Thea Grove, Chasseuse de Vampires: la série complète: Théa Grove, Chasseuse de Vampires
Par Molly Webb
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À propos de ce livre électronique
Bienvenue à Hollowmore. Espérons que vous survivrez à votre petit séjour chez nous…
Je m'appelle Théa, et je suis chasseuse de primes. Mon père, lui, est à la tête d'un puissant clan de morphes dans la ville magique de Hollowmore. Étant sa fille aînée, j'étais son héritière toute désignée… jusqu'à ce que je décide de tourner le dos à cette vie. Mon rôle aujourd'hui est d'affronter les menaces dont personne d'autre ne saurait s'occuper dans une ville peuplée de monstres assoiffés de sang.
Marcus n'était qu'un contrat banal au départ ; jusqu'à ce que je découvre sa nature de dragon. Sa race était censée s'être éteinte il y a bien longtemps, et si on découvre sa véritable identité, c'est tout son clan qui risque d'être anéanti. Je n'ai pas besoin de ce genre de problème, mais il est loin de se fondre dans la masse avec ses épaules larges et ses yeux enivrants.
C'est aussi mon seul allié lorsqu'une organisation dangereuse commence à s'en prendre aux morphes. Et puisque les clans sont trop occupés à se tirer dans les pattes pour affronter la menace, seule une étrangère telle que moi a une vraie chance de découvrir ce qui se trame. Mes proches et moi-même allons forcément nous retrouver dans l'œil du cyclone avec tout ça, mais je n'ai jamais été du genre à baisser les bras.
Et mes ennemis ne vont pas tarder à découvrir combien une chasseuse de monstres acculée et un dragon peuvent être dangereux.
Ce coffret digital inclut les Livres 1 à 3 de la série Théa, chasseuse de vampires.
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Aperçu du livre
Thea Grove, Chasseuse de Vampires - Molly Webb
THÉA GROVE, CHASSEUSE DE VAMPIRES
L’Héritier des Dragons
La Lutte des Morphes
La Horde du Dragon
Ceci est une œuvre de fiction. Tous les noms, personnages, endroits et occurrences sont le produit de l'imagination et sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des évènements ou endroits sont entièrement fortuits.
RELAY PUBLISHING EDITION, OCTOBRE 2023
Copyright © 2023 Relay Publishing Ltd.
Tous droits réservés. Publié au Royaume Uni par Relay Publishing. Ce livre ou un extrait de ce livre ne peuvent être reproduits ou utilisés sans la permission écrite expresse de l’éditeur mis à part des citations courtes dans le cadre de rédaction d’avis du livre.
Molly Webb est un nom d’auteur créé par Relay Publishing pour des projets collaboratifs de co-écriture d'œuvres de fantasy urbaine. Relay Publishing travaille avec des équipes d’auteurs et éditeurs remarquables pour créer ensemble les meilleures histoires pour nos lecteurs.
Couverture réalisée par Christian Bentulan.
www.relaypub.com
Relay Publishing logoTHÉA GROVE, CHASSEUSE DE VAMPIRES
LA SÉRIE COMPLÈTE
MOLLY WEBB
AVA RICHARDSON
TABLE DES MATIÈRES
L’Héritier des Dragons
Résumé
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Fin de L’Héritier des Dragons
La Lutte des Morphes
Résumé
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Épilogue
Fin de La Lutte des Morphes
La Horde du Dragon
Résumé
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Épilogue
Fin de La Horde du Dragon
Merci!
Guide des clans morphes d’Hollowmore
Faites une autrice heureuse
À propos de Molly Webb
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L’Héritier des DragonsRÉSUMÉ
Je m’appelle Théa, et je suis chasseuse de monstres. Ou un monstre moi-même. Ça dépend à qui vous posez la question…
Mon père m’a entraînée à me montrer dure et sans pitié, dans le but de prendre un jour sa place en tant que cheffe de notre clan. Puis j’ai découvert que mon père n’était pas l’homme qu’il semblait être. Alors j’ai monté ma propre entreprise. Maintenant, je travaille pour ceux que mon père exploitait. Oui, je suis payée. Mais je ne le fais pas pour l’argent.
Alors quand je découvre que le loup-garou enragé que je pourchasse est en réalité innocent, je veux savoir qui l’a piégé et pourquoi. Il s’appelle Marcus, avec ses larges épaules et ses yeux perçants, il est tout à fait capable de se protéger tout seul. Mais quelqu’un veut sa mort. Et moi, je veux qu’il reste en vie… au moins assez longtemps pour découvrir son secret.
Parce que Marcus n’est pas un simple morphe. Il est bien plus étrange que cela, et bien plus dangereux. Un secret ancien couve derrière son regard ardent.
Et quand il sera révélé, il est possible qu’il mette le monde à genoux…
CHAPITRE UN
Il est quatre heures du matin, les rues d’Hollowmore sont pratiquement vides, si l’on oublie les retardataires rentrant de raves ou de clubs de glamour pour s’écrouler chez eux. De l’autre côté de la Dwell, les enseignes aguicheuses des casinos et des lieux branchés peignent les nuages en rose et violet, s’entrelaçant inlassablement en schémas hypnotiques. Après tout, il fait toujours nuit de ce côté de la ville.
Les Démoniques aux ailes de chauve-souris, comme chacun des clans morphes, se sont approprié une partie de la ville il y a plus de cent ans ; on appelle leur district Empyrean, et ils l’ont recouvert d’un voile de ténèbres qui les alimente en magie. Le soleil ne s’y lève jamais ; les lumières ne s’éteignent jamais ; les fêtes sont sans fin.
Ce qui en fait un paradis pour les vampires.
Mais quand un buveur de sang apparaît dans n’importe quelle autre partie de la ville, les heures calmes qui précèdent l’aube constituent leur moment favori pour rôder à la recherche d’une proie. C’est pourquoi je suis la seule Arcane dans les parages à cette heure. Voler au gré des courants d’altitude me place bien au-dessus de la poignée de voleurs démoniques qui s’aventurent en dehors de leur territoire, et puisque le battement de mes propres ailes couvertes de plumes est léger et silencieux, les gens de la surface ne me remarquent pas non plus, morphes ou non. Je tapote mon téléphone de mes doigts engourdis et confirme que je suis toujours sur la piste de ma cible. Je suis peut-être un peu trop optimiste d’espérer que le vent glacé apaise la migraine qui pulse sous mon crâne. Cette douleur sourde ne me quitte pas depuis des jours. Mais le département de police d’Hollowmore paie bien, et régulièrement, contrairement à la plupart de mes clients. Je ne peux pas me permettre de refuser un travail de leur part simplement parce que j’ai mal choisi mon moment pour arrêter de fumer.
L’adresse qu’ils m’ont donnée se situe au nord de la Dwell, près de la nette démarcation où des zones sombres et boisées interrompent les constellations scintillantes des réverbères. C’est Harahel, le territoire des Griffus ; il aurait fallu me payer beaucoup plus que ce que j’ai reçu si la police voulait m’envoyer là. Contrairement aux morphes des clans arcane et démonique, les Griffus ne se contentent pas d’une paire d’ailes quand ils se transforment. Ils prennent de gigantesques formes animales, griffes et crocs inclus. Personne n’a envie de se frotter à eux.
Le toit sur lequel je me pose enfin se situe dans un quartier qui n’appartient à aucun des clans. Barrow Knoll, d’après mon téléphone qui me gratifie également de la position de trois restaurants et d’un lavomatique dans les environs. Je range l’appareil dans ma poche et reprends forme humaine en secouant mes grandes ailes emplumées. Blanches comme la neige, elles font plus de trois mètres d’envergure – pas vraiment discret. Autant sonner la fanfare : Arcane ! Pas de magie sans lumière ! Si vous avez une dent contre les riches et les puissants, profitez-en !
Mais sans mes ailes, sans lumière du soleil pour faire ressortir la luminescence arcane de ma peau, je ne suis qu’une fille banale, en jean et bomber cuir élimé. Je replace mon arbalète pour qu’elle pende à mon épaule, prête à l’emploi – ombre dans mon dos jusqu’à ce que je la saisisse entre mes mains.
Depuis le toit, le quartier n’est qu’un amas de rues étroites éclairées par de vieilles lampes qui dispensent une lumière orange, de petites maisons dotées de jardins de la taille d’un timbre-poste, bien trop de recoins sombres entre les deux. Trois humains ont été retrouvés morts ce mois-ci à moins d’un kilomètre d’ici, vidés de leur sang et des marques de crocs sur leur cou. Quand ils ont retrouvé un loup-garou dans le même état, la police est venue me voir. Le ton bourru de l’inspectrice Fiduci – Nous avons un menu spécial Théa – n’a trahi aucune urgence. Mais, contrairement à son prédécesseur, l’inspectrice sait quand elle a la tête sous l’eau et elle n’est pas du genre à laisser un vampire assez affamé pour s’attaquer à d’autres hybrides sans rien faire. Il faut l’exterminer, et vite.
Je descends au niveau de la rue par une vieille issue de secours métallique, le poids familier de mon arbalète contre ma cuisse. Une voiture laisse échapper un son de basses en passant. Le trottoir sent vaguement les vers de terre après la pluie. J’adopte une démarche vive et ordinaire, rabats la capuche de mon sweat sur mes cheveux blond platine pour qu’ils n’accrochent pas la lumière des réverbères. Pas de morphe ici, mon bon monsieur. Rien qu’une délicieuse étudiante sans défense.
Notre vampire a dû se trouver une planque dans le coin –un garage, un lieu étroit en sous-sol, quelque chose du genre – et ce quartier est plein à craquer de fenêtres de sous-sol barrées de planches, de soupiraux cassés, de garages aux portes branlantes. Pas étonnant qu’on n’ait pas encore retrouvé la bestiole. Elle a peut-être même plus d’un repaire. La police a réduit les possibilités à ce quartier, mais devoir réclamer des permis de chasse à l’Assemblée Générale les ralentit. La plupart des vampires ne sont pas assez dangereux – ou malins – pour poser problème, mais celui-ci les fait tourner en bourrique.
Je réprime un soupir et me pince l’arête du nez : cette migraine ne faiblit pas. Bon, avec un peu de chance, ma cible me facilitera la vie.
Un mouvement furtif dans l’ombre d’un porche attire mon regard : le croissant blanc d’un visage tourné vers les cieux, une main délicate qui agrippe un bras. Deux personnes, enlacées dans un coin. On pourrait presque les prendre pour un couple passionné, jusqu’à ce que la main se détende et retombe, molle, tandis que l’autre silhouette se penche en avant, les épaules voûtées. De plus, la brise transporte une odeur caractéristique : celle du sang et de la pourriture.
Ha. La chance est avec moi.
Mes doigts s’avancent vers l’arbalète, mais même en visant bien, le carreau de bois – substitut correct pour un pieu – pourrait toucher la victime en traversant ma cible, et les dommages collatéraux sont vraiment mauvais pour les affaires. Il faut d’abord que je les sépare. Je soupire. Adieu, l’élément de surprise.
Ma voix résonne dans la rue silencieuse :
— Hé ! Il y a des hôtels pour ça !
La silhouette penchée dans l’ombre se tourne vers moi avec la rapidité d’un serpent, sa bouche sombre formant une tache dans son visage fantomatique, les yeux habités d’une lueur frénétique dans ses orbites bleuies. Ouais, c’est ça. Je recule d’un pas, une main sur la bouche, telle une proie. Approche.
La chose délaisse l’objet de son affection – une fille à la chevelure sombre – qui s’écroule au sol. La victime heurte les pavés de l’alcôve avec un son dur, sa tête remue faiblement. Avec un peu de chance, il lui reste assez de sang dans les veines pour s’en tirer. Le vampire émerge dans le halo orangé du réverbère, ses lèvres ensanglantées tordues en un sourire suffisant. Ce mec devait avoir à peu près mon âge, avant, vêtu d’une veste chic et du genre de pantalon auquel on fait un pli. Évidemment. Ma déplorable année et demie à la fac était peuplée d’abrutis sortis du même moule.
Sans surprise, il se jette sur moi avec rapidité, couvrant la distance comme on rembobine une cassette. Mais je le suis plus encore. Je prends mon élan et écrase mon poing sur son visage.
Il titube en arrière, plus étonné que blessé. Au moins, il a cessé de sourire. Profitant de son déséquilibre, je me jette sur lui et lui assène un autre coup avant qu’il ne récupère ses esprits et arrête le suivant, me contraignant à esquiver les siens.
Pas mal. Étonnamment, il est économe et se maîtrise : la plupart des vampires s’agitent dans tous les sens et dispersent leurs coups. Il a dû bénéficier d’un entraînement quelconque de son vivant. Sa tête part en arrière sous un autre de mes coups et j’agrippe sa veste pour le ramener vers moi, une main sur le manche de l’épée passée à ma ceinture, prête à activer sa lame d’énergie bleutée crépitante pour le décapiter, qu’on en finisse.
Mais dans une torsion et un bruit de vêtement qu’on déchire, il se dégage de sa veste qui me reste dans la main et quitte la lumière pour retrouver l’ombre d’une ruelle. Je laisse échapper un grognement de frustration en me lançant à sa poursuite.
Des poubelles et des annexes probablement illégales encombrent la ruelle, la transformant en circuit de course d’obstacles à l’aveugle, sans marge de manœuvre. Ma cible perd de précieuses secondes à renverser un conteneur à ordures, que je franchis plus rapidement qu’il n’avait anticipé, et je le rattrape enfin.
— Attends, hoquette-t-il en esquivant mon coup. Je pourrais t’être utile ! J’ai des infos !
Mais bien sûr ! Néanmoins je veux bien jouer le jeu si ça me laisse une ouverture.
— Ah oui ? dis-je en faisant craquer mes jointures. Quoi, par exemple ?
— Il y en a d’autres comme moi, halète-t-il. Je les connais. Je peux te mener à eux !
— Hm-hm.
Je me rapproche, la main sur la poignée de mon épée ; il recule. Parle, sangsue.
— Je suis sûre que tu fais partie du gratin de la société vampirique, je le raille.
— Il y a eu des réunions ! insiste-t-il. Clandestines ! Tu veux savoir où ?
Apparemment il croit être le premier à se rattraper aux branches pour se sortir d’une tombe bien méritée. Quel imbécile. Il n’y a pas de société vampirique, pas de réunions. C’est impossible. Les vampires sont dirigés par leurs pulsions. Ils sont incapables de planifier, de s’organiser et ne recherchent définitivement pas la compagnie. Ils ne peuvent se concentrer que sur le sang, chaud et frais, et ils s’entretueraient sans la moindre hésitation ni remords pour l’obtenir. Comme des crabes dans un panier.
Je fais mine de réfléchir.
— Écoute…
Il plonge avant que j’aie pu me mettre en position, lèvres retroussées sur ses crocs pointus, et un horrible craquement retentit derrière moi quand je suis projetée à terre. Merde, l’arbalète. Je fais un roulé-boulé, les hauts murs aux fenêtres barricadées et la lumière faiblarde d’un patio tournent autour de moi tandis que j’enfonce les bouts renforcés de mes bottes dans le ventre du vampire et le fais passer cul par-dessus pour atterrir bruyamment dans la poubelle.
Je n’ai pas besoin de mon épée, finalement : j’ai les lumières du patio. Des lumières solaires.
J’envoie une lance de volonté sur ces ampoules troubles et clignotantes et un trait de lumière – la lumière du soleil, blanche et brûlante – fuse en retour. Ma cible a à peine le temps d’émettre une grimace d’agonie avant de s’évaporer dans un nuage de cendres sifflantes. Je reste étendue sur le sol, tâchant de reprendre ma respiration tout en crachant des flocons de vampire grillé.
— Quel dommage. (Je me redresse avant de me rendre compte que la voix traînante vient de ma tête.) On dirait que j’ai manqué le spectacle.
Je me traîne debout avec un dos douloureux qui m’arrache une grimace.
— Héro... Combien de fois devra-t-on avoir cette conversation ?
La propriétaire de la voix m’observe depuis le sol : elle ressemble à un chat qui se fondrait dans la nuit, à l’exception d’une tache blanche sur son poitrail et de ses yeux luminescents, ronds et dorés comme des pièces. Sa fourrure noire est inaltérée par la cendre poudreuse qui se répand suite à la défaite du vampire.
— C’est pénible, en effet, convient Hérodote en battant de la queue avec dédain. Mais si tu tiens à ce que nous revisitions ce sujet, je ne t’en empêcherai pas.
Je me penche vers elle et, tandis qu’elle me gratifie d’un bâillement outrancier, je martèle avec insistance :
— Reste. À la. Maison. L’une de nous deux se fera tuer à cause de toi.
— De ce point de vue, tu m’as l’air de t’en sortir adroitement toute seule.
— Je suis toujours là, non ?
Héro perd intérêt pour la conversation et renifle les vêtements froissés du vampire.
— Ah, soupire-t-elle, et sa fourrure s’illumine un instant comme si une lumière l’éclairait quelque part. Délicieux. Quelle considération de ta part de me laisser des restes.
— Fais-toi plaisir.
Je sors mon téléphone de ma poche. L’écran arbore des fêlures toutes fraîches ; je savais bien que j’aurais dû souscrire à cette assurance. Le clavier fonctionne toujours, heureusement, et je compose rapidement le numéro des secours pour qu’une ambulance vienne s’occuper du casse-croûte du vampire. À la lumière de ma lampe-torche, l’arbalète a essuyé bien plus de dommages que moi : une partie de l’arc est cassée et le fil pend. J’aimais les lattes de bois de frêne qui la composent et lui confèrent un retour surnaturel – associées à la barre de chêne et aux carreaux d’aubépine, le tout forme un trio de charme – mais, on m’avait prévenue, voilà l’inconvénient : la force et la souplesse du bois ont leurs limites.
Je replace l’arme sur mon épaule et éclaire les pavés avec ma lampe. Il me faut plusieurs minutes pour trouver ce que je cherche parmi les cendres : une dent, longue et aiguisée, tout ce qu’il reste de ma cible. Je l’empoche dans le but de la remettre à l’inspectrice Fiduci.
Il est pratiquement cinq heures, je suis courbaturée, grognon, j’ai un foutu mal de crâne et l’inspectrice ne sera pas disponible avant dix heures. Je vais en profiter pour voler quelques heures de sommeil. Cela dit, je pourrais passer par le bâtiment qui abrite ce qui me sert de bureau ; Anika ouvre le café en bas – La Fève Joyeuse – à six heures. Je ne vais certainement pas l’embêter avec l’arbalète, elle a bien assez à faire… mais la vision d’un de ses petits-déjeuners composés de sandwiches débordant de fromage, bacon et confiture de tomate se matérialise soudain avec une telle clarté dans ma tête que je jurerais en sentir l’odeur. Mon estomac gargouille.
Héro arpente toujours la ruelle en scintillant doucement dans le noir tandis qu’elle lape les résidus de ma magie.
— Je vais manger un morceau chez Anika, l’avertis-je. Tu viens ?
Elle termine son repas en se léchant les babines et ne prend même pas la peine de se retourner ; sa queue tressaute une fois paresseusement pour prendre congé et elle disparaît le temps d’un clin d’œil. Rien d’étonnant de la part d’une cat sidhe. Elle ne réapparaitra sûrement à la Fève qu’à la seconde où Anika utilisera ses pouvoirs, alors elle miaulera piteusement, comme si elle n’avait pas été nourrie depuis des semaines. Je lève les yeux au ciel et prends la direction de la rue pour ressortir mes ailes.
Une nouvelle voix me fait bondir au moment où j’atteins le trottoir.
— Joli feu d’artifice, Arcane.
Les paroles ne sont pas fortes, mais graves et rocailleuses. Un homme grand, d’au moins deux mètres de haut, se tient négligemment appuyé contre le mur de briques à ma droite. Il porte un pantalon de treillis, une veste bouffante par-dessus un sweat-shirt gris, et arbore une barbe hirsute.
— Merci.
Mon ton est léger, mais je suis sur mes gardes. Tout chez ce type sent le Griffu : son odeur animale, son style sans prétention, sa carrure musclée, même sa façon de se tenir. Il y a quelque chose de minéral chez lui, une présence indéfectible, comme une montagne. Je parie qu’il se transforme en ours. Et il n’a pas l’air ravi de me voir.
— C’est plutôt culotté de ta part, fait une nouvelle voix, d’étaler ta magie comme ça, dans le coin.
Et merde, en voilà deux autres qui arrivent de l’autre côté, les mains dans les poches : un homme et une femme, tous deux grands et solides comme des rocs.
— T’es qui, d’ailleurs ?
— Appelez-moi Théa, réponds-je avec un haussement d’épaule et un sourire forcé en fourrant mes mains dans mes poches pour imiter leur posture. Et je viens de me faire agresser par un buveur de sang, pour info. On fait ce qu’on peut.
— Fais pas la maline, grogne quelqu’un d’autre derrière moi.
Cette fille a un visage rond et des tresses, elle est plus petite mais aussi plus nerveuse, les poings serrés, prête à se battre.
— C’est toi qui le chassais, reprend-elle. Tu devrais réfléchir avant de venir te battre sur notre territoire.
Je hausse les sourcils mais lève les mains en signe d’apaisement.
— Euh, excuse-moi, mais la dernière fois que j’ai vérifié, Harahel était par là. Depuis quand ce quartier appartient aux Griffus ?
— C’est toi qui vas nous apprendre où s’arrêtent nos frontières ? rétorque le premier type.
Il parle calmement mais son regard est dur dans la lueur orangée des réverbères.
— Je clarifie, c’est tout.
C’est des conneries, mais ils ont l’avantage du nombre, ils m’encerclent, et ce n’est pas pour rien qu’on les appelle Griffus. Qu’aurais-je à affronter s’ils décidaient de se transformer ? Comme si cet homme-ours ne suffisait pas. Des lions de montagne ? Des loups ? Je pourrais toujours m’envoler, mais sortir mes ailes à cet instant ne ferait que jeter de l’huile sur le feu et je ne parierais pas sur ma rapidité à leur échapper. J’ai peut-être tourné le dos aux Arcanes, mais ça ne veut pas forcément dire grand-chose ; certains sauteraient sur la moindre opportunité de voler dans les plumes d’un autre clan. Si je devais me battre contre des Griffus, cela pourrait rapidement entraîner de graves répercussions sur la ville toute entière.
— Écoutez, dis-je en reculant d’un pas. Je n’avais pas l’intention de froisser qui que ce soit. Je suis juste là pour le boulot, d’accord ? Le mec que j’ai grillé a tué un loup-garou et trois humains. Il devenait dangereux, et maintenant vous n’avez plus à vous en préoccuper. O.K. ?
— Nous sommes parfaitement capables de surveiller notre territoire, crache la femme.
— Oui, évidemment. (Continue de sourire, Théa.) Considérez ça comme une faveur.
Le premier type se détend un peu, mais l’autre femme croise les bras.
— Une faveur ? De la part d’une Arcane ? Où est le piège ? On te fait pas confiance, le piaf.
Les autres approuvent en chœur et le cercle se resserre. Enfin, c’est raccord avec le reste de ma nuit. J’aurais peut-être dû regarder mon horoscope avant de sortir. Je pose les mains sur mes hanches, enroule deux doigts autour de la poignée de mon épée mais le contact du cuir ne m’est pas d’un grand réconfort.
Si je dois la tirer, je serai vraiment dans la mouise.
CHAPITRE DEUX
— Q ue se passe-t-il ici ?
La voix traverse l’air tendu comme un son de cloche – pas aussi grave que celle de l’ours, mais elle porte le poids de l’autorité, et mes interrogateurs se retournent d’un coup pour lui faire face, le dos bien droit. Une silhouette maigre aux longs cheveux méchés de gris pénètre dans le cercle. La lumière tombe sur le visage buriné aux sourcils froncés d’une femme, accentuant ses ombres.
Évidemment, c’est la gamine nerveuse qui parle en premier :
— Nous avons trouvé cette Arcane en train de faire une démonstration de ses talents. Elle a pulvérisé un vampire juste ici, Dame Espina ! Sous notre nez !
Espina. Parfait, je suis vraiment dedans jusqu’au cou. Il s’agit de la matriarche du clan griffu ; la femme qui m’étudie de ses yeux sombres indéchiffrables fait probablement partie du Conseil Privilégié.
La petite nerveuse se trémousse en silence quelques secondes mais ne semble pas pouvoir se retenir plus longtemps :
— On peut pas les laisser se balader sur notre territoire et…
— Techniquement, l’interrompt doucement Dame Espina sans me quitter des yeux, nous sommes toujours à Barrow Knoll. Nous protégeons ce quartier mais il ne nous appartient pas. (La nerveuse ouvre la bouche pour protester mais l’ours pose une main sur son épaule avec un regard d’avertissement.) Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que tu comprennes dans quoi tu as failli te fourrer. Quel est ton nom, Arcane ?
— Euh, dis-je en me raclant la gorge. Théa. M’dame.
Un sourire sans joie étire la commissure de ses lèvres.
— Je m’en doutais, répond-elle avant de se tourner vers les siens. Vous avez devant vous une héritière directe de la famille Grove.
Je sens la chaleur me monter aux joues comme une gifle à l’évocation de ce nom.
— Je ne suis pas…
Ma protestation se perd dans un hoquet collectif de… quoi, de surprise ? De dégoût ?
— Mais alors qu’est-ce qu’elle fiche ici ? demande l’un d’eux avec une grimace révulsée. Elle nous… nargue parce qu’elle sait qu’on ne peut rien lui faire ? C’est ça ?
Je craque.
— Je vous ai dit que j’étais là pour le travail. La police m’a engagée, si vous voulez tout savoir. Je ne suis l’héritière de rien du tout. Je travaille seule.
— Chasser des vampires ? Pour des humains ? sourit Dame Espina. Et que pense ton estimé père de tout cela ?
Qui nargue qui maintenant ? Je desserre les mâchoires avec précaution.
— Il faudra lui demander directement. On ne se parle pas vraiment.
— Eh bien, ton travail est terminé, ricane la nerveuse. Alors tire-toi d’ici.
— Et la prochaine fois, ajoute Dame Espina sans une once d’indulgence, montre à notre clan le respect qu’il mérite en t’en tenant éloignée.
Je n’ai pas besoin qu’on me le dise deux fois ; je sors mes ailes et les ouvre avec un bruit sec.
— Message reçu.
L’instant d’après, je suis dans les airs, leurs silhouettes musclées s’éloignent sous moi, perdues parmi les bâtiments. J’inspire une grande goulée d’air froid, puis une autre, l’adrénaline pulse sous mon crâne tandis que les lumières des réverbères se transforment en lointaines lucioles.
Je suis secouée, et en colère de l’être. Je suis soulagée, et en colère de l’être. J’ai une bonne raison pour ne pas utiliser le nom de mon père. Je n’ai pas besoin de sa fichue protection. Non que cela l’intéresse particulièrement de l’étendre jusque-là. Mais il n’en a pas besoin. Il n’a pas besoin de remuer ne serait-ce que le petit doigt. Il s’en est assuré.
Je hais comment l’attitude des gens change à l’évocation de cette simple syllabe. Comme un sort. Une malédiction. Grove. J’aimerais trouver des ciseaux enchantés capables de découper ce nom hors de ma vie.
Bref. Je ne pense plus à mon drame familial. Quelque part derrière les nuages, le soleil se lève, transformant les ténèbres éclairées d’orange en gris terne. La Dwell forme une ligne qui serpente à travers la ville et je la suis vers l’est, en direction d’un visage amical, d’une tasse de café chaud, et d’un bon petit-déjeuner.
Il est plus tard que je ne le pensais. Le café est déjà ouvert, la clochette tinte discrètement quand je pousse la porte. Anika, ses cheveux noirs relevés en son habituel chignon décoiffé, lève les yeux de derrière le comptoir où elle dispose des cafés sur un plateau pour un type en costume et me désigne la table la plus proche : un grand mug fumant et une assiette contenant un paquet enveloppé de papier m’y attendent déjà. Anika a beau être humaine, je jurerais qu’elle a des superpouvoirs.
— Tu es un ange.
Je pends l’arbalète au dossier de la chaise et déballe le sandwich. Il est encore suffisamment chaud pour me brûler la langue, mais je m’en fiche. Gras et moelleux à souhait. Je laisse échapper un petit gémissement de satisfaction.
— Comment tu as su… ?
— Eh bien, c’est ce que tu prends d’habitude, répond Anika en se glissant sur la chaise face à moi. Pour ce qui est de savoir que tu passerais ce matin, disons que j’ai mes sources.
Elle ne me fait pas remarquer que je suis plus souvent ici qu’au bureau ces derniers temps. Je n’y peux rien, le café est trop bon. Et il est possible que je m’habitue à sa compagnie.
— De rien, lâche Hérodote, impassible, en se matérialisant à côté de mon assiette.
Je prélève un morceau de bacon pour le chat. Elle a besoin de magie pour survivre, mais ça ne signifie pas qu’elle n’apprécie pas la viande.
— Dure nuit ? me demande Anika en haussant les sourcils au-dessus de ses lunettes.
— On peut dire ça.
Je lui raconte mes mésaventures – le vampire crétin, les Griffus menaçants. J’omets l’arbalète cassée et préfère m’épancher sur le fait qu’une étrangère m’a mise dans le même panier que mon horrible famille. Je n’avais pas l’intention d’en parler, mais c’est difficile de résister, sachant qu’Anika me comprend. Les Singh sont des avocats de renom, dont les bureaux se situent dans un gratte-ciel du Vieux Hollowmore. Ils s’occupent des clients les plus fortunés que la ville a à offrir, humains comme surnaturels. Ils sont probablement autant déçus que leur fille serve du café, prépare des sandwiches et touche à la magie réparatrice que mon père l’est de moi. Anika – ronde, maternelle et pragmatique – serait autant à sa place dans l’aquarium rempli de requins de Singh & Singh LLC que moi aux soirées tape-à-l’œil de ma famille.
— J’aurais pu t’aider, si tu ne m’avais pas congédiée aussi sommairement, renifle Héro. Voilà ce qui arrive quand on se promène sans renfort. Même la police n’est pas aussi idiote.
Je ricane :
— Ouais, parce que tu t’en serais débarrassée d’un coup de patte.
— Je ne vois pas ce que ce propos a d’amusant, rétorque Héro le plus sérieusement du monde.
— Franchement, Héro. Tu n’as pas vu la taille de ces types. Ils t’auraient gobée au petit-déj’ s’ils s’étaient transformés.
Le chat me dévisage.
— À l’évidence, tu n’as jamais affronté de sidhe.
De bien grandes paroles pour une si petite créature, mais c’est vrai : je n’ai jamais vu Hérodote se battre. Je serais peut-être moins sceptique dans le cas contraire. Elle a beau se vanter, elle reste évasive sur ses capacités réelles autres que la téléportation – et même celle-ci a ses limites, apparemment. D’après notre théorie, elle ne peut pas disparaître lorsqu’on la touche. Une fois, elle a voulu sauter sur une table au moment où Anika la déplaçait, résultant en une tentative désespérée et peu digne de s’y agripper à coups de griffes. Si Anika ne l’avait pas rattrapée à temps, Héro serait tombée au sol. On avait ri à en pleurer, mais Héro, bien que visiblement mortifiée, n’avait pas disparu avant qu’Anika la repose.
— Où tu en es, au fait ? me demande Anika.
— Toujours à zéro, merci bien, je marmonne dans mon café.
Pas une cigarette de la semaine. J’écluse le breuvage brun et fort comme s’il pouvait emporter le manque avec lui. Anika m’adresse un sourire entendu.
La sonnerie annonçant un mail du travail sur mon téléphone retentit dans ma poche. Pas de repos pour les braves. Je le sors avec un soupir tandis qu’Anika emporte mon mug vide. Il s’agit bien d’une requête postée sur mon site, même si je peine à la lire correctement sur l’écran fissuré. J’ai un problème qui requiert vos talents particuliers. Veuillez me contacter dès que possible pour en discuter. Il faut bien se nourrir. Je renvoie un message proposant une heure dans l’après-midi et une réponse de confirmation me parvient un instant plus tard.
Anika me fait sursauter en attrapant le téléphone et tapote un doigt brun sur l’écran. Le verre émet un faible craquement cristallin en se ressoudant.
— Oh, fais-je, surprise, comme elle me le rend. Merci. Je ne savais pas que tu pouvais faire ça.
— Il est constitué d’aluminosilicate et utilise des LED organiques, explique-t-elle doctement en laissant Héro lécher les résidus de magie sur ses doigts. Ça conduit la techno-sorcellerie sans souci.
Je cligne des yeux.
— Eh bien, ce blabla technique que tu viens d’émettre ressemble beaucoup à une incantation.
— Cause toujours, néophyte, pouffe Anika. Il paraît que ce n’est pas la seule partie de ton équipement que tu as détruit cette nuit.
J’adresse un regard noir à Héro, qui me le retourne avec sérénité, et dépose l’arbalète sur la table. Anika se penche dessus, laisse courir ses doigts sur la corde détendue et l’arc brisé.
— Comment tu t’es débrouillée ?
— Avec talent.
Elle soulève l’arme avec une grimace de dégoût.
— Je n’ai jamais compris ce que tu trouvais à cette vieillerie. C’est lourd et pas pratique. Autant agiter un tuba.
Je proteste :
— C’est très bien quand elle est correctement équipée.
Anika me regarde par-dessus ses lunettes.
— Quoi ? fais-je. Il suffit de s’y habituer. Et puis, c’est un classique.
Elle la retourne, étudie le fût et tâtonne la gâchette métallique.
— Je ne suis pas très douée pour le bois, annonce-t-elle platement, mais si tu n’as rien contre quelques améliorations, je peux peut-être bidouiller quelque chose. Ce sera bien moins cher que de l’emmener chez un fabricant d’arcs, ça c’est sûr.
— Anika, tu croules sous le travail. Tu n’as vraiment pas besoin de te précipiter pour réparer tout ce que j’ai bêtement cassé.
— Il faut bien que quelqu’un s’en occupe.
Devant mon expression, elle pose une main sur mon bras, ses yeux sombres d’une gravité inattendue.
— Théa, sérieusement, insiste-t-elle, un de ces jours, quand tu seras dans le pétrin, il faudra bien que tu cesses de protester et que tu te laisses aider.
Je presse mes lèvres l’une contre l’autre et ravale ce que j’ai envie de répondre : que mon travail – ma vie – est trop dangereuse pour ça. Que je ne peux pas me permettre de me reposer sur quiconque. Que quand je suis « dans le pétrin », des gens meurent.
Je me racle la gorge et évite le regard d’Anika.
— Il faut que j’y aille. Il faut que je rince les morceaux de vampire dans mes cheveux avant de récupérer mon salaire.
— Beurk, grimace Anika. Je garde ton tuba en otage. Je t’enverrai un message quand j’aurais fini de le tripatouiller. (Elle lève un regard menaçant sur moi.) Et n’essaie même pas de payer ton petit-déjeuner. Tu ne l’as même pas commandé.
— Loin de moi l’idée, réponds-je en lui adressant un signe de la main.
Mais dès qu’elle s’éloigne pour remiser l’arbalète dans son atelier, je glisse un billet de vingt sous le sucrier. Le temps de sortir et de rêver à une douche bien chaude et au renflouement de mon compte en banque, je me sens presque d’humeur joyeuse.
CHAPITRE TROIS
Le quartier général du département de police d’Hollowmore est situé dans un petit bâtiment carré qui débuta son existence après la guerre comme une sorte d’entrepôt. Les policiers le qualifient, de manière tout à fait charmante, de « trou de brique ». Les plafonds tachés, les pièges à rats dans les coins et le sous-sol qui pue le moisi montrent assez bien l’ordre de priorité que l’Assemblée Générale donne au respect de la loi et de l’ordre à Hollowmore. Ce sont les humains qui réclament des forces de police ; le traité signifie simplement que les clans veulent bien les tolérer.
Nous n’avons pas à nous en mêler, ont-ils l’habitude d’expliquer. Le Conseil Privilégié gère les affaires des morphes. L’A.G. peut s’occuper des siennes comme elle l’entend, tant qu’elle utilise ses propres fonds. Et tant qu’elle reste à sa place.
Je chasse cette pensée d’une grimace accompagnée d’une longue gorgée de café. Mon père avait l’habitude de dire ce genre de choses. C’est probablement toujours le cas.
Le café de la boutique de donuts au coin de la rue n’est pas aussi bon que celui d’Anika, mais il est chaud. Le gobelet de carton me réchauffe les mains tandis que je gravis les escaliers. Il fait souvent froid à l’intérieur du poste – sauf en été, où l’on étouffe – mais la porte qui se referme derrière moi a au moins le mérite d’arrêter la morsure du vent.
Je montre mes papiers d’identité à Danielle, la secrétaire en faction au visage fatigué, quand le détective Benson s’avance nonchalamment jusqu’au comptoir.
— Théa, me salue-t-il avec son café, comment ça va ?
— Tranquille, réponds-je tandis que je signe le formulaire et récupère mon badge visiteur. Toi, par contre, c’est pas la grande forme.
Le détective Tanner se presse vers la sortie en enfilant son manteau d’un coup d’épaule et gratifie Benson d’un coup de poing dans le bras au passage.
— Ha ! Elle a ton numéro, au moins ?
Benson répond en levant son majeur, mais il me lance un regard penaud.
— Ça se voit tant que ça ?
Il lisse sa cravate, mal à l’aise, mais ses vêtements ne sont pas plus froissés que ceux du flic moyen. C’est plutôt l’odeur qui le trahit : le parfum rance qui lui colle à la peau indique qu’il a dû se raser dans les sanitaires du poste ce matin. Je suis sans doute la seule à le remarquer, cela dit. Heureusement pour lui, il n’y a aucun morphe dans la police.
— Ne t’en fais pas, tu es toujours aussi élégant. Certains d’entre nous dépensent plus d’énergie à déduire qu’à séduire, c’est tout.
Il ricane.
— Ouais, c’est pour ça qu’on te paie une fortune, pas vrai ?
De l’argent de poche, plutôt.
— Exactement. En parlant de ça, il faut que je voie…
Un cri et un bruit de verre brisé retentissent à l’autre bout du hall, suivis de pas de course. L’énorme silhouette qui déboule devant moi est aussi massive qu’un affleurement rocheux et de couleur similaire, sa peau est marbrée d’un gris-vert de mousse, ses cheveux d’acier et ses sourcils épais froncés d’un air féroce. En comparaison, les officiers en uniforme qui lui courent après ressemblent à des jouets.
Je laisse mon café à Benson, viens percuter la cuisse du troll de mon épaule et enroule mes bras autour de ses jambes. Il a beau faire deux fois ma taille, je suis plus forte que j’en ai l’air : mon placage l’envoie tituber sur le côté et je laisse glisser ma prise assez bas pour crocheter ses pieds et le faire basculer au sol.
Le temps de me redresser, haletante, les officiers de polices sont sur lui : deux ont leurs genoux sur son dos ; deux autres enserrent ses poings massifs dans des menottes magiquement renforcées.
Benson me dévisage, un gobelet de café dans chaque main. Danielle s’est remise à pianoter sur son clavier.
— C’est pour ça que vous me payez une fortune, dis-je.
— La vache, lâche-t-il, impressionné, en me tendant mon café.
— Ça va, Théa ? me demande la détective Kerrigan.
Ses cheveux roux s’échappent de son chignon improbable ; elle a l’air éreintée. Benson se recoiffe rapidement et se redresse un peu, mais Kerrigan ne fait même pas mine de regarder dans sa direction. Le pauvre.
— Nickel, réponds-je avec un sourire que je veux rassurant.
— J’ai cru qu’il allait t’aplatir, soupire-t-elle. Foutu caillou.
Le troll lui lance un regard meurtrier par-dessus son épaule comme les autres détectives le redressent et le traînent dans le couloir. Je demande :
— Il est là pour quoi ?
Les trolls causent rarement problème tous seuls, mais ils ne sont pas regardants sur leurs employeurs. En général, on les trouve plutôt en tant que videurs, gardes du corps ou agents de sécurité, mais il n’est pas rare qu’ils acceptent des missions peu ragoûtantes.
— Vol d’œuvres d’art, répond Kerrigan, et je manque d’avaler mon café de travers. Dingue, hein ? Bientôt on aura des nymphes organisatrices de combats de goules. Mais il s’est fait, genre, deux millions en antiquités et peintures à l’huile d’avant-guerre.
Benson émet un sifflement devant ces chiffres, tentative avortée de s’intégrer à la conversation.
— On a dû monter une opération sous couverture pour le choper, reprend Kerrigan. Tu devrais venir boire un verre avec nous un de ces quatre, on te racontera tout ça.
— Bien sûr, réponds-je avec entrain. Bientôt. Ce serait super. Mais en attendant, Benson va m’aider à débusquer l’inspectrice Fiduci.
Je secoue mon badge visiteur devant ses yeux. Il pousse un soupir résigné avant de sortir son passe.
— Bonne chance, dit Kerrigan avec ironie. Le tableau de la mort est plein aujourd’hui, alors elle court partout comme si elle avait le diable aux trousses.
— Ça doit être la pleine lune, dis-je, Benson sur mes talons.
— Prends soin de toi, lance-t-il par-dessus son épaule en récoltant un sourire poli.
L’Unité des Violences Surnaturelles se situe en haut de deux volées de marches dans une cage d’escalier vide au bout d’un étroit couloir. Benson glisse sa carte dans le boîtier de verrouillage et me conduit dans un espace exigu, purement utilitaire, aux murs de béton, aux néons crépitants et aux fenêtres crasseuses donnant sur le parking. Les bureaux sont collés dos à dos, deux par deux, et affublés d’ordinateurs vieillissants. Scotchée sur la fontaine à eau se trouve une photo de l’agent Snyder, profondément endormi sur sa chaise ; cette fois-ci on l’a photoshopé sur une zone de guerre, entouré d’explosions.
— Est-ce que vous allez un jour le laisser tranquille ? demandé-je à Benson avec un sourire. C’était il y a des lustres. Il venait d’avoir un autre enfant.
— Tu plaisantes ? rétorque Benson. C’est pratiquement une légende, maintenant. Le mème attitré de l’U.V.S.
Fiduci n’est pas à son bureau, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle soit difficile à localiser : la salle de réunion attenante a beau être pratiquement insonore la porte close, ses cris étouffés filtrent à travers l’obstacle. Benson grimace.
— Tu as bien choisi ton timing, lâche-t-il.
Je hausse les épaules.
— Je peux attendre.
— Essaie de ne pas te faire décapiter, d’accord ?
Il me gratifie d’une tape amicale sur l’épaule avant de se frayer un chemin jusqu’à son bureau, dans un coin de la pièce, où sa coéquipière, Rodriguez, fusille son écran d’ordinateur du regard ; elle me jette un coup d’œil et m’adresse un signe de la main. Je m’adosse au bureau inoccupé de Delacroix, faisant durer mon café tiède, et j’étudie le tableau de la mort, un tableau blanc permettant le suivi des affaires du mois. En effet, il est plein, et majoritairement en rouge, le code couleur des affaires en cours. La colonne Esp. Coup. – espèce du coupable – alterne à parts quasi égales entre un point d’interrogation et le vamp habituel.
Intéressant.
Quand la porte de la salle de réunion s’ouvre enfin, c’est le capitaine Montgomery qui sort le premier, avec une tête de six pieds de long. Un moment de silence suit sa traversée du bureau.
— Théa, lâche l’inspectrice Fiduci depuis le seuil.
Je ne suis jamais parvenue à définir son âge – ses cheveux coupés ras, aux boucles serrées sont dépourvus de fils gris – mais je pourrais jurer que de nouvelles rides sont apparues sur la peau sombre de son visage depuis que je l’ai vue quelques jours plus tôt.
— Entre, reprend-elle, mais ne traîne pas. Je suis sous l’eau, là.
Les éclaboussures rouge vif accrochées au tableau qui jouxte la table de réunion sont la première chose que je remarque quand je pénètre dans la pièce. Des photos de scène de crime – très gores. Une mâchoire entièrement arrachée, parsemée de dents tachées de sang et une traînée de morceaux de chair broyée. Un membre – impossible de savoir s’il s’agit d’un bras ou d’une jambe – déchiré jusqu’à l’os. D’autres clichés montrent des murs et des trottoirs noircis de sang. Parmi eux, une carte de la zone autour de Bassedwell et au nord de Carriage Road – une intersection de ce côté du fleuve, proche des berges – est constellée de punaises rouges et le bout d’un petit chemin est marqué d’une croix au feutre rouge.
L’inspectrice Fiduci se laisse tomber lourdement sur une chaise, me rappelant de détourner mon regard des images.
— Cette réunion m’avait l’air, comment dire ? Animée…
Elle renifle.
— C’est la saison du budget. Le meilleur moment de l’année. Fais-moi plutôt ton rapport.
Je sors la dent de ma poche et la lui tend, tout en lui fournissant un résumé rapide des évènements.
— La routine, conclus-je sans m’empêcher de reposer le regard sur le tableau. Contrairement à ça.
Fiduci suit mon regard et soupire.
— Un sacré bordel, pas vrai ?
— C’est l’œuvre du point d’interrogation sur le tableau de la mort ?
— Le dernier, le plus récent en tout cas, confirme-t-elle en désignant la carte d’un hochement de tête. Le X marque l’emplacement. Il s’agit d’une petite impasse. Et c’est tout ce qu’on a retrouvé de la victime. Une planque idéale pour un vampire, mais ça ne leur ressemble pas du tout. Ce n’est pas le genre de victime qu’on jette après l’avoir vidée de son sang.
Je hoche la tête. Aucun vampire ne se montrerait aussi violent. Une seule chose les intéresse.
— Et les loups-garous ne sont pas aussi forts. Même transformés.
Contrairement aux morphes, les loups-garous n’ont aucun contrôle sur leur transformation. Leur morsure est vicieuse ; même avec le bon traitement pour repousser la malédiction, leurs dents laissent de vilaines cicatrices. Mais tailler quelqu’un en pièces ?
— Normalement, non, répond gravement l’inspectrice Fiduci. On envisageait entre autres la théorie d’un loup-garou solitaire. Mais personne dans le registre n’est capable d’un tel acte. Le Département de Sécurité Lupine de l’hôpital me l’a confirmé.
Elle fait rouler la dent de vampire entre son pouce et son index en m’adressant un regard songeur.
— Ça ne t’intéresserait pas d’y jeter un coup d’œil pour nous ? Tu sais, juste tâter le terrain chez les surnaturels, voir si des rumeurs courent qui pourraient éclairer l’affaire ?
Deux missions pour la police et un client privé. Je pourrai peut-être finir le mois, finalement.
— Vous n’envoyez pas Benson exercer son charme naturel ?
— Et lui attirer plus d’ennuis chez lui qu’il n’en a déjà ? sourit brièvement Fiduci. On a bien assez de travail. Et on n’aura aucune des nouvelles recrues promises par les pontes l’an dernier. Ça ne devrait pas m’étonner après le petit discours du gouverneur Payne, l’autre jour.
Je ne l’ai pas regardé, mais j’en ai perçu les grandes lignes sur mon fil d’actualité 2TheGround. Il était constitué d’un grand nombre de plaintes à peine voilées sur la façon dont le Conseil Privilégié affame les structures humaines d’Hollowmore et laisse au sous-conseil de l’Assemblée Générale le soin de réaliser des miracles. Je n’ai fait que survoler les commentaires, mais il semblerait qu’il ait déclenché une vague d’emojis levant les yeux au ciel de la part des surnaturels comme des humains, ainsi que les clashes habituels de la part de la communauté « non aux non-naturels ».
— C’est d’accord, réponds-je. Je vous enverrai les factures au jour le jour, puisqu’il n’y a pas de cible précise.
Fiduci fait une drôle de tête, mais ne proteste pas.
— Contente de te compter parmi nous. La comptabilité te versera ton salaire dans la semaine.
Je la suis hors de la salle de réunion ; elle s’arrête devant le tableau de la mort et ajoute un grand X noir devant trois entrées, qui correspondent au coupable que j’ai supprimé.
— Ce n’est pas très satisfaisant, avec autant de rouge, soupire-t-elle.
Compatissante, je concède :
— Petit à petit…
Elle hoche la tête mais son expression reste amère.
— On dirait qu’il nous faudra nous contenter de ça grâce à notre ami au conseil. (Elle fait claquer le marqueur sur la tablette et tourne un regard déterminé vers moi.) Trouve-nous quelque chose à nous mettre sous la dent, Théa.
— Je vais voir ce que je peux dénicher, dis-je, puis j’hésite avant d’ajouter : Ne laissez pas ces arrivistes prendre le dessus.
Elle laisse échapper un rire jaune.
— Trop tard.
Je prends congé de manière brève et professionnelle, et me précipite hors du bureau. La seule faiblesse de Fiduci, c’est qu’elle se soucie réellement de la ville, de l’humanité, de la justice. Elle est sans doute la personne à l’esprit le plus civique que je connaisse, mais à trop s’impliquer, on finit sur les rotules si on n’y prend pas garde.
Je ne peux pas commettre cette erreur.
Je signe de nouveau mon formulaire de visite et le rends à Danielle. Je me secoue un peu en retrouvant la lumière du soleil. Ce n’est qu’un travail, l’inspectrice – tout comme Benson, Kerrigan et les autres – n’est qu’une cliente parmi d’autres.
Et maintenant, j’ai rendez-vous avec l’un d’eux.
CHAPITRE QUATRE
L’adresse reçue par mail me conduit à un immeuble quelconque de deux étages, sans ascenseur, dont le rez-de-chaussée est occupé par un bureau de tabac et l’étage par une poignée de bureaux; des stores vénitiens couvrent les fenêtres, masquant l’intérieur. Je dépasse la porte du bureau de tabac sans un regard d’envie et presse la sonnette.
— Qui est-ce ? m’interroge une voix.
— M. Quinn ? C’est Théa. Nous avons rendez-vous.
— Reculez, s’il vous plaît.
Je fronce les sourcils.
— Pardon ?
— Reculez, répète la voix avec impatience. Pour que je puisse vous voir.
D’accooord. Je bats en retraite jusqu’au trottoir. À l’étage, un doigt écarte les lames des stores, juste assez pour jeter un œil à l’extérieur. La sonnerie d’ouverture retentit un instant plus tard.
Quand je toque à la porte numéro trois, j’entends au moins deux verrous tourner, et elle ne s’ouvre qu’un peu, juste ce que la chaîne de sécurité lui permet, révélant qu’un petit morceau de visage barbu et un œil noir.
— M. Quinn ?
La plaque sur la porte indique Thomas Quinn, courtier en assurances, mais ce type est si nerveux que je me demande s’il ne s’agit pas d’une couverture.
— Chhhut, siffle-t-il. Entrez, vite.
Il retire la chaîne et me conduit à l’intérieur avant de boucler tous les verrous – au nombre de trois, finalement – derrière nous et de se passer une main sur le visage.
— Vous attendez quelqu’un d’autre ? je l’interroge en le voyant regarder de nouveau la rue à travers les stores.
— Peut-être ? Pas vraiment.
Quinn s’essuie le front avec sa manche. Celui-ci est luisant et humide, bien que je supporte mon manteau. Il dégage une odeur rance de peur.
— C’est juste que… on me suit, précise-t-il.
— Ah ?
Je m’assieds avec précaution dans l’un des deux fauteuils devant le bureau – les seuls meubles à part des bibliothèques débordant de livres et un panneau d’affichage couvert de brochures représentant d’élégantes maisons et des humains souriants.
— Par un loup-garou, reprend rapidement Quinn en s’installant dans le fauteuil face à moi. Il s’appelle Marcus McCoy.
— D’accord, dis-je lentement. Et qu’est-ce qu’il vous veut, ce Marcus McCoy ?
— C’était un client. Un cas compliqué. Difficile d’obtenir une bonne couverture avec ce genre de conditions. Je pensais avoir été clair à propos des risques, même si son dossier était bon et solide. Et on l’a accepté, au départ, mais ensuite il… sa police d’assurance a été supprimée et il était furieux. Vraiment, dans le genre fou furieux, vous voyez ? C’est pour ça que… (Il désigne la porte.) je prends toutes ces précautions. Mais je ne pense pas que cela suffise. Ça ne l’empêchera pas d’entrer. Et j’ai une famille. Il a dit… il a menacé mes enfants.
— Et vous avez des raisons de penser qu’il mettra ses menaces à exécution ?
— C’est un loup-garou, souffle Quinn.
— Oui, ce qui signifie qu’il est sur un registre, et étroitement surveillé. Vous avez déposé plainte au Département de Sécurité Lupine ?
— J’ai essayé, mais il s’est avéré que les documents qu’il m’avait fournis étaient faux. C’est probablement pour ça qu’ils ont résilié son assurance. Le D.S.U. dit n’avoir aucune trace de lui dans leurs fichiers. Je ne peux rien faire.
Je me redresse. Fiduci a dit que la Sécurité Lupine ne connaissait personne capable de telles attaques au bord du fleuve. Et s’il existe un loup-garou dont ils ne connaissent pas l’existence… Ça semble tout de même aussi peu probable qu’un lever de soleil sur Empyrean.
— Vous êtes certain qu’il s’agit d’un loup-garou ? (Je lève la main en voyant que Quinn commence à s’énerver.) Pardonnez mon scepticisme, mais de nos jours il est affreusement difficile pour un loup-garou de vivre à Hollowmore sans être enregistré. Ça ne vaut pas le coup.
Si on ne fait rien pour freiner la malédiction, la transformation devient incontrôlable, violente et apparemment douloureuse. Le traitement moderne est plutôt efficace, mais il faut être enregistré pour en bénéficier.
— Oui, je suis absolument certain qu’il s’agit d’un loup-garou. Il a pénétré chez moi la semaine dernière.
Il se tourne sur son siège pour attraper une liasse de papiers dans un tiroir.
— Heureusement qu’il n’y avait personne à la maison, poursuit-il. Regardez ces dégâts. Vous n’allez pas me dire qu’un humain a fait ça ?
Il me tend les papiers : des photos légèrement granuleuses, imprimées en noir et blanc. On peut y voir une modeste maison mitoyenne aux fenêtres brisées. À l’intérieur, les meubles sont sens dessus-dessous, démantelés et brisés en morceaux ; tiroirs et portes de placards pendent sur leurs gonds ; l’électroménager n’est plus qu’un entrelacs de carcasses éventrées. Et partout on trouve des morceaux arrachés de mur, du bois et même des briques au-dessus de la cheminée. Certaines traces formes des lignes parallèles – comme des marques de griffes.
Je fronce les sourcils devant les images. Il a raison ; c’est logique qu’il s’agisse d’un loup-garou. Je ne vois rien d’autre qui aurait pu laisser de telles traces. Pas étonnant que Quinn soit si nerveux. Je n’ai aucun mal à imaginer la chose capable de lacérer de la brique et déchirer une personne en deux.
Et il se trouve que la police a découvert quelques corps lacérés. Je me demande à quelle distance se trouve cette maison du nid d’épingles sur la carte de l’inspectrice.
— J’accepte le contrat, dis-je tout à trac, le voyant retomber avec lourdeur sur son siège, visiblement soulagé. Je pense que la police serait également intéressée par ce type, dans un autre genre d’affaire. Je vais le débusquer et le leur livrer.
— Quoi ? bondit Quinn en serrant convulsivement les accoudoirs. Non, vous ne pouvez pas faire ça ! Il faut que vous vous en occupiez ! Définitivement !
— Que je m’en occupe ?
Oh, par le Soleil ! Il a regardé trop de vieilles séries criminelles.
— Attendez une minute, reprends-je. Qu’on soit bien clairs : que voulez-vous que je fasse exactement ?
Le regard de Quinn court à travers la pièce comme s’il avait peur qu’on l’écoute.
— Vous devez le tuer, dit-il d’une voix plus calme mais non moins urgente.
— Vous me prenez pour qui, une tueuse à gages ?
— Eh bien… oui ! bafouille-t-il. Vous êtes bien Théa Grove, non ? Celle qui réduit les vampires en poussière ?
— Parfois, quand il y a un ordre d’exécution sur leur tête. Mais ce sont des vampires.
— Quelle différence ? m’interroge Quinn. Un loup-garou est tout aussi dangereux. Peut-être même plus !
— La différence, c’est que les vampires sont déjà morts. (J’inspire profondément, faisant appel à toute ma patience.) Je ne suis pas là pour débattre de cette question. Je travaille avec la loi, pas contre. Je ne vais certainement pas m’amuser à massacrer des loups-garous sans preuve de culpabilité.
— Je n’en reviens pas ! s’exclame Quinn en renversant son siège avant d’arpenter le peu d’espace derrière le bureau. Vous êtes censée être efficace. Vous êtes une Grove, bordel !
Je saute sur mes pieds.
— Excusez-moi, mais…
— Et votre solution, c’est la police ? enrage-t-il. Sérieusement ? Vous devez pourtant savoir qu’ils sont incapables de traîner des surnaturels devant la justice ! Pourquoi pensez-vous que j’ai fait appel à vous ?
— Pour mes contacts familiaux ? j’éclate. Désolée de te décevoir, mon pote, mais je ne suis pas ce genre de Grove. Je n’ai rien à voir avec les clans. Ma réputation, je l’ai construite de mes propres mains.
— Je devrais faire appel aux clans, alors ? C’est ce que vous me dites ? Je devrais me traîner devant les autorités morphes parce qu’une espèce de… de chasseuse de prime errante n’a pas les couilles de faire ce qu’il faut ?
Je le dévisage. Ses poings serrés tremblent, il a les yeux au bord des larmes et la puanteur de peur est plus forte que jamais dans la pièce. Les braises ardentes de colère dans ma poitrine s’éteignent brusquement, remplacées par l’irritation initiale.
Ce type n’est peut-être qu’un pauvre imbécile, mais sa peur est réelle.
— Écoutez, lui dis-je. Je suis une professionnelle. Je ferai tout le nécessaire pour vous protéger, vous et votre famille. D’accord ?
Il me jette un long regard noir et désespéré avant que toute velléité l’abandonne ; il s’effondre dans son fauteuil et laisse reposer sa tête dans sa main, épuisé.
Je reprends :
— Je suppose que vous avez regardé mes tarifs ? Il me faut un acompte de quatre-cents pour finaliser le contrat.
Il sort son porte-monnaie et en extirpe une poignée de billets qu’il pousse sur le bureau.
Que des billets de cent.
— Euh, merci, dis-je en prélevant les quatre premiers de la liasse.
— Gardez tout, grince-t-il. Peu importe.
J’empoche les quatre-cents et laisse le reste entre nous. Ma famille est peut-être une bande de capitalistes sans vergogne, mais pour ma part, j’ai des principes. Au moins quelques-uns.
— Je vous ferai parvenir la facture une fois la situation réglée, dis-je avec fermeté. Je resterai en contact et vous tiendrai au courant dès que je pourrai. En attendant, pour la moindre urgence, appelez la police. Compris ?
— Oui, répond-il.
Mais il lève à peine les yeux quand je pars.
Une fois rentrée chez moi avec un plat à emporter, j’ouvre mon ordinateur et recherche Thomas Quinn, courtier en assurances. Ouaip, son adresse professionnelle s’affiche, à l’endroit même où je l’ai rencontré. Le moteur de recherche me montre une poignée d’avis positifs de la part de personnes qui l’ont trouvé agréable et sérieux. Sa licence, attribuée par le Conseil Derivien des Assurances dont le numéro est indiqué sur son site web, est authentique –elle a été éditée il y environ quinze ans, et Quinn est en règle, ce qui signifie qu’il participe encore à de nombreuses formations qui ont l’air ennuyeuses à mourir. Il a laissé des commentaires, çà et là, sur des articles concernant le budget de la ville, mais il n’expose jamais une opinion. Il se contente d’expliquer platement des banalités financières aux personnes qui expriment leur confusion. Il est à peine présent sur les réseaux sociaux : un compte privé sur Réunion dont la photo de profil montre une version de lui bien plus détendue.
Un humain normal, gentil et neutre. Aussi intéressant que de l’eau de vaisselle.
Mais son domicile se situe à une dizaine de rues de l’endroit où a eu lieu l’agression dont les photos sanglantes ornent le tableau de l’inspectrice Fiduci.
Je fronce les sourcils et tape Marcus McCoy dans la barre de recherche.
Il est plus compliqué à débusquer ; apparemment c’est un nom plutôt commun à Derivia. Mais après avoir filtré les résultats pour me concentrer sur Hollowmore, il ne me reste qu’une entrée : jadis il a fait une demande de licence pour vente d’alcool en tant que propriétaire d’un pub nommé Ambroisie, dans le centre-ville.
À Bassedwell, plus précisément.
Quand Fiduci décroche son téléphone, elle met un moment avant de répondre, occupée à aboyer des ordres à quelqu’un d’autre.
— Fiduci, lâche-t-elle enfin.
— Salut, c’est Théa.
— Déjà ? répond-elle, plus amusée que surprise. Qu’est-ce que tu as ?
— Une sacrée coïncidence.
Je lui raconte l’histoire de mon client.
— Hm, dit-elle pensive. Un loup-garou non enregistré. C’est nouveau.
— Je ne vois pas trop comment c’est possible, non plus. Mais ça collerait.
— Une seconde, m’intime Fiduci avant de jouer du clavier. Marcus McCoy, tu dis ? Non, je te confirme : il n’est pas dans le Registre des Services Lupins. Je vais voir si j’ai accès à quoi que ce soit d’autre sur lui.
Je patiente tandis que Fiduci enfonce les touches de son clavier.
— À part cette licence pour vente d’alcool, reprend-elle enfin, j’ai quelques adresses à son nom qui remontent à une bonne soixantaine d’années. Donc soit c’est un vieil humain, soit un surnaturel dans la même tranche
