Guerres & Histoires

Y A-T-IL UN ART OCCIDENTAL DE LA GUERRE ?

En 1989, Victor Davis Hanson publie Le Modèle occidental de la guerre, ouvrage avant toute chose consacré à la bataille hoplitique dans la Grèce de l’Antiquité classique. Pourtant, t, ce n’est pas la description détaillée de la phalangeange qui retient l’attention, mais la conclusionn de l’historien: selon lui, le modèle occidental de la guerre serait la transcription dans l’ordre de la stratégie du modèle politique des cités grecques. De la même manière que la citoyenneté délibérative – pleinement démocratique, comme à Athènes, ou mêlée à des formes monarchiques de pouvoir comme à Sparte – aurait eu pour finalité la « résolution sans équivoque et immédiate » des désaccordss internes, le modèle militaire commun aux Grecs anciens aurait ainsi reposé sur la recherche délibérée du choc frontal – la bataille d’infanterie des phalanges –, avec pour objectif de trancher au plus vite et de manière décisive les conflits externes. Hanson va plus loin: cette matrice serait demeurée constante dans l’ensemble de l’histoire militaire occidentale, des guerres médiques à nos jours. Elle aurait fait émerger une forme de citoyenneté martiale mêlant libertés politiques, individualisme et pensée libre. Et aurait valorisé un certain courage reposant sur l’acceptation, voire la glorification du combat de choc – choc des corps, comme celui des hoplites, ou choc produit par les effets du feu direct dans le cas de la bataille contemporaine.

L’hubris anglo-saxonne

La thèse d’Hanson est reprise une première fois par John Keegan dans son , parue en 1993. L’historien britannique, qui a rédigé une introduction enthousiaste au , s’y livre à une charge en règle contre Clausewitz’’’. Pour Keegan, au contraire, la guerre est une de la politique « normale », dans laquelle les facteurs culturels et anthropologiques seraient décisifs. Cette analyse s’inscrit dans une longue tradition britannique d’anti-intellectualisme, Clausewitz ayant de longue date, outre-Manche, la réputation d’être obscur et difficile. D’ailleurs, Keegan ne semble avoir ni lu en entier ni encore moins compris : il se contente de creuser le sillon de la lecture biaisée de Clausewitz commune au Royaume-Uni où le penseur prussien est devenu, après 1918, c’est-à-dire à titre posthume, , selon l’expression de Liddell Hart. Ce faisant, Keegan reprend à son compte les idées d’Hanson, non tant pour glorifier le choc frontal que parce que cet enchevêtrement supposé de valeur martiale et de libéralisme politique lui permet d’affirmer la supériorité civilisationnelle d’un Occident que l’on comprend à la lecture être surtout anglophone – là encore, un classique du discours politique britannique, depuis l’ère victorienne au moins. Keegan fabrique pour l’occasion un modèle « oriental» – aux contours flous – qui serait l’exact contre-pied du modèle « occidental» et reposerait sur la ruse, l’évitement du combat, l’embuscade et la subversion

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