Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Au sortir de la nuit…: Comores : récits, nouvelles, contes d’oppression et d’espoir
Au sortir de la nuit…: Comores : récits, nouvelles, contes d’oppression et d’espoir
Au sortir de la nuit…: Comores : récits, nouvelles, contes d’oppression et d’espoir
Livre électronique203 pages2 heures

Au sortir de la nuit…: Comores : récits, nouvelles, contes d’oppression et d’espoir

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Ce livre compile des récits, nouvelles, contes et une pièce de théâtre exprimant la souffrance, la frustration, l’aspiration à la justice et à la liberté aux Comores. Il décrit la situation dans les trois îles indépendantes à différentes époques politiques, y compris les tyrannies issues de putschs et le mercenariat de Bob Denard, ainsi qu’à Mayotte, restée française, et en France, où vit une importante communauté comorienne.


À PROPOS DE L'AUTEUR 


Depuis sa tendre enfance, Kamaroudine Abdallah Paune est marqué par la souffrance et les peines de tous ceux qui aspirent à la liberté et à la justice. Il a toujours écrit des poèmes et d’autres types de textes pour en témoigner et cet ouvrage s’inscrit dans la même logique.

LangueFrançais
Date de sortie16 août 2023
ISBN9791037797872
Au sortir de la nuit…: Comores : récits, nouvelles, contes d’oppression et d’espoir

Auteurs associés

Lié à Au sortir de la nuit…

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Au sortir de la nuit…

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Au sortir de la nuit… - Kamaroudine Abdallah Paune

    Du même auteur

    Résonances, recueil de poésie, Éditions SAJAT, novembre 2001 ;

    Partages, recueil de poésie, Éditions SAJAT, avril 2002 ;

    Mutsamudu ma belle, recueil de poésie, Éditions SAJAT, 2014 ;

    Anjouan, la mystérieuse, ouvrage illustré, coproduit avec Michel Forêt, Édition « Margouillat Product », île Maurice ;

    Malik, enfant de la médina, Éditions SAJAT, février 2023.

    Les hommes mortels et les dieux éternels ne tuèrent jamais l’espérance.

    Gabriele d’Annunzio Phaedre

    Préface

    « Raconter, c’est aussi dire des mensonges », dit-on chez nous.

    Mais ce recueil ne contient pas que des mensonges, il raconte aussi des vérités de vie, tirées au hasard des trames des sociétés des îles des Comores, que ce soit à Mayotte, à Anjouan, à la Grande Comore, et à Mohéli¹ indirectement, ou en France, à différentes périodes, car les mêmes faits, les mêmes phénomènes de souffrance, de désespérance et d’espoir traversent des hommes et des femmes de cet archipel.

    Nouvelles, récits, contes… ce sont toutes des histoires de vie, inspirées de faits réels, à travers des personnages et des trames parfois fictifs.

    Les êtres de ce recueil défilent comme les ombres vacillantes de corps, de chair et de sang pris dans l’engrenage de leur existence.

    Elles sont le reflet des exclusions, des préjugés, des faussetés, des égoïsmes, des peurs mais aussi de l’amour, de la générosité et de l’espoir.

    Mfahar, le travailleur immigré en France berce dans son cœur le doux rêve du retour au pays, comme Nahana, le jeune immigré clandestin de Mayotte est persuadé de sa réussite par le travail et l’instruction.

    Le choix du titre du recueil n’est pas fortuit « Au sortir de la nuit », c’est la certitude que les ombres, les nuages qui bouchent l’horizon des trois îles indépendantes des Comores, céderont à l’embellie et à un lever triomphal du soleil.

    La sagesse comorienne ne dit-elle pas « Vwendza duja de vwendza mlongo » ?

    « La vague se soulève là où il y a la passe. »

    Le sacrifice

    La décolonisation ratée des Comores a abouti à la partition des îles, les 3 îles de Mohéli, Anjouan et la Grande Comore devenant indépendantes et Mayotte française ; les lois coloniales étant progressivement remplacées par les lois de la République française, cette île jadis négligée comme les autres, connaît un début de prospérité, un siècle et demi après sa colonisation, ce qui ne manque pas d’attirer la main-d’œuvre des autres îles en proie à un marasme généralisé, et surtout en provenance d’Anjouan, plus proche, surpeuplée et recelant un savoir-faire dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, du bâtiment, etc.

    Aujourd’hui, même si l’offre de travail est nettement moindre et la répression de la clandestinité forte, Mayotte apparaît toujours comme un miroir aux alouettes, et attire de nombreux candidats à une immigration qui finit trop souvent au fond du canal de Mozambique, dans un océan jamais repu…

    Dans le jour naissant et rougeâtre, une forme allongée sur le sable noir et les galets était secouée de soubresauts interminables.

    De temps en temps, elle relevait la tête vers le ciel imperturbable et une longue plainte montait de sa gorge avant de s’étrangler dans un râle de bête égorgée.

    Sur la petite plage, il n’y avait plus de signe de vie, tous les compagnons d’infortune de la malheureuse avaient disparu dans la nuit. Seul le ressac monocorde et sinistre, léchant un shiromani² froissé et un baluchon, répondait à la douleur de la pauvre femme.

    C’était un vendredi, après la grande prière de la semaine. Fanika se faufilait à travers les ruelles tortueuses, devant quelquefois monter sur une marche pour laisser passer quelques fidèles encore attardés, égrenant leur chapelet, tout absorbés dans leur rituel immuable.

    Parfois, c’étaient des bambins affublés de boubous blancs retroussés jusqu’aux genoux qui surgissaient au détour d’une ruelle, à grand fracas.

    Elle s’engouffra par une porte secondaire et déboucha dans une courette de terre battue :

    — Hodi³ ! il y a quelqu’un ?

    Oui, manifestement, il y avait quelqu’un : de nombreuses personnes patientaient, les unes sur des nattes, d’autres debout en train de deviser tranquillement, attendant leur tour de s’adresser à un monsieur assis sur un banc, devant une petite table en bois, un stylo à la main.

    — Oui, départ, demain sans faute, comme je vous l’ai dit, vous n’avez droit qu’à un sac à main et les personnes qui seront en retard ne seront pas remboursées si elles ratent le bateau, nous sommes bien d’accord ?

    C’était un homme d’une soixantaine d’années à la barbe autoritaire et au regard perçant, intimidant. Il officiait, comptant, rangeant des billets et des pièces dans une boîte, prenant des notes sans s’arrêter de parler, tout encore auréolé de sa coiffe et de ses habits traditionnels de vendredi⁴.

    Quand ce fut son tour, Fanika par pudeur, ramena son voile sur le visage et on ne pouvait plus voir que ses grands yeux noirs quelque peu effarouchés et une petite bouche hésitante :

    Fanika ne savait pas s’il fallait être rassurée ou redoubler d’inquiétude devant ces personnages peu recommandables. Et tandis qu’elle cheminait dans les ruelles pour se rendre chez l’amie qui l’hébergeait, mille doutes l’assaillaient.

    Comment avait-elle pu se décider à la folie de ce voyage, elle qui en avait dit tant de mal ? Elle qui avait toujours stigmatisé la démence de ceux qui étaient prêts à sacrifier leur dignité et leur vie pour un mirage parfois, car si on savait ce qu’on quittait en quittant les malheurs d’Anjouan, nul ne savait ce qu’il allait trouver à Mayotte.

    Et puis il y avait la honte de partir et de rentrer là-bas comme une voleuse.

    Mais la vie lui donnait-elle le choix ? Depuis combien de temps, son mari était-il parti pour Mayotte ? Depuis maintenant quatre enfants, qu’il venait faire clandestinement à Anjouan avant de repartir par la même voie.

    Et comment allait-elle faire avec ce nouveau bébé ? Puisqu’il n’existait aucun moyen de rejoindre son mari et ses trois enfants qu’il avait réussi à récupérer tant bien que mal, il ne lui restait que l’impensable, la voie de l’inconcevable, le chemin de l’infamie… et de tous les dangers…

    Mais que faire ? Elle n’a qu’à se remettre à Dieu. Il est le seul à disposer du destin de l’homme et à le protéger de tous les malheurs, se persuada-t-elle en joignant les mains et en implorant le ciel de toutes ses forces.

    Quand le jour du départ arriva, son corps le ressentit encore plus fortement peut-être que son esprit torturé sans cesse par ce grand saut vers l’inconnu.

    Elle avait l’estomac noué incapable d’ingurgiter le moindre aliment. Au contraire, la diarrhée achevait de la vider complètement, comme si elle devait être lavée à jamais de toutes ses souillures. Sans cesse et sans cesse, depuis l’aube, elle se demandait si elle allait pouvoir partir dans ces conditions.

    Mais le plus inquiétant encore, c’était le bébé qui se trouvait alors dans un état d’agitation encore inconnu, agrémenté de hurlements, sans qu’il consentît à boire la moindre goutte de lait. Même le sein, dont il était si friand, semblait lui répugner.

    L’amie de Fanika, Sharma, avait beau s’ingénier pour le calmer ou le consoler, mais tous ses efforts restaient vains.

    Pour se rassurer, Fanika se disait que ce comportement provenait du changement de milieu, le bébé ne pouvant plus retrouver ses marques : ses odeurs et ses sensations dans cette maison et ces gens qu’il ne connaissait pas. Ou comme disaient certains qui avaient « lu⁵ », le bébé ressentait seulement l’angoisse propre de la mère, même si cette idée lui avait toujours paru saugrenue : comment un bébé pouvait-il percevoir les sentiments, les peurs et les souffrances de sa mère ?

    Le soleil avait disparu de la petite baie, jetée déjà dans une semi-pénombre, bien que ce fût encore la fin de l’après-midi.

    Une petite foule se pressait à voix basse autour de deux barques « Kwasakwasa⁶ ».

    Fanika, qui portait le bébé emmitouflé contre son sein, frissonna violemment : l’atmosphère lourde et feutrée qui régnait en ces lieux lui évoqua en un éclair déchirant sa poitrine, le recueillement de l’enterrement.

    Son cœur se serra comme si un être maléfique avait voulu l’extirper de sa poitrine.

    Mentalement, elle compta le nombre de personnes présentes : cela ferait une trentaine de personnes par bateau si on n’excluait pas les accompagnateurs comme son amie qui avait voulu la suivre jusque-là. Alors, peut-être y avait-il autant de passagers que de badauds ?

    Mais elle déchanta vite quand elle vit les gens s’entasser à même le fond de la barque, avec leurs ballots de vêtements ou de victuailles, à côté d’énormes jerricans d’essence.

    À ses protestations, le passeur lui avait lancé :

    — J’ai eu des urgences que je n’avais pas prévues, des passagers de la Grande Comore arrivés aujourd’hui même et des clients réguliers que je ne pouvais pas abandonner. Mais si vous le désirez, madame, vous pourrez prendre la prochaine navette demain, qui sera moins chargée, je vous le promets.

    Oui, promesses nocturnes⁷ dignes d’un ivrogne ! Rien ne peut certifier que l’on ne rencontre pas la même situation ou pire encore, la fois suivante, se dit-elle ; puis elle regarda l’autre kwasakwasa et cela la rassura quelque peu en voyant un énorme zébu entravé et bâillonné, couché aux pieds des passagers : seuls ses grands yeux témoignaient de son immense détresse.

    Était-ce de la folie, de l’inconscience ou du désespoir ? Ou tous ces maux réunis en un seul syndrome qui annihilait toute volonté en ces gens ?

    Une rapide prière fut invoquée sur la grève et de solides gaillards, pataugeant dans le clapotis des vagues, poussèrent l’embarcation.

    Fanika se recroquevilla davantage contre le bébé, les larmes lui échappèrent, tandis que sa main s’éleva machinalement pour dire adieu à son amie.

    Le moteur qui s’accéléra peu à peu couvrit les sanglots d’une âme éplorée, à laquelle tout recours, tout réconfort étaient interdits.

    Heureusement, le bébé vaincu par l’air et la fraîcheur marins dormait tranquillement tel un petit ange, entouré des djinns et démons maléfiques qui grondaient sous la mer.

    L’embarcation qui filait à vive allure, franchissant allégrement le moutonnement des vagues, donna, après quelque temps, des signes de nervosité évidente. Elle se cabrait maintenant, ruant de plus en plus souvent à grandes giclées d’écume qui arrachaient de petits cris de surprise autant que d’effroi aux passagers transis et angoissés au contact de la douchée froide.

    Une étoile sembla basculer dans l’immensité resplendissante de lucioles : c’était son étoile précipitée dans les gouffres insondables de l’ombre.

    Maintenant que

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1