrefois ... j'étais enfant" - René Dassonville
À mes parents
Un grand merci à Maïthé et Valérie
pour l'aide qu'elles m’ont apportée
Préface
J'ai pensé que ma famille, mes amis et peut-être quelques lecteurs seraient intéressés par le récit des années de mon enfance passées à Rennes, puis à Dinard.
Cette époque commença par la guerre, puis ce furent les années de reconstruction, de retour progressif à la normale
, le début des Trente glorieuses.
J'ai essayé de raconter comment j'ai grandi dans l'ambiance de cette époque, de dépeindre la vie de tous les jours et d'évoquer quelques évènements marquants.
René Dassonville, mai 2019
Table des matières
SOUVENIR
LE P'TIT CAMION
SAINT-LAURENT ET LA GUERRE
NOUS QUITTONS RENNES ET SAINT-LAURENT
LA ROTONDE
LA PLAGE DE L'ÉCLUSE
JEUDI MATIN
L'ÉPICERIE
MA GRAND-MÈRE PATERNELLE
PREMIERS SOUVENIRS D'ÉCOLE
L’ÉCOLE PUBLIQUE ET LE COURS COMPLÉMENTAIRE
RETOUR DE L'ÉCOLE.
QUE FERAS-TU PLUS TARD?
LA VILLA ALIZIA
LE JARDIN
LA PLACE PAUL CROLARD
LE TOUR DE FRANCE
LA PENSION DE FAMILLE
LE FOURGON CITROËN
NOS AMIS RENNAIS
SOUVENIRS PÊLE-MÊLE.
ÉMERVEILLEMENTS ET DÉCOUVERTES
RETROUVER DINARD
LE BORD DE MER
SOUVENIR
« Le souvenir est le seul paradis dont on ne peut nous chasser ».¹
Oui, dans mon souvenir, dans mes souvenirs, il y a plusieurs paradis : l’un d’entre eux fut ma petite enfance. Malgré la guerre et l’après-guerre, ce fut pour moi une période heureuse. Je me rends très bien compte de la chance que j’ai eue.
Bien sûr, le ciel ne fut pas toujours bleu et il y eut des jours de grisaille, des orages aussi : je me souviens parfois de quelques grands accès de pleurs, de quelques punitions, la plupart du temps mal perçues, même si elles étaient justifiées. Mais l’enfance est à la fois la période de la candeur, de la franche spontanéité et aussi de l’affabulation, du refus de certaines réalités. L’enfant a sa propre logique, souvent bien différente de la nôtre. Quand un enfant ment, le mécanisme n’est pas le même que chez la plupart des adultes, du moins me semble-t-il. L’enfant finit souvent par être persuadé qu’il dit la vérité. C’est un peu comme l’homme du midi, si l’on s’en réfère à Alphonse Daudet : « Il ne dit pas toujours la vérité, mais il croit la dire. Son mensonge à lui, ce n’est pas du mensonge, c’est une espèce de mirage. »
Donc, pendant cette période sereine, il y eut aussi ces punitions, ces pleurs, ces moments de profonde détresse où l’on se croit le plus malheureux des êtres, où l’on en veut à tout le monde, où l’on passe ses nerfs sur un quelconque objet qui nous est tombé sous la main : on le malmène, on le jette rageusement par terre. Ainsi croit-on naïvement se venger des adultes et les punir. Vaine illusion !
Mais, aujourd'hui, ces moments malheureux n’ont plus guère d’impact, ils n’assombrissent pas les épisodes lumineux dont je me souviens. Quand ils réapparaissent malgré tout, j’y porte un regard détaché, comme si je n’avais pas été, parfois, ce garnement fauteur de bêtises plus ou moins graves.
En fait, il y a surtout deux « incidents » qui me reviennent de temps en temps en mémoire. Le premier, c’était après une dispute avec ma sœur, ma cadette de deux ans et demi : j’étais tellement énervé, que je m’emparai, à son insu, d’un de ses baigneurs en celluloïd, je le déshabillai et, horresco referens, je le livrai à la flamme d’une allumette. Comment ai-je pu faire pour ne pas me brûler moi-même, car j’avais à peine plus de six ans? La punition fut à la mesure de mon forfait.
Un autre « incident » date de l’année de mes huit ans. Mes parents avaient prévu d’aller au cinéma avec des amis. Évidemment, je voulais absolument les accompagner. Hélas, le film, Clochemerle, était interdit aux enfants. Je fis une telle scène que mes parents téléphonèrent au directeur du cinéma, disant qu’ils assumaient la responsabilité de m’emmener avec eux. Rien n’y fit, ce dernier devait respecter la loi. Alors, je trépignai de plus belle, je menaçai de faire mille bêtises si l’on ne m’emmenait pas. Mais, devant la réprobation de tous les adultes, je finis heureusement par me calmer.
Donc, mon enfance fut heureuse, et ce grâce à mes parents. Ils ont vécu les deux guerres mondiales, et comme ils étaient loin d'avoir les deux pieds dans le même sabot, ils ont su se débrouiller, mais sans compromissions. Je sais qu’ils ont aidé plusieurs personnes, comme, par exemple, cet horloger-bijoutier qui, craignant d’être arrêté par la Gestapo, leur confia des bijoux, un petit trésor qu’il put évidemment récupérer après la guerre. Plus tard, à la fin des années cinquante, j’ai connu ce brave homme : il tenait encore sa petite échoppe à Rennes et c’est chez lui que nous allions quand il fallait donner une montre à réparer.
Mes parents ont traversé toute leur époque en exerçant différents métiers. Ma mère, par exemple, tint un hôtel à Vitré, elle dirigea le restaurant du pavillon de la Bretagne à l’Exposition universelle de 1937 à Paris. Pendant la guerre, ce fut un hôtel-bar-restaurant situé boulevard de la Liberté à Rennes, ensuite l’hôtel de la Rotonde à Dinard, puis une épicerie-crèmerie et enfin une agence immobilière à Rennes, une agence d’affaires comme on disait à cette époque-là.
Mon père exerça d’abord la profession de représentant de commerce, puis il s’installa à Rennes dans un atelier « d’électricité automobile ». J’évoquerai dans d’autres chapitres ses activités à Dinard.
Deux attitudes, deux états d’esprit caractérisèrent le parcours professionnel de mes parents : tout d’abord leur adaptation aux nécessités et aux opportunités du moment. En 1951, ils pensèrent qu’il était préférable pour les études de ma sœur et moi-même de quitter Dinard pour revenir à Rennes. En effet, il n’y avait à Dinard qu’un cours complémentaire : je me garderai bien de dénigrer cette école, j’ai un excellent souvenir des instituteurs que j’ai eus en sixième, mais ce type d’établissement ne proposait ni l'option latin, ni la seconde langue. Il aurait fallu que j’aille à Saint-Malo, en prenant la vedette matin et soir, ou que je sois pensionnaire. Des amis bien informés conseillèrent à mes parents de créer une agence immobilière à Rennes, ce qu’ils firent. C’était la bonne époque, la ville était en reconstruction, en plein boom. Disons au passage que les agents d’affaires n’avaient pas toujours bonne réputation, et je me souviens d’ailleurs que mes parents hésitaient à travailler avec certains confrères dont les méthodes ne leur paraissaient pas toujours des plus recommandables. J’avais pris conscience de cette mauvaise image et cela me gênait quelque peu. C’est pourquoi je fus heureux quand mes parents, pour diversifier leur affaire, devinrent aussi agents d’assurances. Cela me paraissait plus noble. Et, par la suite, à chaque rentrée scolaire, lorsque nous remplissions nos fiches, je n’oubliais pas d’ajouter à la ligne « profession des parents » la précision «…et d’assurances », « agents d’affaires et d’assurances ».
Un deuxième élément important fut leur disponibilité, leur ardeur au travail. Pour eux, c’étaient des semaines d’au moins quarante cinq heures, souvent plus. Je sais que c’est encore le lot de beaucoup de commerçants, artisans et autres professions. Cela dit, la plupart des gens vivaient d’une autre façon, moins échevelée. Était-ce mieux, je n’en sais rien, mon jugement doit être faussé par ces années qui m’ont imprégné et qui font que je ne puis percevoir cet aspect « pressé » de la vie d’aujourd’hui de la même façon que les générations plus récentes. La tortue de notre jardin doit bien s’étonner des courses effrénées de notre chat. Et, lui, du mépris du temps qui passe, que celle-ci affiche obstinément.
Une dernière chose que je voudrais dire, dans ce contexte : quelques années après l’enfance, j’ai compris la différence entre avarice et esprit d’économie. Pendant la guerre et après, je pense que la plupart des gens avaient une attitude bien différente de celle que nous a plus ou moins imposée la société de consommation, qui est d’ailleurs souvent devenue la société de gaspillage. Dans la décennie des années quarante, un sou était un sou : on savait économiser. Pour les grosses dépenses bien sûr, mais aussi et surtout dans la vie de tous les jours. On jetait le moins possible, on essayait de récupérer, de donner une seconde vie à des produits, à des objets déjà utilisés. Certains souriront d’apprendre, par exemple, que nous ne jetions pas les enveloppes des courriers reçus : nous utilisions la face intérieure comme papier de brouillon. De nos jours, dans tous les domaines, la lutte contre le gaspillage reprend heureusement des couleurs. Des efforts sont faits pour que, dans les pays riches, on adopte une attitude plus respectueuse envers la nourriture : n’est-elle pas le fruit issu de la générosité de la terre associée au travail des hommes ? A-t-on le droit d’être irrespectueux envers ce trésor ?
Comme la plupart des enfants, nous n’avions pas beaucoup de jouets.