Apéritif bleu marine: Invitations ciblées sur l’Isle
Par Bruno Benattar
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À propos de ce livre électronique
Assassiner plusieurs personnes reste un peu plus compliqué. Jenny comme Annabella souhaitaient faire passer leurs maris à la trappe, Moira son cousin et Kazuo se libérer de son giri. Quant à moi, cela ne vous regarde pas. Cela constituait un véritable casse-tête. Pas question de renoncer !
Pourtant, avec un seul cheveu, la police scientifique et la médecine médico-légale découvrent le film regardé à la télé trois jours avant et le détail d’un repas pris depuis plusieurs mois.
Entre la vidéosurveillance, le bornage téléphonique et l’analyse de notre disque dur, notre vie la plus intime ne possède plus aucun secret. Même sans cadavre ni mode opératoire, nous serons condamnés pour guet-apens et homicide volontaire avec préméditation, en bande organisée. Mobiles ou pas, nous risquons la prison à perpétuité. Pas très sympa !
Avec notre premier invité, il ne restait qu’à trouver le bon mode opératoire, sans pour autant mépriser les plaisirs de la table. Attiré par les femmes, l’alcool et l’argent, il suffisait de le séduire et de monter un boniment sur un prétendu trésor englouti pour l’entraîner dans les abysses de ses mirages. Pas très compliqué !
Attention, il fallait tout envisager surtout l’imprévisible. Un seul petit grain de sable enrayerait cette mécanique parfaitement huilée. Rassurez-vous, nous sommes méthodiques, précautionneux et prudents. Comment ? Je prétends cela pour me rassurer ? C’est fort possible.
Bref, nous nous apprêtions à commettre, un premier crime parfait. Les autres viendraient ultérieurement.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bruno Benattar est né en 1951, il poursuit des études de sciences économiques et de sociologie. Fortement influencé par les mouvements sociaux de mai 1968, il milite activement dans des mouvements pacifistes, non marxistes et non violents, tout en pratiquant les arts martiaux, et ce, encore aujourd’hui.
Refusant de s’intégrer dans la vie professionnelle, il visite le monde et exerce les métiers de moniteur de voile et de plongée bouteille.
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Apéritif bleu marine - Bruno Benattar
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Avertissement
Toute ressemblance avec des personnes, des événements ayant existé, existant ou qui existeront n’est que le résultat soit d’une malencontreuse coïncidence, soit de la prise inconsidérée de psah ou de toutes autres substances hallucinogènes licites ou prohibées, soit de leur propre délire sans aucun lien avec autre chose que leur dysfonctionnement mental. Cette impression de similitude peut aussi avoir été provoquée notamment, par des séjours emboîtés dans le temps clic, clac ou cloc, combinés ou non, et/ou avec l’usage excessif du fouitbong.
Nous nous excusons d’en avoir été le déclencheur, même pour sa partie infime, sans aucune relation avec leurs hallucinations. Nous leur préconisons de rompre tout contact avec des individus présentant les mêmes symptômes. Ils entretiendraient leurs délires monomaniaques pouvant déboucher sur une crise mortelle de fièvre afguide. Il conviendrait plutôt d’effacer ce roman de leur mémoire.
À défaut, nous leur conseillons, en cas d’échec, et en dernier recours :
En tout état de cause, nous sommes profondément désolés pour eux et leur souhaitons sincèrement un prompt rétablissement.
Avant-propos
Des lecteurs m’ont fait part de leur plaisir en lisant Brandir la vague, un simple roman d’aventures. Alors, j’ai décidé de renouer avec le genre, d’autant que j’ai éprouvé énormément de plaisir à écrire Ouragan sur la mémoire. J’ai donc décidé de me lancer dans un nouveau genre : le roman policier. C’est la raison pour laquelle, je crée cette nouvelle série des « Invitations ciblées sur l’Isle ».
Inutile de dire qu’aujourd’hui commettre un crime parfait est un peu compliqué. J’ai décidé de relever le défi. J’avoue m’être arraché les cheveux pour contourner la médecine médico-légale, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, sans oublier les aspects juridiques. Sincèrement, j’ai cru que je ne m’en sortirais jamais.
Il a juste fallu inventer et innover. Dans cet Apéritif bleu marine, inutile de chercher des moyens sophistiqués, quoique. Seules les règles les plus élémentaires sont utilisées. J’ignore ce qu’en pensera un professionnel, mais pour moi, cet assassinat reste réalisable, même s’il nécessite des moyens matériels importants et une certaine technicité. D’ailleurs, il n’est pas à la portée de tout un chacun. Non, ce n’est pas un petit mode d’emploi du crime parfait. Ce n’est qu’un roman policier qui n’a pour but que de distraire, rien d’autre.
Il n’a bien entendu aucun rapport avec la réalité et encore moins avec une situation passée ou présente. Il ne s’agit que de mon délire. Rappelez-vous, comme me l’a affirmé quelqu’un, ceux qui écrivent des histoires n’ont pas vécu.
Apéritif :
Je ne sais pas si je ne vais pas en profiter pour prendre un autre verre, car c’est l’heure de la messe.
(Max Hyme)
Bleu marine :
La mer est bleu marine parce que les marchands de couleur avaient créé cette teinte et ne savaient pas quoi en faire. Et surtout, pas question d’utiliser le bleu ciel qui avait déjà été attribué.
(Max Hyme)
Chapitre I
Association gastronomique
Association :
L’homme ne peut rien faire en bien ou en mal qu’en s’associant à pire que lui. Il n’y a pas d’armure plus solide contre l’oppression ni d’outil plus merveilleux pour les grandes œuvres, surtout les plus délirantes.
(Max Hyme)
Gastronomie :
La gastronomie est l’art d’utiliser la nourriture pour faire craindre aux gens qu’il n’existera plus de meilleurs plats et les amener ainsi à accomplir les pires exactions par esprit de vengeance.
(Max Hyme)
Comme chaque mercredi vers minuit, alors que nous commentions notre dernière donne de bridge chez Moira, brusquement Jenny nous surprit par sa question : « D’après vous, comment peut-on assassiner quelqu’un ? » Même si la question nous surprit, je décidais de lui apporter un début de réponse.
Voilà c’était dit. Aucun des cinq colocataires ne put proférer une seule parole, pendant un moment. Je rompis le silence :
Sur ces entrefaites, Moira se leva avec sa dignité toute britannique pour accomplir sa tâche, abandonnant Jenny, Annabella, Kazuo et moi-même à notre introspection tourmentée.
À ce stade, plusieurs questions se posent, entamant sérieusement la crédibilité de mes propos.
C’est quoi cette histoire de colocataires ?
Mauvaise question. En réalité, nous ne sommes pas colocataires mais copropriétaires.
Pourquoi employer ce terme alors ?
Cela tient à plusieurs raisons distinctes, notamment d’ordre sémantique et circonstanciel. Je m’explique.
La première relève de notre représentation à tous. Si je parle de copropriété, on imagine immédiatement des assemblées générales annuelles, des alliances contre nature, des querelles relatives aux élections du président, du trésorier, du secrétaire, sans compter les suppléants, des discussions sans fin sur des travaux à effectuer ou pas, des procès-verbaux mal rédigés ou contestés, ainsi que des prises de bec interminables. Alors que si je parle de colocation, cela évoque immédiatement, des individus jeunes, plus ou moins immatures, incapables de s’assumer et de vivre seuls. S’agissant de personnes aux alentours de la cinquantaine, on imagine des babas cool vivants en communauté vénérant l’amour, les fleurs et les papillons, ou pire encore des anars. Ça y est, le mot est lâché. D’ailleurs, peu de gens savent ce qu’est l’anarchisme et le confondent avec le nihilisme. Alors, autant s’en expliquer tout de suite une bonne fois pour toutes.
L’anarchisme est opposé à l’idée que le pouvoir coercitif et la domination soient nécessaires à la société. Il se bat pour une forme d’organisation sociale et économique libertaire, c’est-à-dire fondée sur la collaboration ou la coopération plutôt que la coercition.
L’ennemi commun est l’autorité sous quelque forme qu’elle soit. L’État est notre principal ennemi. Cette institution s’attribue le monopole de la violence légale par les guerres sans compter les violences policières, le droit de voler par l’impôt, la confiscation des terres par le concept même de domaine public ; et parfois de s’approprier l’individu par la conscription et le service militaire. Peu importent les différentes tendances anarchistes, toutes possèdent des points communs. Opposé à tout credo, l’anarchiste prône l’autonomie de la conscience morale par-delà le bien et le mal. Nous nous voulons libres de penser par nous-mêmes et d’exprimer librement notre pensée. Aucun de nous n’appartenait plus à la mouvance socialiste ou anarcho-syndicaliste, mais à l’individualiste. Sans plus militer, tout en étant libertaires, nous avions conclu une association tacite entre nous. Pour nous, seul l’individu peut légitimement posséder un bien propre, par la possession individuelle et la propriété privée. Je sais cela paraît compliqué en théorie, mais très facile à vivre en pratique.
La deuxième raison est plus complexe. Avant de m’installer ici, j’étais parti à la recherche d’un logement. Une annonce en anglais attira mon attention. Partie de corps de ferme sur deux niveaux de cent vingt mètres carrés à rénover, située à L’Isle sur la Sorgue au centre-ville, disposant d’un jardin privatif, d’un garage et de nombreux espaces communs. Le prix me paraissait un peu excessif, mais pourquoi pas. Tout se négocie. J’empoignais mon téléphone et pris contact dans la langue de Shakespeare, avec le propriétaire, un Japonais, nommé Monsieur Kazuo Matsusake. Pour les initiés, on l’aura deviné, Kazuo, c’est le prénom et Matsusake le nom. Matsusake, Matsusake ? Cela m’évoquait quelque chose. Les bons franchouillards ne retiendront que le terme saké. Connaissant un peu la langue et la culture nipponne, ce nom correspondait, d’abord à un kata de bô ou de bâton long, ensuite au champignon doré, excellent de surcroît, et enfin au nom d’une île quelque part dans l’archipel. En recherchant dans mon dictionnaire, il se traduisait aussi, sauf erreur de ma part, comme Attente de l’intention. Intéressant ! Un rendez-vous fut pris et je sautais dans le premier train fermement décidé à faire baisser le prix de façon drastique. Je n’avais pas pris de billet de retour, car si la maison m’intéressait, je visiterais la ville. J’avais emporté avec moi un change pour quelques jours. Sur place, je trouverais certainement une chambre d’hôtel en ce début du mois de mars.
Comme convenu, Kazuo m’attendait à la petite gare. Je n’aurais pas pu le manquer, compte tenu de la forte concentration de Japonais dans cette ville vauclusienne, située entre Avignon, Carpentras et Cavaillon. Il se présenta de façon très protocolaire en s’inclinant et en me remettant sa carte de