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La noiraude
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Livre électronique262 pages4 heures

La noiraude

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À propos de ce livre électronique

"La noiraude" raconte le parcours difficile d’une enfant née peu après la Seconde Guerre mondiale. Sa peau, plus foncée que celle de sa sœur aînée, suscite l’étonnement et la prudence parmi les habitants de la campagne. La grand-mère lui attribue instantanément le surnom stigmatisant de la noiraude, donnant ainsi le ton à une histoire émouvante empreinte de défis à surmonter. Après des années de discrimination et d’intrigues dévalorisantes, qu’adviendra-t-il de cette héroïne solitaire ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Dans son adolescence, Nadine Bellard se divertissait en composant des mots pour donner naissance à des phrases rythmées et vivantes. Par la suite, elle s’est plongée dans l’univers enchanteur de la littérature, développant ainsi une curiosité insatiable pour explorer la magie des livres.
LangueFrançais
Date de sortie19 janv. 2024
ISBN9791042214524
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    Aperçu du livre

    La noiraude - Nadine Bellard

    Nadine Bellard

    La noiraude

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Nadine Bellard

    ISBN : 979-10-422-1452-4

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Les miracles n’existent pas, ou alors ailleurs, mais pas ici.

    Le ciel est bas. Il fait triste : pour ceux qui sont sensibles au temps qu’il fait, on dirait qu’il a mauvaise mine. Qu’il file un mauvais coton, comme certains des acteurs de cette histoire…

    Qui sont ces acteurs ? L’Homme, la mère, l’amoureux et la cadette (appelée aussi la noiraude).

    C’est au tout début du mois de novembre 1950. La France essaie de se reconstruire après 5 ans passés en conflit contre les nazis dans cette campagne périgourdine. Relever la tête est très difficile, tant les séquelles matérielles, humaines sont importantes. Ils sont pressés de mettre du temps entre le départ de l’occupant et la création d’une toute nouvelle vie pleine de libertés. Oublier que pendant ces dernières années, une armée allemande a fait la loi sur le territoire français.

    L’évolution positive commence à se voir : tout est en chantier au niveau des infrastructures routières et des bâtiments publics. Dans la tête des habitants, la reconstruction du pays sera très longue même si le plan Marshall 1947 y aide beaucoup. Ils n’oublieront pas de sitôt.

    Au niveau du citoyen lambda, chacun préserve le peu qu’il a pu sauver de l’invasion nazie et par là, il essaie de se débarrasser des mauvais souvenirs laissés par les troupes d’occupation, sans oublier comment se nommaient les occupants…

    Aujourd’hui, 5 ans après le départ de l’ennemi, la naissance à la maison d’une petite fille va bousculer le quotidien. Surtout le sien. C’est une enfant conçue dans un acte d’amour, mais entre deux personnes qui sont amoureuses dans le péché.

    On est chez un couple de grands-parents d’une cinquantaine d’années. Lui a construit de ses propres mains leur maison (il est maçon) et il héberge temporairement, avec sa femme, la cadette de ses filles qui va donner naissance à un enfant dans les quelques jours qui arrivent.

    Cette jeune femme, de pas tout à fait 17 ans, va avoir un nouveau bébé, alors que la première fille marche à peine : elle n’a que quinze mois. Elle est mariée sans amour depuis à peine trois ans à un homme de 6 ans son aîné.

    L’enfant qui va naître devrait être un enfant de l’amour, mais il est interdit par les codes de vie autour de lui. C’est un enfant adultérin qui pointera son petit nez. C’est un accident de parcours d’amour entre deux êtres, mais ce bébé, tellement différent de par son visage tout bronzé au milieu de têtes blondes aux yeux bleus souffrira toute sa vie durant, des conséquences de sa différence.

    Pour lui, ce ne sera qu’anxiété, mal-être, recherche un peu désespérée de l’amour. Il sera surnommé par des proches mal intentionnés « la noiraude » ; pour le lecteur, il sera appelé « la cadette » puisqu’elle naît deuxième dans une fratrie de 4, « grosse tache brune » parmi des têtes très blondes à la peau très claire.

    C’est l’époque des accouchements faits à la maison.

    Les jeunes parents n’ont pas les moyens de payer les frais obligatoires dans un hôpital. Ce couple vit toute l’année quelque part dans une certaine indigence, à une quinzaine de kilomètres des grands-parents. Leur habitation est une masure sans fenêtre, ancienne remise à peine transformée pour l’occasion. La gamine, jeune maman, y a élevé, comme elle l’a pu, la petite de 15 mois au milieu des crottes de poules au sol et autres saletés, le sol étant en terre battue.

    Là, elle est couchée à peu près confortablement au rez-de-chaussée de la maison maternelle sur une paillasse composée de côtes de maïs. Elle fait face sans trop hurler aux douleurs de l’enfantement que certaines personnes qui ne sont pas passées par là (par exemple les religieuses) appellent « le mal joli ». Ah bon !

    À un moment de l’après-midi, le grand-père attelle la carriole de Jojo et ils partent ensemble chercher la personne nantie de l’expérience nécessaire pour accueillir dans de très bonnes conditions ce nouveau venu sur la terre.

    En voyant arriver la carriole dans sa cour, cette dame « magique » quitte très vite la ferme où elle vit avec sa famille pour attraper son sac, prêt en permanence. Elle est l’accoucheuse du coin ! Elle sait qu’une naissance n’attend pas, surtout chez une jeune femme dont c’est la deuxième grossesse très rapprochée !

    Dans la grande cuisine à côté de la chambre de la future maman, la future grand-mère s’affaire pour préparer les linges nécessaires. L’eau chauffe dans un chaudron dans la cheminée. Pendant ce temps, la petite de 15 mois qui va devenir la sœur aînée dans très peu de temps, marche à quatre pattes sur le sol. Elle est surveillée par sa tata qui est une des filles des grands-parents. La tata a tout juste 18 ans et déjà 2 enfants qui sont sous la garde de l’autre grand-mère.

    Dans cette famille composée de quatre filles et d’un garçon, les mariages se font de très bonne heure, surtout pour les filles, tout juste l’âge légal. La réalité économique est que ce sont des bouches à nourrir, même si elles aident à la ferme autant de fois que c’est nécessaire. Elles sont allées à l’école jusqu’au Certificat d’études primaires, diplôme qu’elles ont obtenu ou pas. Quoiqu’il en soit, ce cap passé, elles arrêtent la scolarité et se retrouvent à la maison toute la journée. La grand-mère ne leur donne pas de consignes ni de conseils pour s’occuper d’une maison. Elle ne sait pas le faire. Elle ne se plaît pas à l’intérieur de quatre murs, mais plutôt dehors, à nettoyer la paille sous les 4 vaches dans la grange, à ramasser des pissenlits, ou à sarcler un rang de choux.

    Elle ne connaît rien aux activités faites dans la maison par exemple, la broderie, ni le crochet et encore moins le raccommodage ; par nécessité absolue, s’il fait très froid, elle tricote à l’aide de cinq aiguilles des bas en récupérant la laine sur d’autres chaussettes.

    Ces 4 filles ne doivent pas être des poids morts, budgétairement parlant pour les parents. Il faut qu’elles se marient le plus tôt possible. Alors, les maris prendraient à leur charge la vie des filles qui deviendront rapidement des femmes avec des enfants. Pas mal d’enfants.

    Le temps est à l’économie aussi. Un centime. C’est un centime…

    Mais les enfants naissants ou à naître composeront la population française.

    L’accoucheuse, transportée sur place, prend immédiatement les commandes et fait des va-et-vient pour réaliser les aménagements nécessaires.

    La jeune future maman souffre énormément quand la poche des eaux se rompt, signe que le bébé manifeste de grandes envies de respirer l’air ambiant.

    Et à 19 h 30, il naît ou plutôt, elle naît. C’est une fille et elle crie… Elle pèse un bon poids ! Elle n’est pas dans la catégorie du chat écorché vif. Elle a de bons bourrelets comme il sied à tout bébé de cette époque. La coupure du cordon ombilical se fait tout naturellement.

    Rapidement, la « sage-femme » s’occupe de la nouvelle maman pour l’expulsion du placenta et confie à la grand-mère le soin de faire la toilette à cette petite fille. Cela se passe dans la pièce, dans une bassine en métal emplie d’eau chaude.

    L’accoucheuse a presque terminé sa tâche.

    Elle rappelle à la nouvelle mère l’heure de naissance, 19 h 30, heure qui est importante pour faire la déclaration à l’état civil.

    Elle est quand même étonnée de constater la couleur de peau de la petite ; elle est bien bronzée, elle a un regard assez profond noir et a des cheveux drus sur la tête. Mais elle ne commente pas les réflexions faites par la grand-mère qui constate la même chose qu’elle. En aparté, elle se demande seulement si la fille cadette de la maison n’a pas changé de mari, entre deux grossesses, espacées de quelques mois ! Il y a un tel contraste avec l’aînée qui est blonde, à la peau bien blanche et aux yeux bleus ! C’est édifiant !

    Mais, discrète et prudente, elle continue à garder le silence.

    Comment réagir vis-à-vis de la famille ?

    La grand-mère emmaillote chaudement la petite, la pose sur le côté droit de la jeune maman. C’est une époque où, dans ce milieu très pauvre, après sa naissance, un bébé n’a pas droit au couffin ou au berceau recouverts des broderies anglaises et de rubans.

    La grand-mère court dans la cuisine parler de cette « découverte » avec le grand-père qui vient de rentrer après avoir travaillé à la préparation de la cuve à vin. Il est accompagné d’un voisin venu lui donner un coup de main.

    La sœur aînée de la nouvelle maman (la tata de service) mise au courant de la découverte de ce bébé bronzé, dit qu’elle est ainsi à cause des difficultés de l’accouchement, et que ses rougeurs disparaîtront dans quelques semaines.

    Que nenni, dit la grand-mère, elle gardera toujours ce faciès ! Elle n’utilise pas ce terme. En patois, elle parlera plutôt de trogne, ce qui est défavorable…

    Elle décide immédiatement de l’appeler non pas par son prénom qui sera déclaré bientôt en mairie, mais par la « noiraude » estimant que c’est moins choquant que la négresse.

    Ainsi va la vie !

    Le manque d’ouverture d’esprit qui développe excessivement une certaine forme de racisme ne facilite pas la pratique du droit à la différence. Il y a également les informations qui n’arrivent pas jusqu’à eux dans cette campagne périgourdine où on a peur de tout ce que l’on ne connaît pas.

    C’est ainsi que la deuxième fille de la sœur cadette se retrouve étiquetée, tel un vulgaire emballage de rôti. Ignorante de ce que la grand-mère cogite, la mère de l’enfant est au repos après tous les efforts fournis. Heureusement, elle ne se rend pas compte que l’enfant sorti de son ventre déclenche une polémique animée et activée par la grand-mère. Elle l’a à peine regardée !

    Plus tard, en début de soirée, le grand-père raccompagne l’accoucheuse jusqu’à sa ferme ; elle sera rémunérée en nature. Cela peut être une oie de la basse-cour pour la Noël, ou du lapin pris dans les clapiers. Cela peut être également un quart du cochon quand ce sera le moment pour lui de rendre aux humains ce pour quoi il a été engraissé. Cruelle destinée !

    Malheureusement, cette dame ne restera pas discrète longtemps : en peu de temps tous les alentours sauront que la fille cadette du Pech a mis au monde un enfant bizarre, plutôt noir, genre nègre.

    Heureusement que le grand-père possède de l’humanité que d’autres n’ont pas ou plus ou n’ont jamais eu. Il aura l’intelligence de n’accorder aucune importance à cette différence de teint, de carnation, différence qui est extérieure et non pas intérieure.

    La soupe aux pains est prête à être servie, mais il manque un convive qui a beaucoup de retard. C’est le nouveau père…

    Un bruit de moto qui pétarade et il arrive. Il ne s’excuse même pas et va directement s’asseoir à la table quand le grand-père lui donne la grande nouvelle : il est à nouveau papa.

    Sous le regard insistant des grands-parents, il se sent obligé de se lever… Alors, il pousse la porte de la chambre, regarde vaguement sa femme allongée, n’accorde aucun regard au bébé (et il vaut mieux) et ressort quelques minutes après en réclamant l’apéritif (qui ne lui sera pas servi, car il a déjà son compte !).

    Il ne s’en rend pas compte ou il ne veut pas voir qu’il y a un autre enfant pas très loin, à table lui aussi : la première fille. Il ne la regarde jamais ! Elle est là, c’est bien, mais elle n’a pas intérêt à faire du bruit.

    Si, dans sa sphère bien embrumée d’alcool, il a un sursaut !

    Il comprend finalement que sa femme a mis au monde deux filles appelées aussi inélégamment « pisseuses » ! Et c’est de sa faute à elle.

    La soupe est servie à la jeune maman. Elle a beaucoup de peine à se redresser sur ses deux coudes pour la manger. De l’autre côté, dans la cuisine, la tablée se forme silencieusement. Le grand-père vient de s’apercevoir encore une fois que le nouveau papa est ivre, au point de louper la chaise et de se rattraper in extremis aux bords de la table. Il titube et ne fait pas honneur à la soupe, l’alcool lui servant de nourriture. Ce n’est pas la première fois qu’il se met dans des états pareils.

    Mais pour ce beau-père, c’est un constat qui le navre.

    Il vient, vraiment, de prendre conscience de l’importance du besoin d’alcool, de son gendre, de sa recherche de l’ivresse, au point de le rendre muet ou agressif. Et au niveau de l’agressivité, il a fait une démonstration la nuit même où il fêtait son union avec sa fille. Avec des acolytes de la même trempe, il a tout contesté : le menu préparé et servi, le manque d’alcool. Cela a été un prétexte suffisant pour casser du matériel sur place. Ensuite, couchés directement sur le sol, ils ont cuvé jusqu’au matin.

    Sacré début de lune de miel !

    Aujourd’hui, sa famille s’est agrandie et il paraît amorphe, sans réaction comme si cela lui passait au-dessus de la tête. Il a dit à plusieurs reprises que les gosses ne doivent pas perturber sa vie. Il ne veut pas être encombré par des obligations créées par la vie des petites filles. Dans sa tête, il a une femme qui lui rend des services purement hygiéniques tous les jours, mais cela s’arrête là. Il ne veut pas être concerné par tout ce qui « découle » des actes sexuels qu’il pratique abruptement, pour ne pas dire brutalement, sans se poser de questions, à part la recherche de son propre plaisir.

    C’est un homme qui ne supporte pas la frustration et cette sensation est exacerbée par l’alcool. Il est inconscient des conséquences de ses actes sexuels.

    À cette époque sans contraception, avoir un rapport sexuel sans le diaphragme ni les calculs de l’ovulation, c’est à tous les coups qu’on gagne ! Un bébé va naître 9 mois après alors que l’avortement est interdit, et s’il est pratiqué c’est avec de gros risques pour la femme. Et il n’y a pas un sou dans le foyer.

    Lui, l’Homme, ne veut pas entendre parler des sensibilités que peut avoir une femme, de la peur de la grossesse qu’elle éprouve à chaque acte sexuel.

    Difficile pour la femme d’éprouver du plaisir dans ces conditions…

    ***

    Ce soir-là, le 9 novembre, il a besoin de cuver son vin avec un bon sommeil réparateur.

    Sans dire un mot, il va s’allonger sur le lit de sa femme, alors que la grand-mère prévoyante a couché peu de temps auparavant le bébé sur une table voisine. Ce dernier passera sa nuit-là, en vagissant pas mal, ce qui obligera la nouvelle mère à se lever pour lui donner le sein afin qu’elle se calme avec le colostrum. En se levant, elle ne réveillera même pas l’homme de la famille qui dort la bouche ouverte en ronflant bruyamment.

    Affligeant spectacle du conquérant !

    Elle ne peut s’empêcher de penser que le mariage auquel elle est soumise comporte beaucoup d’obligations pour les femmes. Et que ces obligations lui pourrissent la vie.

    Le lendemain matin, le 10 novembre, de fort bonne heure, la moto pétarade de nouveau et l’Homme part avec la consigne formelle d’aller déclarer la naissance de la petite aux services d’état civil de la ville de Sarlat.

    Pendant ce temps, la nouvelle maman s’inquiète de savoir où la petite de 15 mois a passé la nuit et elle se met debout, prête autant que possible à assumer son rôle. Dans la cuisine, elle voit la grand-mère avec l’enfant qui boit un biberon avec le lait de vache de la ferme. Tout va pour le mieux de ce côté-là.

    L’Homme, lui, se rend sur le chantier et déclare son impératif besoin de partir de bonne heure pour les services d’état civil… Le contremaître donne son accord, sans aucun souci. À l’heure prévue, il enfourche sa moto et commence à rejoindre le café où il a ses habitudes, tout le monde se réjouit de la naissance et lui, boit un nombre incalculable de verres à la santé du bébé. Il n’a pas besoin de ce prétexte pour boire ! Il se rend ensuite dans les locaux de la mairie de la petite ville quand va sonner 15 heures, heures de fermeture des bureaux. L’employé, grincheux, ne veut pas enregistrer ce qu’il dit, sous le prétexte que l’heure est passée et que sa machine à écrire n’a plus de papier disponible. Le nouveau père insiste tant et tant que l’employé cède en lui enjoignant d’être rapide ! Lui, s’énerve et l’alcool ingurgité lui monte à la tête : il déclare solennellement que le bébé a vu le jour le matin du 9 novembre à 7 h 30 du matin. La réalité est autre, la « sage-femme, accoucheuse » a été témoin de ce que l’évènement s’est passé au moment de l’apéritif du soir, à 19 h 30.

    Qu’importe ! L’Homme repart avec l’extrait de naissance qu’il range dans son portefeuille.

    Personne ne s’apercevra de cette erreur. L’Homme le premier ; il ne sait pas lire, il est incapable de présenter un papier dans le bon sens. Dans sa jeunesse, il a été peu présent à l’école. Ses parents, ne croyant pas beaucoup à la valeur de l’enseignement, préféraient les garder, lui et ses frères pour qu’ils travaillent tous aux champs.

    Sa mission accomplie, il repart faire une halte au café où il retrouve ses copains de boulot, tous des adeptes, comme lui, de la boisson alcoolisée ingurgitée jusqu’à l’ivresse, ou une sorte de coma !

    Le début de soirée arrivant, il songe à rentrer chez les grands-parents retrouver sa femme. Il est dans un état bien imbibé et la moto, fidèle partenaire, remplit son rôle. Elle le conduit le mieux possible, en évitant les embardées, jusqu’à cette maison en haut de la petite colline. C’est là qu’il a connu sa femme, là qu’il s’est marié, là qu’il arrive avec sa famille à chaque fois qu’il y a une naissance de prévue.

    Ce fil, qu’il sait avoir à la patte, lui pèse déjà énormément, car il engendre des frustrations, des obligations, de la responsabilité à prendre quand on a une femme à qui on fait des enfants. Et lui, il ne veut pas être contraint à faire des choses qu’il n’a pas lui-même décidé. Est-ce de l’immaturité ? Ou est-ce un égocentrisme forcené ?

    Il sait que le séjour dans la maison des grands-parents va se terminer rapidement, car la famille doit regagner la location qu’il a prise, lui, de son propre chef, près de ses propres parents. Le mari est le chef de famille, donc il décide de tout.

    Cette location est bien loin d’être un palace ; elle s’appellerait plutôt cabane genre moyenâgeuse ! Avoir une habitation indépendante est la seule exigence de la maman. C’est une entorse aux traditions puisqu’il est tout à fait courant que la mariée vienne vivre avec ses beaux-parents. Mais les connaissant, un vent de révolte est passé par elle et elle a gagné, du moins sur cette petite partie ! Mais quel cadeau !

    Les parents du marié exploitent une petite ferme en pleine campagne ; ils ont beaucoup de peine à en extraire de quoi vivre décemment, et dans cette toute petite maison extrêmement modeste vivent les deux frères adultes du marié qui occupent des petits boulots très mal rémunérés qui ne leur permettent pas de prendre leur indépendance ; ces jeunes n’ont guère fréquenté l’école (comme le marié) et ils affichent une mauvaise réputation qui se vérifie par de longues séances de dégrisement au poste de police : ce sont de grands buveurs de tout, surtout de vin qui est produit directement sur les terres des parents. Les parents eux-mêmes ont un usage immodéré de la boisson. Ils sont la plupart du temps entre deux vins, ce qui les rend peu loquaces et souvent chancelants.

    Lorsque la jeune maman a effectué une visite pour être présentée, malgré une grande méconnaissance de la vie, elle s’est aperçue de leurs dérives.

    Son propre père n’a pas de problèmes avec l’alcool.

    Le 4e jour après la naissance, l’Homme décide qu’il faut rentrer. Il n’a toujours pas accordé un regard aux deux petites. Les derniers jours avant le départ, la jeune maman entend sa mère parler de la différence de carnation entre les deux petites. Mais en plein post-partum, elle n’est pas très

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