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Shōgun: Introduction à une politique de la guerre dans le Japon des samuraï
Shōgun: Introduction à une politique de la guerre dans le Japon des samuraï
Shōgun: Introduction à une politique de la guerre dans le Japon des samuraï
Livre électronique322 pages1 heure

Shōgun: Introduction à une politique de la guerre dans le Japon des samuraï

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À propos de ce livre électronique

Au XIIe siècle, les bushis, les guerriers du Japon, parviennent à se hisser au sommet du pouvoir. Le partage de celui-ci entre le Shōgun, un dictateur militaire investi désormais d’un pouvoir de nature monarchique, et le Tennō, l’empereur « Fils du Ciel », redessine la politique et ses enjeux. En parcourant des évènements clés – l’installation du gouvernement du Shōgun (Bakufu), l’émergence des rōnins ou encore la grande révolte des samuraï en 1877 –, cet ouvrage nous propose une synthèse de ce que fut le Japon dominé par sa caste de guerriers et les politiques d’alors. En s’appuyant sur des sources de la littérature médiévale, sur la pensée de guerriers comme Miyamoto Musashi, à la période Edo, ou encore en analysant le regard porté par les Européens, l’auteur nous dépeint une histoire complexe, ambivalente, mais de manière accessible. Un livre d’histoire certes, mais un livre épique, où le lecteur galope derrière Tameyoshi ou s’embarque sur Hokkaïdō avec Jules Brunet.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Fasciné par le Japon et karatéka chevronné, Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia est membre de la prestigieuse Kokusaï Budoin IMAF et auteur d’un essai philosophique et historique sur les « arts martiaux ». Au travers de ce livre, il met au service de tous les connaissances qu’il a du Budō et ses méthodes de chercheur, afin de proposer une œuvre à la fois exigeante et « charnelle ».
LangueFrançais
Date de sortie29 juil. 2022
ISBN9791037742254
Shōgun: Introduction à une politique de la guerre dans le Japon des samuraï

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    Aperçu du livre

    Shōgun - Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

    Préface

    « L’histoire est un sport de combat », comme l’ont relevé des penseurs avisés. Celle du Japon ne saurait faire exception, à plus forte raison en ces temps de résurgences nationalistes qui n’épargnent pas l’Asie, tant s’en faut. Science humaine par excellence, l’histoire a constamment besoin d’être discutée, remise en perspective, éclairée sous des lumières nouvelles, questionnée aussi, sous peine de se scléroser, de s’enkyster dans les certitudes. Méconnue sous nos latitudes, à tout le moins trop souvent réduites aux stéréotypes véhiculés par ses déclinaisons populaires, la culture nippone repose sur un socle plongeant ses racines dans un terreau civilisationnel qui déborde largement des rivages de l’archipel. Le monde des arts martiaux, terme d’ailleurs récusé d’emblée par l’auteur, a pour lui d’avoir compris précocement les passerelles reliant les pratiques chinoises et japonaises, voire au-delà. Fort de son double parcours d’historien et de karatéka émérite, Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia se propose de puiser aux sources, au besoin, étymologiques, en revenant sur la pensée du célèbre Miyamoto Musashi ou d’autres maîtres moins illustres et néanmoins fondateurs de ce qu’il convient d’appeler budô.

    Renvoyant dos à dos l’interprétation résolument pacifiste, essentiellement tournée vers le combat intérieur, comme l’illusoire recherche obsessionnelle de l’efficacité, l’auteur rappelle à raison que ces lectures sont toutes deux décorrélées de leur contexte. Là encore, la confrontation avec les textes est éclairante. Là où le praticien qu’est Musashi n’a de cesse d’inviter à s’adapter aux circonstances, dans la grande tradition asiatique, le Hagakure est au contraire une ode au conservatisme, dont on comprend aisément qu’elle se soit attiré les faveurs de la junte militaire au pouvoir au Japon lors des sinistres années 1930, et qui instrumentalisa le bushidô aux fins que l’on sait. Sans verser dans le déterminisme, ces postures n’ont rien de surprenant. Enfant des derniers feux des guerres civiles qui avaient embrasé l’archipel plus d’un siècle durant, Musashi est conscient des nécessités du temps, qui conditionnent la vie ou la mort au combat, tandis que Jôchô Yamamoto, compilateur du fameux traité, glose sur des temps oubliés, glorifiant une mort sabre au poing qui a déserté la réalité quotidienne du guerrier depuis fort longtemps. En cela, le premier développe une doctrine pratique lorsque le second s’inscrit davantage dans une idéologie, dont il ne peut certes mesurer à quelles funestes extrémités elle conduira son peuple deux siècles et demi plus tard.

    Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia met enfin en garde contre une perception idéalisée du récit historique et de ses protagonistes. Il embrasse ainsi dans la tendance bienvenue qui entend dépoussiérer l’histoire, fût-elle militaire, quitte à déboulonner au passage quelques idoles et écorner les romans nationaux, Ces précieuses clés de compréhension trouveront, à n’en pas douter, écho bien au-delà du cercle des pratiquants d’arts martiaux, puisque faire œuvre d’histoire est faire œuvre utile.

    Julien Peltier, Tours, 2 septembre 2021

    L’homme courageux s’assure la gloire en cette vie, sa loyauté d’âge en âge perpétue son nom et l’honneur en rejaillit jusque sur sa descendance, dit-on.

    Le lâche, non seulement se prive de récompenses, non seulement de cela, mais de son vivant il se couvre de honte, et après sa mort ne laisse qu’opprobre, dit-on.

    Méditer profondément ces vérités, telle doit être la voie des guerriers.¹

    Avant-propos

    S’il est aisé d’établir une distinction nette entre le développement de la savate et l’histoire de France, il n’est pas possible de procéder à une dissociation des « arts martiaux » japonais et de l’histoire du Japon. L’histoire du Japon a façonné les « arts martiaux » comme les « arts martiaux » ont façonné le Japon. La politique des guerriers aurait-elle imprégné les pratiques dites « martiales » ?

    Il convient sans plus attendre de préciser l’usage, ci-dessus, des guillemets. « Arts martiaux » est un terme générique façonné par l’Occident ; c’est une notion qui nous est pratique aujourd’hui, car elle renvoie à des images – d’Épinal ? –, et fait entrer des pratiques et des disciplines dans des représentations à peu près identifiables. Pour autant, ce terme générique ne correspond à aucune réalité historique. « Martial arts » est un concept politico-commercial sur lequel nous aurons le temps de revenir. Au cours de la grande histoire guerrière japonaise, on a parlé de Bugeï, de Bujutsu, puis plus tardivement de Budō², dans un contexte, il faut le reconnaître, de pacification. Ces notions, parfois usitées par des pratiquants de Budō aujourd’hui, revêtent des qualités parfois complexes, et l’éclairage de l’historien apparaîtra souvent essentiel. Accordons-nous néanmoins sur un point fondamental : si en Occident, nombre d’experts revendiquent la dénomination de sport pour évoquer un « art martial », les maîtres japonais, qui revendiquent d’être garants de la tradition, ne disent pas, même en stage avec des Occidentaux, « martial arts », mais Budō. Je livrerai quelques anecdotes en la matière. L’objet n’est pas ici de relancer la sempiternelle opposition entre les deux matières, mais simplement d’acter qu’il ne s’agit pas de la même chose. De surcroît, si l’efficacité est un élément structurant et essentiel d’une méthode de combat, qualifiée ou non de sportive, en Budō elle n’est pas exclusive ; et avant le Budō, il existait une réalité dans laquelle les règles de courtoisie et de déférence n’étaient pas la préoccupation première.

    Chercher à saisir la puissance de ces disciplines nécessite de comprendre ce que fut la réalité du Japon pendant huit siècles, comprendre sa caste de guerriers, bushi – on dit parfois musha – : les samurai. Ces guerriers japonais sont souvent idéalisés, et ma réflexion participera à une forme de démystification. Qui étaient les samuraï ? Une classe d’hommes que rien ne semblait au préalable disposer à gouverner le Japon. Pour autant, « La figure du samouraï, c’est-à-dire du guerrier, se confond avec l’histoire du Japon au point d’en être le symbole même³. » Leur ascension, progressive, mais rapide, les aura conduits jusqu’à l’exercice du pouvoir et, d’une certaine manière, à façonner l’âme d’un pays.

    PS : Les noms communs japonais seront retranscrits selon la méthode Hepburn : en italique et sans la marque du pluriel français. Ainsi, pour désigner les samouraïs, l’on écrira samuraï.

    Livre premier

    De l’émergence des guerriers à leur exercice du pouvoir

    La « lanterne chinoise », l’aristocratie de cour

    et le recours aux guerriers

    Dans l’antiquité, le Japon est à « l’école de la Chine », comme éclairé par elle – la prépondérance de la Chine en Extrême-Orient, notamment sous les Han, est comparable à celle de Rome au cœur de son empire – : l’écriture bien entendu, et à travers elle la philosophie, la religion et même la politique, tous ces éléments venant de Chine sont perçus par les aristocrates de l’archipel sous les meilleurs auspices. La sophistication, le degré de civilisation qui caractérisent la Chine d’alors sont une source d’inspiration qui, à des degrés divers, allait être pleinement appropriée par le Japon, parfois pour en faire autre chose. Ainsi, l’écriture est introduite au VIe siècle de notre ère, ce qui, convenons-en, est tardif. Le Bouddhisme, arrivé par la Corée⁴, qui devait recevoir un accueil très favorable, est élevé au rang de religion d’État en 593. Pour autant, le Shinto, la « religion originelle » du pays, ne disparait pas, bien au contraire. Déjà, le Japon s’illustrait par son syncrétisme.

    La première capitale du Japon fut Nara – 710-784. La cour Impériale était alors fortement sinisée. Celle-ci voulut étendre sa domination au Nord-Est. Cette partie de l’archipel était alors habitée par les Emishi⁵, « barbares ». Ainsi, au VIIIe siècle, plusieurs campagnes militaires furent ordonnées. Le Tennō⁶ conféra à des chefs de guerres chargés de mener ces campagnes le titre de Sei-i-taï-shōgun⁷, qui, quatre siècles plus tard, revêtait une dimension monarchique… Il faut attendre le début du IXe siècle pour que les Emishi soient soumis, alors que la capitale a déjà été transférée à Heian-Kyo⁸. Avec la période Heian, le pouvoir central s’inspire une fois de plus de la puissante Chine : on met en place le Régime ou l’État des Codes, tenu par une aristocratie de lettrés.

    Le système de conscription, où les soldats ont la charge de leur armement, est la règle, sans être pour autant l’exclusive du Japon. Mais ce système présente des désagréments :

    « Pour la plupart des paysans, la fuite ou [la] désertion était souvent la seule issue. Réfugiés dans des zones difficiles d’accès, ils n’avaient d’autres solutions que de vivre de rapines⁹. »

    On comprend les troubles que cela générait. Dès lors, l’ordre était maintenu par des notables locaux qui entretenaient des armées privées. Les voilà investis d’une véritable force de frappe, alors que ce Xe siècle les a placés dans une position éminente grâce à un astucieux système de don et de recommandation des terres¹⁰. En Province, dans les campagnes, les propriétaires fonciers, les buke¹¹ – les familles de guerriers –, s’organisent et établissent de véritables troupes, organisées et disciplinées, les bushidan ; Pierre-François Souyri rappelant que ces caractéristiques sont très nettes dans le Kanto, une province dont la réputation des guerriers allait devenir grandissante. Ainsi, bien avant les guerres de Gempeï et la prise de pouvoir des samuraï au XIIe siècle, alors que les Fujiwara dominaient la cour Impériale, s’établissait au Pays du soleil levant un système vassalique structuré, dans lequel la « fine fleur » des guerriers s’était façonnée dans les entrailles du pays, et non dans la noblesse de la ville, même si elle en était parfois issue. L’émergence d’une élite guerrière à cheval – dès le VIIIe siècle –, à l’instar d’autres civilisations militarisées, dessinait néanmoins les premiers contours d’une noblesse d’épée à venir. Noblesse d’épée, ou plutôt noblesse de l’arc, car ces cavaliers étaient aussi et avant tout des archers. Au XIe siècle, ces hommes d’élite partageaient des valeurs aux antipodes de celles de l’aristocratie de la cour. Plus rustre, vantant l’adresse au combat et la vertu de courage, cette éthique chevaleresque nippone est appelée alors Kyuba no Michi, « la Voie de l’arc et du cheval ». Des récits épiques comme le Hogen monogatari encensent l’archer à cheval, sublimant l’arc et la flèche, livrent à la postérité des scènes épiques où cette arme tient un rôle central. « Moi, Taméyoshi, il est vrai, né dans une maison vouée à l’arc et

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