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A la Sauce New-Yorkaise
A la Sauce New-Yorkaise
A la Sauce New-Yorkaise
Livre électronique303 pages6 heures

A la Sauce New-Yorkaise

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À propos de ce livre électronique

Je m’appelle Morgan Anderson… Et dans ma famille, une vie normale ça n’existe pas. Entre jalousie, coups bas et un esprit de famille proche du néant, je suis tombée dans les pièges du panier de crabe new-yorkais. Cerise sur le gâteau, il a fallu que mon paternel me confie les rênes de l’empire familial… C’est là que les emmerdes commencent. Merci, à sa Majesté, pour ce cadeau empoisonné !...
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2023
ISBN9782384600816
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    Aperçu du livre

    A la Sauce New-Yorkaise - La voix du sabre

    À LA SAUCE

    NEW-YORKAISE

    Roman

    Cet ouvrage a été imprimé en France par Copymédia

    Et composé par les Éditions La Grande Vague

    3 Allée des Coteaux, 64340 Boucau

    Site : www.editions-lagrandevague.fr

    ISBN numérique : 978-2-38460-081-6

    Dépôt légal : Mars 2023

    Les Éditions La Grande Vague, 2023

    Je m’appelle Morgan. Je suis la troisième enfant de David et Melania Anderson. Mes parents, non... mon Paternel, est à la tête d’un empire qui aime faire trembler les bourses du monde entier. L’orgueil des Anderson n’a pas de limite. Nous sommes riches, et donc incapables de vous dire combien nous touchons d’argent chacun.

    Je suis le vilain petit canard de la fratrie. Je n’en fais qu’à ma tête, qu’à mes envies et selon mon humeur. J’ai le don pour agacer mon entourage et rater mes histoires d’amour avant même qu’elles en portent le nom. Les ambitions carriéristes de Ted, mon frère aîné, me maudissent. Ma sœur et ses coups de bistouri m’ignorent et me critiquent. Dorian, le petit dernier, adore pimenter de détails mensongers les aventures de sa famille adorée qu’il aime rabaisser.

    Nous sommes la famille idéale, composée uniquement d’amour et de compassion. Nous vivons en totale harmonie. Ces deux dernières phrases sont totalement fausses. Malgré toute cette négativité envahissante, nous savons être soudés quand l’orage gronde au-dessus de la tête de l’un d’entre nous.

    Sur les conseils de mon avocat, j’ai décidé de partager mon témoignage sur notre belle famille. Trop d’histoires se sont construites autour des mensonges de Dorian. Seules les raisons de ma future mort ne pourront être transformées par son imagination débordante. Mon cancer des poumons me diminue de jour en jour. Voilà ce qu’on peut choper quand on fume clope sur clope, et qu’en plus on est une ancienne toxico.

    J’attaque les séances de chimio et de radiothérapie dès demain. Après des années à me supplier de stopper mes addictions, les médecins vont m’empoisonner avec leurs produits. Ils vont essayer de me sauver. Quelle ironie ! On me drogue pour me soigner alors que les mêmes drogues calmaient mon besoin de destruction.

    Pour me rassurer, on m’a annoncé que mon espérance de vie était d'un an sans traitement. Avec le poison et les rayons, une infirmière a jugé que le cancer serait éliminé dans quelques mois. Quoi qu’en ait décidé la loterie de la vie, je préfère les conseils de mon avocat. Même si raconter ma version des faits, depuis mon retour de ma dernière cure de désintoxication, ne servira pas à grand-chose, je soulage ma conscience de mes actes manqués ou réalisés avec brio.

    PREMIER TRIP

    Retour d’Europe

    Être folle, c’est une chose. Être folle et faire partie d’une famille de dingues riches et instables, en est une autre. Je ne vais pas me plaindre de cette situation. Au moindre pétage de plombs, le cercle a l’extraordinaire pouvoir de se souder et de protéger l’être faible qui a perdu tout contrôle. Pour pimenter le tout, j’ai des tendances suicidaires. J’ai bien failli y passer une fois. Heureusement que Dino, mon bodyguard, n’était jamais bien loin.

    Après quelques mois, en fait quatre années passées dans un hôpital pour timbrés, j’étais de retour dans la famille. Mes parents, surtout ma mère, racontaient à qui voulait l’entendre que mon absence était due à un caprice. J’avais un jour décidé de visiter l’Europe dans tous les sens. Dino aurait préféré que la fausse version soit vraie.

    Durant mon séjour, j’ai fait six tentatives de suicide, mis en place une vingtaine de scénarios, et passé plus de jours en chambre d’isolement qu’en thérapie. La dépression nerveuse de Dino m’a convaincue de me calmer et de faire croire que je jouais le jeu. Ça marque un type de 100 kg qui craque dans vos bras. J’ai fait ce qu’il fallait. Résultat ? Ma folie a été maîtrisée par les médocs, autres psychotropes, et la morphine qui n’était pas prévue au programme. Je connaissais déjà les effets du LSD, de la coke, des ecstas, mais la morphine... quand t’as rien d’autre. Pour avoir plus de doses, mon cul m’a servi à corrompre un infirmier. Et puis je suis sortie avec un diplôme de bonne élève et un corps demandeur de drogues plus dures.

    Mon retour, dans le magnifique immeuble familial de New York, n’a pas été accepté par tous les membres de ma chère famille. Mes deux frères et ma sœur exigèrent que je reste en retrait. Je ne demandais pas mieux. Dino était toujours chargé de ma surveillance. Je voulais qu’il retrouve sa liberté. Je savais qu’il en avait marre, alors j’ai convaincu le Paternel de la lui rendre. Son histoire finit bien puisqu’il a retrouvé sa femme, ses enfants et petits-enfants. Sauf qu'il est mort quelques mois plus tard d’un cancer. Lors de l’enterrement, sa femme m’avoua que c’était l’inactivité qui avait déclenché sa maladie. Le manque de stress avait créé un relâchement destructeur des cellules. Je n’ai rien répondu. J’ai juste regardé mon nouveau chien de garde en me demandant comment j’allais pouvoir me débarrasser de cet emmerdeur. Dino me manquait. J’avais commis une erreur en osant ne pas me comporter comme une Anderson.

    Cette disparition me toucha plus que je ne l’aurais cru. Je me suis remise à fumer autre chose que des cigarettes. J’ai recommencé à ressembler à un zombie. Le Paternel me soutenait toujours. Ma mère voulait que je reparte en Europe. Mes frères cherchaient à m’éliminer, et ma sœur déclarait à qui l’admirait que je devais avoir été adoptée. J’ai fini par ne plus adresser la parole à ceux de mon sang. J’ai fait ce que je savais le mieux faire. Je me suis pris la tête.

    Mon déclin a repris. J’avalais toutes les drogues de la pharmacie sans restriction. J’avais même doublé les doses de mon traitement sous le regard intéressé de mon médecin de famille. J’ai poussé les limites jusqu’au jour du grand déclic. J’allume toujours la télé en sourdine. Je mets la musique à fond et je me connecte sur les forums des drogués anonymes et fiers de l’être. Ce jour-là, je levai mon cul du sol pour attraper mon dernier paquet de clopes quand le visage de mon frère aîné et de cet homme impossible à oublier, apparurent puis disparurent et réapparurent, etc. Je n’avais pas vu cette tête depuis des siècles. Aucun doute n’était possible, le gros plan ne loupait aucun détail. Je suis restée comme une conne plusieurs secondes avant de me jeter sur la télécommande pour faire hurler le son. Cette voix était bien la sienne. Je planais trop pour comprendre ce qu’il racontait. Le reportage continua sur le patriarche. Il fallait que je retrouve quelques neurones rapidement. Je me suis calée sur la chaîne info et mon gros cul est resté où il était. Je me suis allongée et assoupie.

    À mon réveil, la télé était éteinte et je dormais paisiblement dans mon King size. Mon chien de garde avait sûrement pris une initiative. J’ai regardé le réveil : 22 h 30. J’avais soif. La femme de chambre était passée car tout était nickel. Dana passait souvent l’aspirateur sans que je l’entende. J’ai enfilé le peignoir qu’elle avait soigneusement plié au pied de mon lit. J’avais une haleine de chacal et la bouche pâteuse. Depuis ma cuisine, j’entendis un bruit de fête provenant de l’appartement des parents. J’ai ouvert ma porte d’entrée et me suis concentrée. Des voix, des rires, de la musique de salon et un garde du corps assoupi dans un couloir vide, ce fut trop tentant. Je décidai de m’inviter à la réception sans changer le moindre détail vestimentaire ou cacher la moindre odeur corporelle.

    L’effet fut immédiat. Dès mon entrée, les curieux chuchotèrent, les décoincés s’esclaffèrent, et les membres de ma famille tentèrent de cacher toute gêne. Ted, mon aîné, m’attrapa par le bras et voulut m’emmener de force. La menace d’une crise de hurlements l’en dissuada. Ma gentille sœur se contenta de quitter l’immense salle de bal. Le dernier frère chercha notre mère chérie tandis que mon père m’offrit un verre tout en me présentant au maire de New York.

    Il y eut un silence, puis le maire rit à gorge déployée.

    Après cette déclaration, j’ai aussitôt dévisagé mon père. Il garda son sourire de séducteur. Je lui lançai un « bien joué » admiratif avant de m’envoyer d’une traite le cocktail qu’il m’avait donné. La vodka m’arracha la gorge avec délice.

    Je fus maudite par les ambitions de l’aîné sans aucun doute possible. J’avais été introduite par le Paternel auprès du maire avant lui.

    De retour dans mon appartement, je rallumai la télé sur la chaîne info. Après une dernière clope, j’attrapai une boîte à pilules contenant une dizaine de somnifères, qui traînait dans ma table de nuit. J’en avalais deux. Je m’allongeai ressentant les premiers signes de fatigue puis m’endormis avec le visage en gros plan de celui que je ne pensais jamais revoir.

    Le lendemain après-midi, dès mon réveil, je songeai d’abord à ma première clope puis me rappelai que j’avais rendez-vous avec le Paternel. Même si la veille mon esprit était à moitié connecté, il avait gardé en mémoire la remarque de monsieur le maire, comme quoi j’étais la première Anderson à lui être présentée.

    Après un passage éclair dans la salle de bain et une première ligne de coke, je pris la direction du garage où un coupé noir flambant neuf m’attendait depuis mon retour. Une p’tite folie paternelle avec une condition : avoir un chauffeur à mes côtés. À mon grand regret, je pris la place du mort et mon nouveau Godzilla, celle que je convoitais. Celui de la veille avait reçu son chèque de fin de contrat après ma prestation.

    Au bout d'une heure d’embouteillages, nous arrivâmes enfin devant les bureaux de la multinationale familiale. Une foule de journalistes attendait à l’entrée. Le moindre vautour fonçait sur tout ce qui sortait ou entrait.

    Dino, mon Dino, aurait pris les devants. Il n’aurait même pas attendu que je pose la question et encore moins osé une telle réponse.

    Était-il plus intelligent qu’il n’y paraissait ? Ou était-ce une couverture ? Le ton employé était, de toute évidence, catégorique. Je préférai utiliser les coulisses. Je ne voulais pas devenir une carcasse de plus pour ces charognards. Je ne connaissais pas le sujet qui les agitait. Mon entrée se joua en toute discrétion. Seule Betty, la vieille et fidèle maîtresse de mon père me reconnut.

    Jamais je n’ai pu lui donner un âge, même approximatif. Apparemment, elle s’était fait : refaire les seins, tirer les pommettes, effacer les pattes d’oie, pulper les lèvres, jouer avec le Botox, liposucer la graisse, refaire les paupières, et couper les cheveux. Si le Paternel mourait d’une crise cardiaque pendant le coït, cela ne me surprendrait pas.

    Un sourire pour oser approuver et un soulagement intérieur pour avoir un vagin et non un pénis. Je n’attendis pas qu’elle prévienne mon père pour entrer dans son QG. J’aurais dû. Une stagiaire, d’une vingtaine d’années, sortit de dessous son bureau pendant que le Paternel rangeait le matériel. Je me tournai vers Betty qui osa d’un air dégoûté me lancer :

    La jeune femme n’osa pas poser le moindre regard dans ma direction, mais balança un « Tu me bipes » à une Betty pas le moins du monde, gênée. J’entrai comme une enfant prise en faute. Je fermai la porte derrière moi et attendis que Dieu s’exprime après avoir retrouvé une tenue de grand patron. Les minutes, bien que courtes, se sont transformées en heures. Malgré moi, je me retrouvai dans une situation que je ne souhaite à aucun gosse. Dieu garda son sourire à gros budget et s’avança comme si de rien n'était.

    Autant éviter de s’enterrer un peu plus. Il me proposa de m’asseoir. J’eus une tout autre vision du bureau. Mes yeux d’enfant se transformèrent en regard de pervers : Betty, jambes écartées, ventre sur le bureau et mon Paternel… arrêt sur image. Besoin d’une ligne. Je fixais Dieu et rien d’autre. Assis au bord dudit bureau, il commença son discours de big boss avec tous les bouquets de fleurs et ronds de jambe possibles. Une magnifique introduction pour un dénouement, à la hauteur du suspens, s’offrit à mes oreilles. J’étais abasourdie, stupéfaite, désintoxiquée. Tant d’années de thérapie pour que seuls quelques mots réussissent là où tant de médecins ont échoué. Je le fis répéter :

    Je les avais presque oubliés ces deux-là. L’aîné allait m’étrangler, me crucifier, me faire bouillir, bref, tuer mon corps et mon âme. Le second et son côté dandy prendraient le dessus et joueraient la carte de l’ignorance. Ma sœur, ma tendre garce de sœur, n’aurait peur que pour son argent de poche. Finalement, l’idée de prendre mes fonctions ne me déplut pas.

    Pourquoi réfléchir plus longtemps ?

    Dieu eut un sourire plus large que le fleuve Amazone. J’étais sur un nuage. Juste l’idée d’emmerder mon univers familial et plusieurs autres actionnaires me plut comme si je venais de m’envoyer une ligne. Malheureusement, j’étais inconsciente. Je ne me rendais pas compte que le panier de crabes, dans lequel je me jetais, était pire qu’un mauvais trip. Je ne le compris que bien plus tard.

    Inconsciente du danger, je découvris mon espace de travail. Le bureau était une merveille. C’était du délire ! Je ne me suis pas sentie à ma place. Pourtant, il fallait que je m’adapte très vite. Ces nouvelles responsabilités me sautèrent en pleine figure quand je me suis retrouvée seule dans cette immense pièce. Je me suis alors demandé à quel jeu s’amusait mon père. Lui aussi aimait déplaire à la famille. D’abord la présentation à monsieur le maire, et maintenant une promotion plus que suspecte, il fallait que je découvre ce qui se tramait derrière mon dos.

    Ne faire confiance

    à personne

    La nouvelle de mon entrée dans le conseil d’administration eut l’effet d’une bombe. La maison était déjà froide. Après cette annonce, un vent glacial s'installa pour une durée indéterminée. Mon aîné ne m’adressa pas la parole avant la première réunion. L’autre chercha la confrontation directe. Ma sœur eut une crise de shopping aiguë pour éviter de péter un plomb. Notre mère ? La scène est interdite aux âmes sensibles. De mon côté, pour évacuer le stress, je m’envoyai quelques antidépresseurs qui m’aidèrent à survoler les ennuis. Mais qui n'étaient pas assez forts pour me faire oublier les futures emmerdes.

    Ne résistant plus à l’appel de la poudre, je me préparai tranquillement une ligne sur la table basse, quand mon second frère entra, une clope au bec, dans mon antre sans annoncer son entrée. Je le dévisageai quelques secondes puis lui proposai de partager Blanche. Il s’approcha et n’hésita pas une seule seconde. Il forma son rail et se l’envoya oubliant d’apprécier le rituel.

    Je le découvrais. Il avait perdu cette innocence et cette timidité qui le caractérisait. Dorian avait gardé ses traits d’enfant, mais son regard était devenu mystérieux, presque envoûtant. Il était insaisissable, un androgyne tout droit sorti d’un manga gothique.

    J’eus droit à un topo sur l’évolution de la famille sans même le demander. Les mots lui brûlaient les lèvres depuis trop longtemps. Impossible de les retenir. Notre grand et fabuleux aîné, Ted, avait réussi à prendre le contrôle de 20% du groupe après avoir racheté les parts de Roxane, notre chère sœur. Il avait aussi l’intention d’épouser Helena Gavin, fille du richissime George Gavin, talentueux homme d’affaires. Un seul bémol dans l’idyllique tableau, le meilleur ami de notre frère, Andrew.

    Je n’insistai pas. Inutile de s’en faire un ennemi alors qu’il essayait de restaurer le dialogue. Je lui proposai une clope qu’il refusa.

    Il jouait le dandy. Je dois admettre que cela m’amusait. Il était en décalage avec le reste de la famille qui ne s’en souciait apparemment pas. La fumée le dérangea. Il ne dit rien, mais alla se servir un brandy. Je crus voir Dorian Gray, le personnage d’Oscar Wilde, la beauté de la jeunesse aristocratique britannique, l’éternité en moins et la nationalité américaine à la place. S’il n’avait pas été mon frère, je me serais laissé tenter. Il revint s’asseoir sur le canapé après que j’eus écrasé ma cigarette. Il observa le contenu de son verre et continua son exposé. Ce fut au tour de Roxane d’en prendre pour son grade. Notre douce et tendre Roxy, née trois ans avant moi, a toujours été une peste professionnelle. Son personnage était beaucoup plus abouti. Son caractère encore plus venimeux qu’avant mon départ pour l’Europe. Dorian allait bien me sortir une info croustillante.

    Il jubilait. Son venin perlait sur ses crocs fins et pointus. J’attendis en songeant à une douloureuse rupture amoureuse. La raison était banale. Le prétendant était peut-être un cru exceptionnel.

    Qui restait-il encore à sacrifier ? Mère ? Père ? Pourquoi pas ! J’étais sur un terrain miné que je devais absolument contrôler. Les cartes, que me donnait Dorian, me permettaient de jouer un peu plus dans cette cour qui continuait de me rejeter. La raison de ce déballage m’intrigua un tantinet. Mon tendre frère devait avoir un but inavouable. Je le savais manipulateur à ses heures perdues. Malheureusement, je ne savais pas jusqu’où il était capable d’aller.

    Voilà donc le but de toute cette mascarade. Dorian cherchait des infos compromettantes sur le Paternel. Il s’imaginait pouvoir me séduire en descendant tous ceux qui me détestent au sein de cette sublime famille pour atteindre les Cieux. Il se trompait. Dieu est intouchable à mes yeux et même ses dérives sexuelles sont des rituels sacrés. Après tout, si sa femme n’avait pas été seulement une pondeuse, mais aussi une baiseuse, jamais sa queue n’aurait goûté à d’autres vagins.

    Échec ! Dorian voulait jouer et il venait de perdre. Tous ces détours et ce temps perdu pour terminer comme un moustique sur un pare-brise sans possibilité de réplique. Son issue de secours ne prévoyait que du silence et de la rancœur. Il replongea dans son brandy sans avouer sa défaite. Il le fallait pourtant. Malgré tout, il insista. Il leva son verre et but une nouvelle gorgée. La bête n’était pas achevée.

    Quel duel ! Il avait vraiment pris de l’assurance notre petit dernier. Je ne baissai pas les yeux et attendis, patiemment, qu’il se décide à partir. J’avais encore une carte à jouer. Je la posai sur le tapis.

    Il était au pied du mur. Son masque tombait doucement. Dorian n’était plus aussi sûr de lui. Il devait à présent se confier. Ce n’était pas dans ses intentions. Il avait engagé une partie, ignorant que l’adversaire était toujours aussi incisif.

    Mouché ! Il me dévisagea sans doute pour chercher une faille qu’il ne trouva pas. La réponse de Dorian tarda à venir. Je profitai de cet instant de soumission pour m’envoyer mon whisky d’une traite. Mon frère eut enfin une réaction. Il observa sa chevalière qu’il ne cessait de tourner autour de son index.

    Je le laissai gagner cette fois-ci. Insister aurait été une blessure dans son orgueil que je ne pouvais me permettre.

    Pour se rendre à cette soirée, Dorian choisit de se faire accompagner par un chauffeur, une question de sécurité, d’après lui. Trop de Blanche nuit à une conduite impeccable. En réalité, Dorian n’avait plus accès à son permis de conduire. Plusieurs excès de vitesse et un taux d’alcool anormalement élevé auraient dû l’envoyer derrière les barreaux. Le cabinet d’avocats avait géré le truc d’une main de maître. Godzilla fit l’affaire.

    Devant une boîte de nuit, une vingtaine de personnes attendaient le signe salutaire du videur aussi balaise qu’un sumo. En sortant de la voiture, Dorian eut tout de suite droit aux courbettes du géant qui lui adressa un sourire gêné tout en lui ouvrant la porte. À sa vue, les gens s'écartaient pour laisser passer sa Majesté. Je préférai ne pas le suivre. Je m’approchai du bar situé au fond de la salle et observai le manège. Je perdis Dorian de vue et assistai au ballet de la drogue qui circulait. Aucune discrétion. Le barman distribuait l’ecsta comme des cocktails sans alcool. S’apercevant de ma curiosité malsaine, il s’avança soupçonneux pour prendre ma commande et me glisser un :

    Amusée, je rentrai dans le jeu. Une histoire s’offrait gracieusement à mes oreilles, autant en profiter.

    Mon rafraîchissement s’accompagna d’une enveloppe kraft que j’ouvris en oubliant la discrétion. Le barman s’offusqua.

    Je rangeai l’enveloppe et lui demandai un sachet de blanche de qualité, à mettre sur la note. Toujours aussi bavard, il m’apprit que j’étais fêlée puisque :

    Bienheureux, pensai-je, toi qui es le propriétaire des lieux.

    J’avais osé cette remarque intérieure sans connaître un détail qui allait, plus tard, me foutre dans la merde. Je décidai de continuer mon inspection en faisant un tour du côté des toilettes. Je ne sais pas pourquoi, mais la clientèle de ce genre d’établissement redevient humaine dans ce lieu de partage. L’endroit était bondé et heureusement assez clean. Une feuille récapitulait les heures et les personnes qui avaient rendu cet espace décent. En contrôlant ce tableau, on en déduisait qu’en moyenne, il était nettoyé toutes les demi-heures. Comme il est agréable de faire sa ligne dans de telles conditions !

    En tentant une approche vers le fond, près du distributeur de capotes, trois nanas relevèrent la tête en même temps, tout en se pinçant le nez. Une autre préparait sa seringue d’héro tout aussi naturellement. L’endroit me parut soudainement glauque. Encore plus quand, arrivée au distributeur, je trouvai une petite complètement destroy, le nez en sang. Heureusement, elle était toujours vivante, mais pas pour longtemps. Je bousculai tout le monde, fonçai vers mon nouveau pote barman, et lui crachai la catastrophe. Il se tourna vers son collègue et lui demanda de faire le ménage. Aussitôt, il planqua tous les produits à sa portée.

    Je suivis le serveur. Il fit sortir tout le monde en hurlant à pleins poumons que c’était le quart d’heure alcool et défonce gratuite. Quelques-unes sortirent, mais pas assez pour aider la petite. J’attrapai alors les dernières emmerdeuses par le bras et les jetai dehors.

    J’eus juste le temps de mettre ma cigarette au bec pour l’aider à la sortir du coin où elle était tombée. Sans aucune explication, il me laissa avec elle. Je la reposai par terre et décidai d’appeler moi-même les urgences. Juste après, je vidai mes poches pour donner l’illusion d’un ange et balançai mes doses dans les chiottes. Le barman revint accompagné de Dorian qui osa une phrase que j'ai encore du mal à oublier.

    Dorian paniqua, passa plusieurs fois sa main sur son visage avant de demander au barman de vraiment faire le ménage et le plus vite possible. Dans son costard hors de prix et mal taillé au niveau des hanches, il suait. Il se calma puis chercha

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