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Brandir la vague: Roman
Brandir la vague: Roman
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Livre électronique252 pages6 heures

Brandir la vague: Roman

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À propos de ce livre électronique

Trois personnages, Anjee, Maï Lee et l’innocente Laure, semblent être mystérieusement liés autour d'événements d'ampleur historique...

Un adepte de la voie du sabre et du zazen. Une prise d’otages en Thaïlande par des révolutionnaires Khmers rouges. Un journaliste à la recherche d’un scoop. Un couple de navigateurs en mal de rupture avec la vie traditionnelle. La préparation d’un coup d’État en mer rouge. Quelles relations existent-ils entre Anjee, Maï Lee et l’innocente Laure ? Que se passera-t-il à l’heure de la confrontation avec Mike ?
Dans l’univers mental, des adeptes des arts martiaux et de la méditation où les gens ne sont jamais ce qu'on croit et ce qu'on raconte n’est jamais la réalité, ce récit d’aventures fait se croiser le monde des navigateurs à la voile et celui des plongeurs sous-marins.
Un mélange déroutant, décapant et bouleversant qu’on peut aimer ou haïr mais auquel nul ne peut rester indifférent. Bref, un mélange explosif.

Alerte au récit explosif ! Ce roman d'aventures déroutant croise le monde de la navigation avec celui de la plongée sous-marine dans l'univers mental de la méditation et des arts martiaux, pour un résultat absolument décapant !

EXTRAIT

Pourtant il sent un malaise, comme si…, comme si on l’observait, comme si on le suivait depuis sa sortie de douane. Se dirigeant vers la cafétéria, il longe les boutiques en les laissant sur sa droite.
Il se rappelle un maître complètement paranoïaque qui ne voulait jamais avoir personne sur sa droite. Même sur un tatami, quand s’exécutaient les katas, il s’arrangeait pour n’avoir personne à sa droite « Ainsi, si on m’attaque, je pare de la gauche et riposte de la droite ». Le grand jeu consistait alors à essayer de marcher justement à sa droite et d’observer tous les stratagèmes déployés pour reprendre la place qu’il souhaitait occuper.
En même temps, discrètement, il observe dans le reflet de la vitre tout mouvement suspect. Vraiment pas discrètes, ces deux espèces de caricature de mafieux siciliens avec leur costume sombre, chemise blanche, cravate noire, sans compter les lunettes aux verres réverbérant ! Un chapeau mou, de même couleur, couronne l’ensemble. Ce n’est pas la discrétion qui les étouffe. Il est rassuré, au moins il a identifié « ses adversaires ». Il sait maintenant, à qui il peut avoir à faire. Encore sa paranoïa qui resurgit. Pourtant, personne ne le connaît ici et il ne connaît plus personne. Certes, il est déjà venu, il y a quelques années, en vacances avec Isabelle. C’était, il y a longtemps, pour des vacances d’hiver. Rien d’extraordinaire ne s’était passé alors. Ils n’avaient été qu’un couple de touristes parmi tant d’autres, tout sourire et pleins de joie de vivre. Isabelle… une bouffée de nostalgie l’enveloppe un instant, faisant rapidement place à de la tristesse. Mauvais karma, ici on dit plutôt « mektoub ».

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bruno Benattar est né en 1951, il poursuit des études de sciences économiques et de sociologie. Fortement influencé par les mouvements sociaux de mai 1968. Il milite activement dans des mouvements pacifistes, non marxistes et non violents, tout en pratiquant les aux arts martiaux, encore aujourd’hui. Refusant de s’intégrer dans la vie professionnelle, il visite le monde et exerce les métiers de moniteur de voile et de plongée bouteille. Pendant près de trente ans, il travaille comme consultant en droit social, après avoir repris des études. Il publie de nombreux articles et ouvrages spécialisés dans le domaine du droit du travail. Aujourd’hui à la retraite, il réside dans le Vaucluse.
LangueFrançais
Date de sortie21 mai 2019
ISBN9782851135032
Brandir la vague: Roman

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    Aperçu du livre

    Brandir la vague - Bruno Benattar

    Propos d’auteur

    Des remerciements,

    Je voudrais remercier mes frères Frédéric et Bertrand ainsi que leurs femmes pour leurs encouragements et leurs critiques. J’exprime aussi ma reconnaissance à Paul, Cyrille et Dominique avec qui je pratique les arts martiaux au Club Seiza. Je ne voudrais pas que Michèle et Jacqueline se sentent oubliées, et que Jean-Claude Durix m’en veuille d’avoir utilisé son ouvrage « Le sabre et la vie ». Enfin, il me reste une pensée pour celle qui, il y a de nombreuses années, m’a donné l’envie d’écrire et qui ne se reconnaîtra sans doute pas.

    … des hommages,

    Je rends hommage à toutes les victimes de la barbarie, de l’intolérance, de l’extrémisme, de l’intégrisme, du terrorisme et de toutes ces horreurs, peu importe que la justification soit religieuse, politique, idéologique, relevant du développement de la pensée unique ou du seul intérêt financier personnel ou collectif.

    … des excuses,

    Que ceux et celles, qui m’ont inspiré, fait rêver et imaginer, me pardonnent d’avoir enjolivé la dure réalité de leurs vies. Je n’ai voulu que raconter une histoire et peut-être leur donner une lueur d’espoir.

    … et des précautions.

    Tout le monde sait que l’imagination puise ses ressources dans la réalité et le vécu. Cela n’empêche pas que toute ressemblance avec des situations réelles ou des personnages existants… La suite est connue. Il est inutile de la rappeler.

    Du même auteur

    Déjà parus

    Déjà parus dans la série « Les chroniques de Pekigniane » :

    À paraître dans la série « Les chroniques de Pekigniane » :

    L’ensemble de ces ouvrages sont disponibles, en format papier ou électronique, sur les sites Le Lys Bleu, Les Éditions du Net, ESA édition, FNAC, AMAZON et BOD.

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    Ainsi que sur son site :

    Pekigniane.com

    Chapitre I {Six (Le sabre – VI)} Le vide

    « Le vide, c’est le cœur éclatant de mystère. »

    (Dogen : Shobogendozo)

    Pourquoi désire-t-on voir mourir la femme que l’on aime ? Peut-être, justement parce qu’on l’aime. Parce qu’on n’a pas envie de la voir souffrir, ou bien parce qu’on a peur de voir son amour s’effilocher au fil du temps. Ou encore, pour être capable de mesurer cet amour au travers de la détresse que suscite cette disparition. Peut-être encore, parce qu’on ne supporte pas d’envisager de voir celle qu’on aime dans les bras d’un autre. Traversé par ces réflexions, il la regarde. Ce n’est pas la première fois qu’il vit une pareille épreuve : Isabelle, Maï Lee, Anjee et maintenant Laure. À se croire poursuivi par le destin. Mauvais karma. Elle gît là, sur la couchette, un filet de sang humide coule d’une de ses narines, un autre part de la racine de ses cheveux. Sa tête brinquebale de gauche à droite comme pour dire, sans conviction, une dernière fois « non » à la mort. Où peut-être est-ce « non » à la vie ?

    Il baisse les yeux vers un spectacle consternant : une eau sale qui clapote sur le plancher au grès de la houle. Une eau sur laquelle flottent des éléments épars : une chemisette jaune à fleurs rouges, une casserole en aluminium, une carte marine, un bol de café marron, une chaussure bleue, des dominos en bois, une boîte de riz en carton, une chaussette tabi blanche, une assiette crème en plastique, un rouleau de papier hygiénique. Tenant fermement la barre, fuyant le vent, il regarde sans le voir, cet environnement. Sur l’autre couchette, le creux laissé par un autre corps… Celui-là a disparu pour toujours, englouti par les flots. Au-dehors, le vent hurle, la mer fume sur la crête des vagues. Mourir maintenant ? Quelle importance ! Tout a été dit, tout a été réalisé et même les rêves ont été vécus. La mort n’est effrayante que si on la craint. Elle a toujours été omniprésente. Il a toujours vécu avec elle, il peut l’apercevoir, sur sa gauche à un mètre de lui. Pourquoi la fuir ? Autant lui faire face.

    Il ne regrette pas d’avoir laissé le moteur tourner. À sec de toile, il faut toujours pouvoir être manœuvrant. Il embraye le moteur, envoie les gaz et décide de l’affronter, cette tempête, plutôt que d’être frappé par-derrière. Lentement le bateau en acier commence à virer, se couche en recevant un premier assaut, se redresse et enfin se tient droit, bout au vent. L’accès à l’extérieur est fermé par une porte étanche. Le carré et le poste avant sont aussi séparés chacun par des portes étanches. Sinon, le voilier aurait sombré depuis longtemps.

    Il décide d’offrir sa vie à la mer en toute sérénité afin d’éviter qu’elle la lui ravisse. On ne peut pas perdre ce que l’on donne. Assis en tailleurs sur le siège de barre du carré, les genoux à plat, un coussin sous les fesses, la colonne vertébrale droite, le menton rentré, mais la main gauche et la main droite sur la roue. Ne pas penser, ne pas bouger si ce n’est barrer, mais en communion avec les éléments déchaînés, ne pas les contrarier, juste les anticiper et se mouvoir en harmonie avec eux. Barrer face à la lame, laisser flotter ses pensées comme des nuages ou plutôt, comme un esquif sur l’océan. Un bref regard par la bulle qui dépasse du capot lui fait apercevoir la vague. Une vague énorme, puissante, faite pour les engloutir dans les abysses insondables de l’océan et de ses souvenirs. Elle se rue vers le ketch pour s’abattre sur lui, pour le disloquer ou pour le couper en deux comme avec un sabre. Ou bien est-ce pour effacer définitivement tout un passé ? Ce passé, il le revit l’espace d’un éclair comme s’il ne l’avait pas encore vécu. L’océan brandit la vague. Il brandit son ketch. L’océan le jauge. Il le regarde, serein, sans appréhension aucune. Et la mer abat sa lame…

    ***

    L’avion vire sur tribord pour se placer dans l’axe de la piste. Au travers du hublot, le ciel d’un bleu anticyclonique laisse passer les rayons froids du soleil d’hiver d’Antalaya. Sur la mer, les moutons poussés par le vent broutent dans un pâturage d’herbe bleue. Un atterrissage sans problème, des formalités de police et une douane pour touristes, rapide et bon enfant. Il est seize heures, il doit attendre le prochain vol en provenance d’Istanbul. Encore deux heures d’attente. Le temps de prendre un café et de changer un peu d’argent, des dollars. Ces dollars lui brûlent les doigts depuis qu’il les à découvert. Aller vers le bureau de change, à droite du hall de l’aéroport. La queue des touristes s’amenuise jusqu’à son tour. Il tend le billet de mille dollars. L’employé le regarde méfiant, quitte sa place pour rentrer dans une pièce. Une confirmation de son chef.

    C’est la première fois qu’il utilise un de ces billets de mille dollars. Il n’a aucune raison d’être inquiet. Les billets sont vrais et extrêmement rares, même si leur origine est douteuse. L’employé revient tout sourire. « No problem, sir », dit-il en lui tendant l’équivalent en livres turques. Le voici archimillionnaire. Signer le bordereau de change et aller prendre un café, c’est tout ce qu’il lui reste à faire.

    Pourtant il sent un malaise, comme si…, comme si on l’observait, comme si on le suivait depuis sa sortie de douane. Se dirigeant vers la cafétéria, il longe les boutiques en les laissant sur sa droite.

    Il se rappelle un maître complètement paranoïaque qui ne voulait jamais avoir personne sur sa droite. Même sur un tatami, quand s’exécutaient les katas, il s’arrangeait pour n’avoir personne à sa droite « Ainsi, si on m’attaque, je pare de la gauche et riposte de la droite ». Le grand jeu consistait alors à essayer de marcher justement à sa droite et d’observer tous les stratagèmes déployés pour reprendre la place qu’il souhaitait occuper.

    En même temps, discrètement, il observe dans le reflet de la vitre tout mouvement suspect. Vraiment pas discrètes, ces deux espèces de caricature de mafieux siciliens avec leur costume sombre, chemise blanche, cravate noire, sans compter les lunettes aux verres réverbérant ! Un chapeau mou, de même couleur, couronne l’ensemble. Ce n’est pas la discrétion qui les étouffe. Il est rassuré, au moins il a identifié « ses adversaires ». Il sait maintenant, à qui il peut avoir à faire. Encore sa paranoïa qui resurgit. Pourtant, personne ne le connaît ici et il ne connaît plus personne. Certes, il est déjà venu, il y a quelques années, en vacances avec Isabelle. C’était, il y a longtemps, pour des vacances d’hiver. Rien d’extraordinaire ne s’était passé alors. Ils n’avaient été qu’un couple de touristes parmi tant d’autres, tout sourire et pleins de joie de vivre. Isabelle… une bouffée de nostalgie l’enveloppe un instant, faisant rapidement place à de la tristesse. Mauvais karma, ici on dit plutôt « mektoub ».

    Il se dirige, le cœur lourd, vers la cafétéria de l’aéroport. Il refuse l’infâme lavasse, cette eau chaude colorée à l’Américaine qui envahit le monde et commande un café turc. Allumer une cigarette pour accompagner le café : une gitane sans filtre. De toute façon, il n’a jamais pu fumer autre chose. Accoudé au comptoir, son sac de voyage à côté de lui, il observe. Les deux mafieux font semblant d’être occupés et de ne pas le voir. Il ne se trompe pas. Ils sont là pour lui. Pourquoi ? « Mystère et boule de gomme », se plaît-il à penser en esquissant un sourire. Tirer une bouffée de cigarette, humer l’arôme puissant du café, porter la tasse à ses lèvres, avaler une gorgée de café. Un instant de plaisir l’envahit, un plaisir pour un instant. Il peut, pendant cet instant, tout oublier, ce pour quoi il est là, ou plutôt, pour qui il est là : Anjee.

    Surprenant, le vol d’Istanbul n’est pas en retard ! Encore une heure à attendre. Il se dirige nonchalamment vers le panneau du hall d’arrivée, ses deux ombres derrière lui. Que lui veulent-ils ? Inquiet ? Non, mais intrigué. Il décide de s’asseoir. Il s’accroupit par terre, le dos à la porte de sortie, face à ses suiveurs. Il les fixe et devine leur embarras derrière leurs lunettes. Ils battent en retraite vers la buvette. Au comptoir, ils font semblant de ne plus s’occuper de lui. Il décide de ne plus les lâcher du regard. Il chausse ses lunettes de soleil, attend un quart d’heure puis allume une cigarette. Encore un quart d’heure qui s’écoule et une autre cigarette qui se consume. Le temps s’immobilise. Aucun des protagonistes ne fait évoluer la situation. Chacun campe sur ses positions.

    Le vol en provenance d’Istanbul vient d’atterrir. Les armées se mettent en branle, sans perdre le contact visuel. Il se dirige vers la porte de sortie des passagers, tout en gardant un œil sur les deux ombres. Le flot des passagers ne semble pas se tarir. Chaque tête est dévisagée « non », tête suivante, « non », tête suivante, et ce jusqu’à épuisement des passagers. Pas là. Pas encore sortie. Un problème ? Attendre ? Cela fait déjà trop longtemps. Pas d’autre vol en provenance d’Istanbul aujourd’hui. Curieux ! Pourtant le rendez-vous était sans ambiguïté. Il reprend l’impression du message électronique. C’est bien le bon lieu, le bon jour, la bonne heure. Que faire ? Rien, si ce n’est prendre un dernier café, prendre une chambre d’hôtel, aller dormir et revenir demain.

    Direction buvette, objectif : café et cigarette. Il porte la tasse à ses lèvres après avoir humé l’arôme.

    « Vous êtes Mike ? ». Il n’y a qu’une seule personne qui puisse l’appeler ainsi. Cette voix d’homme, à l’accent turc, qui pose cette question, ne peut correspondre à personne de sa connaissance. Celui qui l’interpelle n’est donc qu’un messager. Toujours face au comptoir, sans prendre la peine de regarder l’auteur de la demande, il repose sa tasse et acquiesce de la tête en émettant un « hum ! ». Il se retourne enfin pour faire aux deux mafieux.

    Un instant déconcerté, il prend le temps d’une bouffée de cigarette et d’avaler sa dernière gorgée.

    Une ombre ouvre la marche, fermée par l’autre qui s’est emparé du sac. La nuit est tombée sur le parc de stationnement. Des cars avalent les touristes pour aller les déverser dans les hôtels du bord de mer. Le trio se dirige vers une voiture, garée à l’écart sur le parking. Celui qui porte le sac va vers le coffre pendant que l’autre ouvre la porte arrière. Subitement, il se saisit de son sac posé à terre, le jette sur la banquette arrière, s’installe à côté, en adressant au portier son plus beau sourire. Il occupe les deux sièges à l’arrière. Il n’a ainsi, personne dans son dos. Les deux ombres ne peuvent que s’installer à l’avant après s’être échangé un bref regard interrogateur.

    La tête appuyée sur le côté droit de la vitre, il laisse la route, les hôtels et les minutes défiler. Une route secondaire, un portail, un ensemble de villas. La voiture se dirige vers l’une d’elles, s’arrête enfin devant le seul perron éclairé.

    Il interroge par acquit de conscience et n’obtient pour toute réponse qu’un : « Non » dénué de tout autre commentaire.

    Une sortie de voiture et le cœur qui palpite.

    Une portière qui claque et une respiration profonde qui apaise.

    Une voiture qui embraye pour disparaître dans la nuit et le cœur qui bat plus fort.

    Les marches du perron de l’escalier et une respiration qui calme.

    Une main sur la poignée et le cœur qui cogne…, avec l’envie de s’enfuir pour ne pas avoir à se rappeler.

    Il reste immobile quelques instants, face à la porte.

    Le temps de prendre trois respirations…

    Le temps de se rappeler qu’un nom ne désigne pas nécessairement celui ou celle auquel on pense…

    Le temps de penser qu’un nom peut être un déguisement ou un moyen de disparaître ou de devenir celui ou celle dont on s’approprie l’identité…

    Le temps de se remémorer…

    Le temps de tourner la poignée de porte…

    Elle s’ouvre par enchantement…

    Elle trône sur un canapé face à l’entrée. Il la contemple un instant, malgré le manque de lumière. Belle mise en scène de circonstance ! Elle n’a pas changé. Son allure est toujours la même, avec ses cheveux sur les épaules. Il la trouve toujours aussi belle, malgré la fine cicatrice qui lui barre le cou et qu’on pourrait prendre, dans la pénombre, pour un simple pli de la peau. Elle lui sourit pour se donner une contenance, comme le font tous les Asiatiques. Elle se lève et le salue mains jointes à l’orientale. Un reflet d’or, sur sa main gauche, attire son regard. La bague en forme de dragon qu’elle porte à cet auriculaire le met légèrement mal à l’aise. Mécaniquement, il lui répond par un salut à la Japonaise, les bras le long du corps. Elle le regarde ironique.

    Il faut se ressaisir, alors il lance en anglais :

    Elle lui sourit d’un air moqueur en le regardant droit dans les yeux. Le sac toujours sur l’épaule, il hésite entre sortir en claquant la porte pour disparaître à jamais de l’existence de cette femme, ou aller jusqu’au bout de la farce. Il laisse tomber le sac, puis se dirige vers un fauteuil sur lequel il s’assied du bout des fesses comme pour signifier qu’il peut s’en aller immédiatement. Il la contemple. C’est vrai qu’elle est magnifique ! C’est pour cela qu’il doit se méfier.

    Il décide de prendre l’initiative :

    Il la regarde interloqué.

    Un instant, il repense à la proposition de Kelou. Non, il sait qu’il ne pourrait pas faire cela. Elle se lève. Il la regarde dans son pantalon noir qui laisse deviner ses formes menues mais rondes. Elle disparaît derrière une porte. Elle revient quelques instants plus tard et se dresse face à lui en le fixant droit dans les yeux. Elle dévoile un sourire charmant et charmeur. Il la regarde et lui renvoie son regard et un sourire aussi neutres que possible. Elle détourne les yeux avant de décapsuler la canette de bière. Elle la verse dans un verre glacé par le givre, comme s’il avait été mis au congélateur, en faisant bien attention de ne pas produire de mousse. Elle s’agenouille près de lui, pour déposer le verre sur la table basse, à côté de son fauteuil. Puis, elle se relève, lui sourit une fois encore en lui déclarant :

    Son regard s’illumine un instant.

    Elle quitte la pièce. Mais, que veut-elle ? On verra. Il déplace la table basse face à lui et s’installe en demi-seiza face à la table. Le pied gauche sous les fesses et le genou droit face à lui, il porte à ses lèvres le verre pour avaler une gorgée de bière. Il allume une cigarette en l’attendant.

    Elle revient, quelques minutes plus tard, avec deux bols sur un plateau, qu’elle place devant lui. Puis elle dépose une cuillère et une paire de baguettes au côté de chaque bol. Elle s’assied par terre, les deux pieds ramenés sur la droite. Le fumé qui s’échappe vient titiller leurs narines. Il s’empare des baguettes dans la main droite et de la cuillère dans la main gauche, tout en se demandant comment, dans une ville turque, elle a pu trouver des ingrédients pour faire un pheuh. Peu importe, pense-t-il. Il la regarde, elle le regarde, ils se regardent. Elle lui sourit pour lui souhaiter un bon appétit. Il lui sourit en retour.

    Ils attaquent ensemble la soupe, sans échanger une parole, prenant d’abord les nouilles, accompagnées d’herbes aromatiques, à la baguette, en alternance avec une cuillerée de bouillon pour finir enfin par les morceaux de canard. Parfaitement assaisonnée ! Le plat épicé les fait transpirer abondamment.

    La soupe avalée, elle se lève, débarrasse la table sans un mot, puis s’en revient et se rassied à terre face à lui. Ils s’observent, se sourient, chacun attendant que l’autre prenne l’initiative de la parole. Ils restent ainsi plusieurs minutes sans, qu’en apparence, quoi que ce soit ne se passe. Paradoxalement, la légère tension qui existait au début s’estompe progressivement jusqu’à se dissiper complètement.

    Doucement comme pour ne pas rompre le charme, elle incline la tête et lui demande d’une voie douce :

    Il ne voulait pas le lui avouer, mais se procurer des faux papiers lui avait d’abord semblé impossible. Heureusement qu’une amie laotienne à qui il avait raconté ce problème lui avait proposé de lui prêter sa carte d’identité : « Pour les Occidentaux tous les Asiates sont des Chinois et se ressemblent ». Elle avait rajouté par la suite : « Pour tes papiers, je connais des gens ». Comme il lui avait rendu service par le passé, elle se sentait redevable.

    Il fouille dans une poche de sa chemise et en tire une carte d’identité française.

    Un silence… Un silence d’abord léger puis qui s’épaissit de plus en plus. Personne ne se regarde. Anjee se racle la gorge pour attirer son attention. Un échange de regard pour renouer le contact. Un sourire pour instaurer si ce n’est une complicité au moins la confiance. Ils se regardent dans les yeux en se souriant comme pour se dire que le dialogue peut reprendre.

    D’une voix douce, elle avance, avec prudence un :

    Il ne répond pas. Il la laisse se dévoiler. Elle ajoute :

    Il reste silencieux. Réprime une formidable envie d’éclater de rire en pensant : « Elle se moque de moi ! S’associer avec un serpent de la pire espèce ? Il n’en est pas question ! » La voix de la raison primaire et rationnelle a émis son jugement définitif. Cette voix est confirmée par celle des sentiments et du vécu. Mais, une autre voix lui susurre « Pourquoi

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