Et on inventa le judo, le kendo, le karaté…
okyo, 1877. La jeune capitale vit au rythme effréné de la modernisation de l’Archipel, une politique dans laquelle s’est engagé depuis près de dix ans le Japon de l’ère Meiji. Après s’être isolé pendant plus de deux siècles du reste du monde, le pays s’est lancé dans une course contre la montre, décidé à rattraper les puissances occidentales, et importe massivement savoirs, techniques et institutions. Cette année-là s’ouvre la toute première université du pays. Cinq jeunes hommes inaugurent les bancs de la faculté de lettres de Tokyo Daigaku. Parmi eux, Jigoro Kano (1860-1938). Fils de haut fonctionnaire, l’étudiant est brillant, mais il souffre des brimades de ses camarades de promotion, qui se moquent de sa frêle silhouette. Sa riposte? Se bâtir un corps à la hauteur de son intellect. Baseball, gymnastique, aviron: Kano s’essaie aux sports occidentaux que les étrangers en poste au Japon pratiquent dans les clubs et que les Japonais découvrent. Mais il n’est pas satisfait. Ce sont les bujutsu, ces techniques de combat inspirées des samouraïs qui l’attirent. Son père est vent raconte Yves Cadot, maître de conférences à l’université de Toulouse et spécialiste de kano. » Jigoro Kano est persuadé d’avoir découvert un « »: la pratique lui permet non seulement de développer sa condition physique, mais elle contribue aussi à son épanouissement personnel et améliore sa vie sociale. L’étudiant, qui se passionne pour les questions d’éducation, y voit l’outil idéal de formation des jeunes gens. Alors que ces techniques devaient autrefois permettre de survivre au combat, il est persuadé qu’elles peuvent devenir en temps de paix de précieuses ressources pour apprendre à interagir avec l’autre et s’adapter dans le même temps à l’évolution de la société japonaise en plein bouleversement. En faisant de l’art du combat un outil pédagogique, il donne naissance au judo – la « voie de l’adaptation», en japonais. Sa méthode d’éducation du corps et de l’esprit – « », déclarera-t-il – se fonde sur une grammaire inspirée des savoirs martiaux, qui fournissent à chacun des clés pour réagir aux situations selon ses capacités, et qui ont pour but d’amener le pratiquant à progresser, afin de « ». Kano la développe dans son école, le Kodokan, guidé par un principe qu’il approfondira tout au long de sa vie, le – soit « la bonne utilisation de l’énergie» –, les techniques de judo permettant de déséquilibrer et d’immobiliser l’adversaire, sans jamais porter de coup. Sans en avoir réellement conscience, Kano met ainsi sur pied une discipline pédagogique en s’appuyant sur le patrimoine technique des samouraïs. Le concept moderne des arts martiaux japonais était né.
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