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La reine de Samain
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Livre électronique597 pages7 heures

La reine de Samain

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À propos de ce livre électronique

Franck Stanislaw, jeune sculpteur, prend un tournant dangereux quand il accepte une opportunité dans la vieille usine du village. Impliqué malgré lui dans un trafic d’êtres humains, il se retrouve dans une descente en enfer entre drogue, prostitution et cannibalisme. Le présent ouvrage mêle réalité et fiction au cœur de l’Alsace, où la rencontre du business et du crime organisé offre un destin funeste à ceux qui y sont impliqués.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Puisant dans ses expériences variées, Fabrice Sobczak a donné vie à son premier roman noir, après deux années d’écriture, nous offrant ainsi un récit captivant.
LangueFrançais
Date de sortie29 avr. 2024
ISBN9791042220181
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    Aperçu du livre

    La reine de Samain - Fabrice Sobczak

    Avant-propos

    Cette histoire est une fiction inspirée de faits réels, ancrée dans le Pays Welche, en Alsace, au tout début de l’automne 2017. Cette temporalité est importante pour moi parce qu’elle annonce l’arrivée de la période sombre. Au sens propre comme au sens figuré.

    Par le biais de ce récit, vous allez découvrir une région avec ses particularités historiques et géographiques. Vous y découvrirez également différents domaines, comprenant chacun sa propre atmosphère. Je vais essayer de vous les décrire le plus fidèlement possible pour que vous puissiez y plonger de toute votre âme. J’espère que le voyage vous plaira et qu’il ne vous laissera pas de marbre.

    En choisissant ce livre, vous allez être confronté à un monde ultra violent, malheureusement très réel. Pour des raisons littéraires j’ai dû prendre quelques libertés, modifier certaines bricoles, mélangeant la réalité avec un soupçon de fiction, à vous de tenter de différencier le vrai du faux.

    Si vous pensez que je vais trop loin dans certaines descriptions, je vous conseille les livres d’Olivier Norek, ancien flic de Seine–Saint-Denis qui raconte très bien ce qui se passe dans notre beau pays. Heureusement pour vous, tout n’est pas mauvais, je vais également vous parler d’art et de musique.

    Vous avez de quoi vous faire une bonne Playlist avec toutes les références musicales contenues dans ce livre (si tant est que vous aimiez le style). J’ai essayé de rester fidèle à la temporalité des albums.

    Playlist Spotify : https://open.spotify.com/playlist/509KIU0ziPJgqu2fGCg6WG?si=32360682329748f1

    Playlist Youtube : La reine de Samain

    Certains lieux et évènements ont existé et/ou existent toujours, il en va de même pour les personnages. D’autres sont une pure invention pour les besoins de l’histoire, encore une fois, où s’arrête la réalité et où commence la fiction ? J’espère qu’en lisant ces quelques pages, certains et certaines se reconnaîtront et j’espère aussi les avoir mis dans des positions avantageuses.

    Je crois que pour se couvrir, les écrivains mettent : « Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite et involontaire. »

    Ce récit vous donnera peut-être envie d’en connaître davantage sur les différents milieux cités dans ce livre.

    « Comme le disait ma maman, ce sont les expériences qui comptent. »

    « Hannibal Lecter. »

    N’hésitez pas à faire vos petites recherches, avec les moyens que vous avez à votre disposition. Le récit n’en sera que plus vivant.

    Maintenant il est temps pour moi de m’effacer et de retourner à mes démons. À vous de jouer et de vous perdre dans l’histoire.

    Attention aux âmes sensibles.

    Attachez vos ceintures, la descente aux enfers commence maintenant…

    Prologue

    Mercredi 1er novembre 2017

    Un matin d’automne au pays Welche

    Pendant la nuit, la brume était tombée sur les grands sapins des Vosges et le soleil ne s’était pas encore montré quand Olivier sortit de chez lui. Les températures frôlaient le zéro degré pour ce premier novembre, mais ni le froid ni la brume n’aurait pu l’empêcher de se réjouir de cette belle journée en perspective. La saison du brame avait débuté tardivement cette année, du fait des températures estivales tenaces, même en montagne. Les premiers cris du roi de la forêt se faisaient entendre depuis plus d’une semaine, annonçant l’arrivée massive de passionnés de faune sauvage ainsi que d’éternels chasseurs frontaliers suisses et allemands. Les photographes allaient pouvoir s’en donner à cœur joie, restant à l’affût souvent plusieurs heures, en pleine forêt, sans bouger, espérant shooter cet animal majestueux. D’autres passionnés, moins courageux, se contenteront d’une bonne bouteille de vin rouge et d’un saucisson, assis confortablement dans un pré.

    C’était toujours incompréhensible pour les non-initiés que les chasseurs utilisent cette période pour chasser le cerf. Ce dernier avait la tête ailleurs, obnubilé par sa quête de partenaire. Il était donc facile à chasser, qui plus est, avec des armes de plus en plus performantes. La période du brame était donc la période du rut. Cet étalon ne se cachait plus pour pouvoir trouver le plus de femelles possible. Il était lui aussi en chasse, il hurlait son besoin à qui voulait l’entendre. L’animal était tellement acharné dans sa quête qu’il pouvait perdre jusqu’à un tiers de son poids. La partie n’était donc plus très équilibrée.

    À sept heures trente, Olivier était arrivé au lieu de rendez-vous : le chalet des propriétaires du lot de chasse, la famille Drey. Une famille d’entrepreneurs suisses implantés dans la région depuis plus de vingt ans. Ce jour-là, seule la mère représentait la famille, le père étant décédé une semaine auparavant, elle avait repris les rênes du domaine. À ce qu’avait compris Olivier, le fils ne s’occupait pratiquement plus de la chasse de la famille. D’autres ragots sur fond de drogue circulaient dans la vallée, mais Olivier ne prêtait pas attention à ça, seul lui importait d’être bien vu chez ses nouveaux amis. Un ragot de plus avait pris vie cette nuit. L’usine de la famille, reconvertie en salle d’exposition où était implantée la boucherie spécialisée dans la viande sauvage, avait pris feu peu avant minuit. Les villageois n’avaient pas beaucoup dormi, entre l’explosion et la multitude de véhicules de secours, la nuit avait été mouvementée. Les habitants de Fréland en avaient eu pour leur argent : son et lumière devant chez eux ! L’incendie avait été maîtrisé vers les trois heures du matin. Il ne restait plus qu’un véhicule de surveillance du SDIS de Colmar et une odeur ambiante de barbecue. Forcément, les commères avaient commencé à alimenter les histoires les plus rocambolesques. Parlant de règlement de compte, de trafic de drogue, prétextant avoir vu deux personnes sortir des flammes avant l’explosion…

    Après le débriefing du garde-chasse de la famille et le café schnaps, les chasseurs prirent leurs 4X4 et montèrent à l’assaut du point de départ de leur traque. Au bas mot, douze véhicules tout-terrain remplis ras-la-gueule de gasoil, chargés d’hommes armés, allaient s’amuser un peu dans la montagne. La journée s’annonçait radieuse. Les comptages de l’ONF étaient assez bons pour le gibier cette année et ce fut la première fois pour Olivier, depuis son arrivée dans le village, qu’il fut invité par les propriétaires. Tous se postèrent aux emplacements prévus de la parcelle en suivant les consignes dictées plus tôt.

    Tout avait été énoncé clairement : sécurité, horaires, déroulement de la journée. Évidemment, la consigne la plus importante, tacite, était qu’il fallait, autant que faire se peut, laisser le plus beau cerf aux propriétaires de la chasse. Aujourd’hui, le beau cerf était pour Anna Drey, une marche à suivre obligatoire pour pouvoir continuer de chasser à leurs côtés. Il ne fallait pas se fier à la beauté de la femme, il y avait ce petit quelque chose dans son regard qui prouvait qu’elle pouvait vous briser sur place.

    Des nappes de brume étaient restées collées aux lourds sapins tandis que le soleil pointait le bout de ses rayons. Le ciel s’annonçait d’un bleu azur, la mer de nuages descendit en plaine pour quelques heures. La vue était magnifique, même si Olivier ne tirait rien aujourd’hui, il en prendrait plein les yeux. Rien de mieux que de passer ses congés au grand air. De plus, le festin de ce soir s’annonçait mémorable au vu des convives présents. Une heure après le début de la chasse, les premiers coups de feu retentissaient dans la montagne. Sur l’autre versant, Olivier continuait d’attendre le gibier entre souches en décomposition et rochers de granit, quand il stoppa son regard. Pas de bruit, aucun mouvement, ses compagnons étaient à bonne distance.

    Il ne voyait pas très bien avec les quelques nappes de brume restantes, mais put distinguer une forme robuste et de belles flèches pointées vers le ciel. Quelques craquements discrets de feuilles se faisaient entendre. Avec de la chance et quelques pas en plus, il serait en position favorable de tir. Les sens en alerte, le palpitant à son maximum, Olivier respira profondément toutes les odeurs de la forêt, l’humus, les sous-bois. Les senteurs du sauvage étaient comme démultipliées à cet instant. D’un pas sûr, mais discret, il décida de s’approcher un peu plus. Par chance il avait le vent de face, l’animal ne le sentirait pas et ne l’entendrait pas avant que la pointe de cuivre ne se loge dans son cœur. Encore quelques pas pour atteindre une bonne fenêtre de tir, mais quelque chose le perturba.

    Toujours aucun mouvement de l’animal, il était statique, ni le son de sa respiration ni la buée de son souffle chaud ne le trahissait. Quand Olivier arriva à bonne distance de tir, la légère brise poussa un peu plus la brume, ou peut être étaient-ce les restes de l’incendie qui flottaient encore et, comme un lever de rideau, la scène se dévoila. Il tomba abasourdi devant le spectacle qui se dessina devant lui. Son cerveau le garderait en mémoire toute sa vie.

    Un gros sapin avait été couché par les vents violents des orages de cet été, lui barrant la route et ce qu’il avait pris pour le roi de la forêt était finalement une femme nue, attachée, salie, gisant là, comme fusionnée à l’énorme tronc par des cordes qui la maintenaient fermement. Son cœur avait dû lui être arraché, un écoulement sombre et visqueux luisait sur elle, partant du gouffre de sa poitrine et formant une mare qui s’étalait sous son corps. D’énormes bois avaient été attachés à sa tête. La seule idée qui traversa l’esprit d’Olivier fut de partir en courant devant ce terrible spectacle. Une branche le prit de court et il s’étala de tout son long sur le sol humide. Devant lui, à quelques centimètres de son visage, un feu achevait de se consumer et, pour rajouter à l’horreur de la scène déjà insoutenable pour le chasseur, Olivier y distingua un cœur qui gisait, partiellement calciné…

    Mardi 03 octobre 2017

    Quelque part en Pologne

    Minuit passé, il tombait un crachin d’automne sur le pare-brise des SUV de luxe et des camionnettes. César se désespérait de recevoir un jour sa petite commande. Il faisait froid, sombre et humide, un vrai temps de chien. Sans savoir quand cette mascarade allait finir, il pensait déjà aux dix heures de route qui lui restaient avant de retrouver la chaleur de son bureau. Il détestait attendre, qui plus est sans aucune autre information qu’un horaire et une coordonnée GPS. La compagnie de la vermine européenne, coincée entre des immeubles ruinés par le temps et une forêt aux arbres tortueux n’aidait en rien. Gitans, Italiens, Tchécoslovaques, Allemands et autres voyageurs impatients partageaient un bout de bitume en cette nuit sans lune. Des communautés qui avaient plus l’habitude de se faire la guerre que de se fréquenter. La violence transpirait par chacun de leurs pores. Tout le monde se regardait sans dire mot, s’évaluait, se jaugeait. Il ne manquait qu’une étincelle pour faire prendre le brasier de furie qui planait au-dessus de leurs têtes.

    Des phares brisèrent le voile de la nuit. Un convoi de tôle arriva. De vieux camions en fin de vie qui avaient, semble-t-il, été utilisés pendant les nombreux conflits des pays de l’Est. Ils crachaient leurs fumées noires et pleines de diesel en faisant des sillons aussi gros que des tranchées dans la terre trempée par les semaines de pluie. Ils furent plus d’une dizaine, suivis par un beau Hummer sorti tout droit d’un film hollywoodien à gros budget. Tous se garèrent les uns à côté des autres, prêts à déverser leur marchandise comme on ouvre les vannes des égouts. Des hommes descendirent, armés jusqu’aux dents, en treillis, les visages fermés comme des tombes. Ils se postèrent pour monter la garde autour des véhicules. Des Rottweilers à la gueule monstrueuse et aux corps boostés aux hormones aboyaient autour de ces boîtes de Pandore rouillées. Çà et là on entendait les clients s’impatienter. César ne disait rien, mais n’en pensait pas moins. Il sortit comme tout le monde de son SUV pour admirer le spectacle martial qu’il avait sous les yeux. La tête à moitié calfeutrée par le col de son manteau, le regard mauvais, il guettait tout autour de lui en se disant que la nuit le vice n’avait pas de visage.

    Quand le Boss sortit de son Hummer, César sut que les réjouissances allaient commencer. L’armoire à glace au visage lacéré par les conflits comme l’écorce d’un vieux chêne gueula à ses soldats d’ouvrir les portes des camions et tous s’activèrent. Une symphonie de tôles qui claquent et de bâches froissées s’éleva dans la nuit. Les petites fourmis aux bras armés savaient exactement quoi faire. Les gestes étaient nets et précis, tous les spectateurs purent constater qu’ils avaient devant eux de vrais soldats, sûrement reclassés dans les trafics en tout genre faute de conflits armés à proximité. Le chef d’orchestre s’installa devant une bouteille de vodka sur un banc et une table improvisée pour l’occasion, puis s’alluma un barreau de chaise à en faire pâlir un Cubain, comme si ni la situation, ni le crachin, n’avaient d’effet sur lui. Les chiens en crachaient des flots de baves d’excitation. Toutes dents dehors, prêts à déchiqueter le moindre bout de chair qui passerait un peu trop près. Les cadeaux tant attendus commencèrent à s’extraire difficilement de leur embarcation de toile et de métal. Des filles trop légèrement vêtues pour le climat polonais, certaines dans un état douteux. Elles avaient entre quatorze et dix-huit ans tout au plus. Ce que les pays de l’Est pouvaient enfanter de plus beau allait être déversé dans la nuit et la boue dans un brouhaha de cris et d’aboiements, à ne pas savoir qui gueulait le plus fort entre les soldats et les chiens.

    Toutes ces pauvres âmes se mirent les unes à côté des autres, pleurnichant et grelottant de froid ou de peur. Certaines, amorphes, avaient sans doute subi de leurs geôliers l’injection de multiples substances intraveineuses, les rendant dociles à tous les supplices qu’elles avaient pu endurer depuis qu’on les avait arrachées à leur petit quotidien. Elles allaient être inspectées par les clients et emmenées à leur nouveau destin de paillettes, de sévices et de drogues. Un beau moment de partage et de multiculturalisme. Pas le moindre petit bourgeois du beau monde bien-pensant ne pouvait s’imaginer qu’au moment où eux allaient retrouver leur lit douillet, d’autres allaient se retrouver coincés par vingtaines dans des camionnettes pour un long voyage à la fin tragique.

    Des blondes, des brunes, des rousses, les traits fins des Slaves aisément reconnaissables sur leurs visages et même des Asiatiques aux yeux en amande et aux longues chevelures noires. Preuve du brassage culturel des invasions d’hier. Elles patientaient comme de jeunes fruits sur les étals d’un marché, prêtes à être achetées et consommées jusqu’à plus soif par des clients avides de nouvelles saveurs. Les premiers clients s’avancèrent. César savait qu’il devait patienter encore un peu, malgré lui, le meilleur pour la fin comme on dit. Les Gitans et les Tchécoslovaques se servirent les premiers. Les filles les plus jeunes et les plus abîmées partirent avec eux. On pouvait les entendre se faire malmener par leurs nouveaux tauliers, mais elles ne disaient rien. Elles avaient suivi un cours de dressage intensif à coup de violence, privations et psychotropes divers depuis plusieurs semaines. Il existait des camps de redressement comme ceux-là un peu partout, dans chaque pays où les dirigeants regardaient de l’autre côté en échange de quelques milliers d’euros régulièrement versés.

    Plus le nombre de filles diminuait, plus les sacs de billets s’entassaient aux pieds du Boss qui surveillait le tout d’un regard impassible. Ce fut le tour des Italiens de faire leurs emplettes. Une vingtaine de filles à peine majeures partirent avec eux, encore une fois, sans vraiment protester. Arrivèrent les Allemands. On s’attendait presque à les voir débarquer en claquettes, chaussettes, mais ce fut plutôt le style crâne rasé, bombers, piercings et tatouages plein la face. À ce moment-là, une fille piqua une crise d’hystérie parmi les autres, elle se mit à gueuler, courir, poussant même un soldat venu la corriger. Un seul mouvement du chef de camp et les molosses furent lâchés. Une version trash des courses de lévriers, sauf que le lièvre à cet instant avait une mini-jupe et des talons aiguilles pleins de boue. À peine avait-elle pris la fuite que les Rottweilers la pourchassèrent en coupant à travers le groupe de filles. Ces dernières fermèrent les yeux pour ne pas voir le dénouement déjà tracé. Les chiens stoppèrent la furie dans sa course. Deux, trois, quatre puis cinq gueules acérées vinrent se refermer sur le corps de la jeune femme telle des mâchoires de loups sur leur proie. Tout le monde put apprécier ce spectacle de mort et entendre résonner les cris de la jeune femme au loin dans les ténèbres. Au bout d’une minute à peine, il n’y eut plus d’autre bruit que les lapements des monstres. La sauvageonne ne bougeait plus, elle n’était plus, ne ressemblait d’ailleurs plus à grand-chose ou bien peut-être à un morceau de viande passé au mixeur, déversant son liquide aqueux dans la boue et les poils. Les soldats rappelèrent leurs bêtes féroces et reprirent leur garde dans l’indifférence générale. Pas une once d’émotion ne se lisait sur les visages des tortionnaires. Les filles qui n’avaient pas encore rejoint leur carrosse doré, quant à elles, se mirent à trembler de plus belle, ne gardant plus en mémoire que l’écho des cris de douleur de leur ancienne camarade d’infortune. Le chef se leva enfin pour gueuler sur ses captives dans une langue sortie tout droit du fin fond des Carpates. Les couinements se firent moins bruyants. Il s’excusa auprès de ses clients et balança une liasse de billets aux Allemands.

    — Pour le dédommagement, dit-il en se rasseyant paisiblement.

    La boucherie fut aussi vite oubliée qu’une étoile filante par une douce nuit d’été, et les emplettes au supermarché du vice reprirent comme si de rien n’était. À deux heures du matin, quand toutes les filles furent éparpillées aux quatre vents, ce fut au tour de César. Tous les voyageurs étaient repartis avec leur cargaison de sardines vers leurs contrées lointaines. La fatigue et l’impatience se lisaient sur le visage de César et de ses sbires. Le temps ne s’était pas amélioré et la nuit était à son point le plus sombre. Le maître d’orchestre gueula sur un de ses soldats resté à ses côtés et invita César à le rejoindre à sa table de guerre. Il sortit une nouvelle bouteille de vodka et deux nouveaux cigares.

    — Merci pour le spectacle, Aslan ! dit César en prenant place. Je me demande toujours pourquoi, après tant d’années, je dois encore attendre que le ballet de la rascasse se termine pour être servi. Il y a des endroits plus agréables qu’ici pour faire notre petit business !

    Une fois qu’il eut servi les deux shooters du liquide russe et tendu un cigare à César, Aslan répondit :

    — Je suis toujours nostalgique du temps où on allait faire la guerre dans les petits villages reculés de Géorgie. Une fois qu’on avait déglingué les hommes et tout fouillé, on se faisait notre petite soupe avec les femmes du village. Tu vois, César, même si je vis dans le luxe maintenant, je garde une âme de romantique !

    — Le romantisme version tchétchène ! Je ne sais pas comment mon père a fait pour te supporter, heureusement que la qualité est toujours au rendez-vous ! Sinon je changerais de crèmerie ! grommela César. Allez, on trinque mon salaud !

    Un camion plus petit et en meilleur état que les autres arriva. Il était passé inaperçu à côté des mastodontes et se gara non loin en attente de nouveaux ordres.

    — Regarde ce que j’ai pour toi mon ami ! Les plus belles filles pour mon meilleur client, avec une spéciale pour César senior ! dit Aslan. Il leva le bras pour signifier au chauffeur de faire descendre la marchandise.

    Les portes du camion s’ouvrirent sur de nouvelles jeunes femmes. Des Slaves de qualité supérieure en sortirent, habillées un peu plus chaudement et en meilleur état, légèrement plus âgées que les précédentes.

    — Que des majeures ! Alors, qu’en dis-tu, mon ami ?

    — Bien, très très bien, fit César, l’œil brillant. Je fais quand même une petite inspection pour la forme. Je vois que tu connais toujours les goûts prononcés de mon père pour les rousses. Il en sera ravi ! Tu vas finir par le fatiguer !

    — Je lui dois bien ça, depuis le temps qu’on se connaît, il serait déçu que je ne pense pas à lui !

    César fit un rapide tour du propriétaire avant de payer sa commande et de dire à ses hommes de charger le bétail. Il connaissait les goûts de ses clients ainsi que leurs pratiques. Mis à part son camarade de chasse et patron d’un grand étoilé de la vallée de Kaysersberg, qui préférait se faire laminer le cul par de beaux mâles, tous sans exception, aiment la chair fraîche qu’il ramenait des Carpates !

    — Un dernier verre pour la route en attendant que tout soit chargé et je me casse. Ce n’est pas que je n’aime pas ton pays, Aslan, mais je le préfère en carte postale ! Na zdrowie !¹

    — Na zdrowie ! s’exclama Aslan.

    Au petit matin, tout le monde avait repris la route, laissant le champ de bataille retrouver sa quiétude. Il ne restait plus que des tranchées de boue et un morceau de viande difforme commençant sa putréfaction, pour le plus grand plaisir des animaux sauvages. César avait pris quelques kilomètres d’avance pour s’assurer de la sécurité de leur itinéraire. Il savait que la route du retour allait être longue, certes moins que pour ses nouvelles acquisitions, mais même avec tout le confort de son SUV, il lui faudrait être patient avant de retrouver sa petite vie tranquille d’entrepreneur franco-suisse.

    Sur cette pensée, il poussa le volume de la radio un peu plus fort et « Sweet Home Alabama » de Lynyrd Skynyrd envahit l’habitacle. Pas l’ombre d’un problème sur le trajet. César envoyait régulièrement des messages à Sébastien, le co-pilote de la camionnette, pour s’assurer que tout allait bien de leur côté. La toile de relations que son père et lui avaient tissée depuis quelques décennies lui permettait de transporter n’importe quelle denrée rare ou illégale sans aucun problème dans toute l’Europe. Et si vraiment un douanier faisait du zèle, il lui suffirait de passer un coup de téléphone pour que celui-ci se retrouve à fouiller les poubelles des aires d’autoroute pour le reste de sa carrière.

    Le soleil pointa le bout de son nez quand ils arrivèrent à proximité de la frontière française. À cette heure-ci et dans ce sens, il n’y eut pas de ralentissement.

    César avait fait une petite halte dans une station-service pour prendre un café et attendre sa cargaison. Ils allaient passer la frontière ensemble.

    Chose faite, la camionnette bifurqua direction Colmar, puis vers leur lieu de stockage, tandis que César prit la direction de Bâle et resta encore quelques kilomètres sur l’autoroute. On était mardi et il avait, comme toutes les semaines, ses réunions de travail en Suisse en compagnie de ses comptables, ses avocats et surtout du grand patron, son père. Une longue journée en perspective. Dans un premier temps, il allait s’occuper de la gestion drastique de ses sociétés d’extraction de minéraux en Australie et en Afrique ainsi que de ses restaurants en France. Dans un second temps, il allait veiller à ce que les employés du karting ne dilapident pas les bénéfices en offrant des coups à tour de bras à leurs amis. Puis, cerise sur le gâteau, en fin de journée, avant de retrouver sa petite famille française, il ferait un petit tour « détente » à son club. Le Black Bird. Un complexe de luxe de trois étages, situé non loin de ses bureaux qui proposait piscine, sauna et hammam avec vue sur le Jura suisse. Un bar où coulaient les meilleurs alcools et surtout ses plus belles filles, avec chacune sa spécialité des plus exotiques.

    Mercredi 04 octobre

    Trois heures du matin au pays des Bibis

    Un gros bong fit sursauter Franck dans son lit. Et cette satanée bestiole qui grignotait petit à petit le bois de son nouveau logement ! Ça faisait presque six mois qu’il habitait dans cet appartement fraîchement rénové par ses soins. Il ne s’était pas encore habitué aux craquements de la charpente métallique lors des changements de température ni aux autres bruits étranges. Franck ne dormait pas, encore excité par ses dernières activités avec la belle rousse… Violaine, qu’est-ce qu’il aimait ce prénom ! Cela lui rappelait à chaque fois qu’il était aussi beau que violent. Viol et haine dans le même prénom. Une jeune femme tout juste recrutée au service de Police de Colmar, présentée lors de sa pendaison de crémaillère par l’un de ses amis.

    Tous les ans, Franck organisait un grand barbecue avec une bonne vingtaine de convives. Anciens collègues, amis et personnes rencontrées au gré de ses activités. Cette fois-ci, c’était l’occasion de fêter l’arrivée dans son nouvel appart. Chacun apportait ce qu’il voulait et comme d’habitude, une démonstration de fonte de bronze nocturne était prévue avant que les victuailles ne soient partagées. C’était l’avantage de pouvoir bénéficier d’un logement à prix modique attenant à un atelier de cent cinquante mètres carrés, il pouvait y faire ce qu’il voulait sans déranger personne.

    Franck et Violaine avaient tout de suite accroché. Même si Violaine faisait sa grande fille sûre d’elle, Franck avait décelé en elle une fragilité naturelle. Lui pratiquait l’art de la contrainte dans les cordes et elle avait toujours voulu tester cette pratique. De fil en aiguille, ils s’étaient rapprochés, même si pour Franck c’était « la chérie d’un de ses potes », le destin en avait voulu autrement. Ce soir-là, ce fut la troisième séance de Shibari². Des cordes bien piquantes et des jeux de cire très excitants avaient agrémenté leur soirée. Rien qu’en se remémorant ces petits jeux, Franck sentit son sang se diriger vers son sexe. Il faut dire que tout était monté crescendo. Violaine était venue vêtue de ses plus hauts talons, de sa lingerie la plus fine ainsi que de porte-jarretelles très élégants, le tout savamment rehaussé d’une jupe d’écolière. Franck adorait ça, forcément son imagination allait s’en servir. Le corps des femmes était aussi une matière première pour ses sculptures. Après avoir grignoté quelques bricoles et dégusté un bon Saint Estèphe, ils avaient entamé les jeux. Violaine s’était naturellement débarrassée d’une partie de ses habits, ne gardant que le plus sexy…

    Franck avait commencé par des cordes au sol, Futomomo³ et TK⁴. Ses cordes étaient serrées et contraignantes mettant sa partenaire dans une position de soumission des plus suggestives… alternant douceur et fermeté. Il lui faisait perdre tous ses repères. Le subspace⁵ commençait à s’installer. Les yeux bandés, les membres contraints, la chaleur de la pièce faisait partir Violaine, au son lourd et pesant de « ORO », un des albums d’Uffomammut. Franck restait concentré sur les signes du corps de sa proie, ses frissons, ses gémissements le guidaient sur la marche à suivre. La température était montée d’un cran. Il avait pris ses bougies pour rajouter la douce brûlure de la cire sur la peau découverte que Violaine lui offrait. Le liquide brûlant suivait ses courbes, la faisait tressauter. Violaine partait de plus en plus loin, tout comme ses sous-vêtements. Ce fut à ce moment précis que Franck décida de la suspendre, décollage immédiat. Sa petite soumise du moment avait abandonné le commun des mortels. Elle voyageait loin de toute pesanteur, de toute douleur, elle avait complètement lâché prise. Franck était satisfait, son travail avait payé. Il avait pris du plaisir à enlacer ce corps, à le torturer. Il pouvait à présent se poser, admirer sa toile de chair et de chanvre et prendre quelques photos.

    Quelques précieux clichés nichés au fond de son appareil, il estima qu’il était temps de faire redescendre Violaine. Une douce descente, un désencordement lent et sensuel, permettant de prolonger le voyage. Les endorphines et autres substances produites par le corps pendant ces jeux feraient voyager son esprit encore de longues heures. Violaine allait être sur un nuage pour un moment. Franck tremblait. Lui aussi avait voyagé. Il devait cependant garder le contrôle. Il fallait être concentré jusqu’au bout pour qu’aucun incident ne vienne perturber leur voyage. Les liens se défaisaient progressivement, doucement, frottant la peau meurtrie de sa proie, la libérant de ses contraintes. Puis vint le moment du calme et de l’atterrissage. Toutes les cordes étaient à présent enlevées. Elles étaient sur le sol, comme des serpents cherchant une cachette pour la nuit. La « descente » faisait effet, un moment de détente mutuel ou l’esprit regagne doucement le corps des deux protagonistes. L’excitation, la frustration laissait doucement la place à la plénitude. C’était une belle séance.

    Une fois le débriefing terminé, Violaine était repartie chez elle, non sans être perturbée et légèrement frustrée, avec pour seule compagnie la nuit sombre et étoilée de ce mois d’octobre. Franck aimait faire durer la frustration. La jouissance et le sexe n’étaient pas systématiques, au grand désarroi de ses victimes d’une soirée. Lui garderait les odeurs et les images de ce moment et elle les marque de ses cordes.

    À ce moment, dans son lit, il sentit encore l’odeur de Violaine. La nuit allait être courte…

    Après quelques heures dans les bras de Morphée, le réveil sonna. Les yeux dans le brouillard, la tête dans les étoiles, Franck ne devait pas louper son rendez-vous. À huit heures du matin, il devait se rendre un peu plus loin dans les Vosges. Livrer à ce couple assez particulier la sculpture sur laquelle il travaillait depuis plusieurs semaines. Il les avait rencontrés lors d’une soirée, quelques mois auparavant. Une soirée BDSM en Suisse à laquelle il avait été convié par son nouveau propriétaire. Celui-ci l’avait présenté à ses convives comme étant un artiste sculpteur à l’âme sombre. Au fur et à mesure que la soirée avait avancé et que les basses de « Alien Vampires » faisaient trembler les murs du club, les esprits s’étaient échauffés. On pouvait y voir des dominas aux talons compensés de 30 cm et couvertes de latex promener leurs esclaves déguisés en petits toutous dociles. Dans un autre coin, une femme attachée à une croix de Saint-André s’était fait fouetter par plusieurs maîtres en poussant des cris entre la jouissance et la douleur. Des succubes habillées de chaînes et de cuir avaient cherché leur ration de sang frais. Sous l’effet de l’alcool et d’une chaleur harassante, les corps s’étaient dénudés de plus en plus. Un couple avait invité Franck à leur table. Ils semblaient au-dessus des joyeuses festivités qui se tramaient dans les recoins de la boîte. Lui était habillé sobrement, mais avec classe, un costume trois pièces agrémenté d’une montre à gousset. Il sirotait un bourbon de 20 ans d’âge. Elle, une grande blonde au regard sévère, mais aux traits fins, était habillée d’une longue robe sombre échancrée autant à l’avant que dans le dos. Ses jambes étaient sublimées par de hauts talons Louboutin. Elle sirotait un Bloody Mary et regardait avec un certain dédain ce qui se passait autour d’elle.

    Lors de cette soirée, tous les trois avaient discuté de tout et de rien. Franck avait appris qu’ils étaient un couple « libéré », en d’autres mots, un couple libertin, habitant dans un grand chalet de fuste perdu dans les Vosges. Ils y organisaient des soirées à thème pour adultes avec un noyau de fidèles amis. De temps en temps, de nouvelles âmes qui avaient le courage de venir découvrir les pratiques BDSM s’y greffaient. Ils appelaient ces soirées des « Munchs », des ateliers « impact », des ateliers « cordes »… Ils avaient questionné Franck pour avoir plus de détails sur lui et sur son art. Franck avait parlé de son mode de vie, de sa vision assez sombre de ce qui l’entourait et bien évidemment de ses sculptures. De ses lampes fabriquées à partir d’os d’animaux, de ses objets de torture en acier, de ses installations blasphématoires, de ses moulages corporels en bronze et bien évidemment de ses séances d’encordement. Le dernier sujet avait illuminé les yeux de ses hôtes. À six heures du matin, ils s’étaient tous quittés, alors que la musique battait toujours son plein dans le club. On était cependant passé à un autre registre, « Bouge » de Geneviève Pasquier faisait se tortiller les derniers courageux. Franck était reparti, des images plein la tête et une invitation de Giulia et Matthieu à venir passer un week-end de découverte chez eux.

    Le week-end d’après, c’est ce qu’il fit, en compagnie d’une jeune femme rencontrée sur un des nombreux sites de la toile. Une artiste aussi, gothique et passionnée par l’esthétique du BDSM. Ce fut un long week-end très intéressant. Pas mal de nouvelles personnes étaient présentes et les quatre coins de l’hexagone étaient représentés. Il y eut un excellent repas, où les « anciens » présentèrent leurs pratiques aux nouveaux. Les hôtes paraissaient très satisfaits du nombre et de la qualité de leurs convives. Le lendemain, il y eut quelques ateliers cordes et d’autres petits jeux soft. Tout s’était passé naturellement durant le week-end. Le soir les convives avaient même pu dormir dans des gîtes à proximité du chalet. Certains jeux s’étaient, à n’en point douter, prolongés dans la nuit. Ce fut le cas pour Maëlle et Franck. Beaucoup de fidèles avaient réfréné leurs ardeurs pour ne pas effrayer les nouvelles brebis pendant la journée. Le dimanche soir, tous les convives étaient repartis chez eux. Franck avait reçu une très belle commande de Giulia et Matthieu, commande particulière et singulière… Il était reparti avec un beau chèque d’avance en poche, sept mille euros juste pour les matières premières.

    C’était cette très belle commande qu’il s’apprêtait à livrer aujourd’hui. Tout était chargé depuis la veille dans sa camionnette. On frôlait les cinq cents kilos. Franck avait eu pour mission de faire une interprétation BDSM de « la porte des enfers » de Rodin en métal et en bronze. Ainsi les clients de Giulia et Matthieu pourraient y attacher et torturer leurs proies avec classe.

    À huit heures précises, Franck se mit en route. Après quarante-cinq minutes, il arriva à destination : le Valtin, la plus haute commune des Vosges, située entre Le Bonhomme et Gérardmer. La demeure était encore baignée dans la brume matinale. Les lourds sapins des Vosges étaient tellement denses que le soleil avait du mal à percer. Le couple l’attendait sur le perron de la bâtisse, un mug de café fumant à la main. De sa camionnette, Franck pouvait voir l’étincelle brillante du vice dans leurs yeux. Giulia était sublime, comme d’habitude, vêtue d’un long manteau de laine qui cachait subtilement une belle robe pull, se terminant sur des bottines à talon épais. Elle se tenait droite, avec une prestance de déesse. La tête haute, ses longs cheveux ondulés étaient rassemblés en une belle tresse. Matthieu, quant à lui, avait revêtu ses habits de bûcheron… Plutôt soigné, le bûcheron. Franck descendit de la camionnette et fut accueilli par ses clients, le sourire aux lèvres.

    — Bonjour et bienvenue, Franck, lui dit Matthieu en lui servant un café chaud. Je vais te laisser installer ta sculpture, j’ai du travail en forêt. Giulia va s’occuper de te montrer où tout placer.

    Franck se demanda ce que Matthieu pouvait bien aller faire comme boulot en forêt avec des habits aussi soyeux que les siens.

    — Allons-y, Franck, je vais te montrer l’endroit où tu vas pouvoir installer ta sculpture tant attendue.

    Giulia emmena Franck dans une partie de la maison qu’il n’avait jamais vue. Elle sortit une grosse clef en acier pour déverrouiller une porte en bois massif tout droit sortie d’un château fort. Au-dessus, sur un gros linteau de bois qui surplombait la porte, était inscrite en lettres gothiques une phrase tirée de la divine comédie de Dante Alighieri :

    Par moi, on entre dans le domaine des douleurs… C’est la Justice qui inspira mon sublime créateur… Vous qui entrez ici, perdez toute espérance.

    Les gonds de la porte se mirent à bouger, laissant apparaître les prémices d’une pièce mesurant au bas mot de 120 m². Des objets de torture médiévaux remplissaient l’espace. Franck put apercevoir dès l’entrée de la pièce un berceau de Judas. Une sorte de chaise pyramidale où l’on asseyait les traîtres ou les sorcières, qui mourraient le plus souvent d’hémorragie. On distinguait également, dans un coin, une chaise à clous dans laquelle se reflétait la lumière dorée d’une cheminée au feu crépitant.

    — Impressionnant, non, notre modeste salle de jeu ? fit Giulia, avec un sourire malsain.

    — Magnifique, même ! répondit Franck qui n’en revenait pas.

    — Allons, entrons, tu auras tout le temps d’admirer nos beaux objets, Matthieu ne te l’a pas dit ?

    — Dit quoi ?

    — Une fois ton installation terminée, tu restes avec nous pour le dîner, quelques amies vont nous rejoindre et tu pourras apprécier les qualités de chineur hors pair de tes hôtes ! ricana Giulia.

    Ils entrèrent, la douce chaleur de l’âtre se posant instantanément sur les deux visiteurs. Une bonne odeur de feu de bois embaumait la pièce. Franck en prit plein les yeux, des objets de torture dans leur jus décoraient magnifiquement cet espace. Il avait toujours voulu en posséder pour sa propre utilisation, en créer et bien évidemment, les tester. Pour le moment il fallait qu’il reste concentré sur son travail. D’abord l’installation de sa pièce et après la visite du musée de la torture.

    — Voilà l’emplacement prévu pour toi, un bel espace qui domine la pièce.

    — Effectivement, elle sera bien placée. Ni au fond ni au milieu, elle dominera tous les autres objets.

    Giulia posa un regard ardent sur Franck avant de s’en aller et de le laisser travailler.

    — Je suis dans le salon, si tu as besoin de quoi que ce soit. Nous avons préparé du café, un cendrier, de l’eau et quelques biscuits sont également sur la table pour te sustenter. Travaille bien, ajouta-t-elle, au coin de la porte.

    Franck commença son chantier en déchargeant les différentes pièces de sa sculpture. Ces va-et-vient lui permettaient d’admirer Giulia du coin de l’œil. Elle lisait, confortablement assise sur un canapé en cuir.

    Au bout de quarante-cinq minutes, toutes les pièces étaient déchargées dans la salle de jeu. Franck s’octroya une petite pause, se roula une cigarette. Il déambula dans cette gigantesque pièce, ne sachant plus où poser ses yeux. Une cage en acier était accrochée à une énorme poutre. Franck pouvait très bien imaginer une belle proie apeurée dans celle-ci. À côté, sur une table, une belle poire d’angoisse antique. Celle-ci devait être insérée dans l’orifice par lequel on avait « péché », anus, vagin ou bouche. En tournant une clef, on en écartait les pétales. À côté, sur la même table, un broyeur de genoux et une

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