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Todora, t3 - La fleur du Nil
Todora, t3 - La fleur du Nil
Todora, t3 - La fleur du Nil
Livre électronique325 pages3 heures

Todora, t3 - La fleur du Nil

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À propos de ce livre électronique

ABYDOS, ÉGYPTE ANTIQUE
1961 av. J.-C.
Alors que débute la saison des moissons, les émeutiers brûlent et pillent les villages le long du Nil. Proclamé pharaon, Sésostris tente par tous les moyens de ramener l’ordre et d’arrêter ses frères à l’origine de la rébellion.
Accompagnant la reine Néférou, Todora se retrouve au centre des machinations de la prêtresse Senet et de la concubine Didit qui menacent de dévoiler sa réelle identité. Mais puisque la délégation royale vogue vers Dendérah, Todora devra affronter le passé qu’elle a désespérément tenté de fuir.
Comment la musicienne pourra-t-elle avouer ses véritables sentiments sans trahir ceux qu’elle protège?
Secrets, mensonges et sensualité sont au rendez-vous dans l’audacieuse conclusion de cette captivante trilogie.
LangueFrançais
Date de sortie15 août 2023
ISBN9782898181290
Todora, t3 - La fleur du Nil
Auteur

Chanty Richer

Chanty Richer est une auteure passionnée de mots et d’aventures. Dans ses récits, elle rallie ses intérêts pour la danse, la musique et l’histoire en mettant en scène des personnages forts issus de différentes périodes. Elle vit dans la magnifique vallée du Richelieu.

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    Aperçu du livre

    Todora, t3 - La fleur du Nil - Chanty Richer

    PROLOGUE : UN CAPITAINE

    EN PROIE AUX DOUTES

    Àbord du bateau qui cinglait en direction de la ville sacrée d’Abydos, je réfléchissais. Libéré de mes responsabilités de capitaine, je pouvais enfin me livrer à mes pensées. Ses voiles gonflées par le vent du nord donnaient un répit aux muscles endoloris des rameurs. Bien que la tension à bord soit palpable, aucun membre d’équipage ne se pressait. La procession royale remontait le courant du Fleuve, comme si elle laissait ce vent tiède la porter avec une lenteur solennelle. Les habitants saluaient à notre passage, hélant Sésostris, mon nouveau roi, comme le Dieu vivant qui illumine les Deux Terres.

    Sous mes ordres, les soldats combattront pour défendre leur roi.

    L’heure était au bilan, au retour sur moi. Le pays était déchiré par la guerre. Sésostris avait ordonné aux troupes d’établir notre campement militaire avant d’atteindre Thèbes, la « ville aux cent portes », là où les princes renégats Méhi et Pakharou s’étaient retranchés après avoir fomenté leur insurrection scélérate. Pour ma part, j’irai rejoindre l’armée du général Montouhotep qui nous attendait à Abydos. Ce dernier m’avait confié le commandement d’une unité de deux cents hommes, moi, un simple capitaine, ancien gardien du harem royal. Je devrai être prêt et lui prouver que je ne suis pas un incapable. Il me faut coûte que coûte réparer mes impairs et rétablir mon honneur. Comment ai-je pu laisser approcher les rebelles jusqu’aux portes du palais lors de ce triste banquet interrompu abruptement ? Je me le demande encore. J’aurais dû tuer le prince Pakharou lorsque j’en ai eu l’occasion ! Le général Nesmont et lui s’attendent à ce que je débusque les émeutiers qui se cachent dans les maisons de la ville. Comme il faut parfois mettre le feu dans la paille pour chasser les rats, je n’hésiterai pas un instant à employer les moyens les plus forts s’il le faut.

    Mais l’équilibre de Maât est en péril. Depuis les tragiques évènements du banquet, conflits armés, assassinats de dirigeants alliés et détournement des trésors sont devenus mœurs courantes. L’ordre et la paix ne sont plus de ce temps. Le pays brûle, les villageois sont mécontents, même les plus fidèles esprits se rebellent. Plusieurs courtisans thébains ont choisi de se rallier aux princes dissidents. Ah les misérables ! Que ces sales traîtres soient dévorés par les crocodiles !

    Les princes Méhi et Pakharou restent, pour le moment, introuvables.

    J’ai fait ce que j’ai pu pour les repérer, mais chaque fois ils m’échappent, comme si les princes savaient d’avance où mes hommes allaient porter le bronze et le feu. Un traître se cacherait-il dans nos rangs ? Comment m’assurer de la fidélité de mes hommes ? Comment éviter une folle paranoïa ?

    Tu as tendu la main à une vipère, Sebekkhu, et tu t’es fait mordre ! m’aurait sagement soufflé à l’oreille ma mère si elle était encore de ce monde. Elle aurait eu raison. Si j’ai fait preuve de faiblesse, ne serait-ce qu’un instant, cette défaillance est impardonnable. Jamais plus je ne relâcherai ma garde. Jamais plus je ne fermerai l’œil. J’ai fait confiance à la belle aux yeux d’émeraude. Le poignard retrouvé dans la cellule de Nani, la fille du vizir, est la preuve que Todora m’a trahi. Todora m’a trahi ! Ou devrais-je l’appeler par son vrai nom ? Rekhfet ! Du moment qu’elle a aidé une meurtrière au sein du palais royal, elle a trahi son roi ! Ô le crime odieux ! Pourquoi ne l’ai-je pas dénoncée ? Suis-je complice à mon tour ?

    Je sais que Todora voyage sur le bateau de ma reine, et sous sa protection. Bien des rumeurs circulent au sujet de la sounou depuis qu’elle a accouché de l’enfant mort-né. Les vents du désert semblent murmurer qu’elle porte malheur, qu’elle joue avec le dieu du désordre, Seth le traître, et qu’elle a ensorcelé le roi. Je ne peux m’arrêter à cette pensée sans être affecté plus que j’aurais espéré.

    Parfois, son odeur de lavande vient hanter mes nuits sans lune. Je prie les Dieux de venir à mon secours, de faire disparaître en moi l’envie pressante de goûter ses lèvres et sa peau dorée. Je me rappelle ses yeux verts suppliants qui me regardaient le soir du banquet. Transie de surprise et de douleur, elle n’avait pas nié les allégations. C’était bien elle qui avait laissé le poignard dans la cellule d’une criminelle, lui permettant ainsi de tuer son geôlier et de fuir la justice du roi. Nous nous reverrons dans la Douat, chère Todora, si les Dieux nous accordent ce privilège.

    Mais que voit Râ lorsqu’il pose son regard divin sur nous, pauvres mortels ? Lorsqu’il plonge ses rayons sur la procession de barges et de barques dorées. Sonde-t-il nos cœurs ? Les perce-t-il à jour ? Découvre-t-il tous les secrets, les violences et la cruauté qu’ils recèlent ? Peut-être nous juge-t-il durement ? Ou bien nous pardonne-t-il ? J’ose espérer qu’il voit surtout notre humanité, avide de pouvoir, de passion et de désirs.

    Je suis Sebekkhu, capitaine de l’armée du roi, et je m’apprête à tuer nombre de mes semblables.

    ET PIQUENT LES MOUCHES

    La poussière asséchait sa langue et sa gorge au point qu’il avait oublié la fraîcheur de l’eau et le goût de la douce bière zythum sur son palais. Lorsque le vent et les grains de sable cessaient de fouetter sa peau, les mouches sortaient de terre pour venir le piquer sans arrêt. Lorsque ce n’étaient pas les démangeaisons, l’enflure et la rougeur qui le rendaient fou, la fièvre qui suivait suffisait à miner son moral et à exacerber son envie de fuir.

    Par trois fois, Oudi avait tenté de s’évader. Chaque fois, les Nouous, ses geôliers à allure austère et à la dague affutée, avaient lancé leurs chiens féroces à ses trousses. Chaque fois, le Libyen avait été rattrapé.

    Attachés par une laisse solide au poignet de leur maître, les molosses aboyaient sans cesse et si forts qu’ils étouffaient les cris et les lamentations des prisonniers. Ils avaient été dressés pour empêcher quiconque d’entrer ou de sortir du chantier. Si un des prisonniers prenait ses jambes à son cou, on relâchait immédiatement les chiens coureurs derrière eux. En peu de temps, le fugitif était trainé et ramené au campement comme du simple gibier, les crocs du cerbère plantés entre la chair et l’os. S’abattaient ensuite les coups des gourdins sur son dos, meurtrissant ses chairs, écrasant ses désirs de liberté. Après avoir reçu l’ordre de ne pas trop endommager les esclaves, les Nouous s’assurèrent de frapper à des endroits qui permettaient aux prisonniers de continuer à travailler.

    Ainsi, Oudi, l’œil enflé et cerné de noir, les cheveux brun-roux couverts de poussière, piochait ardemment la roche avec son outil rudimentaire de cuivre. Tandis que les insectes picoraient son dos couvert de plaies et d’ecchymoses, il jetait parfois des regards furtifs vers le surveillant nubien. Comme il aurait aimé ficher la pointe acérée de l’outil dans le crâne de ce surveillant qui, du haut d’un monticule tout près, le fixait avec hargne à la suite de ses tentatives d’évasion.

    Le Nubien sentit ce regard mauvais sur lui et, dans un cri de rage, il botta une pierre en direction de l’étranger.

    — Hey le libou ! Qu’est-ce que tu regardes comme ça ? Au travail !

    En guise de réponse, Oudi fracassa la pierre de bekhen à ses pieds en y mettant toute sa colère, tant et si bien que des éclats heurtèrent ses orteils meurtris par le labeur et la marche incessante.

    Les prisonniers de guerre avaient été transportés comme de vulgaires marchandises depuis la capitale jusqu’au port de Coptos, au sud de Dendérah, puis forcés de franchir à pied la vallée du Ouadi Hammamat qui traversait le désert oriental. Là, une route commerciale sillonnait les montagnes jusqu’au port de Sâou, en mer Rouge ; à partir de cette route, on acheminait les trésors du Pays de Pount. Les précieux marbres, rouge ou vert, et le granit blanc, qui servaient à édifier de grandes statues à l’effigie des rois, étaient exploités depuis les premières dynasties. Pendant que, les sandales dorées aux pieds, les rois se prélassaient dans leur palais, les prisonniers de guerre se brisaient le dos à tailler les pierres sans répit.

    Pour ne pas sombrer dans l’affliction la plus sombre, l’esprit d’Oudi s’éleva jusqu’au souvenir de sa femme Nera : l’odeur de ses cheveux brun-roux, la douceur de sa peau après l’amour, la fermeté de ses petits seins dans ses mains. À chaque lever du soleil, Oudi remerciait le ciel d’être encore en vie avec le vague espoir de retrouver sa femme vivante. Il espérait, au plus fort de son être, que le sort de Nera soit meilleur que le sien, qu’elle ait trouvé la clémence auprès d’une famille riche qui la traitait correctement. Mais il ne pouvait empêcher la peur de grandir dans son ventre affamé. Et si on la maltraitait ? Et s’il lui arrivait malheur… et si… son maître était doté d’appétits lubriques… Il chassa le plus rapidement possible de telles pensées. Jusqu’à présent, les horreurs auxquelles il avait assisté lui confirmaient que le pire était envisageable : l’homme était un rapace pour l’homme.

    Quel sort sinistre réservait-on aux étrangères comme Nera ? Une libou, une moins que rien aux yeux des hommes du Fleuve qui combattaient avec l’armée du roi. Oudi pesta contre lui-même. Nera était captive à cause de lui. S’il n’avait pas donné libre cours à sa rage contre les gardes du roi, jamais ils ne se seraient retrouvés dans cette fâcheuse position. En même temps, ne devait-il pas défendre l’honneur de sa femme ? Comment aurait-il pu agir autrement ?

    Il piocha avec ferveur pour faire taire ses craintes et promit que s’il sortait de cette prison à ciel ouvert, il vengerait sa femme, son peuple, au nom de tous ceux qu’il avait perdus.

    LA PRISON FLOTTANTE

    Il nous reste quelques jours encore avant de franchir les portes du palais secondaire. Ma nouvelle prison.

    Nout, la déesse du ciel étoilé, veille sur nos barques qui glissent en silence sur le Fleuve sans vagues. Par son reflet lunaire, Khonsou éloigne les mauvais esprits qui pourraient assaillir les voyageurs.

    Entourée des gardes chemesou, je demeure sous la protection de Néférou. La reine me tient en haute estime depuis que j’ai confié sa fille à son jeune frère. Ainsi, nous sommes liées par ce secret.

    Mon cœur devrait être en fête puisqu’on m’a nommée danseuse khener au service du roi. Danser pour la cour, pour les festivités qui auront lieu au temple d’Abydos et de Dendérah, représente tout ce que j’ai toujours souhaité ! Mes rêves se réalisent enfin, mais voilà que ce privilège me laisse un goût amer sur les lèvres.

    Je ne veux pas y aller, tant j’ai crainte d’y croiser ma famille ! Que lui dirais-je ? Que ferais-je en présence de Taho ? Surtout, je tremble à l’idée d’affronter Djémou-Sobek.

    Chacun de mes faits et gestes est surveillé et le sera plus encore lors de ces festivités. La prêtresse Senet et la concubine Didit connaissent maintenant ma véritable identité. Ces deux femmes puissantes peuvent me faire chanter à leur guise, comme le scorpion qui pique lorsqu’il est dérangé. Elles le feront sûrement au moment qui leur sera opportun. Peut-être attendent-elles que je fasse un faux pas ? Senet m’a consacrée danseuse d’Isis. Elle m’a offert la boucle de thet. Elle tient à ce que je fasse partie de l’ordre des prêtresses de Dendérah, que je chante et joue de la musique pour la Belle d’émeraude. Pour ne pas faire de vagues, j’ai accepté. Je dois l’accompagner au temple où elle initiera ma formation.

    Pourquoi ai-je accepté de me jeter ainsi dans la gueule de la lionne ? Peut-être qu’en gardant mes ennemis près de moi, je découvrirai davantage leurs faiblesses, saurai mieux déjouer les pièges qu’ils chercheront à me tendre ? Car je dois demeurer prudente. Je n’ai pas d’amis à la cour, surtout en l’absence du capitaine Sebekkhu parti combattre les rebelles. C’était hélas ! un des seuls alliés en qui je pouvais avoir confiance, malgré la déception que j’ai lue dans ses yeux le soir du banquet. Voir son beau visage défait par la trahison que je lui ai infligée m’a chavirée. Pourquoi fallait-il qu’il trouve le poignard de Nani ? Comment lui expliquer que je voulais sauver de la mort une pauvre femme faussement accusée ? La fille du vizir ne méritait pas cette fin lugubre. J’ai agi impulsivement, mais je ne regrette rien.

    Où est-elle maintenant ? Personne ne le sait. Nani a fui avant de se faire exécuter. Que la Déesse la protège. J’espère qu’elle sera innocentée avant le jour de son jugement dans la Douat.

    Juste avant de quitter le palais, nous nous sommes arrêtés quelques instants dans la villa de Saty pour dire au revoir à Badeh, notre guide adoré. Il avait décidé de reprendre la route des oasis et de quitter Ititaouy avant que les hostilités ne menacent directement sa vie. Il m’avait apparu plus nerveux que d’habitude. Peut-être redoutait-il de subir quelques persécutions aux mains des habitants du Fleuve ? Un Bédouin n’était pas bien vu en ces temps de troubles. Puisque Saty avait eu la gentillesse de nous héberger pendant plusieurs jours, nous l’avions remercié poliment.

    Un frisson me traverse le dos à la pensée de Saty. Cette ancienne concubine du défunt roi n’a de cesse de me harceler pour que je lui transmette des informations sur les gens de la cour, sur Sésostris et sa famille. Jusqu’ici, j’ai pu éviter de me laisser entrainer dans une quelconque cabale malhonnête avec elle. Par chance, son sbire, Ihy, le surveillant du harem chargé de me questionner, a dû rester au palais. Il ne pourra plus m’importuner. Son implication dans le meurtre de la servante est encore à éclaircir. Plus je me tiendrai loin de lui et de sa maîtresse, le mieux je me sentirai.

    Malgré tous ces chamboulements, j’ai pu caresser le pelage blanc de ma brave ânesse Shû une dernière fois. Ses naseaux soufflaient l’air frénétiquement, croyant peut-être que je la ramenais à la maison. Shû retournerait à l’oasis de Kharga avec Badeh parti rejoindre son frère, Seshem.

    Seshem. Je ne sais quand je pourrai le revoir. Notre lien d’amitié se dénoue. Nos chemins se sont séparés, éloignés l’un de l’autre comme deux étoiles dans le ciel depuis qu’il a choisi de rester avec Kameda et leur enfant à venir. Il me semble que cela fait une éternité. Je dois suivre la délégation royale avec le reste de ma troupe du Wahat.

    Dans la précipitation, Duna avait fait des adieux rapides à son amant Tambal lorsqu’il partit combattre avec l’armée du roi. Zummar s’était enfin débarrassé de son rival. Puisque Duna et lui ne se sont toujours pas réconciliés, la tension entre eux deux est telle qu’ils sont incapables de séjourner dans une même barque. Ces deux-là sont incorrigibles ! Alors que Zummar préfère la compagnie des hommes, avec Nim devenu un des favoris des enfants royaux, notre chef, Razin, prévoit déjà nos futures performances à la cour.

    Force m’est d’avouer que je n’ai pas la tête aux réjouissances. Je dois obtenir les faveurs du roi si je veux survivre. Puisque le hideux Djémou-Sobek est toujours vivant, il réclamera sûrement justice s’il apprend que la femme qui l’a défiguré à jamais danse pour la cour royale. Dois-je avouer mon crime à Sésostris avant que me rattrapent les conséquences de mes actes ? Les paroles de Saty reviennent me hanter lorsque je contemple la lune : Fais attention, la belle harpiste. Es-tu prête à sacrifier une part de ton âme pour sauver tes amis ? Serais-tu prête à oublier qui tu es ? À renier ce qui t’est le plus cher ? À te pervertir pour obéir à un homme qui ne mérite pas ton respect ?

    Suis-je en train de devenir une femme méprisable dont le cœur trop lourd ne passera pas l’épreuve de Maât, la déesse de la justice ?

    Chaque fois que l’angoisse de mon sort m’étreint, cette invocation aux dieux sacrés monte de ma gorge comme une prière lancée vers les étoiles.

    « Ô Hathor, Belle Dorée, pourquoi tourmenter celle qui te sert ainsi ?

    « Chaque fois que je pense faire le bien, la vie m’emporte dans un méandre inconnu.

    « Est-ce une autre épreuve que tu me présentes ? Dois-je contourner les rochers qui apparaissent sur mon chemin comme la barque doit éviter les obstacles dissimulés sous les flots ?

    « N’ai-je pas prouvé ma dignité envers toi par l’amulette que je porte au cou, la preuve irréfutable de ta confiance ?

    « Ô Déesse adorée, maîtresse de l’émeraude, guide mes pas vers la tranquillité du dieu Fleuve.

    « Que je puisse m’y ressourcer avant d’affronter la tempête.

    « Que les dieux m’en soient témoins !

    « Je suis Todora, la fleur du Nil. »

    ABYDOS

    LE CONSEIL

    Les colonnes de l’armée en marche soulevaient des nuées de poussière dont les denses panaches trahissaient le nombre élevé de guerriers qui les composaient. Près du temple, les tentes montées à la hâte envahissaient la cour extérieure comme une multitude de champignons importuns. Les prêtres sem rageaient contre les militaires dont l’intrusion impie souillait l’espace sacré. Bien que le roi Sésostris eût demandé de respecter l’enceinte du dieu Osiris, le va-et-vient et le brouhaha des hommes armés troublaient les rituels quotidiens et dérangeaient les fidèles.

    Un messager arriva à la hâte et franchit les pans de la tente royale aussitôt que les gardes qui en protégeaient l’entrée se furent écartés sur son passage. Assis sur sa chaise dorée bordée de tête de lions, le souverain Sésostris l’accueillit d’un signe de tête débordant de morgue. La dépêche, d’abord remise dans les mains du capitaine Sebekkhu, fut tendue sur-le-champ à son commandant, le général Montouhotep. Sans tarder, ce dernier en prit connaissance, puis résuma la missive à haute voix.

    — Votre Majesté, on vous informe que l’ennemi s’est retranché sur la rive est de Thèbes, au sud de Karnak. Nous l’avons perdu dans les montagnes.

    — Ils ont certainement reçu l’aide des prêtres ! rugit Sésostris.

    Le poing serré, le nouveau roi réprima avec peine et misère sa colère avant de s’adresser à son général d’une voix ferme :

    — A-t-on des nouvelles de Pakharou ?

    — Les rumeurs courent que le jeune prince a quitté la région de Thèbes sans son frère, mais cela n’a pas été confirmé par les mercenaires medjay.

    — L’annonce de notre arrivée ne fait plus de doute à présent, se risqua Sebekkhu. Tout Kemet est au courant que le roi est ici en terre sacrée. Même si la procession royale de la princesse n’est pas encore là, nous devons nous attendre à des attroupements dans la ville. Il faudra se montrer prudents. Des conspirateurs, ou même pire, des assassins, pourraient profiter de la presse pour s’approcher de nous, le poignard caché sous les vêtements.

    Le général Montouhotep lui coupa la parole en lui lançant un regard de travers.

    — Capitaine, mes hommes sont déjà sur les lieux. Eux ne se laisseraient pas berner aussi facilement que vous !

    L’animosité entre les deux hommes n’était une nouvelle pour personne. Montouhotep ne digérait pas la bévue du capitaine, et se faisait un malin plaisir de lui rappeler son manque d’expérience à chaque occasion. Montouhotep poursuivit son discours en ignorant la hargne visible dans les yeux de Sebekkhu.

    — Qu’il y ait des traîtres dans nos rangs, cela ne fait plus aucun doute, sinon comment s’expliquer les incendies près de Memphis ?

    Sésostris se leva de son siège. Il fit les cent pas comme il avait coutume de le faire chaque fois qu’il était nerveux.

    — Ils nous attendaient, c’est aussi évident qu’un nez en plein visage ! mugit-il entre ses dents serrées par l’exaspération. Suis-je entouré d’incapables pendant que l’on vole et saigne mon peuple sans que personne n’ose rien faire ?

    Tous ceux présents fixèrent nerveusement leurs sandales. Même Montouhotep n’osa pas ajouter un seul mot de peur d’aviver la fureur du roi. Celui-ci inspira profondément en fermant les yeux puis se détendit. De grande stature et de teint foncé, le roi métis Sésostris ne pouvait concevoir qu’on refusa son accession au trône, lui, un descendant des dieux ! Une foudre nouvelle jaillit de

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