Portraits de la police au Québec: Enjeux, pratiques et vécus
Par Stéphanie Gagnon
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À propos de ce livre électronique
Portraits de la police au Québec s’intéresse aux services de police municipaux ainsi qu’aux personnes policières et civiles qui y travaillent. D’une part, il examine les enjeux du domaine de la sécurité publique, dont la question des réformes. D’autre part, il traite du quotidien à travers les activités réalisées de façon journalière par la police, de la gestion des émotions dans un contexte extrême et de l’appartenance à la profession.
Les aspirants-policiers y exploreront les rouages de l’organisation où ils travailleront et les différentes facettes du métier. D’un point de vue plus réflexif, les personnes policières en exercice, certaines personnes intervenantes du milieu social et gestionnaires découvriront des aspects utiles pour mieux exercer leur métier.
Des problématiques précises liées à la complexité de la gestion des organisations publiques seront également abordées dans le but de démystifier la réalité des personnes policières.
Bien que le milieu policier n’ait pas été réformé depuis plus de 20 ans, des réflexions ont été entamées par la ministre de la Sécurité publique en 2019-2020 à son propos et par le projet de loi 14 du ministre François Bonnardel en 2023. De nouveaux enjeux de sécurité ont émergé ces dernières années, notamment en matière de cybercriminalité et de santé mentale, dont certains de ceux-ci seront discutés dans ce livre.
Stéphanie Gagnon
Stéphanie Gagnon, Ph. D, est professeure titulaire en management public à l’ENAP. Ses intérêts de recherche portent sur la collaboration sous différentes formes ainsi que sur l’implantation de la philosophie de police communautaire dans les pratiques. Elle est également intéressée par la régulation des émotions dans les contextes extrêmes.
En savoir plus sur Stéphanie Gagnon
La gestion du changement en contextes et milieux organisationnels publics Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa collaboration interorganisationnelle: Conditions, retombées et perspectives en contexte public Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationGestion par résultats, 2e édition: Concepts et pratiques de gestion de la performance des organisations de l'État Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Aperçu du livre
Portraits de la police au Québec - Stéphanie Gagnon
Introduction
Évoquer la police ne laisse personne indifférent. D’abord, le terme peut aussi bien référer à l’institution policière qu’au corps policier ou à l’humain qui exerce le métier. L’institution fait référence à l’organe de l’État qui détient le monopole de la force légitime. Le corps policier renvoie à l’organisation qui offre la desserte des services policiers dans une région. L’humain qui est policier, pour sa part, fait référence à celui qu’une partie de la population a eu à côtoyer, soit parce qu’elle a commis une infraction ou un crime ou parce qu’elle en a été victime. En conséquence de ces diverses acceptions, il n’est pas si étonnant que le terme « police » puisse polariser l’opinion des gens.
Ensuite, la couverture médiatique qui est faite des policiers exerce une influence sur les comportements des gens à l’égard de la police (Boivin et Gendron, 2021). Les médias ont une influence sur les gens parce que peu d’entre eux ont une relation directe avec les policiers. Cependant, les médias ont fait l’objet de critiques parce qu’ils ont tendance à projeter une image négative de la police (Shin et Watson, 2022). Cette couverture négative a d’ailleurs tendance à miner la légitimité policière (Gauthier et Graziano, 2018).
En parallèle, le métier de police tend à changer. Nous faisons face à une « radicalisation violente propulsée par les plateformes en ligne, l’avènement d’une cybercriminalité de masse… » (Dupont, 2021, p. 12) ainsi qu’à des problématiques accrues de santé mentale (Shore et Lavoie, 2019). Or, « la transformation du rôle de la police reste peu étudiée » (Ouellet et al., 2021, p. 5).
Le présent ouvrage propose de comprendre la complexité du milieu et du métier de policier. Il offre une vision nuancée du métier, de son évolution et des grands jalons législatifs ayant influencé la situation actuelle. Les données qui ont permis la réalisation de cet ouvrage ont principalement été collectées dans le cadre de deux projets de recherche, dont l’un sur la mise en œuvre de la philosophie de police communautaire et le second sur la vie quotidienne en contexte extrême. Ce livre repose sur la rencontre de plus de 70 policiers en entrevue dans cinq corps policiers du Québec. Vingt-trois jours d’observation de patrouille (en urgence ou en soutien à l’urgence) ont également été réalisés dans deux corps policiers. Enfin, sept réunions dans deux corps policiers et trois formations diffusées dans les écoles ou à un public cible de citoyens ont été observées.
Deux grandes parties composent le corps de ce livre. La première s’intitule « Enjeux récents du milieu de la sécurité publique » et inclut trois chapitres distincts. La seconde partie a pour titre « Le policier au quotidien : un être incomparable » et est également déclinée en trois chapitres. Pour chacun des chapitres du livre, il est précisé quel type de données a été utilisé pour les propos qui sont relatés.
Enjeux récents du milieu de la sécurité publique
Cette première partie s’intéresse à l’environnement dans lequel évolue le policier, soit le milieu de la sécurité publique. Elle permet de comprendre l’organisation des services policiers au Québec (chapitre 1). Elle discute également de l’une des plus récentes réformes policières (la police communautaire) qui tend à persister dans le temps (chapitre 2). Enfin, elle traite de la façon dont le travail policier est organisé dans les services municipaux de police du Québec (chapitre 3).
Le premier chapitre aborde les difficultés de mise en œuvre des réformes dans le milieu policier. Ces difficultés sont recensées dans une diversité de pays, dont les Pays-Bas, la France, les États-Unis et le Canada. À partir du contenu du plus récent projet de loi n° 14 de 2023 (Loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues) présenté par le ministre François Bonnardel et des objectifs qui y sont associés, nous proposons une réflexion sur les lendemains possibles de cette réforme. Ces considérations émergent de la comparaison du projet de loi avec les souhaits émis par les organisations policières et les municipalités québécoises lors de mémoires soumis en réaction au document intitulé Réalité policière au Québec : modernité, confiance et efficience. Nous concluons ce premier chapitre avec une préoccupation pour la mise en œuvre de ces nouvelles modifications législatives compte tenu des points de vue divergents entre les organisations policières municipales et le ministre de la Sécurité publique à l’égard du contenu et des objectifs de la réforme.
Le second chapitre fait état de l’évolution d’une réforme policière réalisée au Québec il y a plus de 25 ans : la police communautaire. Le ministère de la Sécurité publique (MSP) s’interrogeait d’ailleurs, en 2019, à savoir si cette philosophie et sa mise en œuvre devraient être accentuées. Notre argument dans ce second chapitre consiste donc à présenter la police communautaire au Québec ainsi que la façon dont cette philosophie a évolué au fil du temps. Nous discutons également des difficultés rencontrées par les corps policiers québécois dans sa mise en œuvre. Les pratiques adoptées par les organisations policières sont aussi énumérées. Puis, nous faisons état de l’essor du vocabulaire de concertation et de ses déclinaisons dans deux modèles récents. Le constat est à l’effet que certaines pratiques changent peu et que d’autres proposent des changements importants dans l’attitude des policiers et dans celle des membres de la société lors de leurs interactions.
Le troisième chapitre s’intéresse aux structures organisationnelles. Ces dernières sont couramment remaniées lors de l’insertion de réformes dans les organisations. Nous y faisons le constat que la taille des organisations policières influe considérablement sur la complexité de la structure organisationnelle. Notre argument central est cependant à l’effet que les organisations policières ont tendance à converger dans leur façon de diviser le travail autour de trois grands regroupements d’unités : la surveillance du territoire, les enquêtes et l’administration. La manière de structurer la surveillance du territoire, à titre d’unité opérationnelle, est également abordée parce que cette unité inclut les policiers que les citoyens sont susceptibles de rencontrer au quotidien. En effet, lors d’infractions ou lorsque les citoyens sont victimes d’un crime, ils font d’abord la connaissance de policiers assignés à la réponse aux appels. Le travail réalisé à l’unité communautaire est également dépeint.
Le policier au quotidien : un être incomparable
Le terme « incomparable » est utilisé dans le sens que chaque policier est un être humain unique qui ne peut être confondu avec l’ensemble des personnes portant l’uniforme. Cette seconde partie accentue l’humain qui exerce le métier, dont les facettes sont nombreuses et parfois surprenantes (chapitre 4). Certaines de ces facettes requièrent une gestion soutenue des émotions (chapitre 5) si le policier veut préserver sa santé mentale et l’amour du métier. En fait, la façon dont le policier s’identifie à son occupation demeure primordiale en 2024 (chapitre 6), malgré les nombreux changements qui se profilent en sécurité publique.
Le chapitre 4 fait état du travail policier au quotidien. Il s’attarde à ce que fait un patrouilleur lors de sa journée de travail, autant du point de vue des rôles qu’il endosse (rôles associés au fait d’aider, rôles relatifs à la criminalité et à l’application de la loi, rôles qui concernent les secours médicaux et la prévention) que du type d’activités qu’il réalise (réponse aux appels, rédaction de rapports, patrouille proactive, etc.). Il y est également question des motifs qui amènent les gens à choisir le métier de policier. Il s’agit donc d’expliquer la nature de ce travail qui est souvent incompris (Brodeur, 2010) du public. Il en ressort certains aspects qui permettent de bien comprendre les chapitres 5 et 6 à venir, soit le fait que les policiers sont fréquemment confrontés à des réalités marquantes, telles que des décès, et qu’ils sont unis entre eux de façon privilégiée.
Dans le cinquième chapitre, le stress, les émotions et la récurrence des situations d’urgence sont discutés du point de vue des conséquences qu’ils peuvent avoir sur le policier et sa santé. L’intérêt premier est de savoir comment les policiers réagissent à ces différents facteurs et de tirer des leçons des stratégies qu’ils déploient. À travers cinq épisodes exposant des émotions diverses (peur, terreur, surprise, colère et inquiétude), il est démontré que les policiers adoptent une diversité de stratégies de régulation des émotions (modification de la situation, redirection de l’attention, changement cognitif, modulation de la réponse et sélection de la situation). Leurs collègues de travail apparaissent importants pour mobiliser cette diversité de stratégies. Les patrouilleurs utilisent également des stratégies de distanciation et des stratégies personnelles. Connaître ces différentes stratégies, les diffuser et les accepter pourraient aider à amenuiser certains traumas chez les policiers.
Le chapitre 6 discute de la question de l’identité policière et de la possibilité qu’elle soit ébranlée compte tenu des changements récents au métier de policier (accroissement de la cybercriminalité, accroissement des cas de nature sociale, etc.). Une description de l’identité à l’aide de cinq caractéristiques est proposée. Les pratiques que les policiers déploient, de manière individuelle (camouflage, différenciation, etc.) ou collective (substitution avec le partenaire et appui sur la famille policière) permettraient de préserver l’identité. De même, la pratique organisationnelle d’offrir des formations spécialisées aux policiers (cinémomètre laser, arme à impulsions électriques, etc.) et de promouvoir les mutations et promotions à l’interne est positive pour l’identité. Cependant, un comportement individuel peut changer l’importance de certains aspects de l’identité. Il s’agit de créer une scission entre l’homme et le métier de policier. La prépondérance de stratégies qui cherchent à maintenir et protéger l’identité assure que celle-ci soit encore préservée aujourd’hui.
Le lecteur pourra poursuivre trois types de lecture avec cet ouvrage. Il pourra lire l’entièreté du livre de manière chronologique (aspirants policiers) afin d’avoir une vision complète de la façon dont évolue le milieu de la sécurité publique et les enjeux qui s’y déroulent. Cette lecture favorisera également une connaissance plus nuancée du métier de policier et des défis auxquels le policier est confronté. Un second type de lecteur pourra choisir de ne lire qu’une partie parmi les deux, cherchant ainsi à comprendre la réalité selon un niveau d’analyse plus global (partie 1) (gestionnaires du ministère de la Sécurité publique) ou plus minutieux sur le métier (partie 2) (intervenant qui côtoie le policier dans son métier). Un troisième type de lecteur (gestionnaire ou étudiant universitaire) pourra décider de ne lire qu’un chapitre ou quelques-uns qui correspondent aux problématiques vécues dans son corps de police ou aux sujets qu’il souhaite approfondir durant ses études.
Partie 1 /
Enjeux récents du milieu de la sécurité publique
Chapitre 1 /
Le processus de réforme du milieu policier au Québec
Visions distinctes du métier de policier
Les réformes dans le milieu policier sont rarement considérées comme étant des succès. Terpstra (2010) explique comment la nature ambiguë de la police communautaire a nui à son implantation aux Pays-Bas. Björk (2021), pour sa part, relate comment une réforme policière menée en Suède, à saveur largement rationnelle, s’est avérée trop éloignée de la réalité et a mené à une diversité de pratiques alors que l’homogénéisation était souhaitée. Monties et Gagnon (2022), quant à elles, révèlent comment une réforme dans le milieu policier français est superficiellement adoptée par les policiers parce que ceux-ci contournent les règles nouvellement instituées afin de préserver leur identité professionnelle.
La situation n’est pas spécifique à l’Europe. Plus près de nous, Alpert et McLean (2021, p. 349) relatent comment « les réformes courantes de la police aux États-Unis se font sous forme de courtes et intenses rafales à la suite d’un scandale très médiatisé, avant d’être abandonnées – ou du moins sérieusement réduites – une fois que l’attention s’estompe ». Au Canada, Huey et ses collègues (2023, p. 22) font plutôt le constat que les réformes sont peu évaluées et proposent que leurs résultats mitigés soient liés au fait que « one cannot change an institution without changing the conditions within which it operates ». Ainsi, elles sont d’avis que le fait de maintenir la même mission à travers le temps nuit à toute forme de réforme.
Selon ces constats sur les résultats mitigés des réformes, il apparaît opportun de noter que les préoccupations derrière ces résultats sont nombreuses, mais peuvent se distinguer selon quatre thèmes : 1) la nature et la définition de la réforme (le contenu de la réforme) ; 2) les motifs à l’origine de la réforme ; 3) les conditions requises à la réalisation d’une réforme et 4) le processus d’adhésion à la réforme.
Dans ce chapitre, nous proposons de regarder ce qui s’est passé au cours des 25 dernières années dans l’organisation et la législation du milieu policier québécois. Ce laps de temps correspond au moment où ont eu lieu les derniers changements législatifs et le processus de révision amorcé avec le Livre vert du ministère de la Sécurité publique en 2019. Cette révision était souhaitée du fait de l’évolution récente de la criminalité, du droit, des technologies de l’information et des médias sociaux ainsi que des attentes des citoyens (Gouvernement du Québec, 2019).
Notre argumentaire procédera en quatre temps. D’abord, nous ferons état de l’organisation des services policiers après les réformes de 2000-2001 ainsi que des changements législatifs qui ont eu lieu jusqu’à 2019. Puis, nous discuterons du projet de loi sanctionné en octobre 2023 à la suite de l’exercice de consultation qui a débuté en 2020 avec la parution du document intitulé Réalité policière au Québec : modernité, confiance et efficience (Livre vert). Ensuite, nous considérerons ce que 39 organisations (services policiers du Québec, municipalités et organisations syndicales) ont proposé en réponse au Livre vert. Enfin, nous comparerons le projet de loi et les volontés des 39 organisations du point de vue du contenu et des objectifs de la réforme. Cet exercice nous permettra de proposer une réflexion sur les chances de réussite de cette réforme.
L’organisation des services policiers et la législation du milieu policier québécois de 2000 à 2019
Les services de police au Québec sont dispensés par quatre types d’organisations policières (la Sûreté du Québec [SQ], les services de police municipaux, les services de police autochtones et les services de police spécialisés) (Gouvernement du Québec, 2024). La Sûreté du Québec est un service de police nationale, ce qui lui confère un mandat unique au Québec. D’une part, elle a un rôle de support et de coordination auprès des autres corps policiers, en plus de certaines responsabilités liées à l’État. D’autre part, c’est la seule organisation policière qui offre les services les plus spécialisés en matière d’enquête (malversation, cybersurveillance, etc.), de mesures d’urgence et de services de soutien (profilage criminel, etc.). Les services de police municipaux, au nombre de 29, s’occupent quant à eux de la sécurité publique de leur territoire. Les services de police autochtones, pour leur part, sont dédiés à 44 communautés autochtones sur les 55 présentes sur le territoire québécois (Gouvernement du Québec, 2024). Enfin, les services de police spécialisés font référence à l’Unité permanente anti-corruption (UPAC), au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) ainsi qu’au Commissaire à la lutte contre la corruption. En sus de ces organisations policières québécoises, la GRC (Gendarmerie royale du Canada) peut intervenir sur le territoire québécois lorsqu’il est question de sécurité nationale et internationale (p. ex. crime organisé, terrorisme, etc.).
L’actuelle Loi sur la police (P-13.1) est entrée en vigueur en 2000 (Légis Québec, 2020). De l’avis de M. Serge Ménard, alors ministre de la Sécurité publique du Québec, il s’agissait de professionnaliser le métier. Ainsi, la Loi visait d’abord à légiférer le volet formation du milieu policier, en instaurant l’École nationale de police du Québec (ENPQ) (en remplacement de l’Institut de police du Québec). L’ENPQ devenait responsable de la formation initiale pour les patrouilleurs, les enquêteurs et les gestionnaires. La Loi prévoyait également, pour les corps policiers, l’obligation de prévoir un plan annuel de formation. De plus, elle statuait sur les conditions pour être embauché à titre de policier. Cet aspect de la loi a été créé en conséquence des recommandations émises par Claude Corbo en 1997 dans un rapport intitulé « Vers un système intégré de formation policière ».
Le second volet de la loi portait sur l’aspect éthique en milieu policier. Il obligeait les corps policiers à rédiger un règlement de discipline pour leurs membres. Ces activités de régulation des comportements policiers s’ajoutaient au contrôle de la conduite policière exercé par le Commissaire à la déontologie policière (Assemblée nationale, s. d.b). Cette organisation gouvernementale, créée en 1990, vise à réglementer les rapports entre les policiers et les citoyens et à gérer les plaintes à cet égard. Ce volet de la loi a été créé en conséquences du rapport Corbo de 1996 intitulé À la recherche d’un système de déontologie policière juste, efficient et frugal. Rapport de l’examen des mécanismes et du fonctionnement du système de déontologie policière. Les recommandations portaient sur le fonctionnement du système de déontologie, afin de solutionner, notamment, des
