Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Les nouvelles aventures d'Aiden Mills
Les nouvelles aventures d'Aiden Mills
Les nouvelles aventures d'Aiden Mills
Livre électronique380 pages4 heures

Les nouvelles aventures d'Aiden Mills

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Aiden peine à trouver sa place parmi les vampires, et même auprès de Jude. Parfois, il ne sait plus qui il est ni ce qu’il doit faire face à son amant, son âme-sœur, ce qui entraîne des disputes entre eux.

Alors qu’Aiden n’en peut plus, une nouvelle affaire est confiée à l’unité interhumaine. Les mises en scène macabres des meurtres ont un lien avec des coutumes de l’époque victorienne : celles des photos post mortem.

Se gérer, gérer l’arrivée d’un nouveau collègue très spécial au sein de l’équipe, gérer un nouveau tueur en série et gérer leur lien, à Jude et à lui. Et puis, il est encore question de victoriens, et même de vampires de l’Antiquité.

Ne serait-ce pas un peu trop, cette fois, pour le détective Aiden Mills ?

Cependant, Aiden ignore les nouvelles ressources dont il est désormais pourvu. En espérant qu’elles suffisent.

79673 mots 477717 caractères

© chris verhoest
LangueFrançais
ÉditeurXinXii
Date de sortie22 sept. 2024
ISBN9783689835859
Les nouvelles aventures d'Aiden Mills
Auteur

Chris Verhoest

Nouveau profil d'auteur Née en 1973, Chris Verhoest est titulaire d'une licence et d'un CAPES de Lettres Modernes. Elle a été professeur de français avant de se consacrer à la littérature. Passionnée de lecture, elle a toujours écrit. Elle aime aussi la mer, les animaux, réfléchir. Sans pouvoir s'en empêcher. Surtout. De là naissent des idées de romans. Ou bien il suffit d'une information, d'une photo, et le déclic se produit.

En savoir plus sur Chris Verhoest

Auteurs associés

Lié à Les nouvelles aventures d'Aiden Mills

Livres électroniques liés

Fantasy pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur Les nouvelles aventures d'Aiden Mills

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les nouvelles aventures d'Aiden Mills - Chris Verhoest

    CHAPITRE 1

    Le mal-être d’Aiden

    Santa Monica,

    Juillet, au crépuscule.

    La bourrasque qui s’abattit sur moi aurait fait vaciller un humain. Je ne bougeai pas. Aussi froid, lourd et immobile qu’une statue de marbre face aux vagues qui déferlaient, avant de mousser sur le sable.

    Contempler l’océan m’avait toujours aidé à réfléchir ou à prendre une décision, quand j’étais humain. Désormais, j’étais un vampire et il s’agissait de la seule chose qui n’avait pas changé dans ma vie.

    Une vague plus forte que les autres éclaboussa mon pantalon de costume noir, mais je ne tressaillis même pas sous la fraîcheur de l’eau. Je la ressentais sur ma jambe gauche uniquement, puisque la droite était et serait à jamais une merveille de technologie prothétique.

    Même avec la grande roue sur le ponton, la luminosité était à présent suffisamment faible pour que j’ôte mes solaires, que je glissai dans la pochette de ma chemise. Je voyais vraiment le rose incroyable du couchant, tout comme j’avais accepté le fait que j’étais vraiment devenu un vampire. Plus par obligation que par choix, un choix que j’aurais fini par faire, mais plus tard. C'était loin d’être facile, alors peut-être que j’étais une victime, comme la petite Sirène, mais j’étais en vie, par et grâce à l’amour, contrairement à elle.

    Mon malaise persistait. Pourtant, Jude, mon créateur, m’aimait aussi passionnément que je l’aimais, au-delà même du sang spécial qui nous liait, et que mes parents m’avaient légué, parce que l’un ou l’autre, voire les deux, avaient été marqués par un vampire, qui leur avait fait don de son sang. Le mien était donc irrésistible pour mes âmes-sœurs. Oui, au pluriel. Le destin avait sans doute jugé drôle le fait de m’assigner des jumeaux. Je n’en aimais qu’un, tout en prenant soin de l’autre, fragile psychologiquement. Merritt avait souffert, il avait failli mourir, alors son esprit avait déraillé et il s’était mis à tuer.

    Un vampire ne tue pas. Il n’a pas besoin de tout le sang d’un humain. Il va lui prendre ce qu’il lui faut, et l’autre ne se souviendra que de l’extase. Cette partie-là demeurait encore théorique pour moi. Je n’avais jamais chassé, et mon instinct en avait besoin, même si le sang de Jude me gardait en bonne santé, et vice versa.

    Ma prothèse, qui me causait le plus de complexes quand j’étais humain, était devenue ma meilleure alliée dans cette nouvelle vie. Les connexions avec mes nerfs et mes muscles étaient encore plus efficaces . Je sautais aussi haut, si ce n’est plus, que les autres vampires. J’avais le sentiment de voler de toit en toit. Je nageais vite avec ma prothèse aquatique.

    De plus, la transformation sculptait les traits, comme dans la pierre ou le marbre, et accentuait la beauté des visages. Même les gens les plus communs selon eux dégageaient quelque chose après la transformation. Comme s’ils s’étaient enfin révélés. J’étais réellement devenu cet ange blond qui rassurait tant les gens quand j’étais encore un détective humain, et quand ils oubliaient mon côté sarcastique.

    Mais là où tout déraillait, c’était dans ma tête. J’avais accepté d’être devenu un vampire. Je m’habituais à mon corps plus fort et à mes sens décuplés, dans un monde qui, lui, n’avait pas changé. Et que je ne pourrais pas changer, puisque notre existence devait rester secrète pour la quasi totalité du monde, afin que les hommes nous laissent vivre librement. J’étais en principe immortel, pour des milliers d’années en théorie, sauf si l’on me tuait. Mais je n’avais pas entendu parler de vampires aussi vieux. Parce qu’ils finissaient par désirer la mort ? Parce qu’ils n’avaient plus envie de vivre, dans un monde aussi beau que destructeur, avec ses paysages de rêve, mais aussi sa pauvreté, les épidémies et les guerres dont nous ne devions pas nous mêler, alors que nous étions si puissants ?  Certes, j’étais détective pour l’unité interhumaine de Los Angeles, qui traitait les problèmes causés par les vampires aux humains, en accord avec les institutions des premiers. Il m’arrivait donc de sauver des humains, mais c’était insuffisant à mes yeux.

    Je me découvrais. Et chaque jour, pourtant, je me perdais un peu plus.

    Ce matin-là, Jude m’avait donné un cours sur les canines, parce que je ne maîtrisais pas bien leur sortie, ou je les sortais au mauvais moment, selon lui.

    — Tu dois contrôler tes crocs comme les chats contrôlent leurs griffes rétractables, ou comme tu contrôles un sourire, ou un geste de la main, avait exposé mon créateur et âme-sœur. Parfois, un vampire nouveau-né l’oublie ou n’agit pas dans le sens qu’il faut, et il se retrouve à exhiber ses canines à un moment très inopportun. Devant un humain, ou devant un vampire qui prendra ses crocs pour ce qu’ils sont : une demande de confrontation. Si tu tiens à prévenir un vampire qui va trop loin, montre juste le bout d’une canine, par exemple.

    — Tu me prends pour un incapable ou un idiot ? Tu oublies que j’ai observé les vampires durant des années à l’unité interhumaine ! avais-je répliqué, irrité. On dirait que tout ce que je fais est mal.

    — Bien sûr que non, Aiden, mais il t’est arrivé d’oublier les codes, et il peut y avoir des conséquences fâcheuses. Il faut travailler ta maîtrise, et elle ne passe pas seulement par l’immobilité de tes traits. Tu es un prédateur, et un prédateur sensuel. Tu dois agir comme tel ou bien tu encours des ennuis et un rejet de tes pairs. 

    — Tu crois que je ne le sais pas ! m’étais-je exclamé, encore plus énervé. Les erreurs, ça arrive, il suffit de me faire signe à ce moment précis.

    — Et si je ne suis pas là ?

    — Mais tu es toujours là, pour m’observer, me juger et me faire la leçon ! Tu crois qu’un couple fonctionne ainsi, Jude Caldwell ?

    — Aiden, tu sais que tu ne peux pas montrer aux humains que nous existons.

    — Tu me crois nul à ce point-là ? Je vais vite acquérir tous les automatismes. Comme tous les vampires. En attendant, si je commets une erreur, je peux toujours hypnotiser et effacer des mémoires humaines. À condition, bien sûr, que j’apprenne à être ce prédateur dont tu parles. J’ai l’impression d’être un gamin, avais-je conclu, excédé.

    — Tu l’es ! Tes vingt-huit années humaines ne sont plus rien, tu es un vampire nouveau-né, m’avait asséné Jude. Ou plutôt, six mois après ta transformation, tu es en train de faire une crise d'adolescence typique. Tu n’écoutes rien car tu sais tout.

    — Tu es mon égal, avais-je riposté, canines sorties. Tu es aussi mon âme-sœur. Mais tu n’es ni mon père, ni mon maître !

    Les yeux ambrés de Jude s’étaient rétrécis dans son beau visage mate, sous les cheveux noirs mi-longs. Puis ses prunelles avaient plongé comme des dagues dans les miennes.

    — Aiden, c’est un peu compliqué entre nous parce que nous sommes un couple, lié en plus par le sang spécial, et que je suis aussi ton créateur. Je dois t’apprendre ce que tu dois savoir, sans que tu aies cette impression d’être rabaissé, parce que ce n’est pas le cas.

    — Oh, mais nous avons le temps, n’est-ce pas ? avais-je ironisé. Le temps que je devienne l’adulte que tu veux que je sois. Avant de nous ennuyer au point de nous suicider au bout de quoi, cinq cent ans ? Mille ans ? Quel vampire a établi un record ? Pourquoi vos livres n’en parlent-ils pas ? Je mets de côté les ouvrages de fiction, bien sûr.

    — Parce que nous ne le savons pas. Chaque cercle de chaque pays possède une assemblée, un parlement et un représentant royal, comme tu le sais. Mais il y a des vampires isolés, dont nous ignorons tout, et qui respectent juste la règle numéro un : les humains non initiés ne doivent pas savoir que nous existons. Nous ignorons la longévité de ces vampires non répertoriés.

    — Être un ermite ! Quelle merveilleuse idée !

    Comme Jude ne me répondait pas, j’avais pris la porte de chez lui. Ou, pour être exact, je l’avais défoncée. Jude devrait rembourser son propriétaire, un vampire charmant qui aimait la compagnie, et qui louait les étages de sa maison victorienne.

    J’avais peur de l’avenir, de l’éternité, et je ne supportais plus que Jude me fasse davantage la leçon qu’il ne m’embrassait. Je préférais le rôle d’amant à celui d’élève. J’étais monté dans ma Corvette turquoise et j’avais conduit au hasard, pour finalement m’arrêter sur ce parking de la plage de Santa Monica, là où nous avions affronté Merritt, son jumeau, pour la première fois.

    Je savais que j’avais l’air d’un ange blond et que mon apparence ne changerait plus jamais. Je savais que j’étais toujours un détective, fervent admirateur, comme mon créateur, de Sherlock Holmes, et que j’étais lié à jamais à mon Watson à moi, le détective Jude Caldwell, de l’unité interhumaine de Los Angeles.

    L’adverbe jamais coinçait. C’était sans doute lui, le problème. Je n’aurais plus jamais l’envie urgente de profiter, parce qu’on n’a qu’une vie et qu'elle est courte, disaient les hommes. Bien sûr, je pouvais être tué ou me tuer, mais mon inéluctable immortalité m’effrayait. Je cherchais de nouveaux repères, des buts à donner à ma désormais très longue existence. Enquêter durant des centaines d’années avait-il du sens ? Me lasserais-je d’être détective ? Aurais-je envie d’autre chose, ou de rien du tout ? Voilà le chaos qui régnait dans mon esprit.

    Soudain, je le sentis arriver. À l’odeur uniquement. Il sentait les roses et les violettes, comme je sentais la cannelle. Mais son rythme cardiaque ne parvenait pas jusqu’à moi. Les vampires écoutent le cœur des humains et celui des autres vampires pour connaître leurs émotions. Mais seuls les vampires sont capables de dissimuler leurs battements.

    — Pourquoi tu me caches tes battements de cœur ? grognai-je sans me retourner vers lui.

    — Pour ne pas te perturber davantage avec mes propres émotions, répondit Jude avec douceur.

    J’émis un ricanement de dérision.

    — Et comment as-tu su que j'étais ici ?

    — C’était évident à déduire, pour un détective. Nous avons affronté Merritt ici pour la première fois.

    — J’aurais pu me trouver à n’importe quel autre endroit ayant une histoire pour moi, rétorquai-je.

    — Alors disons que je te connais bien et que j’ai dressé une liste de tous ces endroits, et que je t’ai cherché partout. Je sais que tu vis un grand bouleversement, ajouta-t-il.

    — Mais tout le monde est passé par là, bla bla bla, dis-je, en devenant sarcastique.

    — Non, dit Jude. Chacun possède sa façon d’appréhender sa nouvelle nature vampirique. Je n’ai pas suffisamment pris en compte ce fait. Je te prie de m’excuser.

    — Excuses acceptées. J’ai peur de l’immortalité, surtout en tant que vampire différent, avouai-je quelques instants plus tard.

    — Ta jambe, soupira Jude. Je croyais que c’était réglé.

    — Oui, ça l’est. Je pense au sang spécial. J’ai l’impression de ne pas être légitime en tant que vampire, puisque c’est un sang humain à la base.

    — Humain, mais hautement vampirisé tout de même, s’écria Jude. Moi, je dis que tu es justement plus que légitime, parce que tu avais déjà du sang de vampire en toi, transmis par l’un de tes parents, auquel vient s’ajouter le mien. Tu es plus légitime que n’importe qui. Ce sera plutôt intéressant de voir les effets combinés. Tu crois que Floyd n’y a pas songé ? Il attendait que tu ailles mieux pour étudier ton sang mais aussi t’étudier, toi.

    — Typique de Floyd, soulignai-je sans pouvoir réprimer un sourire.

    Floyd Raycraft était un vampire, médecin légiste de notre unité interhumaine, et un ami. Il était aussi fantaisiste que passionné par la généalogie vampirique.

    — Qu'est-ce qu’il trouvera ? C’est effrayant, assénai-je. Comme l’Éternité.

    — Tu vas surmonter tes doutes, qui sont tout à fait normaux, tenta de m’assurer Jude, avec une voix ferme.

    — Mon esprit est un immense chaos, insistai-je.

    — Parce qu’il est au galop. Ralentis, tu as le temps de t’adapter et de trouver des réponses qui te satisferont.

    — Et si ce qui nous lie, si ce qui fait que mon sang est irrésistible pour Merritt et toi se fanait, à cause du mélange entre le sang spécial et le tien ?

    — Tu t’angoisses à l’avance alors que tu ne sais rien et que personne n’en sait rien. Bien sûr que le lien sublime tout, mais il y a surtout de l’amour entre nous, non ?

    Je soupirai doucement. Il avait raison. L’ébullition dans ma tête se calmait, cependant mes inquiétudes demeuraient.

    — Je n’ai jamais aimé avant toi, poursuivit Jude. J’avais du désir pour Marco, sûrement doublé d’un attachement paternel pour mon créateur, mais ça n’avait rien à voir avec la puissance de ce que nous éprouvons, toi et moi. Va au-delà de toutes tes peurs actuelles, de ton sang spécial, et je viens avec toi, promis. Ensemble, nous verrons ce qui se passera. Ensemble. Parce que je t’aime, et que je serai toujours là pour toi comme tu le seras pour moi. Essaie de voir en moi un élément stable au milieu de tous ces changements.

    — Tu marques un point, admis-je.

    — Aiden, souffla-t-il, et il se rapprocha, pour se placer à côté de moi, devant les flots.

    Alors je me tournai pour le regarder, pour m’abreuver de sa beauté fracassante, écrasante, que je voyais comme en plein jour, alors que nos battements commençaient à se synchroniser. J’entendais de nouveau son cœur, tout comme je voyais intensément ses yeux ambrés, ses traits fins et aristocratiques, bien qu’il ne soit devenu noble que parce que son créateur l’était. Ce si beau visage, entouré de cheveux d’ébène soyeux, m’avait de nouveau capturé.

    Je levai la main, comme pour passer les doigts dans sa chevelure, mais ils retombèrent, inertes, le long de mon flanc.

    — Nous nous habituons à tout, comme les humains, reprit Jude, en me caressant des yeux. Sauf au manque d’amour.

    Il tendit sa main, et j’acceptai qu’il prenne la mienne. Aussitôt, il m’ouvrit plus grand encore son cœur, qui composa une nouvelle symphonie avec le mien.

    — Ne vois pas notre immortalité comme une fatalité, qui finit par devenir morne et ennuyeuse. Il ne tient qu’à toi que ça n’arrive pas, poursuivit Jude.

    — J’entends le psychiatre que tu as été, là, déclarai-je avec un petit sourire.

    — Peut-être, sourit-il à son tour. Souviens-toi que l’immortalité n’est pas immuable, et n’est pas non plus une longue ligne droite sans histoires. Toute vie est soumise aux imprévus, aux souffrances, aux accidents, même les plus longues. Nous pouvons mourir demain, Aiden. Comme les humains.

    — Que se passe-t-il pour le survivant ? l’interrogeai-je, convaincu par ses arguments, mais troublé par cette nouvelle interrogation.

    — Tu as entendu parler du syndrome du cœur brisé ? Ou de ces personnes âgées qui sont restées ensemble toute une vie humaine, et qui meurent à quelques heures d’intervalles ? Je suis persuadé que le sang spécial qui nous a liés a cousu à jamais nos âmes ensemble, Aiden. Parlons d’autre chose, si tu veux bien.

    — Est-ce que le sang spécial, mêlé à ton sang, me rendra plus fort que les autres vampires ? demandai-je.

    — Mais tu n’arrêtes jamais ! Je t’ai dit de cesser de faire chauffer tes neurones, s’exclama Jude. Nos textes sont avares d’explications, parce que le sang spécial est rare, tu le sais, tu as cherché.

    — Il doit bien y avoir un manuscrit, quelque part, insistai-je encore.

    — Aiden…

    — Je veux juste savoir ce qui m’attend.

    — Les hommes ne le savent pas, les vampires non plus, sauf ceux dotés de pouvoirs de prémonitions, et je n’en connais pas.

    C’était la bonne réponse, mais une réponse pleine de frustration, que le chant de nos cœurs ne calmait pas entièrement.

    — Je crois que tu fais une crise, murmura Jude, en serrant plus fort mes doigts.

    Si j’avais été encore humain, il me les aurait tous brisés.

    — Une crise d’ado ? maugréai-je.

    — Non, au début j’y pensais mais tu traverses plutôt une crise existentielle, Aiden. C’est parfaitement normal, mais il faut que tu apaises ton esprit, à tout prix.

    — Comment ? soupirai-je, la voix cassée, en me retenant de m'effondrer contre son torse.

    — Tu as déjà fait une bonne partie de ce qu’il fallait, en te délestant de toutes tes questions, affirma Jude. Maintenant, il faut que nous rentrions et que nous…

    Sans finir sa phrase, parce qu’il était toujours ce vampire victorien pudique, il s’empara de ma nuque avec sa main libre et m’attira contre lui. Je le désirais tant. J’en aurais pleuré de soulagement.

    — Je voudrais que nous allions chez moi, murmurai-je. J’adore les manoirs victoriens mais j’ai besoin de retrouver mon univers.

    — Surtout que mon propriétaire est un peu fâché contre toi. Pour la porte, précisa-t-il.

    — Aïe.

    — Il se calmera et ça va te faire du bien de retrouver ton chez-toi.

    C’est ainsi que nous nous retrouvâmes dans mon appartement, où le bleu dominait, entre les rideaux et les peintures trouvées à Santa Monica, vendues par des artistes de Street Art reproduisant ainsi leurs œuvres ayant eu le plus de succès.

    J’entraînai Jude dans ma chambre, parce que nous disputer ne me calmerait pas, mais la chair et le sang, oui. Assurément.

    Jude s’assit sur mon lit. Je m’assis sur les cuisses de Jude avec un sourire provocant, les canines à demi sorties pour lui montrer que je les contrôlais. J’enlaçai son buste puis je rapprochai ma bouche de sa gorge, avant de revenir vers ses lèvres. Il mordilla les miennes, ouvrit sans effort et avec grâce ma chemise, en envoyant les boutons voler et rebondir à travers toute la chambre. Ses dents descendirent sur l’un de mes tétons, qu’il mordit. En guise de fausse protestation, je croquai la peau de son cou, là où la veine irrésistible pulsait.

    Je sentis son excitation contre la mienne et elle me poussa à boire un peu plus, alors qu’il s’abreuvait lui aussi, sur mon torse. Je gémis, les yeux clos. Ses propres geignements étaient sans équivoque.

    Ma chambre embaumait. La cannelle de mon parfum vampirique s’enroulait autour de celui de Jude, dont le sang mêlait la rose à la violette d’une façon aussi subtile qu’irrésistible.

    — Mon ange aux cheveux blonds, roucoula Jude sans cesser de titiller la petite crête érigée sur ma poitrine plate, où une goutte de mon sang s’attardait et me mettait dans tous mes états.

    — Nous sommes nés d’un ange, haletai-je, alors nous en sommes aussi. Tous les deux.

    Des anges que Dieu n’avait pas voulu connaître, estimant que le pouvoir de création lui revenait. Des Anges tombés, gracieux comme des félins, des prédateurs magnifiques chassant avec sensualité et provoquant l’extase chez la proie, sans la tuer, parce qu’après tout, nous venions des Nuées. 

    — Tu ne trouves pas étrange qu’on évoque notre père à tous, l’Ange Vehuhiah, que Dieu a puni en le condamnant à porter sa progéniture, à souffrir durant l’accouchement, puis à nourrir ses enfants avec son sang, et jamais de celui qui lui a donné sa semence ? Nous existons grâce à lui aussi.

    — Aiden, tu ne t’arrêtes donc jamais de te poser des questions, s’exclama Jude. J’avais oublié que tu es aussi le digne héritier de Sherlock Holmes. Mais c’est une théorie intéressante. Ils étaient forcément deux, comme Adam et Ève.

    Jude souffla de l'air frais sur mon téton malmené, avant de le lécher pour le cicatriser. Je me mordis la lèvre jusqu’au sang, qui coula dans mon cou, tant l’extase, indicible, m’emmenait loin, et haut, si haut.

    En dépit de cette magie qui régissait le monde dans lequel j’évoluais désormais en tant que membre de l’espèce des vampires, et non plus en tant que témoin humain, nous n’étions pas dans un conte de fées. Je me sentais mieux, avec le sang de Jude qui pétillait et illuminait mes veines. Cependant, mon mal-être n’allait pas disparaître comme par enchantement. Juste parce que nous avions discuté, au lieu de nous hurler dessus. Juste parce que nous avions partagé ce plaisir prodigieux, dont je ne pourrais plus jamais me passer. Pareil pour Jude.

    Depuis que j’étais un vampire, mes intuitions étaient désormais bien plus puissantes, elles aussi. J’avais le pressentiment que nous n’avions pas fini de nous quereller au sujet de ma crise existentielle, alors qu’une autre ombre se profilait et s’allongeait sur le mur.

    CHAPITRE 2

    La chasse

    Le lendemain, je me réveillai d’un coup, aux aguets, comme n’importe quel autre vampire. Je m’aperçus aussitôt de l’absence de Jude dans mon lit. L’odeur de rose et de violette imprégnait encore très fortement son oreiller et les draps. Il s’était donc levé peu de temps auparavant. J’allai sauter hors du lit et sur ma prothèse, quand il réapparut avec ses beaux cheveux noirs humides. J’avais une telle confiance en lui, mon créateur, qu’il endormait ma vigilance permanente de prédateur. Je n’avais pas entendu le bruit de la douche.

    — Qu’est-ce que tu souhaites pour le petit-déjeuner ? s’enquit-il, affable.

    — Mmmm… Toi ? susurrai-je, en me vautrant dans le lit, et en étirant mon corps, les bras au-dessus de la tête.

    — Aiden, avec ton sang spécial, il ne faut pas nous nourrir l’un de l’autre plus d’une fois par jour. Nous verrons ce soir. Nous ne savons pas quelle addiction pourrait se développer, déplora-t-il encore une fois.

    — Tu réponds toujours la même chose ! Elle est déjà là, l’addiction, même sans l’échange de sang, parce que nous sommes des âmes-sœurs, rétorquai-je, irrité. Qu’elle soit plus profonde encore, est-ce possible ?

    — Nous n’en savons rien, justement. Addiction mise à part, nous pourrions développer d’autres soucis. Aiden, nous ne pouvons pas nous contenter de nous nourrir l’un de l’autre, même si j’adorerais cela, parce que tu sais aussi bien que moi que les apports en sang doivent être variés. Même pour nous.

    Il se passa la main dans les cheveux, signe de préoccupation. Son geste provoqua un délicieux frisson le long de mon échine, ainsi qu’une brève accélération de mon rythme cardiaque, que je ne cachai pas. Ses yeux étincelèrent d’envie.

    — Dans ce cas, apprends-moi à chasser, suggérai-je. Hier soir, tu as dit que je faisais ma crise d’ado. Chasser est un rite de passage vers l’âge adulte, non ? Même si les autres vampires chassent dès qu’ils sont nés. Tu ne peux donc pas me l’interdire, tu dois m’apprendre. Aujourd’hui.

    — Je me suis excusé et j’ai rectifié en parlant de crise existentielle, éluda Jude.

    — Non ! Tu ne vas pas t’en sortir comme ça ! Tu as le devoir de m’apprendre à chasser !

    Jude s’assit au bout du lit avec un soupir. Il était plus beau que jamais, avec son pantalon noir fluide, tout comme sa chemise blanche. Il avait les pieds nus. Des pieds magnifiques.

    — Pourquoi veux-tu chasser ? m’interrogea-t-il, tête baissée. Au lieu de boire tranquillement des poches aromatisées, ici, chez moi ou dans un bar ?

    — Je te signale que tu n’aimes pas aller dans les bars, soulignai-je d’une voix sourde. Pourquoi tu ne veux pas que je chasse ? Tous les vampires sont des prédateurs, tous les vampires chassent, parce que ça fait partie de leur équilibre psychique.

    — Je n’aime pas l’idée que…

    — Que quoi ?

    — Que tu séduises un humain, avoua-t-il, au pied du mur. Que tu éprouves de l’extase avec un autre que moi.

    — Tu es jaloux ? m’écriai-je, surpris.

    — Oui. J’ai conscience d’avoir manqué à mes devoirs en ne t’enseignant pas la chasse, et tu pourrais me dénoncer pour cette faute. Mais… c’est plus fort que moi. Ce n’est pas facile, quand le sang de l’aimé est spécial.

    — Mais toi, tu chasses, non ? fis-je remarquer. Et je n’en fais pas toute une histoire.

    — Chasser me donne désormais l’impression de te tromper, de te trahir, révéla-t-il, du bout des lèvres.

    — Tu as conscience que c’est un sentiment qui n’a pas lieu d’être ? m’exclamai-je. Chasser fait partie de notre nature. Je pense que ça me ferait du bien. Et toi, tu devrais t’enlever cette idée de la tête.

    — Peut-être que j’ai autant de mal que toi à gérer ta nouvelle nature vampirique, parce que je n’aime pas l’idée de te voir dans les bras d’un autre.

    — Un humain se consomme et ne se souviendra de rien, à part un orgasme fulgurant. Ce n’est pas important, exposai-je.

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1