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Les mémoires d'Aiden Mills
Les mémoires d'Aiden Mills
Les mémoires d'Aiden Mills
Livre électronique384 pages4 heures

Les mémoires d'Aiden Mills

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À propos de ce livre électronique

À l’issue de la dernière bataille, qui a suivi une enquête éprouvante, Aiden a désormais plus de questions que de réponses.

Il décide d’enquêter pour savoir ce qui fait de lui un être si spécial, et découvrir les raisons qui poussent les Cercles vampiriques à se taire sur tant d’éléments de leur histoire.

Aiden va devoir plonger dans sa mémoire et celle des autres afin de connaître les secrets de ses parents morts quand il avait neuf ans, connaître son origine et celle de tous les vampires.

L’enquête devient une quête. Aiden pourrait trouver bien davantage, lors de son périple de l’Amérique à l’Europe. Sans oublier la menace représentée par d’anciens ennemis.

Jamais Aiden n’a été aussi proche du précipice prêt à les engloutir, Jude et lui, avant qu’il puisse un jour écrire ses propres Mémoires.

81368 mots 487116 caractères
© chris verhoest
LangueFrançais
ÉditeurXinXii
Date de sortie22 janv. 2025
ISBN9783689839321
Les mémoires d'Aiden Mills
Auteur

Chris Verhoest

Nouveau profil d'auteur Née en 1973, Chris Verhoest est titulaire d'une licence et d'un CAPES de Lettres Modernes. Elle a été professeur de français avant de se consacrer à la littérature. Passionnée de lecture, elle a toujours écrit. Elle aime aussi la mer, les animaux, réfléchir. Sans pouvoir s'en empêcher. Surtout. De là naissent des idées de romans. Ou bien il suffit d'une information, d'une photo, et le déclic se produit.

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    Aperçu du livre

    Les mémoires d'Aiden Mills - Chris Verhoest

    CHAPITRE 1

    L’oncle d’Aiden

    San Francisco, Californie, États-Unis d'Amérique.

    Septembre.

    Trouve tes origines pour trouver l’origine des vampires, avait dit Caïus, le vampire né sous l’Empire romain, que nous avions combattu. La phrase tournait en boucle dans ma tête, tandis que je fixais les arbres du jardin de mon oncle. Assis sur le porche, j’observais la façon dont le vent avait courbé les pins. Trouve tes origines pour trouver l’origine des vampires. Du secret de mes origines découlait celui de mon sang spécial et celui des vampires.

    Je débutais mon enquête en interrogeant la personne de ma famille qui était la plus proche de moi. Et qui était en vie. Lane, mon oncle, était le plus jeune mais aussi le dernier de la fratrie Hansen, qui n’avait plus de parents. Ma mère, Kara, la cadette, était morte dans le même accident de voiture que mon père, Anthony Mills. Je n’avais que neuf ans quand j’avais été confié à l’aînée, ma tante Ellyn. Il s’était écoulé des années difficiles, ponctuées par ses addictions et mes allers et venues entre son appartement et les rues de Los Angeles. Mon oncle Lane me récupéra à la mort prématurée d’Ellyn, décédée d’une overdose, et je pus aller à l’université.

    Mes origines, mes parents, cette blessure, cette coupure, ce manque.

    J’en souffrais moins, à présent, parce que l’immortalité modifie la perception que les vampires ont de l’humanité. Un vampire sait qu’il devra dire adieu à un mortel. Soit parce que ce dernier va mourir, soit pour dissimuler son éternelle jeunesse. Mais aussi parce que le destin avait placé sur ma route Jude Caldwell, un miracle, mon âme-sœur, le chant de mon cœur, le seul vampire compatible avec mon sang spécial. Un sang unique que je détenais de l’un ou de mes deux parents, suite au marquage d’un vampire avant ma conception. Un vampire bien particulier et puissant qui m’avait transmis ce sang ainsi que le pouvoir du brasier, que j’avais dû apprendre à maîtriser. Un don létal.

    Ce vampire possédait en théorie un lien avec les vampires des origines. Trouve tes origines pour trouver l’origine des vampires. Une origine que les cercles vampiriques s’acharnaient à tenir secrète. Pourquoi ?

    Tant de questions, si peu de réponses. Je me levai, je soupirai et je m’étirai sous le ciel uniformément bleu. Je contemplai encore quelques secondes le jardin et je rentrai pour rejoindre mon oncle et Jude. J’avais retrouvé mon foyer aux beaux meubles blancs. J’avais retrouvé le parfum de l’eau de toilette de mon oncle. Cependant, le bien-être qui m’avait envahi en franchissant le seuil familier s’était peu à peu mué en appréhension, au point que j’avais dû sortir prendre l’air. J’étais parti humain, je revenais vampire. Désormais, qui étais-je exactement dans cette maison ?

    Jude et moi avions décidé de ne pas parler à Lane de notre nature. Pour respecter les lois et pour le protéger. Un jour, il faudrait que je coupe tout contact visuel avec lui, parce qu’il vieillirait et pas moi. Si je vivais moi-même jusque-là. Nous avions à nos trousses deux psychopathes qui agissaient ensemble. Frederick Learmonth voulait récupérer Merritt, le frère jumeau de Jude. Son acolyte l’ex prince Marco désirait s’accaparer de nouveau Jude, qu’il avait créé, et se débarrasser de moi, non sans avoir pillé mon sang spécial, comme Learmonth le ferait, avant de s’en retourner vers Merritt, pour l’instant à l’abri.

    Oui, cela faisait beaucoup, pour un jeune vampire comme moi, qui pourtant en avait déjà trop vu. Je comptais sur mon statut de détective et ma capacité de réflexion pour qu’on s’en sorte avec le moins de dégâts et le plus de réponses possibles. Je plaquai un sourire de façade sur mon visage.

    — Alors, m’interrogea mon oncle, en tournant la tête vers moi, prendre l’air t’a fait du bien ?

    Il avait la blondeur et les yeux bleus des Hansen. J’avais hérité de leur couleur de cheveux, mais les miens, mi-longs, étaient bouclés et j’avais les yeux noisette de mon père. Lane me fixait avec un air simplement interrogateur. Je lisais plus de crainte dans le regard ambré de Jude, sous ses boucles noires mi-longues, qui s’arrêtaient juste avant ses épaules. Mon beau victorien.

    — Je me sens mieux, répondis-je en m’asseyant sur le canapé à côté de Jude et face à mon oncle.

    — Je comprends que tu veuilles savoir tout cela, reprit Lane, en faisant allusion à notre conversation interrompue par ma sortie. Surtout que tu t'es marié sans même m’en avoir parlé, d’ailleurs. Ton union avec Jude a réveillé ton désir de plonger dans tes racines, c’est tout à fait normal.

    — Je suis tellement désolé de ne pas t’avoir informé du mariage, exposai-je, penaud. Nous l’avons décidé très vite, et il s’est fait tout aussi vite.

    — L’essentiel est que je le sache. Tu es venu me l’annoncer en personne, tout en me présentant ton mari. C’est une belle surprise, que ton coup de fil ne laissait pas présager.

    Mon oncle arborait un sourire satisfait. J’avais honte, mais de quoi, au juste ? De l'avoir écarté de ma vie ? Il n’aurait pas pu assister à la cérémonie vampirique. Parfois, il y a des choses qui nous dépassent et contre lesquelles on ne peut pas faire grand-chose.

    — Alors, repris-je pour éluder, quels souvenirs tu as de mes parents ?

    — C’est toi, Aiden, qui as vécu avec eux jusqu’à tes neuf ans, pas moi. Qu’est-ce que je peux te dire que tu ne saches pas déjà ?

    — Eh bien, tout, en fait, murmurai-je, de nouveau mal à l’aise.

    Une semaine plus tôt, Jude et moi avions établi le plan de nos premières recherches. Mon oncle était la première personne à qui rendre visite. Lors du trajet en voiture de Los Angeles à San Francisco, mon compagnon m’avait demandé de quoi je me souvenais et qui aurait pu paraître, avec le recul sur mon enfance, mystérieux ou tout au moins étrange. J’avais regardé Jude avec un air effaré, tandis que l’évidence montait en moi, de façon vertigineuse.

    Je n’avais pratiquement aucun souvenir de mon enfance avec mes parents. Quelques flashs étaient souvent apparus, au milieu de la mer sombre de l’oubli. Les cheveux blonds de ma mère, bronzée, alors que nous étions à Pacific Park, sur la jetée de Santa Monica que je connaissais par cœur. Mon père était avec nous ce jour-là, mais je n’avais plus aucune image de lui. Il ne restait qu'une ombre. Bienfaisante et paternelle, mais invisible, tel un fantôme penché par-dessus mon épaule. Je me souvenais uniquement de mon doigt tendu vers les géants de Séquoia Park, sous un soleil aveuglant qui faisait fondre les dernières neiges. L’eau coulait abondamment sur le sentier et sous mes pieds. Mais je ne me rappelais ni de ma mère ni de mon père lors de ce voyage, alors que je sentais leur présence dans mon souvenir. Une sensation des plus étranges.

    J’avais réalisé, choqué, que le temps passé en compagnie de ma tante Ellyn était hélas bien ancré dans ma mémoire. Je revoyais parfaitement le canapé affaissé et miteux du séjour, d’un velours vert usé jusqu’à la trame, j’entendais dans ma tête les rires de ma tante quand elle avait une dose suffisante, ses gestes brusques et ses paroles sauvages quand elle était en manque. Un jour, elle était revenue à l’appartement avec un type très maigre aux cheveux filasses et sales et au visage en lame de couteau. Odieux et violent. J’avais pris trois claques d’emblée, car ma seule présence, dont ma tante n’avait pas jugé bon de lui parler, le gênait. Il s’apprêtait à frapper plus fort mais je m’étais enfui.

    J’avais l’impression d’avoir encore la saleté des rues sous les ongles, et la peau chaude d’Alex contre la mienne. Mon premier. Un bel ange déchu tombé dans la drogue, tombé amoureux, puis tombé, encore et encore, jusqu’à l’overdose. J’avais dormi une nuit entière contre le corps sans vie d’Alex. Jusqu’à ce que je me réveille, que je voie ses yeux entrouverts et figés, son corps inerte. J’avais touché son poignet. Froid. J’avais compris, sans même prendre son pouls. Sans pouvoir l’exprimer par des mots ou des sanglots. Le souvenir était si vif qu’il m’écorchait toujours autant le cœur.

    — Peut-être qu’on se souvient surtout du malheur et non du bonheur ? avais-je suggéré. J’ai eu un prof qui affirmait que se souvenir des mauvaises choses était lié à l’instinct de survie. Le cerveau de l’humain fonctionne ainsi depuis la Préhistoire, dans le but de ne pas se précipiter de nouveau vers un danger.

    — C’était l’une des bases sur lesquelles je m’appuyais quand j’étais psychiatre, dans le Londres de la fin de l’ère victorienne, avait renchéri Jude. Les mauvais souvenirs enfouis sont source de bien des tracas. Mais je trouve qu’il y a quelque chose d’étrange dans ton histoire.

    — Quoi ?

    — Tes souvenirs liés aux cinq sens sont tous là, dans ta tête.  Des paysages, des odeurs, des sons, des parfums, des sensations. Tu te souviens parfaitement des visages de ceux que tu as côtoyés après la mort de tes parents, mais pas avant, Aiden.

    — Il est possible que ce soit lié au choc quand j’ai appris qu’ils étaient morts ? Même ça, je ne m’en rappelle pas.

    — Je suis sûr que tu as déjà déduit une hypothèse en lien avec le but de notre virée à San Francisco, Aiden, cher détective.

    Je m’étais renfrogné quelques instants. Cependant, à quoi bon cacher ce que Jude savait, ce que je savais, pourquoi ne pas dire ce qui s’était probablement passé ? Nous n’allions pas progresser avec une telle attitude de ma part.

    — Tu as raison, avais-je soupiré. Ma mémoire a été effacée à la mort de mes parents.

    — Et qui donc possède ce pouvoir, afin de se nourrir sur un humain qui repart extasié et sans aucun souvenir de la rencontre ?

    — Nous, les vampires. Celui qui a approché mes parents et a marqué mon père ou ma mère m’a aussi effacé la mémoire.

    — C’est ma conclusion aussi. Apparemment, il ne souhaitait pas que tu te souviennes de lui et de ce qui s’était passé, sans doute sous tes yeux.

    — Merde, avais-je siflé. Je m’en doutais depuis mon entrée à l’unité interhumaine, tu sais, quand j’ai appris l’existence des vampires et du pouvoir hypnotique. J’avais une amnésie évidente concernant mon enfance, avant le décès de mes parents. Mais je ne voulais pas creuser dans un événement aussi douloureux de ma vie.

    — Tu vas être obligé d’essayer, désormais, avait souligné Jude avec douceur.

    — Oui, malheureusement. J’espère que les souvenirs de Lane raviveront les miens, même si l’hypnose des vampires est très efficace.

    La voix de mon oncle me tira hors de cette discussion que nous avions eue sur le trajet.

    — Tu ne te souviens de rien du tout ? Absolument rien ? s’étonna-t-il, sourcils froncés.

    — Rien, confirmai-je.

    — Tu ne me l’as jamais dit, fit observer mon oncle.

    — Je ne voulais pas t’en parler, parce que j’avais honte d’avoir oublié mes parents morts, et mon existence avec eux. Je n’en ai pas parlé à Jude pour les mêmes raisons, jusqu’à récemment.

    — Tu n’y es pour rien, affirma mon oncle avec une voix toujours douce mais plus persuasive. Le traumatisme causé par leur disparition a effacé ce moment. Ton cerveau a dû faire un choix pour que tu vives. Le cerveau occulte des éléments terribles afin que nous puissions continuer notre vie.

    — Alors, tu veux bien compenser et me raconter ?

    Lane hocha la tête.

    — Ta mère a quitté la maison familiale dès qu’elle a rencontré ton père, commença-t-il. Ils se sont installés ensemble aussitôt. Nos parents étaient furieux que Kara ait abandonné ses études si vite pour n’être, selon eux, que la muse d’un artiste, aussi beau soit-il, parce que le succès n’était jamais assuré. Anthony était à mes yeux aussi superbe que talentueux. Quand il venait à la maison, il parlait avec un enthousiasme poétique de ses sculptures et de son activité d’écrivain. Quand j’allais chez Anthony et Kara, je voyais les œuvres en question. Anthony m’a donné l’envie d’être artiste à mon tour. J’ai fait un compromis entre la représentation et l’écriture en choisissant la bande dessinée.

    — Quand tu es allé chez papa et maman, est-ce que tu as eu l’occasion de croiser leurs amis ? m’enquis-je.

    — Oui. J’y allais régulièrement, parce que je voulais continuer de voir ta mère, Aiden. Je m’y rendais seul, puisque tes grands-parents refusaient de m’accompagner. La situation se tendait de plus en plus et Kara et Anthony venaient de moins en moins à la maison, puis plus du tout. Tes parents vivaient en communauté dans une superbe maison, ce qui leur permettait de payer le loyer. Ce n’était plus vraiment comme dans les années soixante-dix dont les films et les livres nous parlent. Les années quatre-vingt-dix étaient animées d’un désir de rébellion plus mélancolique, du moins c’est l’impression que j’en ai aujourd’hui. Leurs amis artistes étaient calmes, et n'étaient jamais les mêmes personnes d’une année sur l’autre. Certains finissaient leurs études et d’autres les remplaçaient. Je me souviens de quelques visages et d’un nom, Nell. Elle était un pilier de la communauté, je l’ai toujours connue, si je me souviens bien.

    — Est-ce qu’elle te paraissait différente ? osai-je.

    — Différente ? Différente comment, Aiden ? demanda mon oncle, confus.

    — Est-ce que tu as constaté des comportements bizarres chez elle ? insistai-je.

    — Je ne la côtoyais pas au quotidien, avec sa routine et ses habitudes, donc qu’est-ce que je pouvais en savoir ? Nous discutions lors des soirées, c’est tout. Il s’agissait des amis et des colocataires de tes parents, pas les miens. Pourquoi ces questions ? Tu m’inquiètes.

    — Je te l’ai dit, je cherche à me souvenir, et ça passe par des choses marquantes, affirmai-je.

    — Il n’y a pas vraiment eu quoi que ce soit de marquant. Les soirées étaient chaleureuses, je me sentais bien et en sécurité. Je n’ai pas grand-chose à dire.

    — Quand je suis né, comment les choses ont-elles évolué ?

    — Très bien. Tu étais heureux et choyé par tout le monde. Ton épanouissement, dont je parlais à tes grands-parents, était la seule chose qui les empêchait de sauter à la gorge d’Anthony, celui qui leur avait volé leur fille et brisé son avenir, disaient-ils.

    — Et moi ? Est-ce que j’ai voyagé avec mes parents ?

    — C’est possible, oui.

    — Où ?

    — Je n’en sais rien, ou je ne m’en souviens plus…  Mes propres souvenirs sont vagues aussi, tu vois, constata-t-il en fronçant les sourcils.

    Jude et moi, nous nous regardâmes. Avait-on aussi effacé la mémoire de mon oncle ?

    — Et toi, reprit ce dernier, tu te souviens de quoi exactement ? 

    — Je n’ai que des flashs sur des instants très brefs, expliquai-je. Pacific Park, à Santa Monica, ou Sequoia Park.

    — C’est normal jusqu’à trois ou quatre ans, après l’enfant commence à se souvenir. Je te certifie que tes parents t’adoraient et s’occupaient beaucoup de toi.

    — Pourquoi tu ne me parlais pas d’eux, quand je vivais chez toi ? voulus-je savoir.

    — Je pensais que tu te souvenais de ces jours heureux, bien plus que moi. Et puis, je voulais éviter de raviver la douleur et les contrastes entre ta vie avec tes parents et celle avec ta tante Ellyn. Si tes grands-parents n’étaient pas morts eux aussi, tu aurais été mieux avec eux qu’avec Ellyn, c’est une certitude, même s’ils étaient parfois obtus. Il y a eu le début de son enfer, avec la drogue, et le début du tien. Elle est décédée quand j’avais les moyens de te prendre en charge.

    — Et tu l’as fait. Et bien.

    Mon oncle esquissa un sourire, puis nous regarda en alternance, Jude et moi.

    — J’ai l’adresse de leur maison, quelque part dans un calepin, nous informa-t-il. Qui sait, elle t’aidera à te souvenir. Est-ce que tu veux bien me suivre pour m’aider avec le gâteau ? Je risque de le faire tomber.

    — Mais comment tu fais, quand tu invites ta petite amie ?

    — Justement, s’esclaffa mon oncle, je ne fais rien. Je l’invite au restaurant ou je vais chez elle et elle s’occupe de tout. Elle adore cuisiner. Elle est une sorte de prêtresse culinaire sur les réseaux sociaux.

    — Tu l’as choisie pour ses talents ? le taquinai-je.

    — Qu’est-ce que tu insinues ? rit mon oncle. Elle cuisine si elle veut et ce qu’elle veut. Si elle n’en a pas envie, il n’y a que l’embarras du choix pour manger, entre la livraison à domicile et les repas à emporter. Tu viens ?

    Je me relevai et je le suivis tout naturellement. Avec son ouïe vampirique, Jude entendrait tout ce que nous dirions.

    — Je te trouve différent, Aiden, déclara d’emblée mon oncle, comme il l’avait toujours fait.

    Il ouvrit le réfrigérateur pour récupérer le dessert emballé, et le posa sur le plan de travail.

    — Différent ? répétai-je, imperturbable.

    — Différent, oui. Mais je ne saurais même pas dire en quoi précisément.

    Il fronça les sourcils pour réfléchir, et je pris un plat pour qu’on y dépose le gâteau. Ou que je le dépose, parce que mon oncle le ferait chuter de l’emballage jusqu’au sol si je ne l’aidais pas.

    — Ta façon de te déplacer, comme un chat, paix aux nôtres, que tu adorais, poursuivit Lane. Comme si tu n’avais jamais boité à cause de ta prothèse, comme si tu n’avais pas de prothèse, alors que ton accident est encore relativement récent.

    — J’ai un petit bijou de technologie payé par mon boulot, précisai-je. L’insertion des personnes en situation de handicap passe par le fait que je sois aussi performant que mes autres collègues policiers.

    Je relevai le bas de mon pantalon pour exhiber le tube en titane ultra sophistiqué qui remplaçait ma jambe droite sous le genou. Lane siffla d’admiration.

    — Ce n’est pas une prothèse basique, en effet, s’exclama-t-il. Tu es complètement indépendant. Je suis heureux pour toi.

    — Merci, Lane.

    — Tu sembles mystérieux, cependant, ajouta-t-il.

    Comme une statue de marbre, songeai-je. Le marbre et le silence sur qui nous étions, Jude et moi.

    — Le mariage te réussit, souligna-t-il. Tu n’as jamais été aussi… Je ne sais pas comment l’exprimer. Je dois aussi avouer que je suis impressionné par le physique de Jude. Sa beauté. Tu es… je ne sais pas, répéta mon oncle en observant Jude. Jusqu’ici, il n’y avait que la beauté de mon magnifique neveu, qu’il a hérité de son papa, et voilà que tu reviens, Aiden, avec un garçon presque aussi beau que toi.

    — Presque ? souligna Jude en haussant les sourcils, l’air amusé.

    — Je ne suis pas objectif, je l’avoue, dit mon oncle.

    — Jude m’a changé, avouai-je à mon tour.

    C’était la vérité, sans le développement qui allait avec. Mon oncle attendait que je me confie davantage. Je ne le pouvais pas.

    — Mais c’est quoi, cette crème fouettée rose ? m’exclamai-je, horrifié, en pointant le gâteau aux fraises beaucoup trop rouges pour ne pas être suspectes. Heureusement que ta petite amie ne voit pas cette pyramide étrange.

    — Erin adore la crème fouettée, répliqua Lane.

    — Oui, mais ce qui recouvre cette sorte de pyramide, c’est tout sauf de la vraie crème fouettée, gloussai-je.

    — J’avoue qu’elle aurait pu s’évanouir en la voyant, elle qui cuisine si bien.

    — Et tu l’achètes sans honte, pour ton neveu et son mari ? Merveilleux! ironisai-je sur un ton affectueux.

    Mon oncle afficha un sourire penaud, tandis que je faisais glisser avec rapidité la pyramide trop colorée de l’emballage vers le plat.

    — Tu es plus doué que moi, Aiden. Je vais en manger, moi, tu sais, pour fêter ta visite, dit-il.

    — Tu crois vraiment que cette pyramide se mange ?

    Il éclata de rire.

    *

    — Au revoir, oncle Lane, murmurai-je, quand il fut l’heure de partir.

    — Faites attention à vous, tous les deux, et donne-moi des nouvelles régulières, Aiden, murmura-t-il, avec un air grave.

    — Je le ferai.

    Je savais que mon visage était impénétrable en cet instant, alors que l’émotion picotait mon cœur et mes yeux. Qu’avait-il compris de notre visite ? Quoi qu’il ait saisi, il n’en dirait rien. Il était trop délicat pour m’arracher mon secret.

    *

    — J’ai bien l’impression que les souvenirs de ton oncle ont été effacés comme les tiens, commença Jude, en serrant le volant. 

    — Ce qui prouve que le vampire coupable de cette hypnose vivait bien dans cette communauté à un moment donné, que mon oncle Lane l’a rencontré mais qu’il ne s’en souvient pas. Je vais finir par me demander si la mort de mes parents était vraiment accidentelle.

    — On peut se poser la question, tu as raison. Mais je ne pense pas que le vampire qui a marqué ton père ou ta mère soit responsable d’un possible accident. Il a marqué pour montrer son affection et pour protéger, justement. Pourquoi les tuer ensuite ?

    — Un bon point pour toi. Cette fois, l’enquête porte sur ma famille et moi, constatai-je.

    — Sur toi et sur tous les vampires, n’oublie pas.

    — On va avoir besoin de journées complètes pour chercher, soulignai-je. Donc demander des congés à Herbert.

    — Il nous en doit bien. Surtout qu’on continuera de travailler simultanément pour l’unité interhumaine. Si nous enquêtons, nous emmènerons dans notre sillage Learmonth et Marco. Et ils se feront capturer.

    — S’ils ont été capables de s’évader d’une forteresse secrète où l’on garde les vampires criminels en léthargie, ils ont le pouvoir de nous traquer partout, et de nous échapper encore et encore, déclarai-je. Mais nous essaierons de faire d’une pierre deux coups. Trouver mes origines, neutraliser nos deux psychopathes ainsi que ceux qui les ont aidés. On en a déjà parlé, de toute façon.

    — Bon argument pour obtenir nos congés, non ?

    Je soupirai.

    — M’éloigner de Los Angeles et des évènements qui viennent de s’y dérouler ne me déplaît pas, même avec ces deux psychopathes au cul, dévoilai-je. 

    — Tu penses que nous allons devoir quitter la ville pour enquêter ? Ce serait logique, cela dit.

    — Non seulement la ville, mais la Californie, et même l’Amérique, affirmai-je de façon catégorique. Les origines ne sont pas ici, c’est une certitude depuis notre rencontre avec ces vampires de l’Antiquité.

    — Je suis d’accord avec toi. En plus, si nous nous éloignons, Learmonth lâchera Merritt pour se lancer à notre poursuite avec Marco. Mon frère est désormais suffisamment autonome depuis qu’il est marié à Floyd selon nos rites. Il est toujours relié à toi par l’esprit grâce au sang spécial et à moi par le sang familial et spécial, mais sans aucune dépendance. Il serait plus sage qu’il reste ici… Quant à nous…

    — Quant à nous, Jude ?

    — Je te suivrai partout, Aiden, tu le sais, je te l’ai dit et répété. Partout et n’importe où.

    CHAPITRE 2

    La maison d’enfance

    Los Angeles, Californie.

    Le commandant fixait le mur, derrière nous, les mains croisées sous le menton. De temps en temps, un soupir profond lui échappait. Assis sur une chaise face à Herbert, je jetai un coup d'œil furtif à Jude, situé à ma droite. Un geste imperceptible pour un humain. Jude avait l’air impénétrable des vampires qui savent patienter. Son cœur battait fort mais il était régulier. Je ne parvenais pas à calquer mes battements sur les siens afin que surgisse le chant des âmes qui m’aurait calmé.

    Ma gorge était sèche, comme si nous ne nous étions pas nourris l’un de l’autre à notre retour de San Francisco. Comme si nous n’avions pas bu à la veine de ce beau garçon, qui était reparti avec un air béat post extase, et aucun souvenir de ceux qui la lui avait procurée.

    En franchissant les portes de l’unité interhumaine, je n’avais pas pu m’empêcher de songer qu’il s’agissait peut-être de la dernière fois que nous y mettions les pieds. Puis j’avais ôté mes solaires, j’avais salué le policier humain de l’accueil, et j’avais savouré la lumière tamisée qui protégeait nos yeux. J’avais balayé du regard la salle commune, où les bureaux des policiers, quel que soit le grade, s’alignaient les uns à côté des autres. Les lieux bourdonnaient de conversations multiples. Julia discutait avec Mei, sa collègue vampire, sur un ton animé et avec beaucoup de gestes. Elles avaient souvent enquêté avec nous. J’avais ensuite observé le reste de l’unité, en me remémorant les intéractions que j’avais eues avec chacun. Ni Merritt ni Floyd n’étaient de service. Mon cœur s’était serré et Jude, qui l’entendait, m’avait touché l’épaule de la sienne.

    — Lors du mariage, j’étais d’accord avec cette idée de voyage, sur le principe, parce qu’elle restait une idée parmi d’autres. Accepter que vous partiez la rend concrète. Et vous laisser partir, seuls de surcroît, n’est pas une décision facile à prendre, dit enfin Herbert, et je faillis sursauter, tiré de mes pensées, pour me focaliser sur notre chef. Frederick Learmonth et Marco sont toujours dans la nature et ils vous

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