Moana reva
Par Jean Rasther
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Rasther a grandi à Luchon, dans les Pyrénées. Il poursuit des études littéraires à Toulouse, enseigne à Bordeaux, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française où il s’intéresse aux cultures ancestrales et au transgénérationnel. Il réside actuellement à Tahiti. "Moana Reva" est son septième ouvrage. Tous sont publiés aux Éditions Le Lys Bleu.
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Aperçu du livre
Moana reva - Jean Rasther
La vengeance de Hina
Chapitre I
Il était une fois, en des temps immémoriaux, une Déesse qui ne supportait plus l’exil auquel Ta'aroa l’avait contrainte.
E tāpa'o rahi tei 'itea i ni’a i te ra'i
E vahine i vehihia i te mahana 'e te marama i raro a'e i tāna 'āvae...
Un grand signe apparut dans le Ciel.
Une femme vêtue de Soleil, et la Lune sous ses pieds…
chantaient naguère les Hommes.
Sur la peau d’une pierre fleurie fut gravée un jour la sentence de Ta'aroa.
Le tronc d’un cocotier, évidé pour la recevoir, déposée en son cœur.
De part et d’autre, des têtes tranchées d’hommes.
Deux jambes vers l’arrière, pour conjurer le mauvais sort.
Deux jambes vers l’avant, pour louvoyer en compagnie des Dieux, entre Hiva' Oa et Ra'iātea.
Une pierre, que les prêtres du marae de Taputapuātea avaient reçu l’ordre d’enfouir profondément, et que fût scellée l’alliance.
Jadis vêtue de Soleil, elle foulait dans son exil la Lune sous ses pieds.
Tout là-haut, au fond d’une vallée de rocaille, on avait bâti pour elle un petit Palais dont l’architecture s’inspirait vaguement des fare ia manaha.
À l’intérieur de l’enceinte, sur des blocs basaltiques régulièrement disposés, trônaient des images en bois ou en osier tressé des plus illustres représentants du vieux culte mā'ohi.
Hina, puisqu’il faut l’appeler par son nom, vivait seule dans son royaume peuplé d’ombres.
Eu égard à son statut divin, on avait simplement permis que des enfants demeurassent à son service.
Elle les maintenait dans la plus ingrate servitude, des 'ōpūnu, de peau plus noirs que la nuit.
Elle en faisait ses pages.
Sa main les sacrifiait lorsqu’ils atteignaient l’âge adulte.
La tiédeur écarlate du sang – soutenait-elle –, entretenait la sainte incarnation qui lui permettrait de retourner vivre sans doute un jour sur Terre.
Les 'ōpūnu veillaient sur leur maîtresse à certaines heures du jour ; ils répondaient à ses menus plaisirs à certaines heures de la nuit.
Quand la Déesse prenait du repos, ils chassaient les rats qui pullulaient à cette époque sur la Lune, des rats énormes, de la taille de cochons sauvages, dont le dos était recouvert d’épines gorgées de venin bleu.
Captive, Hina le demeurait à sa façon, enfermée entre quatre murs rongés par l’humidité, dans une bâtisse sinistre, sans toit, offerte aux terribles tempêtes célestes, et au regard réprobateur de ses pairs.
L’oisiveté et surtout la rancœur aigrissaient chaque jour davantage l’âcre caractère de la Déesse.
Ceux qui avaient souhaité la punir d’un orgueil excessif ignoraient encore que l’humiliation dont ils l’avaient meurtrie ne manquerait pas de se révéler bientôt lourde de conséquences.
Hiro, en particulier, le propre frère de Hina, en subirait le premier les foudres.
N’était-il pas responsable de l’exil de la Déesse ?
N’avait-il pas fléchi Ta'aroa pour assouvir une vengeance personnelle ?
Nul n’ignorait que Hiro haïssait sa sœur depuis l’enfance, et qu’il rêvait de la voir morte en pensées, la mort, pour une divinité s’apparentant à l’oubli.
Apparemment soumise et résignée à subir son triste sort, Hina entretenait sournoisement dans le secret de son cœur le ahi du châtiment.
Chapitre II
Fiti Iti promettait la force et la beauté des 'arioi.
Hina l’avait remarqué le jour où Ta'aroa lui en avait fait don, emporté depuis Mata’ire’a vers la Lune par un pāuma, un cerf-volant, en forme de tortue géante.
Le charme de l’enfant l’avait troublée.
Elle, dont le cœur captivait les émotions comme les pièges du lac Fauna Nui de Maeva ses poissons, pour jouir ensuite du spectacle délectable de leur lente agonie, hésitait sur la pertinence du sacrifice prochain.
Une nuit, Hina exigea que Fiti Iti restât auprès d’elle.
Qu’il contemplât un clair de Terre.
À cette époque lointaine, les deux astres gravitaient côte à côte, inséparables, puisque frère et sœur dans le Ciel.
Pour preuve, Maui, le héros aux mille ruses, était parvenu à lancer un javelot sur la Lune depuis 'Orohena, le sommet le plus élevé de Tahiti.
Il s’en était fallu de peu pour que l’arme piquât le Soleil.
Courroucé d’un pareil outrage, celui-ci avait promptement dévié la course du flexible 'aute, mais le bois, trop sec et trop léger, n’avait pas permis que l’arme retombât sur Terre, et sa pointe s’était enfoncée par mégarde dans le sol de la Lune.
Alors, dans un fracas formidable, il avait emporté dans sa chute deux rochers que l’on peut encore observer aujourd’hui dans la baie Faaona, à Maupiti.
« Tu es moins laid et surtout moins stupide que les autres 'ōpū nu affectés à mon service.
Ton regard sait rester humble, soumis, déférent, comme il sied à ceux de ta caste.
Tu anticipes l’appétit de mes désirs, et cela me plaît.
Toi seul devines que me répugnent les lois de l’exil, imposé par Hiro.
Il y a longtemps, Fiti Iti,
que tu as compris que j’attendais le moment opportun pour dissiper les brumes de la colère,
et fuir à jamais la laideur de ce cachot suspendu en plein ciel,
sans éveiller les soupçons de mes invisibles geôliers.
Ô vous, frères de sang, mes gentils porcs infâmes !
Tu vas servir mes plans.
Je te sais dévoué et fidèle.
Tu sauras où est ton devoir.
Il en va ainsi de ta destinée.
Dès que tes muscles se seraient arrondis,
dès que tu serais entré dans le triste âge d’Homme,
je me serais abreuvée de ton sang,
accroupie au milieu des pierres gluantes du temple.
J’en aurais enduit mon corps.
Sang pur,
mono'i délicat,
corail de vie,
puissants arômes d’humus,
lit de fougères,
berceau retrouvé de l’enfance,
nahe des vertes mémoires.
Te here o te’Ari'i'ura,
Te here o te fenua.
Le 'ūmete aurait ensuite célébré tes entrailles.
Un festin pour mes rats au