A-t-on connu année plus glorieuse pour les armes françaises? 1795 commence par une victoire navale unique dans les annales: le 23 janvier, les cavaliers de Pichegru capturent la flotte néerlandaise – 14 navires de ligne piégés par les glaces du Helder. Bientôt, les Pays-Bas tout entiers sont en leur possession. Les Provinces-Unies, rebaptisées République batave, basculent bon gré mal gré du statut d’ennemies irréductibles à celui d’alliées. Tandis que la Toscane admet sa défaite le 19 février, la Prusse traite à son tour le 5 avril et toute la rive gauche du Rhin passe sous drapeau tricolore. Le 22 juillet, l’Espagne envahie demande grâce et cède sa moitié de Saint-Domingue. Ne restent en guerre que l’Angleterre, dont l’appui à la sédition vendéenne est mis en échec à Quiberon en juillet, et l’Autriche – que Masséna écrase à Loano le 24 novembre. Qu’ils paraissent lointains, les humiliants revers de la guerre de Sept Ans (voir dossier du G&H no 21), ou même ce terrible mois de juillet 1792, quand la patrie était en danger. En trois ans, les armées françaises ont sauvé la République naissante et mis l’Europe au pas révolutionnaire.
Après Varennes, le roi est en sursis
Le retournement – voire le miracle – est à la mesure du péril des débuts. Le 22 juin 1791, Louis XVI, qui fuit Paris où vacille son pouvoir, est arrêté à Varennes. Sa tentative attise la haine et la volonté des révolutionnaires les plus extrêmes de le destituer. Une manifestation organisée sur le Champ-de-Mars le 17 juillet est réprimée dans le sang par la Garde nationale commandée par La Fayette. Le roi, cependant, comprend qu’il ne s’agit que d’un sursis et que seul l’échec de la Révolution en cas de guerre rétablirait sa position. Son calcul se fonde sur la division d’une armée en proie à l’agitation politique. Justement, » – à savoir le rétablissement de l’autorité des Bourbons.