Intervenir en pays celte faute de pouvoir envahir l’Angleterre… L’idée est un vieux leitmotiv de la stratégie française d’Ancien Régime: Louis XIV tente le coup en Irlande pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg en faveur de Jacques II, puis Louis XV remet ça (modestement) en Écosse au cours de la guerre de Succession d’Autriche au profit du « Bonnie Prince Charlie »… Mais si Louis XVI a la bonne idée d’exporter plutôt ses troupes outre-Atlantique, la république qui lui succède reprend l’idée d’opérations périphériques, non plus au profit des Stuarts mais contre la puissance économique anglaise. Cette idée s’incarne en particulier dans un homme qui fait le pont parfait entre l’ancien et le nouveau régime: Lazare Carnot (1753-1823).
Officier du génie formé en 1771-1773, admirateur déclaré de Vauban, Carnot a très probablement hérité de ses professeurs une anglophobie viscérale qui s’exprime très tôt. Dès mai 1793, alors qu’il est représentant en mission à l’armée du Nord, Carnot suggère « une expédition maritime de la plus haute importance » pour détruire le commerce britannique de la mer du Nord à la mer Baltique, dans l’esprit de la guerre de course. Le 31 janvier 1794, membre du Comité de salut public où il joue le rôle de ministre de la Guerre, il propose une expédition sur Jersey, Guernesey et Aurigny. Le 1er janvier 1795, il soutient l’idée de mettre fin à la domination britannique en Méditerranée. Mais son obsession prend une nouvelle dimension avec le débarquement par la Navy du comte d’Artois (futur Charles X) à Quiberon en juin-juillet 1795. Puisque l’Angleterre a appuyé les Vendéens, la France va lui rendre la monnaie de sa pièce en y suscitant une chouannerie.
La France, pour se venger, veut faire de l’Irlande une Vendée britannique.
Le 31 octobre 1795, devenu l’un des cinq directeurs du nouveau régime appelé (logiquement) Directoire, Carnot reprend un projet proposé par deux généraux vétérans de Vendée, Humbert et La Barollière. Pas question d’exporter la Révolution en Angleterre: il aspire juste à « [anglais], (…) (…) »: en bref, mener la «).