Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La Fayette: Colonel en Saintonge
La Fayette: Colonel en Saintonge
La Fayette: Colonel en Saintonge
Livre électronique260 pages3 heures

La Fayette: Colonel en Saintonge

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

En Charente-Maritime, l’image de La Fayette se confond avec l’Hermione au bord de laquelle il accosta en Amérique en mars 1780 et qui fut reconstruite à l’identique, de 1997 à 2016, dans l’ancien Arsenal de Rochefort où elle avait vu le jour, restant à tout jamais le symbole de la liberté scellée par l’indépendance des États-Unis après la victoire de Yorktown en octobre 1781.
Pourtant, si cette aventure a été rendue possible, c’est grâce à deux périodes fondamentales qui l’ont précédée dont la seconde déterminante s’est déroulée sur les terres de Saintonge. Elle fait, en effet, suite aux exploits militaires de La Fayette de juin 1777 à janvier 1779 sur le sol américain lui donnant une immense popularité puis à une réflexion et une action, à la fois politiques, diplomatiques et stratégiques menées depuis Saint-Jean d’Angély où il commandait le régiment des « dragons du Roi ».
C’est le récit de cette « période charnière » qui est ici proposé pour mieux connaître et comprendre le « héros des deux mondes » et les idéaux qui l’ont nourri.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Successivement officier, haut fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur puis des Affaires étrangères, expert des Nations unies pour le développement, Préfet aux Antilles, avocat et magistrat de l’ordre judiciaire, Jacques Simonnet a toujours eu un penchant pour l’histoire concrétisé initialement par une maîtrise en « histoire des idées politiques ». Avec La Fayette, il analyse une réflexion partie de Saintonge sur un événement majeur du XVIIIe siècle : l’indépendance des États-Unis et la valeur initiale et plurielle de la République qui va naître : la liberté. Il vit à La Tremblade (17).
LangueFrançais
Date de sortie3 juin 2022
ISBN9791035318741
La Fayette: Colonel en Saintonge

Auteurs associés

Lié à La Fayette

Livres électroniques liés

Histoire des Amériques (Nord, Centre, Sud et Occidentales) pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La Fayette

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La Fayette - Jacques Simonnet

    Prologue

    Pour la Charente-Maritime, La Fayette reste à tout jamais la figure de proue, libre et chevaleresque de la frégate l’Hermione partie de Rochefort un 13 mars 1780 pour l’Amérique sous les ordres de son capitaine Monsieur de la Touche-Tréville et sur laquelle Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, Marquis de La Fayette, Baron de Vissac, Seigneur de Saint-Romain et autres lieux, Colonel des Dragons du Roi embarqua à hauteur de Port des Barques dans l’Estuaire de la Charente pour poser pied une deuxième fois sur le sol américain le 27 avril 1780.

    Cette image de La Fayette, noble libéral, chantre de la liberté des peuples qui deviendra « héros des deux mondes » perdure encore aujourd’hui, notamment grâce à la formidable aventure de la reconstruction de la frégate L’Hermione qui a débuté, en juillet 1997, à Rochefort, en Charente-Maritime.

    Redonner vie à la « frégate de la liberté » en construisant à l’identique celle qui fut également construite à Rochefort à partir de mars 1778 et lancée le 28 avril 1779, un an avant le deuxième départ de La Fayette pour l’Amérique, a incontestablement fait resurgir la figure emblématique du « héros des deux mondes » depuis la mise en eau, sur la Charente, le 6 juillet 2012, de la coque, fidèle réplique de ce navire de guerre français de type frégate de 3 mâts jusqu’à son lancement en eaux salées le 7 septembre 2014 pour mouiller au large de l’île d’Aix.

    Aussi, lorsque le 4 juillet 2015 la réplique de la frégate « L’Hermione » entre dans la baie de New-York, saluant la statue de la Liberté, c’est La Fayette que le peuple américain applaudit en cette date symbolique de fête nationale américaine célébrant l’indépendance des États-Unis. Le héros est de nouveau acclamé à travers l’Hermione, comme il le sera lors des voyages qui suivront en 2018 sur le thème de « Libres ensemble de l’Atlantique à la Méditerranée » puis en 2019, sur les eaux de l’Atlantique et de la Manche, voyage baptisé « Normandie liberté ».

    Car si l’Hermione se confond avec la liberté, l’homme qui l’incarne, c’est bien La Fayette.

    Mais, cette belle histoire, cette fabuleuse aventure, ont presque fait oublier que ce n’était pas le premier voyage de La Fayette vers l’Amérique.

    Ce voyage à bord de l’Hermione était, en effet, l’aboutissement d’une aventure de 19 mois en Amérique, de juin 1777 à janvier 1779, marquée par les exploits militaires de La Fayette, puis suivie à son retour en France par une période diplomatique de 14 mois conduisant à l’envoi d’un corps expéditionnaire français placé sous les ordres de Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, Comte de Rochambeau, et d’une flotte sous les ordres du Chevalier de Ternay que La Fayette a précédé, chargé d’une mission d’information par Louis XVI et le gouvernement français, notamment le ministre des Affaires étrangères Charles Gravier Comte de Vergennes auprès de George Washington et du Congrès américain.

    Cette expédition salvatrice marquera la guerre d’Indépendance des États-Unis.

    En effet, l’arrivée de La Fayette en 1780, à bord de l’Hermione, confirmant que l’escadre de Rochambeau et 6 000 hommes étaient en route pour aider la rébellion fut le point tournant de la guerre, car elle offrit au général George Washington l’assurance que « les secours allaient arriver », au moment où les hostilités contre les Britanniques étaient mal engagées. La victoire de Yorktown en 1781, lors de laquelle La Fayette s’illustra, largement imputable aux Français sur terre comme sur mer, scellera à tout jamais le sort des armes et l’amitié franco-américaine.

    Le « voyage fondateur » vers l’Amérique avait toutefois eu lieu trois ans plus tôt, le 25 mars 1777, lorsque La Fayette avait rejoint clandestinement, dans une chaloupe, en bas de l’estuaire de la Gironde, depuis Pauillac, « La Victoire » un navire de commerce armé de deux canons, parti de Bordeaux, lancé sous le nom de « Clary » en 1771, et que La Fayette avait acheté avec sa cargaison en en devenant ainsi l’armateur.

    C’est donc à cette occasion que pour la première fois, La Fayette longea les côtes de Saintonge, donc de la Charente-Maritime, de l’estuaire de la Gironde à la Pointe de la Coubre où « La Victoire », après une halte au Verdon, prit son cap sur San Sebastian pour y accoster, mais c’est finalement au port de Los Pasajes de San Juan qu’elle fera escale afin d’y chercher 5000 fusils et des munitions, le Pays Basque étant réputé pour ses fabriques d’armes, et le port de Los Pasajes, à moins de 5 milles vers la France, réputé plus discret et plus sûr que San Sebastian en raison de sa baie naturelle reliée par un étroit canal à la mer Cantabrique.

    Quelques péripéties familiales et politiques liées à son départ clandestin obligèrent La Fayette à revenir sur Bordeaux, mais il retournera à Los Pasajes le 26 avril 1777 pour entamer une traversée de l’Atlantique de 54 jours et jeter l’ancre le 12 juin 1777 à South Inlet près de Georgetown en Caroline du Sud.

    C’est à partir de là que va se forger la légende américaine de La Fayette qui deviendra plus tard le « héros des deux mondes » du 1er août 1777, lorsqu’il rencontre George Washington, à son retour en France en février 1779, à la demande du même George Washington et du Congrès américain, pour y jouer un rôle diplomatique qui aboutira à l’envoi du corps expéditionnaire français de Rochambeau et au départ préalable de La Fayette, à bord de l’Hermione, le 13 mars 1780.

    Mais, si Lafayette a longé, en mars 1777, les côtes de Saintonge à bord de « La Victoire » depuis l’estuaire de la Gironde, puis, en mars 1780, à bord de « l’Hermione » depuis l’estuaire de la Charente, renforçant son image de « noble libéral », de « chantre de la liberté », de « héros des deux mondes » indéfectiblement attachée à la Saintonge et à la Charente-Maritime, l’histoire semble avoir complètement occulté, et la mémoire locale a presque totalement oublié que La Fayette a séjourné, même si ce fut bien malgré lui, en Saintonge, de mai à juin 1779, à la tête de son régiment des Dragons du Roi (régiment Roi Dragons selon l’appellation de l’époque) en garnison à Saintes ; charge vénale octroyée par le roi Louis XVI sur l’insistance de la reine Marie-Antoinette le 3 mars 1779 et que La Fayette conduisit pour des manœuvres à Saint-Jean-d’Angély.

    Certes, la période fut courte sur la terre saintongeaise, mais elle le fut encore plus lorsqu’il embarqua sur l’Hermione, car il n’avait foulé le sol saintongeais que brièvement, ayant quitté Paris le 6 mars 1780 pour ne se poser à Rochefort que le temps d’occuper quelques heures une chambre préparée à l’Hôtel du Roi, juste au-dessus de l’Arsenal – appelé « Maison du Roy », construit en 1674 sur l’emplacement d’un château appelé Roca Fortis pour « loger Louis XVI quand il lui aurait plu de venir » – et y rencontrer le capitaine de l’Hermione, Monsieur de la Touche Tréville – lui-même né à Rochefort en 1745 dans le magnifique hôtel qui porte son nom, construit entre 1730 et 1735 et très influencé par le style régence, période transitoire entre Louis XV et Louis XVI se situant aux environs de 1700/1730 – avant de gagner l’embouchure de la Charente pour y rejoindre, à bord d’une chaloupe, l’Hermione qui fit voile pour l’Amérique le 13 mars 1780.

    Toutefois, si ce séjour en Saintonge à la tête du régiment des Dragons du Roi fut plus long que celui qui suivit à Rochefort, il fut malgré tout très bref mais s’inscrit dans une période déterminante du rôle joué par La Fayette pour l’accroissement de l’aide française aux « Insurgents » d’Amérique qui conduira, après l’éclatante victoire militaire de Yorktown en octobre 1781, à un armistice général le 4 février 1783, puis à la signature des traités de Paris et de Versailles le 3 septembre 1783 entre le Royaume-Uni et les États-Unis, avec la France et l’Espagne, entérinant ainsi définitivement l’indépendance de l’Amérique.

    « L’Hermione » demeure le symbole de cette fidélité et de la liberté incarnée par La Fayette de mars 1780 jusqu’à son retour en France en janvier 1782.

    « La Victoire » demeure, quant à elle, le symbole des exploits militaires accomplis par notre « héros des deux mondes », de juin 1777 à février 1779 sur le sol américain pour que l’indépendance de ce pays dont il avait tellement rêvé devienne enfin réalité. Voyage fondateur s’il en est car il va nourrir la légende de ce jeune officier français fait général américain dont l’Amiral Comte d’Estaing faisait les louanges en novembre 1778 : « Personne n’est plus en état que ce jeune officier général d’être un lien de plus entre la France et l’Amérique car il jouit ici d’une considération très méritée due à son zèle, sa valeur et sa sagesse ».

    Conrad Alexander Gérard qui représente alors la France en Amérique dit aussi de lui : « Il est prudent, courageux et aimable ; ce qui l’a rendu l’idole du Congrès, de l’armée et du peuple des États-Unis. On a une haute idée de ses talents militaires. »

    Le séjour que La Fayette va passer en Saintonge à la tête du régiment des Dragons du Roi s’inscrit aussi dans le cadre d’une autre action symbolique : celle de la diplomatie et des rêves de guerre contre le Royaume-Uni, mais surtout de réflexion et de méditation ; stratégie politique déterminante qui depuis Saint-Jean-d’Angély sera la synthèse d’une première période pour éclairer un avenir qui va définitivement fonder l’image du héros des deux mondes.

    Cette période va de son retour en France en février 1779, après le premier voyage en Amérique, jusqu’à son nouveau départ vers l’Amérique en mars 1780, à bord de l’Hermione.

    Période méditative et très politique donc, intense sur le plan diplomatique, pleine de projets militaires, durant laquelle son affectation à la tête du régiment des Dragons du Roi en Saintonge n’est pas neutre, et la détermination de La Fayette durant ce bref séjour, de mai à juin 1779, à porter haut ses idéaux, à soutenir ses projets diplomatiques et militaires, s’inscrira dans une finalité déterminante pour la suite des événements en Amérique.

    Cette brève période saintongeaise est essentiellement illustrée par deux lettres écrites le 17 juin 1779 depuis le champ de manœuvre de Saint-Jean-d’Angély, l’une à Henri Laurens, Président du Congrès à l’intention de l’ensemble des membres de l’assemblée de Philadelphie, et l’autre à George Washington.

    Elles traduisent à la fois tout ce qu’a entrepris La Fayette pour aboutir à l’envoi du corps expéditionnaire français conduit par Rochambeau et toute la philosophie politique de son action et du rôle qu’il entend jouer pour la liberté de l’Amérique, et c’est ce que ce livre se propose de conter en la replaçant dans le contexte de l’avant et de l’après, c’est-à-dire d’une jeunesse pétrie du sens de l’honneur et des valeurs de liberté ; puis du premier départ de La Fayette à bord de « la Victoire » en mars 1777 au deuxième, à bord de l’Hermione, en mars 1780 mais qui ne sera pas le dernier puisqu’après son retour triomphal en France, en janvier 1782, il effectuera un voyage honorifique aux États-Unis de juillet à décembre 1784 où il emprunta le premier paquebot de ligne régulière de l’histoire entre la France et l’Amérique baptisé « le Courrier de l’Europe » et reviendra à bord de la frégate « la Nymphe », puis y retournera après la mort de Washington pour un quatrième et dernier voyage durant un an, d’août 1824 à septembre 1825 où il sera accompagné de son fils prénommé Georges, en premier prénom, et Washington, en quatrième, après Louis (le Roi) et Gilbert (La Fayette).

    Le séjour de La Fayette en Saintonge est manifestement la charnière de l’avant où s’illustre le jeune aventurier idéaliste, prodigue, rebelle et chantre de la liberté, de mars 1777 à février 1778, et de l’après, d’où émergera le chef militaire, le diplomate, et sans doute, le politique de mars 1780 à janvier 1782 qui proclame, le 1er janvier 1783, un an après son retour d’Amérique, dans une lettre à l’attention d’Adrienne Catherine de Noailles, Comtesse de Tesse – sœur de son beau-père, le Duc d’Ayen dont il savait qu’elle partageait ses idéaux démocratiques : « L’Amérique est sûre de son indépendance, l’humanité a gagné son procès et la liberté ne sera plus sans asile ».

    Qui mieux qu’elle, en effet, pouvait adhérer aux idées libérales et au rêve d’indépendance de l’Amérique de notre « héros » de 16 ans son cadet ?

    Qui mieux que cette femme de lettres à laquelle Mozart avait rendu hommage en février 1764, à Paris, en lui dédiant deux sonates pour piano et violon ; qui animera pendant la Révolution un salon littéraire engagé ; qui entretiendra de 1784 à 1789, une correspondance importante avec Thomas Jefferson avant que ce dernier ne devienne secrétaire d’État de 1790 à 1793 puis Vice-président de 1797 et 1801 et enfin Président des États-Unis de 1801 à 1809, pouvait comprendre dès le début, la fougue de cet officier idéaliste et valeureux ?

    Le séjour de La Fayette en Saintonge s’inscrit précisément dans cette période fondatrice de l’engagement total de la France auprès des insurgés américains et constitue certainement les prémices du départ de notre fougueux officier vers l’Amérique, à bord de l’Hermione, et de son action héroïque, de l’autre côté de l’Atlantique.

    Cette courte période, trop souvent ignorée, mais puissante quant à la réflexion et à la stratégie politique et diplomatique méritait donc que l’on s’y arrêtât à double titre : pour La Fayette lui-même et pour la Saintonge elle-même, sa terre d’accueil avant que, de nouveau, il ne la foule et vogue vers son destin américain, pour le triomphe des idées des Lumières car si courte fût-elle, elle est incontestablement marquée par « l’oubli de ce qui fut et la certitude ce qui devait être » mettant en exergue le caractère exceptionnel de La Fayette au service de ses idéaux et de la liberté.

    I

    De l’aventure incertaine à l’alliance franco-américaine

    1

    Le rêve américain

    Lorsque La Fayette se voit intimer l’ordre de rejoindre son régiment des Dragons du Roi à Saintes, en mai 1779, il est dans sa 22e année qu’il atteindra le 6 septembre et a derrière lui 22 mois de rêves, de passion, d’intrigues, de compromissions, d’actions secrètes jusqu’à son arrivée sur le sol américain en juin 1777 à bord de La Victoire et 19 mois d’engagement militaire, de combats et de souffrances : le froid, la faim, les blessures et aussi l’apprentissage des relations humaines et du nécessaire sens politique et diplomatique.

    À l’issue, si un sentiment contrasté de désillusion et d’espérance émerge en lui, tout auréolé de sa gloire naissante de « héros des deux mondes » et de l’indéfectible lien de filiation qui vient de s’établir, durant cette période, entre lui et George Washington, La Fayette est prêt à relever le défi de l’avenir, fort de son éducation, de son expérience naissante et de ses premiers engagements.

    La Fayette avait à peine deux ans lorsqu’il a perdu son père.

    Ce père, Michel Louis Christophe Roch Gilbert Motier de La Fayette, Seigneur de Chavaniac, meurt le 1er août 1759, à 27 ans, touché par un boulet anglais, pendant la guerre de Sept Ans, à Minden, en Allemagne, dont l’origine est attribuée aux troupes du Général anglais Philips dont le nom restera gravé dans la mémoire de La Fayette.

    Un peu plus tard, le 3 avril 1770, alors qu’il n’a pas encore 13 ans, il perdra sa mère, puis le même mois, le 24, son grand-père maternel le Marquis de la Rivière et connaîtra, à partir de là, une éducation prodiguée par sa grand-mère et l’une de ses tantes, faite de respect des valeurs et des principes et de la plus grande rigueur, à l’image de ce pays d’Auvergne dont La Fayette gardera à jamais l’empreinte des hommes et de la terre.

    Quelque temps après la mort de son grand-père maternel qui lui a laissé une rente de 25 000 livres, il perd un oncle qui lui laisse à son tour 120 000 livres ; ce qui avec la fortune héritée de son père, en fait l’un des hommes les plus riches du royaume de France.

    Quant à George Washington, né en 1732 comme le père de La Fayette, il n’avait pas eu d’enfants et avait adopté le fils et la fille de Martha, veuve de l’un des plus riches planteurs de Virginie qu’il avait épousée le 6 janvier 1759.

    Ayant perdu son père à l’âge de 11 ans, George Washington connaissait aussi, comme La Fayette, le matriarcat et la rude éducation campagnarde, l’ayant conduit à faire de son demi-frère né du premier mariage de son père et de 14 ans son aîné, un père de substitution, à la fois modèle militaire car formé à l’école de la marine anglaise et ayant participé à plusieurs opérations navales dans les Caraïbes, et protecteur bienveillant.

    La rencontre de La Fayette et de George Washington, à l’enfance bouleversée par la perte du père, ne pouvait donc être que fusionnelle.

    George Washington incarne d’emblée pour La Fayette, le père qu’il n’a pas eu, et si l’on y ajoute leur fraternité maçonnique – Washington a été initié en 1752 et La Fayette en 1775, leur haine commune des Anglais dont La Fayette qualifie le pays de « Nation orgueilleuse », le lien qui unit ces deux hommes se révèlera d’une force rare.

    Et pourtant, au plan des principes et de la symbolique de l’histoire, tout aurait dû opposer les deux hommes et provoquer chez La Fayette une haine sans pareille.

    En effet, en 1753, alors que George Washington a succédé à son frère Laurence comme lieutenant-colonel commandant la milice de Virginie, le gouverneur de cet État Robert Dinwiddle l’envoie dans la vallée de l’Ohio, théâtre de rivalités coloniales entre Français et Anglais, prémices de la guerre de Sept Ans, pour exiger le retrait des Français.

    En réponse au refus de ces derniers, 30 éclaireurs sont tués et leur officier franco-canadien Joseph Coulon de Villiers capturé est exécuté dans des conditions obscures conduisant à soupçonner Washington d’assassinat.

    Un romancier anglais, Horace Walpole Comte d’Oxford et homme politique, dira de cette exécution qu’elle est due à « la décharge d’un jeune Virginien dans un sous-bois mettant le monde en feu » car Coulon de Villiers venait parlementer et arborait le drapeau blanc.

    Pour sa seule défense, Washington dira qu’il a pris cette troupe pour des espions, et non pour des émissaires de Louis XV.

    En 1755, quelques mois avant que la guerre de Sept Ans ne commence, Washington est aide de camp du général Edward Braddolk et en 1758, alors que la guerre a éclaté, deux ans plus tôt, il participe à l’expédition du général John Forbs pour déloger les Français de Fort Duquesne et de la vallée de l’Ohio avant de se retirer à Mount Vernon dans sa propriété, quelques mois avant que le père de La Fayette ne soit tué par les Anglais.

    Cet épisode, sans doute ignoré de La Fayette, ne sera jamais abordé et n’entachera jamais les relations entre les deux hommes, certainement transcendées par leurs valeurs maçonniques communes.

    Mais, revenons en arrière et intéressons-nous à la lignée de La Fayette pour en saisir au plus près l’état d’esprit de ce dernier, guerrier et revanchard.

    Les La Fayette se distinguent lors des Première et Deuxième Croisades à partir du xie siècle. D’autres sont tués en 1356, au siège de Poitiers ; pendant la guerre de Cent Ans en 1415, à Azincourt ; en 1449, au siège de Rouen ainsi qu’en 1745, à la bataille de Fontenoy où s’est illustré le régiment des Dragons du Roi, ce même régiment que notre « héros des deux mondes » rejoindra en mai 1779, en garnison à Saintes.

    Mais c’est sans doute la figure guerrière de Gilbert Motier de La Fayette, son ancêtre, mis à part, bien sûr, celle de

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1