En 1763, Louis XV a perdu le Canada (lire p. 56). La défaite a laissé un goût amer aux habitants de la Nouvelle-France, mais tout autant à leurs vainqueurs de la Nouvelle-Angleterre. Les Treize Colonies britanniques d’outre-Atlantique s’attendaient en effet à tirer quelques avantages de leurs efforts. Mais Londres, qui a payé leur aide plus de 110 millions de livres sterling, fait la sourde oreille et impose même de nouvelles contraintes. Cette ingratitude est d’autant plus mal ressentie dans les colonies du sud que le courant abolitionniste anglais y menace l’esclavage, base de la prospérité. La tension monte, Londres accumule les maladresses. En 1774, un Congrès continental inédit rassemble des délégués des Treize Colonies. Craignant la répression, ces « patriotes» opposés aux « loyalistes» fidèles à Londres forment des milices. L’embuscade de Lexington (19 avril 1775) ouvre les hostilités. Un mois plus tard, le Congrès continental désigne Washington général en chef, avec l’espoir de concessions de la part du gouvernement anglais. En vain. Dans l’impasse, le Congrès de juin 1776 proclame l’indépendance le 4 juillet suivant.
La France pourrait attiser le feu, mais elle cherche d’abord l’apaisement. En 1770, Louis XV a renvoyé le belliqueux Choiseul, qui poussait à la revanche: à quoi bon rallumer une guerre incertaine alors que l’essentiel – frontières européennes et îles à sucre – est acquis? Mais à son avènement en 1774, sur les conseils de son mentor Maurepas, Louis XVI nomme Vergennes aux Affaires étrangères. Partisan d’un équilibre européen dont la France serait l’arbitre, le nouveau secrétaire d’État veut réduire la puissance britannique tout en évitant de mener une guerre en Europe. L’idée de priver Albion de ses colonies d’Amérique semble un moyen idéal