LE MYSTÈRE MUSSOLINI MAURIZIO SERRA
Perrin, 500 p., 25 €
Maurizio Serra, ancien diplomate italien, membre de l’Académie française, a donné des biographies de D’Annunzio, Malaparte et Svevo, trois étoiles des trente premières années du xxe siècle italien. Son Mussolini creuse le même sillon. C’est un régal d’écriture, un petit chef-d’œuvre de finesse et d’humour, guidé par un art consommé de la biographie et par cette connaissance intime des hommes et de l’Italie… propre à un Italien. L’érudition est présente sans ronfler, les grandes questions politiques et diplomatiques également, sans ennuyer. Le Mussolini qui s’esquisse ne ressemble pas à l’image du César de carnaval qu’on a souvent tendue. C’est un être froid, maniaque, solitaire, un activiste rêveur mais aussi un bluffeur qui a les yeux plus gros que le ventre. Il a été populaire, au moins jusqu’à la conquête de l’Éthiopie, mais sans être vraiment aimé; il a fait le dictateur, mais sans jamais avoir le pouvoir absolu, pas même au sein du parti fasciste. À partir de 1936, il s’est trompé avec constance, surévaluant les forces de son pays, se fourvoyant dans l’alliance avec un Hitler qui lui répugne. Sa fin est tragique au milieu d’une guerre civile qu’on connaît peu en France. Pas de méprise: il n’est absous d’aucun de ses crimes, bien réels, mais infiniment moins nombreux que ceux d’Hitler, Staline ou Mao. Le duce de Serra apparaît à la fois plus humain et plus petit que celui que l’on présente d’habitude.
J. Lopez
La Première Armée française. De la Provence à l’Allemagne
Claire Miot
Perrin, 456 p., 26 €
Perrin publie l’attendue thèse de Claire Miot soutenue en 2016 sur la Première Armée, celle forgée dans l’Empire, celle qui a débarqué en Provence pour participer à la Libération, celle qui a permis à de Gaulle d’obtenir une zone d’occupation en Allemagne. Ce bel ouvrage s’inscrit dans le courant de la nouvelle histoire militaire portée par Olivier Wieviorka, en replaçant l’armée dans les enjeux de la France à la Libération. L’armée de Lattre est d’abord un attelage paradoxal d’une force impériale d’Afrique longtemps fidèle à Vichy et de FFL, qui, tout en combattant pour offrir à son pays un strapontin parmi les vainqueurs, est sommée de se métamorphoser en une armée de la nation rénovée amalgamant 100000 FFI politiquement divisés et dont l’imaginaire est aux antipodes des cadres traditionnels; le tout dans un pays ravagé et déjà tourné vers la reconstruction. C’est trop en demander à son fantasque général. L’analyse est ici magistrale. L’ouvrage n’est pas pour autant un essai d’histoire totale bien qu’il s’élargisse à la vie quotidienne. Les combats n’apparaissent qu’en fond alors qu’ils pouvaient être relus à l’aune de cette fragile unité, et l’auteure ne s’intéresse guère à la machine administrative. Quant à l’occupation en Allemagne, son étude se borne aux violences faites aux civils. Est-ce un mal? Certes pas, l’historienne évite au moins de se disperser. Un travail charpenté et documenté qui fera date.
N. Aubin
Ce qui est arrivé à Wounded Knee
Laurent Olivier
Flammarion, 520 p., 23,90 €
Le 29 décembre 1890, l’armée américaine massacrait environ 300 Sioux Lakotas, à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Ces personnes, dont beaucoup de femmes et d’enfants, étaient déjà entre les mains des militaires, pour être déportées dans une autre région. Les causes exactes du déclenchement de cette tuerie, qui mit fin aux guerres indiennes, n’ont jamais été totalement documentées. On sait que le régiment impliqué, le 7 de cavalerie, était le même que celui qui avait été écrasé à Little Bighorn en 1876. Un historien et archéologue français, Laurent Olivier, conservateur en chef du musée de Saint-Germain-en-Laye, s’est pris de passion pour ce sujet. Il nous livre le récit superbement documenté de l’événement, en insistant sur les destins individuels. Un véritable travail d’enquête policière, au plus près du terrain et des acteurs, écrit dans une langue fluide. L’ouvrage est aussi une réflexion d’une grande profondeur sur le sens d’un tel massacre. Ce crime « qui devait se produire » s’est déroulé, expliquet-il, dans le