Quelle occasion ratée… Et que le Brésil paraît loin! Philippe Strozzi soupire en ce jour de juillet 1582, au large de l’île São Miguel des Açores. L’amiral regarde les deux énormes vaisseaux espagnols qui s’approchent de son navire pour le prendre entre deux feux… Plus rien ne peut le sauver. Et pourtant, l’aventure avait remarquablement bien commencé pour ce condottiere du XVIe siècle, chef de guerre florentin au service des Valois. Né en 1541 d’un maréchal de France mort au service d’Henri II deux décennies auparavant, cousin de Catherine de Médicis, vétéran de campagnes du Piémont et de la plupart des guerres du roi de France des années 1560, Philippe Strozzi est un soldat respecté et bien en cour, ex-colonel général de l’infanterie française. Qu’est-il donc allé faire dans cette galère, à risquer sa fortune et sa vie au milieu de l’océan Atlantique?
Tout est parti, comme souvent, d’une querelle de succession. En 1580, le roi du Portugal Henri I est mort sans enfants et Philippe II d’Espagne en a profité pour proclamer ses droits sur le trône lusitanien. La manoeuvre lui permet non seulement d’unifier la péninsule ibérique, mais aussi, et surtout, de combiner l’Empire colonial portugais d’Asie (ainsi que le Brésil) et les possessions espagnoles d’Amérique en un ensemble unique sur lequel le soleil ne se couche jamais. Mais si Lisbonne tombe facilement entre les mains espagnoles, une résistance s’organise autour de Don Antonio (1531-1595) – prieur de Crato dans l’ordre des Hospitaliers et petit-fils illégitime du roi Manuel (1495-1521) –, en particulier aux Açores où il est reconnu comme roi.