ÉDITO
Il y a quelques numéros de cela, nous nous sommes attardés sur la défaite française de 1940. Dans ce n 58, c’est le 1940 de la Prusse qui fait notre dossier : les défaites de Iéna et d’Auerstaedt, les 13 et 14 octobre 1806, suivies d’une poursuite dévastatrice jusqu’à la Baltique. Cette double bataille a mis en présence au même endroit et au même moment, sans siècle et au-delà : Jomini et Clausewitz. Antoine Henri, baron de Jomini (1779-1869), Vaudois mais colonel dans l’armée française, est premier aide de camp du maréchal Ney, sous lequel il sert à Iéna au 6 corps, au centre du dispositif. Il est alors déjà connu pour la publication des deux premiers volumes de son , paru l’année précédente à Paris. Ce n’est qu’un avant-goût de la célébrité qui va s’attacher à son nom dans les cercles militaires, partout en Europe et même aux États-Unis, où il exercera une influence durable et profonde. Son idée-force est qu’il existe des principes fondamentaux de l’art de la guerre, immuables, indépendants des armes, du temps et du lieu. De l’autre côté de la colline, pour ainsi dire, à Auerstaedt, un petit capitaine de modeste extraction, Carl von Clausewitz (1780-1831), sert sous les ordres du prince August de Prusse, dans le corps de réserve du général von Kalckreuth. Il voit de loin le sanglant combat pour le village de Hassenhausen et n’est engagé que durant la folle poursuite des Français. Après avoir couvert la retraite, il se rend le 28 octobre aux cavaliers de Murat près de Prenzlau. Emmené à Berlin, il est présenté à Napoléon en compagnie du prince August. L’année précédente, il a entamé sa réflexion sur la nature de la guerre, livrant dans un article la célèbre définition : la tactique théorise l’usage de la force armée dans la bataille ; la stratégie théorise l’utilisation de la bataille au service des buts de la guerre. , son chef-d’œuvre dont l’influence demeure considérable, ne paraîtra qu’après sa mort. Inutile de dire que l’effondrement brutal, inouï, de l’armée et de la puissance prussiennes nourrira sa quête des liens qui unissent la guerre et la politique.
