DE BERLIN À PARIS, LA BATAILLE DES SYMBOLES
Une même bataille peut se jouer plusieurs fois. À l’avance, quand l’un ou l’autre ou les deux protagonistes l’ont prévue ou recherchée ; sur le terrain, avec un résultat pas toujours clair ; puis, une fois les canons silencieux, dans les transformations que lui font subir la mémoire des combattants et la mémoire officielle. À chacune de ces étapes, la bataille reçoit une valeur symbolique plus ou moins forte, qui change avec le temps et l’usage qu’en font les hommes et les institutions qui élaborent la mémoire de l’événement, ou qui président à son effacement.
De ce point de vue, Iéna est un cas particulièrement intéressant. Le choix du nom lui-même est significatif. Pour les Français, c’est Iéna tout court ; pour les Prussiens puis les Allemands, c’est la – repris par et tous les journaux –, il ajoute que « », l’énorme défaite subie par les armées de Louis XV en 1757 durant la guerre de Sept Ans. Habilement, il fait de sa victoire l’antidote contre l’incurie de l’Ancien Régime finissant et, en même temps, un renouvellement de la promesse révolutionnaire. Suivant la même idée, le 18 octobre, il fait démonter et envoyer à Paris les deux colonnes commémorant la victoire prussienne de Rossbach, élevée sur les lieux mêmes du combat. Une semaine plus tard, il se recueille devant le tombeau de Frédéric II à Potsdam puis s’approprie son épée, son écharpe, son collier, son masque mortuaire et son grand cordon de l’Aigle noir. On ne peut plus clairement exprimer que le génie militaire du vieux Fritz s’est réincarné dans le petit Corse.
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