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Les Cahiers de Chantilly, n°15: Etudes d'histoire et d'art du sud de l'Oise
Les Cahiers de Chantilly, n°15: Etudes d'histoire et d'art du sud de l'Oise
Les Cahiers de Chantilly, n°15: Etudes d'histoire et d'art du sud de l'Oise
Livre électronique318 pages3 heures

Les Cahiers de Chantilly, n°15: Etudes d'histoire et d'art du sud de l'Oise

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À propos de ce livre électronique

Les Cahiers de Chantilly sont une publication créée en 2008 par le Département d'Histoire Locale du Centre culturel de Chantilly. Ils traitent de sujets inédits, dans des domaines aussi divers que l'histoire politique, sociale, artistique, littéraire de Chantilly et sa région, de l'époque médiévale à nos jours. Le numéro 15 propose 4 articles :
- Le Grand canal, ses vassaux et la Grande écluse, l'héritage empoisonné du Grand Condé ou " l'enfer " du décor par Yves Bück
- le musée Condé et le Domaine de Chantilly durant la Seconde Guerre mondiale par Nicole Garnier
- Spoliation et aryanisation des " biens juifs " à Lamorlaye au cours de la Seconde Guerre mondiale par Sylvine Cros, Anne Dezobry et Lucienne Jean
- Collection : La rentrée du duc d'Aumale, une caricature de Claude Guillaumin dit Pépin, dans le journal satirique Le Grelot du 17 mars 1889 par Sarah Gillois.
LangueFrançais
Date de sortie28 déc. 2022
ISBN9782322544530
Les Cahiers de Chantilly, n°15: Etudes d'histoire et d'art du sud de l'Oise
Auteur

Centre Culturel Marguerite Dembreville de Chantilly Département d'histoire locale

Les Cahiers de Chantilly sont une publication créée en 2008 par le Département d'Histoire Locale du Centre culturel de Chantilly. Ils traitent de sujets inédits, dans des domaines aussi divers que l'histoire politique, sociale, artistique, littéraire de Chantilly et sa région, de l'époque médiévale à nos jours.

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    Aperçu du livre

    Les Cahiers de Chantilly, n°15 - Centre Culturel Marguerite Dembreville de Chantilly Département d'histoire locale

    Sommaire

    Éditorialpar le maire de Chantilly

    Avant-propospar le comité de rédaction des Cahiers de Chantilly

    Le Grand canal, ses vassaux et la Grande écluse, l’héritage empoisonné du Grand Condé ou « l’enfer » du décorpar Yves Bück

    Le musée Condé et le Domaine de Chantilly durant la Seconde Guerre mondialepar Nicole Garnier

    Spoliation et aryanisation des « biens juifs » à Lamorlaye au cours de la Seconde Guerre mondialepar Sylvine Cros, Anne Dezobry et Lucienne Jean

    Collection - La rentrée du duc d’Aumale : une caricature de Claude Guillaumin, dit Pépin, dans le journal satirique Le Grelot du 17 mars 1889par Sarah Gillois

    Éditorial

    Chaque année en décembre, depuis maintenant 15 ans, le Département d’Histoire Locale du Centre Culturel de Chantilly dévoile le fruit d’une année de travail sur l’histoire de notre territoire. Les articles sélectionnés par le Comité de rédaction retracent chaque fois la vie des hommes, l’évolution des paysages, l’impact des grands évènements nationaux sur notre histoire locale, des périodes les plus glorieuses aux plus sombres, pour comprendre notre passé et éclairer notre actualité.

    Cette fois encore, les auteurs se sont plongés dans les archives et ont décortiqué documents administratifs, témoignages, essais, documentaires, iconographies et autres plans pour nous livrer des articles, clairs, accessibles et passionnants.

    Je tiens à remercier les auteurs et les membres du Département d’Histoire Locale, oeuvrant tous bénévolement, pour ce nouveau numéro des Cahiers de Chantilly.

    Bonne lecture à tous,

    Isabelle Wojtowiez

    Maire de Chantilly

    Avant-Propos

    Le Département d’Histoire Locale du Centre Culturel Marguerite Dembreville de Chantilly est heureux de vous présenter le numéro 15 des Cahiers de Chantilly qui accueille deux nouveaux auteurs : Nicole Garnier, conservateur général honoraire du musée Condé et l’association d’histoire locale de Lamorlaye ALMA (Association Lamorlaye Mémoire & Accueil) représentée par trois de ses membres, Sylvine Cros, Anne Dezobry et Lucienne Jean.

    Proposer des textes originaux, abordant toutes les thématiques - histoire, art, littérature, société - concernant Chantilly et ses alentours, tel est notre objectif depuis la création des Cahiers de Chantilly en 2008 et cet objectif est bien respecté par ce numéro qui vous propose un grand voyage dans le temps du XVIe siècle à la Seconde Guerre mondiale et un petit voyage dans l’espace, bien centré sur Chantilly, avec un écart vers Lamorlaye…

    Ce numéro 15 tire quelques fils à partir d’articles déjà proposés :

    - sur les eaux de Chantilly avec, dans le n° 6, Jacques de Manse à Chantilly par Yves Bück et Les fontaines du Grand Degré, château de Chantilly par Françoise Marengo ;

    - sur la période de l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale avec, dans le n° 10, Aryanisation et spoliation des biens juifs à Chantilly entre 1940 et 1944 par Caroline Bitsch.

    Ainsi vous découvrirez dans ce numéro 15 des Cahiers de Chantilly :

    - comment on se promenait du Grand canal au canal Saint-Jean en passant par le canal de la Machine bien sûr mais surtout par une écluse, clef du dispositif et aujourd’hui bien oubliée... ;

    - quelle énergie de tous les personnels du château, du haut en bas de la hiérarchie, et quels soutiens politiques ont permis la sauvegarde des collections du musée Condé avant l’arrivée des Allemands en juin 1940 ;

    - comment, sous l’Occupation, l’aryanisation des « biens juifs » s’est passée, sans grand bruit, à Lamorlaye ;

    - et dans la rubrique Collection, petit retour en arrière, pour découvrir le regard, disons impertinent, que certains de ses compatriotes portaient sur le duc d’Aumale…

    Avec Le Grand canal, ses vassaux et la Grande écluse, l’héritage empoisonné du Grand Condé ou « l’enfer » du décor, Yves Bück nous offre une pépite mêlant histoire et technologie, passé glorieux, ou se voulant tel, et actualité plus sombre, peinant à assumer un héritage hors norme. Sur un rythme endiablé, avec la verve dont il fait bénéficier, pour notre plus grand plaisir, les Cahiers de Chantilly d’article en article, il permet au lecteur de prendre conscience de la démesure des plaisirs de nos princes, du poids qu’ils faisaient peser sur le petit peuple d’alors, contraint d’en assurer la réalisation, et du poids qui pèse encore sur le citoyen d’aujourd’hui responsable d’un héritage hors de proportion avec ce qu’il veut ou peut faire pour le préserver.

    Le musée Condé, deuxième musée de France après le Louvre, a dû s’organiser pour protéger son patrimoine face à la menace de guerre. Dans Le musée Condé et le domaine de Chantilly durant la Seconde Guerre Mondiale, Nicole Garnier nous dévoile comment ce grand déménagement a été envisagé dès septembre 1938. Au printemps 1939, l’État se préoccupe aussi de la protection des musées mais le musée Condé, musée privé, n’entre dans aucune case et ne devra compter que sur lui-même… Et sur l’appui du maréchal Pétain qui apparait ici comme un homme cultivé, bienveillant et efficace (un peu comme sur les affiches qui couvriront bientôt les murs de la France vaincue) intervenant à plusieurs reprises pour obtenir aussi bien une autorisation que des camions… Car Philippe Pétain, qui n’est pas encore « le chef de l’État français » que nous verrons à l’oeuvre dans l’article sur les spoliations de « biens juifs » à Lamorlaye, est ici dans son rôle d’académicien : élu à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, cela ne s’invente pas, en 1919, il est nommé à ce titre en 1925 « conservateur » du domaine de Chantilly, au sens prévu par le duc d’Aumale dans sa donation. Dès lors, il est, avec deux autres « conservateurs » qui n’interviendront pas, le responsable direct de l’administrateur du domaine sur place. Administrateur qui lui, doit sauvegarder les collections… Avec les difficultés de cette entreprise et toutes ses péripéties, Nicole Garnier nous fait pénétrer dans un Chantilly inconnu, plein de cachettes et de chambres fortes. Elle nous offre aussi, puisqu’elles sont bien les vedettes de cette histoire, un kaléidoscope des richesses du musée Condé et insiste sur le dévouement de tout le personnel du château qui a travaillé sans compter dans les conditions si particulières : mobilisation, exode, guerre, puis Occupation et occupation du Domaine de Chantilly.

    Le contraste est fort entre la situation décrite par Nicole Garnier où un groupe d’acteurs solidaires se mobilisent pour sauver un trésor qui ne leur appartient pas directement et les situations d’individus isolés, traqués, souvent « disparus sans laisser d’adresse » dont les biens, si modestes comparés aux collections du musée Condé, sont l’objet d’un acharnement conjugué de l’occupant nazi et de l’État français. Dans L’aryanisation des « biens juifs » à Lamorlaye au cours de la Seconde Guerre mondiale, ce qui est à l’oeuvre c’est une administration créée par l’État français (dont le chef est le maréchal Pétain) pour gérer dans les règles définies par les lois de l’État français et les ordonnances de l’occupant nazi, un processus dit d’aryanisation économique qui aboutit à la spoliation des juifs français ou étrangers sur l’ensemble du territoire. À Lamorlaye, il s’agira d’une population appartenant à une bourgeoisie aisée, souvent médecins ou commerçants. Une population très différente de celle évoquée par Caroline Bitsch quand elle traite, dans le numéro 10 des Cahiers de Chantilly, du même sujet, mais à Chantilly. Aisés ou misérables, intégrés dans la société française ou immigrés de fraiche date, conscients du danger ou n’arrivant pas à le concevoir, la plupart de nos personnages ont comme point commun d’être absents de leur propre histoire. Les auteurs, Sylvine Cros, Anne Dezobry et Lucienne Jean avaient toutes les trois lu l’article de Caroline Bitsch traitant de l’aryanisation des « biens juifs » à Chantilly quand, travaillant pour l’ALMA sur l’histoire des grands chevaux qui ont marqué le monde hippique de Lamorlaye, elles ont retrouvé le même personnage, Roger Guthmann, propriétaire d’une écurie à Chantilly et... propriétaire de BIRIBI, grand cheval de course entraîné à Lamorlaye et volé par les Allemands. Il n’en fallait pas plus pour les décider à se lancer dans une recherche sur les spoliations de « biens juifs » à Lamorlaye. Une recherche qui s’est avérée plus complexe et plus longue que ce qu’elles imaginaient. Mais qui ajoute une pierre à l’histoire, encore à écrire, de tous ces anonymes dont le parcours de vie individuel s’inscrit dans l’Histoire.

    Pour terminer sur un ton plus léger, vous découvrirez, dans la rubrique Collection, une caricature, conservée au musée Condé, parue dans le journal satirique Le Grelot en 1889 à l’occasion du retour en France du duc d’Aumale ; un hommage décalé à Henri d’Orléans pour le bicentenaire de sa naissance.

    Nous espérons que ce nouveau numéro des Cahiers de Chantilly saura satisfaire votre curiosité et votre goût de l’Histoire et des histoires. À votre tour, vous pouvez nous proposer des sujets à explorer ou nous soumettre vos articles : n’hésitez pas à nous contacter par mail ou par courrier à l’adresse du Centre culturel.

    Nous vous souhaitons une très agréable lecture de ce quinzième numéro des Cahiers de Chantilly. Merci de nous faire part de vos impressions sur notre site www.cahiersdechantilly.com, entrée Les Éditions, rubrique Tribune libre ou sur Facebook Les Cahiers de Chantilly.

    Le Comité de rédaction

    lescahiersdechantilly@gmail.com

    Centre culturel Marguerite Dembreville

    Département d’Histoire Locale

    34 rue d’Aumale

    60500 CHANTILLY

    fig. 1. Vue générale de Chantilly du côté de l’entrée, Adam Perelle, musée Condé, Chantilly, inv. 1971-3-61 © RMN-Grand Palais, Domaine de Chantilly-Harry Bréjat.

    LE GRAND CANAL, SES VASSAUX

    ET LA GRANDE ÉCLUSE

    L’héritage empoisonné du Grand Condé

    ou

    L’enfer du décor

    par Yves BÜCK

    « Les inondations sont prodigieuses et je hais si fort les canaux, les inondations,

    les prairies et les eaux que je crois que j’aurais choisi pour mon habitation […]

    quelque lieu stérile et sec où il n’y eust pas une source à dix lieues à la ronde. » ¹ Henri-Jules de Bourbon, duc d’Enghien,

    à Monsieur de Gourville, Utrecht, le 2 juin 1673

    « Pour représenter d’un seul trait le château de Chantilly je ne craindrai point

    d’avancer que c’est peut-être l’unique endroit sous les cieux

    où la terre et l’eau sont le mieux assorties. »² (fig. 1)

    Faure, 1722

    « En vain, espérerait-on de rendre durable les belles choses […] si on leur refusait les soins

    nécessaires à leur entretien. Combien voyons-nous de belles fontaines ruinées,

    faute d’avoir été entretenues de longue main. » ³

    Antoine Dezallier d’Argenville, 1757

    « La gadoue, la gadoue, la gadoue »

    Serge Gainsbourg, chanson, 1966

    « Ca va sentir mauvais ; vivement que les personnes qui s’occupent des écluses

    reviennent de vacances. Il y a du laisser-aller »

    Lu sur Facebook, septembre 2021 LE CHEMIN DES OBSTINÉS⁴, SEPTEMBRE 2021

    Le chemin des Obstinés ! Quel drôle de nom ! Pourquoi pas le chemin des Morfondus en écho au canal du même nom ! Nous y reviendrons.

    Le chemin des Obstinés (fig. 2) est certainement l’un des plus fréquentés de Chantilly. Le long de ses 400 m, il permet la transhumance pédestre des habitants de la ville d’une rive à une autre de la vallée de la Nonette, tous les jours, et la flânerie ou la randonnée en fin de semaine. Il ne se pousse pas du col avec son petit air de laisser-aller. Le canal dit de la Machine le borde, encadré rive gauche par deux rangs de frênes au garde-à-vous, et, rive droite, par des saules plantés en 1995 dont les troncs se brisent dès qu’une rafale de vent traverse leur voilure en forme de spinnaker.

    fig. 2. Le chemin des Obstinés © APJM 2022.

    En partant du sud, après avoir frôlé le Pavillon de Manse, le piéton passe devant les ateliers Jacobée⁵, franchit un premier pont qui enjambe le canal Saint-Jean, longe sur la droite une sorte de mangrove d’où émerge une végétation en perdition, puis découvre le Grand canal qui mérite bien son nom et surprend par ses dimensions⁶. Il franchit un deuxième pont sans jeter un regard sur le bassin qu’il surplombe. À sa gauche, l’entrée du parc Watermael-Boisfort. Droit devant, la montée vers le quartier dit du Coq chantant, le collège, le stade et les salles de sport, et enfin, à sa droite, le parking du tennis qui mène à un parcours de santé, à l’abandon faute de fréquentation (fig. 3).

    Des canards col-vert en pagaille, des foulques, un couple de cygnes l’accompagnent dans sa pérégrination. Parfois, un héron, ses échasses dans l’eau, patiente, stoïque, prêt à planter son bec dans le menu fretin. Le chemin est parfaitement entretenu par la Mairie. Le promeneur déambule ainsi le long d’un lieu historique exceptionnel, autrefois vital pour le domaine du château, puis la ville de Chantilly. C’est un espace naturel protégé, un site classé et il ne le sait pas.

    Le Grand canal et ses cinq vassaux

    Il serait étonné, en prenant de la hauteur, de découvrir dans ce morceau de plate vallée un impressionnant assemblage de canaux, tous perpendiculaires et branchés sur le canal de la Machine (fig. 4).

    - À l’est, le Grand canal, majestueux et placide, maintient en perfusion tous ses vassaux avec, sur son flanc gauche, le canal Saint-Jean qu’il tient à distance.

    - À l’ouest, trois canaux parfaitement parallèles de la rive droite à la rive gauche : le canal du Roi, exutoire des eaux qui traversent le bassin ; le canal de Manse, exutoire des eaux qui traversent le Pavillon de Manse, et le canal du Milieu qui traverse la prairie sans mission définie. Ces trois canaux passent sous le viaduc de chemin de fer et se prolongent jusqu’à la chaussée de Gouvieux⁷ de sinistre mémoire⁸ où la Nonette reprend sa liberté et prend le meilleur chemin pour se jeter dans l’Oise à Toutevoie.

    En tout, plus de dix kilomètres de canaux auxquels, pour faire bonne longueur, on peut ajouter tous ceux qui entourent la Manche, longent l’Orangerie, l’Isle d’amour, le Hameau et ses marigots, et bien d’autres encore ; en tout, plus de treize kilomètres bordés par des berges en pierres appareillées. Ayons une pensée pour ceux qui les ont creusés à la pelle et à la pioche dans la partie la plus pourrie et la plus malsaine de la vallée de la Nonette, remplie de gadoue miasmatique sous laquelle se trouve de la tourbe. On n’a jamais vu dans un jardin dessiné par Le Nôtre un système hydraulique si complexe et d’une telle ampleur.

    fig. 3. Le grand parc de Chantilly après 1687, CP-CHA-B-002-08 © Archives et bibliothèque du musée Condé.

    1. Grand Canal

    2. Canal Saint-Jean

    3. Canal de la Machine

    4. Canal de Manse

    5. Canal du Roi

    6. Canal du Milieu

    7. Écluses

    8. Pavillon de Manse

    9. Manche

    10. Réservoir

    11. Île de l’Eau minérale

    actuelle voie de chemin de fer

    viaduc

    fig. 4. Plan du domaine de Chantilly, 1808, CP-CHA-B-004-(02) © Archives et bibliothèque du musée Condé.

    1. Grand Canal

    2. Canal Saint-Jean

    3. Canal de la Machine

    4. Canal de Manse

    5. Canal du Roi

    6. Canal du Milieu

    7. Écluses

    8. Pavillon de Manse

    9. Bassin

    10. Usines

    À vau-l’eau

    Qui en a été le concepteur ? Personne ne le sait. C’est une merveille de génie hydraulique. Edme Mariotte⁹ de l’Académie royale des sciences, jadis bien connu des bacheliers, a profité de la configuration de la vallée pour mener des expériences « à Chantilly en présence de S.A.S. Monseigneur le Prince où l’abondance de l’eau et la hauteur des réservoirs lui fournissaient tous les moyens nécessaires »¹⁰, ce qui l’a aidé à établir des règles pour les jets d’eau, en fonction d’un certain nombre de paramètres physiques, encore utilisées de nos jours.

    Il faut être expert, observateur ou concerné, pour découvrir partout la désolation. Quelques vieux pêcheurs qui surveillent le niveau d’eau de leur terrain de jeu d’un oeil soupçonneux se souviennent : « Autrefois [après la Seconde Guerre mondiale] on voyait les gens du château ; ils surveillaient les niveaux d’eau, nettoyaient les grilles¹¹, aujourd’hui disparues, qui retenaient tous les détritus flottants. Maintenant c’est la misère. »

    C’est un fait que sur les photos aériennes des années 1950, l’ensemble apparaît mieux entretenu. La parcelle coincée entre la prairie et le canal du Roi laissait voir en son centre les traces de l’Île de l’Eau minérale, tant appréciée des princes et princesses¹². Aujourd’hui, cet endroit magique est recouvert d’une végétation inextricable malgré les travaux¹³ de passionnés¹⁴ pour en ouvrir l’accès et rétablir l’insularité de l’ovale.

    Les rives du canal Saint-Jean ont perdu leur appareillage de pierre. Ici et là quelques chicots. Les berges du canal de la Machine en pierres appareillées sont victimes des ragondins, de l’érosion et des arbustes qui plantent leurs racines comme des crocs entre les joints, soulèvent les pierres et les disloquent. De temps en temps, des fissures transforment de minces rigoles en canyon et libèrent les eaux du canal qui se déversent dans la prairie. Le mal est provisoirement enrayé par des rustines en argile.

    Pour comprendre la suite, ayons en mémoire que le niveau d’eau du Grand canal est plus haut que celui du canal Saint-Jean, celui du canal Saint-Jean légèrement plus haut que celui de la Machine, que celui du canal de la Machine est plus haut que celui du canal du Roi, du canal de Manse et du canal du Milieu. C’est par la manoeuvre manuelle d’un ingénieux système de vannes que le niveau d’eau est, tant bien que mal, maintenu constant pour tenir compte de l’humeur de la Nonette, bonne fille, qui varie en fonction de la météo. Un moment de négligence ; le canal de la Machine déborde et la prairie, pâture livrée autrefois à l’appétit des moutons et aujourd’hui à celui des chevaux Henson, se transforme en étang.

    Pour les amateurs de chiffres, le débit de la Nonette varie de 1 à 2 m³/sec¹⁵ avec des coups de colère rarissimes, et qui ne durent pas, à 5,35 m³/sec (débit de l’Oise 110 m³/sec). Arrivée au Grand canal, la largeur de la Nonette passe brusquement de quelques mètres à 60 m et se transforme en un immense bassin de décantation où la rivière dépose calmement ses maudites alluvions charriées depuis Nanteuil-le-Haudouin où elle prend sa source.

    D’aucuns s’interrogent sur la profondeur du canal. Elle serait d’un peu plus d’1 m à l’origine¹⁶. En 1810, elle a été mesurée à 1,45 m. Il serait donc difficile de s’y noyer. Mais lors d’expériences involontaires, vues ou vécues, les « impétrants » se sont retrouvés les pieds piégés dans la boue et de l’eau jusqu’aux hanches. En 2022, l’épreuve de natation du Triathlon prévu dans le Grand canal a été supprimée pour éviter que les mains

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