Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Des Larmes Dans L'Eau
Des Larmes Dans L'Eau
Des Larmes Dans L'Eau
Livre électronique300 pages4 heures

Des Larmes Dans L'Eau

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Une histoire contemporaine d'amour et de découverte de soi centrée sur les personnages.

 

À l'université White Ravens, là où les athlètes s'entraînent pour passer professionnels, Alex fait partie de l'équipe de natation avec sa meilleure amie, Xiuying. Ayant grandi principalement seule, avec des parents absents et un frère occupé avec sa propre vie, Alex préfère éviter les nouvelles rencontres à moins de se trouver en compagnie de Xiuying.

Après une rencontre embarrassante avec un garçon de l'équipe de volleyball, Alex découvre rapidement que le monde est petit et que l'univers décide drôlement de quand et qui l'on croise, alors que l'on ne s'y attend pas.

Malgré son caractère timide, Alex fait désormais partie d'un groupe d'amis nouvellement formé de quatre personnes fantastiques aux identités et aux personnalités différentes. Tandis qu'elle tente de surmonter son anxiété et son passé négatif, Alex se retrouve confrontée à ses propres sentiments amoureux vis-à-vis une fréquentation récente ainsi qu'à une véritable crise d'identité.

LangueFrançais
Date de sortie28 avr. 2024
ISBN9798224288878
Des Larmes Dans L'Eau
Auteur

Margherita Scialla

Margherita Scialla (they/them) is a gen-z author born and raised in Italy. They obsessively studied languages for years, only to drastically change paths and study design at university. They now spend their days procrastinating and avoiding all and any responsibility (and getting their driving license) in order to read and write.

Auteurs associés

Lié à Des Larmes Dans L'Eau

Livres électroniques liés

Fictions initiatiques pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Des Larmes Dans L'Eau

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Des Larmes Dans L'Eau - Margherita Scialla

    UN

    J’ai toujours pensé que nager me faisait plutôt la sensation de rêver que de bouger. Je remue physiquement mon corps et lutte pour accélérer le rythme aussi précisément que possible, même si j’ai toujours senti que l’eau me poussait vers l’avant, comme si elle accomplissait tout le travail à ma place. Lorsque j’ai la tête sous l’eau, plus rien n’existe. Aucune pensée n’obstrue mon esprit. Je ne remarque plus ce qui m’entoure. Je vais de l’avant, je tourne et redonne une poussée jusqu’à ce que mes muscles brûlent et que mon corps me supplie d’arrêter.

    À mes débuts, l’idée d’être engourdie et complètement à bout en nageant me déconcertait. Je n’ai parlé de ça à personne, donc je n’ai jamais vérifié si c’était normal ou non, mais ça n’a plus vraiment d’importance. Maintenant, le néant me réconforte et l’eau est devenue mon amie.

    Dès que ma main entre en contact avec le côté de la piscine, je m’arrête et je remonte la tête à la surface pour prendre une grande inspiration. Je me tire hors de l’eau, m’assieds sur le bord de la piscine et retire mon bonnet de bain et mes lunettes en retrouvant tranquillement mon souffle. Seulement deux autres couloirs sont occupés et aucun des deux nageurs n’a l’intention de s’interrompre de sitôt. Après avoir ramassé ma serviette, je me dirige vers les vestiaires. Une longue douche chaude m’aide à me débarrasser du chlore sur ma peau. Puis, je m’habille et choisis de m’essuyer les cheveux avec une serviette plutôt qu’avec un des séchoirs. Mes cheveux noirs sont coupés sous mon menton, alors assez courts pour sécher rapidement à l’air, surtout avec la température encore chaude dehors.

    La ville de Corvol n’est pas une métropole pleine à craquer, mais elle est largement reconnue grâce à l’université White Ravens, une fac de nombreuses disciplines sportives où les athlètes se concentrent exclusivement sur l’entraînement, et non pas sur les études.

    Aujourd’hui, en ce 21 août, j’en suis à la moitié de la première semaine de ma deuxième année d’université. Bon, ce n’est pas encore la première semaine officielle. Étant donné que la plupart des athlètes qui sont ici pour s’entraîner de façon professionnelle viennent de l’extérieur, l’université ouvre souvent ses portes une semaine plus tôt pour ceux qui ont besoin de s’installer dans leur chambre avant le véritable début des cours. Durant ces journées, on nous remet nos horaires d’entraînement. Ensuite, on a la liberté de choisir de commencer plus tôt seul ou non. Selon moi, la première semaine est toujours la meilleure. Les chances sont plus minces de rencontrer des gens, surtout les personnes désagréables que je préfère éviter. De plus, la piscine, la salle de sport et la cafétéria sont à moitié vides, ce qui diminue mon anxiété sociale.

    Alors que je ramasse mes affaires dans l’optique de quitter le bâtiment, j’entends la sonnerie de mon téléphone. Je souris en reconnaissant le nom de ma camarade de chambre et meilleure amie sur l’écran.

    — Wow, t’es déjà réveillée ? la salué-je, en plaisantant.

    — Ferme-la, je me suis levée juste pour t’appeler, marmonne Xiuying d’une voix endormie à l’autre bout du fil. Si tu veux me faire chier, je retourne dormir.

    Je tente de contenir la satisfaction dans mon ton avant de reprendre.

    — Il est presque midi, c’est pas un peu tard pour être encore au lit ?

    — Je raccroche.

    — Non, attends ! crié-je, en riant. Je m’excuse !

    Je l’entends grogner et je l’imagine toujours étendue dans son lit, comme elle adore le faire, les yeux clos et le téléphone nonchalamment collé contre son oreille, tandis qu’elle serre son coussin dans ses bras.

    — T’as l’air de bonne humeur aujourd’hui, murmure-t-elle.

    — Je viens de sortir de la piscine.

    Une fois à l’extérieur du bâtiment, je m’arrête un instant. Le soleil sur mon visage me réchauffe agréablement.

    Elle émet un son endormi avant de reprendre.

    — Je ne connais personne d’autre qui travaille aussi dur pendant la seule période où les entraîneurs ne nous collent pas au train.

    — Ça n’a rien à voir avec travailler dur. J’aime simplement être dans l’eau.

    — C’est ça.

    Xiuying bâille et je lève les yeux au ciel.

    Malgré le fait qu’elle adore faire la grasse matinée chaque fois qu’elle le peut, Xiuying n’a rien d’une paresseuse ; elle fait partie de ces gens qui accomplissent leurs tâches sans dépenser plus d’énergie et de temps que nécessaire. C’est une nageuse émérite qui s’est toujours entraînée sérieusement, mais elle s’oppose aux heures supplémentaires que je consacre à la natation.

    De peur qu’elle ne se rendorme durant notre conversation, je continue de parler tout en m’éloignant du bâtiment.

    — T’arrives quand ?

    — Peut-être demain ? Ou après-demain ? Je ne sais pas trop. Je dois voir si mes parents ont encore besoin de moi au restaurant ou non.

    — Dis-le-moi avant d’arriver, dis-je, en transférant mon téléphone d’une main à l’autre pour replacer convenablement mon sac à dos, qui ne cesse de glisser. Je pourrai enlever mes affaires de ton lit.

    Xiuying a soudainement l’air complètement réveillée.

    — Tu utilises encore mon lit ? s’exclame-t-elle, d’une voix plus aiguë.

    Je contiens mon envie de rire.

    — Je n’ai pas encore rangé toutes mes choses et tu sais que je déteste les laisser traîner par terre, expliqué-je, un sourire aux lèvres. Je vais tout nettoyer avant que t’arrives, promis.

    J’entends des bruits étouffés sur la ligne, comme si Xiuying essayait de se redresser à l’aide de sa main tenant le téléphone.

    — Tu pourrais ranger et nettoyer la chambre au lieu de nager, rétorque-t-elle, dès qu’elle s’arrête de bouger.

    — Xiuying, nous sommes des nageuses, contré-je, pince-sans-rire. On nage.

    — Pas dans notre temps libre !

    Je soupire, découragée par sa réponse dramatique.

    — D’accord, je vais tout terminer ce soir. Contente ?

    — Je ne serai contente que lorsque je saurai que mon pauvre lit va bien, réplique-t-elle, tout aussi dramatiquement.

    Je secoue la tête, incrédule, mais je ne peux retenir mon petit sourire en coin.

    — Tu as regardé le nouvel horaire ? m’enquiers-je tout en analysant les chemins devant moi dans l’espoir de me souvenir de celui qui me mènerait à ma destination.

    Le campus est très organisé à plusieurs niveaux, mais, en ce qui concerne les affiches et les directives claires, c’est tout le contraire.

    — Ouais, pas grand-chose n’a changé.

    — J’ai entendu dire qu’ils nous feront nous entraîner dans la petite salle de sport du second bâtiment, reprends-je, en choisissant le chemin sur ma gauche. Au moins, on s’entraînera seules cette fois.

    — Ce n’est pas comme s’il y avait assez de place pour que d’autres s’entraînent aussi non plus, ajoute Xiuying. On sera chanceuses si toute la classe peut y entrer en même temps.

    — J’imagine qu’on le découvrira bientôt. J’ai envie de m’y pointer aujourd’hui.

    Mon amie soupire, désespérée, à l’autre bout du fil.

    — Là-bas aussi ? Tu dois te reposer, Alex. Te reposer !

    — Oui, t’inquiète, la rassuré-je. Et je n’ai jamais dit que j’allais m’entraîner, je veux juste voir la salle.

    — Je te connais, idiote. Tu ne trompes personne.

    — Oh, je ne t’entends plus ! blagué-je, en éloignant le téléphone cellulaire de ma joue. La ligne est horrible ici !

    — N’ose même pas ! hurle-t-elle.

    — Je ne t’entends vraiment plus ! Je te rappelle, salut !

    — Alexand…

    Je raccroche avant qu’elle ne termine de crier mon nom. Une seconde plus tard, je reçois une notification.

    XIUYING

    ne dors que d’un œil!

    En riant, je lui envoie un cœur. J’imagine aisément tous les jurons créatifs qu’elle crie probablement à son téléphone.

    Je tente de me souvenir de l’emplacement de la salle de sport, dans l’espoir de ne pas me perdre. Tous les bâtiments semblent identiques sur le campus et une année complète dans cette université ne me suffit pas pour en retenir le plan détaillé. Disons que mon sens de l’orientation totalement inexistant n’aide en rien ma situation actuelle. En écoutant les bavardages tout bas autour de moi, je me dirige vers la salle de sport, avec la brise qui joue dans mes cheveux presque secs. Je remarque quelques visages familiers que j’ai sans aucun doute aperçus l’année précédente, mais je n’en connais personnellement aucun.

    Je m’introduis dans le bâtiment, mais me fige un instant après quelques pas, les sourcils froncés. J’entends distinctement des sons d’équipement de sport en pleine utilisation un peu plus loin à ma gauche. Mon effroi croît tandis que j’approche de la porte de la modeste salle de sport assignée à l’équipe de natation. Je m’arrête devant la porte en verre et observe. L’endroit minuscule est rempli de jeunes hommes qui s’entraînent.

    — Est-ce que j’ai mal lu l’horaire ? marmonné-je.

    Je sors mon portable et me connecte au site web de l’université pour vérifier directement à la source, au cas où il y aurait eu des changements. L’horaire est le même et il indique clairement que ladite salle est assignée à l’équipe de natation.

    — Mais qu’est-ce que…

    — Tout va bien ?

    Je me tourne vers la voix qui m’a surprise et tombe sur un garçon aux épaules larges, à la peau pâle et aux cheveux roux ondulés. Ses grands yeux reflètent son inquiétude. Je reste momentanément ébahie par sa beauté, totalement muette.

    Un instant trop tard, je réalise que je le dévisage. Je détourne rapidement le regard, gênée.

    — Tu es avec eux ? demandé-je, en pointant les hommes de l’autre côté, mon cœur battant la chamade.

    — Oui, répond-il, un peu hésitant.

    — Pourquoi vous vous entraînez dans notre espace ? le confronté-je d’un ton accidentellement accusateur.

    Je regrette sur-le-champ d’avoir ouvert la bouche.

    Je t’en supplie, ne réplique pas sur le même ton, ne sois pas aussi dur que moi…

    — Votre espace ?

    Avant que mon esprit ne comprenne ce que mon corps fait, je lui mets mon téléphone en pleine face pour lui montrer l’horaire.

    — La salle de sport 4 dans le bâtiment 2, pour l’équipe de natation. Vous avez mal lu l’horaire ?

    Je ne contrôle plus mon ton de voix et mes phrases sortent plus dures que prévu. Je maudis la petite voix dans ma tête qui se plaint de mon comportement sans l’endiguer. Mes mains tiennent encore le portable devant le visage de l’inconnu, mais, alors que je l’observe en attendant sa réponse, je remarque qu’elles tremblent. J’agrippe l’appareil plus fermement, instinctivement, comme si les tremblements pouvaient cesser du même coup. L’expression de mon interlocuteur se durcit et il repousse doucement mon bras.

    — Écoute, je comprends que t’es énervée, mais on nous a assigné cette salle aussi.

    Il sort également son téléphone et me montre l’horaire qui, effectivement, indique que l’équipe masculine de volleyball est censée s’entraîner ici le même jour.

    Je sens les tremblements dans mes mains s’étendre dans tout mon corps et mon cœur sombre.

    — C’est pas possible, c’est sûrement une erreur.

    Mon pouls s’accélère. Je ne veux pas faire de scène — c’est déjà le cas, Alex —, mais la situation m’affecte. J’enjoins à mon cerveau de se calmer et de réfléchir, en sachant fort bien qu’il n’écoutera pas. Que doit-on faire dans une telle situation ? Comment les gens réagissent-ils lorsque leurs plans sont bouleversés ?

    Avant que mon cerveau ne trouve une réponse, le garçon reprend.

    — Si tu es seule, tu peux t’entraîner avec nous.

    Une fois de plus, ma bouche remue avant que je ne puisse l’empêcher.

    — Tu te fiches de moi ? Vous êtes tellement nombreux ! Vous utilisez déjà tout l’équipement ! Personne d’autre ne peut entrer.

    Merde, Alex. Calme-toi, tu attaques ce pauvre gars. Il n’a rien fait de mal. Tu ne fais qu’empirer la situation. Arrête, je t’en supplie.

    Pourquoi est-ce que j’argumente avec un étranger ? Pourquoi suis-je aussi en colère ? La scène est tellement humiliante.

    — Vous devez changer d’endroit, bredouillé-je, d’une voix tremblotante.

    J’ai envie de me gifler. Pourquoi suis-je incapable de la fermer ? Il reste visiblement choqué par ma déclaration.

    — Pardon ? Pourquoi on devrait changer ? On l’utilise depuis l’an passé. Ce serait plus logique que vous trouviez une autre place.

    J’ai l’esprit en ébullition. Ma bouche semble enfin à court de mots, s’ouvrant et se fermant sans but à la manière d’un poisson.

    Quant à lui, il fait manifestement tout en son pouvoir pour rester calme et poli.

    — Je suis désolé pour ce problème. C’est sûrement un malentendu au bureau des étudiants. On peut y aller ensemble si ça peut t’aider.

    Ma gorge se serre, un poids pèse sur ma poitrine. Je dois sortir. J’ai besoin de partir, n’importe où, loin de la salle de sport et loin de lui. Loin de tout le monde.

    Dans une dernière tentative pour parler, je réussis à être impolie une fois de plus.

    — Ne te donne pas la peine, je vais y aller seule.

    Je pivote et m’éloigne aussi rapidement que possible. Je me faufile dans les premières toilettes que je trouve et disparais dans une des stalles. Les mains tremblantes, je tente de verrouiller la porte, mais rate mon premier essai. Je me retourne, le dos contre la porte, et ferme les yeux très fort, jusqu’à ce que je voie des étoiles derrière mes paupières.

    — Idiote, idiote, idiote, chantonné-je tout bas, en me frappant la tête à quelques reprises. Pourquoi tu fais ça ?

    Embarrassée, je sens des larmes de frustration menacer de couler, mais je les refoule. La sensation de brûlure ne fait qu’empirer les choses.

    — J’espère ne jamais le revoir, marmonné-je, en me mordillant la lèvre furieusement. Je suis tellement stupide.

    Au lieu de ralentir, les battements de mon cœur s’accélèrent alors que je repense à ce qui vient d’arriver. Je me suis totalement ridiculisée. Je sors des écouteurs de mon sac et fais jouer la chanson d’une heure contre l’anxiété qui réussit toujours à me calmer. Je ferme les yeux et me force à me concentrer sur la chanson. J’oublie tout et je prie n’importe quel dieu qui écoute de ne jamais le revoir, parce que j’en mourrai d’embarras à l’instant.

    DEUX

    Après une trentaine de minutes, mon cœur se calme, mais je reste dans la stalle avec mes écouteurs pendant encore dix minutes jusqu’à ce que je me sente prête à retourner dans le vrai monde. Lorsque je choisis de les enlever, je suis prise d’étourdissements. Je me lave le visage à l’eau froide pour me réveiller, mais rien n’y fait. Désorientée et soudainement exténuée, je décide d’en finir et me rends directement au bureau des étudiants pour enquêter sur l’horaire. Je jette un œil hors de la salle de bains pour m’assurer qu’il n’y a personne, puis je sors à toute vitesse du bâtiment.

    Je ne suis pas arrivée à l’université depuis une semaine que je me comporte déjà comme une folle. Voilà pourquoi je passe habituellement mon temps dans l’eau, au lieu de fréquenter des gens. Lorsque j’interagis avec d’autres personnes sans Xiuying pour m’assister, je finis toujours par me conduire comme une idiote inutilement. Comme me disputer avec des étrangers à propos d’une situation qui n’est pas de leur faute, par exemple.

    C’est tellement gênant… Je me suis mise sur la défensive pour aucune raison. Ce joueur de volleyball pense probablement que je suis horrible.

    Nerveuse, j’entre dans le bureau des étudiants et me dirige à l’accueil.

    — Bonjour, commencé-je d’une voix tremblotante malgré mes tentatives pour la stabiliser. On dirait qu’il y a une erreur avec mon horaire.

    — Quel est le problème ? demande la femme derrière le bureau.

    — Ça dit que l’équipe de natation est censée utiliser la salle de sport 4 ces jours-là, expliqué-je en lui montrant l’horaire sur mon téléphone, mais il semblerait que l’équipe masculine de volleyball est assignée au même endroit les mêmes jours.

    — Laissez-moi vérifier.

    Elle se tourne vers son écran et se met à taper. J’observe les alentours tout en patientant, écrasée par ce sentiment de nervosité qui ne me quitte jamais. Une feuille de papier sur le bord du bureau dépasse de la pile donc, pour ne pas me tourner les pouces comme une statue bizarre, je la pousse sans bruit jusqu’à ce qu’elle reprenne sa place. Je me force à arrêter avant que la femme derrière le bureau ne remarque mon manège, en choisissant de jouer avec l’ourlet de mon chandail.

    — Vous avez raison, on dirait que la personne qui fait l’horaire a commis une erreur. Je leur ferai passer le message pour qu’ils arrangent ce chevauchement et qu’ils mettent à jour le site web dès que possible.

    — Merci.

    La femme me sourit et j’essaie de lui rendre son sourire, mais je me sens trop mal à l’aise pour réussir un air sincère. Après un autre merci marmonné, je quitte le bâtiment. À ma sortie, je remarque une chevelure d’un roux foncé du coin de l’œil. Je me crispe aussitôt. Mon cœur bat la chamade, avant même que je me tourne pour confirmer que c’est lui. Je cours vers l’arbre le plus près et me cache derrière. Puis, je penche la tête juste à temps pour épier le joueur de volleyball qui entre dans le bâtiment où se trouve le bureau des étudiants. Heureusement, le campus est rempli de petits jardins et d’arbres. Parfait pour se cacher.

    S’il est entré pour s’enquérir à propos de l’horaire, comme je viens de le faire, la femme à la réception lui dira sûrement qu’une autre personne est passée pour le même problème. En réalisant qu’il pourrait sortir très bientôt de l’immeuble, je retourne directement à mon dortoir. Je ne voudrais pas courir le risque de me ridiculiser à nouveau devant lui.

    Chaque fois que j’essaie d’éviter quelqu’un, l’univers se fait un devoir de faire croiser nos chemins. C’est ma malédiction et, au lieu de la tester et de risquer de le rencontrer sur le campus plus tard, je décide de battre en retraite dans ma chambre pour le reste de la journée. Je me suis déjà entraînée un peu et j’ai promis à Xiuying que je rangerais mes affaires. Ça m’a tout l’air d’être le meilleur moment, non ?

    De retour dans ma chambre, la pile de vêtements sur le bureau devant mon lit de l’autre côté de la pièce me fait de l’œil. Ma valise et le reste de mes choses se trouvent encore sur le lit de Xiuying, à attendre que je les range. Je soupire, découragée, et sors mon téléphone pour écouter de la musique. Un peu de compagnie… et de motivation pendant le ménage. Je laisse l’application choisir au hasard et ça ne me prend que quelques notes pour réaliser qu’elle a démarré ma liste de lecture de chansons pop. Pendant un instant, je cogite à savoir si je la change, n’étant pas la meilleure liste pour mon humeur actuelle. Je change rapidement d’avis, convaincue qu’elle me remontrera le moral et m’aidera à faire mes tâches. Je range tous mes vêtements dans la penderie et dépose ma paperasse, mon emploi du temps et mes produits d’hygiène sur mon bureau. Je me débarrasse de ma valise et m’assure de nettoyer le lit à présent vide de ma colocataire. Étant donné que je suis déjà debout, j’en profite pour laver le plancher.

    Dès que je finis d’organiser et de nettoyer, je sens mon ventre gronder. L’espace de quelques secondes, je m’arrête pour réfléchir à mes options. Il est trop tard pour me rendre à la cafétéria et, à cause de l’anxiété que j’éprouve quand je mange seule, je ne me sens pas assez forte mentalement pour sortir me chercher un repas au restaurant. Non, c’est tout sauf une bonne idée.

    Je ramasse mon téléphone et fais défiler les choix de livraison. Je me décide enfin sur du poulet frit. J’ai la chance que l’université laisse les entreprises de livraison circuler sur le campus. De plus, je ne suis pas officiellement au régime, le travail avec les entraîneurs n’est pas encore commencé. Ils ne seront pas satisfaits de ma silhouette la semaine prochaine lors des bilans de santé, mais hors de question que je cesse de manger du poulet avant l’heure.

    Alors que j’attends le livreur devant le dortoir, mon téléphone sonne. Encore Xiuying.

    — Allô, la salué-je.

    Un silence s’installe.

    — Qu’est-ce que t’as ? dit-elle enfin.

    Je déteste sa capacité à flairer quand je ne vais pas. Même si nous nous connaissons seulement depuis l’an passé, elle a appris chacune de mes excentricités. Elle sait que mes pensées dérivent souvent de leur chemin principal et errent là où elles ne devraient jamais se rendre. Elle comprend mon langage corporel presque mieux que moi et a toujours reconnu les changements dans mon ton lorsque je deviens fragile. Elle sait également que je ne contrôle pas aisément ma voix et que ma manière de parler ne m’enlève en aucun cas ma sincérité. Xiuying détecte particulièrement la contrariété dans ma voix. Je fais constamment de mon mieux pour garder le même ton, mais, même quand je pense avoir réussi, elle lit en moi de façon invariable. À nouveau, elle me démontre l’étendue de son talent.

    — Je suis juste fatiguée, mens-je. Je dois me réhabituer à m’entraîner autant.

    Elle sait que je mens, mais elle sait également quand ce n’est pas le moment de m’interroger.

    — N’en fais pas trop, d’accord ? ajoute Xiuying doucement.

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1