1 L’ARRIÈRE-PLAN
Au XVIII e siècle, l’Espagne est un pays au passé glorieux, souvent hostile à la France; jusqu’à ce que Louis XIV parvienne à installer son petit-fils Philippe (couronné sous le nom de Philippe V) sur le trône de Madrid en 1713. Cependant le pays est alangui: la prospérité apportée par les richesses de ses colonies américaines n’a stimulé ni l’esprit d’entreprise, ni une législation foncière qui fige les propriétés. Le royaume reste piégé dans son conservatisme religieux, son particularisme régional et la médiocrité de la famille royale, tant du roi Charles IV, couronné en 1788, que de sa femme Marie-Louise et de son fils et héritier Ferdinand..
Si l’Espagne paraît socialement et économiquement arriérée, les idées des Lumières séduisent certains personnages appartenant aux élites urbaines ou administratives – en particulier le Premier ministre Godoy, amant de la reine, qui s’allie avec Napoléon contre l’Autriche. Mais l’alliance tourne au désastre quand la flotte espagnole est détruite à Trafalgar en 1805. Le pays est alors coupé de son empire américain, ce qui accentue les penchants indépendantistes des colonies et prive Madrid de revenus. En 1808, Godoy et Charles IV sont chassés par l’émeute au profit de Ferdinand – que Napoléon s’empresse de remplacer par son frère Joseph.
En fait, le nouveau roi ne règne guère en dehors de Madrid. Contesté, il est mal soutenu par l’armée française, battue à Bailén, tandis que le pays se couvre de guérillas. Les juntes locales formées dans les villes désignent une junte centrale qui se réunit à Cadix en 1810. Son premier acte est la convocation des cortès, dont les circonstances limitent la représentativité. Ils élaborent cependant une constitution en 1812, inspirée de celle que la France s’est donnée en 1791. L’Espagne devient alors un boulet pour Napoléon, qui tente de s’en débarrasser en rappelant Joseph et en renvoyant Ferdinand à Madrid en 1814.
Le roi bourbon est triomphalement accueilli dans sa capitale mais la Régence, nommée par les cortès, exige qu’il prête serment sur la Constitution et suive un itinéraire qu’elle lui a fixé. « Mon approbation », réplique Ferdinand qui n’en fait qu’à sa tête, sous les applaudissements du peuple. En mai 1814, il fait arrêter et expulser près de 10000 ex-collaborateurs supposés des Français, rétablit les anciennes institutions et soumet le pays à la terreur. La pression intérieure grandit jusqu’à l’inévitable : le 1 janvier 1820, le lieutenantcolonel Rafael del Riego et le colonel Antonio Quiroga soulèvent les troupes réunies à Cadix pour l’Amérique du Sud et réclament l’application de la constitution de 1812.