LE CANADA A LA RECHERCHE D'UNE IDENTITE INTERNATIONALE
Par Jocelyn Coulon
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À propos de ce livre électronique
À première vue, il semble difficile de faire un rapprochement entre les gouvernements libéraux de Martin et de Trudeau et le gouvernement conservateur de Harper. Pourtant, une trame commune les unit en ce qu’ils se sont, chacun à leur façon, détachés du consensus traditionnel libéral-conservateur sur les grandes orientations internationalistes de la politique étrangère canadienne, établies au lendemain de 1945. Petit à petit, ils se sont centrés sur la construction d’une forteresse nord-américaine. Dès lors, sur la scène internationale, le Canada voit sa forte identité de naguère s’étioler irrémédiablement, sans pour autant en façonner une nouvelle.
Témoin privilégié des transformations de la politique étrangère canadienne depuis plus de trente ans, l’auteur est à la fois un fin observateur, un analyste nuancé, mais aussi un praticien qui a participé à l’élaboration de la politique étrangère canadienne sous le gouvernement de Justin Trudeau.
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LE CANADA A LA RECHERCHE D'UNE IDENTITE INTERNATIONALE - Jocelyn Coulon
Jocelyn Coulon
Le Canada à la recherche
d’une identité internationale
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre: Le Canada a la recherche d’une identité internationale / Jocelyn Coulon.
Nom: Coulon, Jocelyn, 1957- auteur.
Collection: Politique mondiale (Presses de l’Université de Montréal)
Description: Mention de collection: Politique mondiale
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210052910 Canadiana (livre numérique) 20210052929 ISBN 9782760644618 ISBN 9782760644625 (PDF) ISBN 9782760644632 (EPUB)
Vedettes-matière: RVM: Canada—Relations extérieures—21e siècle. RVM: Canada—Politique et gouvernement—2006-2015. RVM: Canada—Politique et gouvernement—2015-
Classification: LCC JZ1515.C68 2022 CDD 327.71—
Mise en pages: Folio infographie
Dépôt légal: 3e trimestre 2021
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2021
www.pum.umontreal.ca
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Préface
Jocelyn Coulon est un représentant d’une espèce bien rare dans le paysage médiatique et intellectuel québécois, puisqu’il compte parmi la poignée de chroniqueurs à s’intéresser aux affaires internationales. Plus encore, il porte régulièrement son regard sur une politique étrangère dont encore trop peu de gens, au Québec et au Canada, se soucient; celle de leur propre pays. Si les grands événements internationaux se hissent parfois parmi les grands titres des médias, il est rare que ce soit le cas pour les activités internationales du gouvernement canadien.
Tour à tour responsable des pages internationales au quotidien Le Devoir, chroniqueur à La Presse, directeur de la branche francophone du Centre Lester B. Pearson pour le maintien de la paix, fondateur du Réseau francophone sur les opérations de paix au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM), et même conseiller du ministre des Affaires étrangères à Ottawa, Coulon mène une carrière remarquable, ponctuée d’audacieux changements de cap, mais toujours à l’intersection des univers des journalistes, des chercheurs universitaires et des praticiens des relations internationales. Suivre un tel parcours aurait été bien difficile sans une heureuse combinaison de qualités: une véritable passion pour les relations internationales, canalisée par un esprit analytique sobre et posé, et exprimée par une plume minutieuse, directe et parfois incisive.
Le recueil de textes présentés ici rend naturellement justice à ces qualités, si bien que le lecteur, même familier avec la pensée de l’auteur, se laisse prendre par les nombreux récits qui se tissent au fil des pages. Certes, la (re)lecture de ces textes fait l’effet d’un voyage dans le temps, qui ramène aux tentatives avortées du gouvernement de Paul Martin de se positionner sur la scène internationale, aux premiers pas de celui de Stephen Harper, ou encore à la myriade de promesses non tenues de Justin Trudeau, le tout dans des phrases écrites au présent, et non au passé. Elle donne aussi parfois l’impression d’assister à une pièce en plusieurs actes, alors que le spectateur se laisse porter par l’intrigue même s’il en connaît déjà le dénouement. Ainsi, on revoit les étapes de la croisade infructueuse de Paul Martin en faveur d’une intervention au Darfour, la lente agonie de Michaëlle Jean à titre de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, ou encore l’incertitude et les spéculations de plus en plus pessimistes suscitées par la mollesse de la promotion de la candidature du Canada pour un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2010, puis en 2020. Naturellement, celles et ceux qui suivent régulièrement les publications de Coulon verront ressurgir les causes à l’égard desquelles il s’est résolument engagé, tant comme analyste que comme praticien, soit le réengagement du Canada dans les missions de paix des Nations Unies et la mise en œuvre, par Ottawa, d’une véritable politique destinée à raffermir les liens avec le continent africain.
Mais ce recueil offre bien plus. En premier lieu, il ne propose pas une histoire récente de la politique étrangère canadienne écrite avec cinq, dix ou quinze années de recul, mais bien une perspective contemporaine aux événements qui y sont décrits. Comment le discours, les décisions, les tergiversations ou la procrastination du gouvernement canadien face à tel ou tel événement international étaient-ils perçus à l’époque où ils ont été exprimés? Les observateurs étaient-ils conscients des enjeux que soulevaient ces événements? Le temps a-t-il donné raison aux observateurs de l’époque? Bien souvent, l’analyste familier avec le sujet s’étonnera, en parcourant ces chroniques, de découvrir que ces analyses rédigées à chaud ne diffèrent pas tellement de celles que le recul du temps permet aujourd’hui.
En second lieu, les chroniques et autres textes contenus dans cet ouvrage couvrent une période (2004-2020) particulièrement intéressante et, sous bien des aspects, troublante dans l’évolution de la politique étrangère canadienne. Cette période s’ouvre avec la formulation d’une alternative, portée par un Parti conservateur renouvelé sous la houlette de Stephen Harper, à la conception traditionnelle de la politique internationale du Canada (appelée «internationalisme libéral»). Dans un texte publié en juin 2004 («L’École de Calgary»), Coulon annonce un phénomène que peu de gens au Québec pouvaient percevoir, du moins en ce qui a trait à la politique étrangère, soit l’émergence d’une pensée, somme toute claire et cohérente à défaut d’être séduisante pour la majorité des Canadiens, qui remettait en question les dogmes d’une approche fondée sur les institutions internationales et le multilatéralisme. Les textes de la première partie permettent d’assister à la naissance, mais aussi au déclin du «néocontinentalisme» (parfois aussi appelé «néoconservatisme») et à son échec à constituer une alternative viable à l’internationalisme libéral.
Enfin, en troisième lieu, et c’est là où se situe sans doute la contribution la plus importante de cet ouvrage, la problématique qui se tisse en filigrane, mais de manière de plus en plus claire au cours de la lecture, est celle de l’incapacité des dirigeants canadiens à renouveler une politique étrangère qui, de toute évidence, est fort mal adaptée au contexte géopolitique du XXIe siècle. Ce n’est pas tant l’échec des conservateurs de Stephen Harper à faire accepter leur approche différente en cette matière qui est révélatrice, mais bien la désespérante incapacité du gouvernement de Justin Trudeau de jouer un quelconque rôle significatif sur la scène internationale, malgré le vibrant engagement en ce sens formulé en 2015. Alors que l’on assiste au déclin de l’ordre mondial d’après-guerre auquel avait tant contribué le Canada (et qui l’avait si bien servi), aux déchirements internes des États-Unis qui ne parviennent plus à assumer efficacement leur rôle de gardien de cet ordre, à la montée de puissances économiques et militaires rivales qui remettent en question les règles de fonctionnement de la société internationale (au premier rang desquelles figure la Chine), le gouvernement canadien semble bien incapable de déterminer où il se situe dans cet environnement.
Ainsi, on pourra refermer cet ouvrage en conservant l’impression, certainement justifiée sous bien des aspects, d’avoir parcouru les «chroniques d’un naufrage annoncé (de longue date)», celui de la politique étrangère du Canada. Face à un tel sentiment, il n’y a pas d’autre voie que celle d’entreprendre une nouvelle introspection collective non seulement sur ce que la société canadienne veut défendre ou promouvoir sur la scène internationale, mais aussi et surtout d’évaluer les contraintes et les risques posés par un environnement qui s’éloigne de plus en plus de celui qu’a connu le Canada au XXe siècle, et de s’y adapter.
Stéphane Roussel
Professeur à l’École nationale d’administration publique
Avant-propos
Les textes qui forment ce livre ont été écrits entre 2004 et 2020. Certains sont inédits, les autres ont paru dans diverses publications imprimées ou en ligne. Ils portent sur les orientations de politique étrangère des gouvernements de Paul Martin, Stephen Harper et Justin Trudeau à un moment où chacun d’eux était confronté à un monde secoué par de profonds changements.
À première vue, il pourrait n’y avoir aucun rapprochement à faire entre les gouvernements libéraux de Martin et de Trudeau et le gouvernement très conservateur de Harper. Et pourtant, il existe une trame commune entre eux. Ils se sont détachés du consensus traditionnel sur les grands axes de la politique étrangère auquel adhéraient depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au début des années 2000 les libéraux et les progressistes-conservateurs pour adopter une orientation centrée sur la construction d’une forteresse nord-américaine, ce que les spécialistes appellent le continentalisme1. Dès lors, et c’est la thèse que je défends dans ce livre, ils se sont trouvés à abandonner l’identité internationale forte que s’était forgée le Canada pendant plusieurs décennies, sans pour autant réussir à en façonner une nouvelle, susceptible d’établir un consensus parmi les Canadiens et d’intéresser le monde. D’où le titre en forme de question du texte de conclusion du livre: «De quoi le Canada est-il le nom sur la scène internationale?»
Cet ouvrage est composé de six parties regroupant la plupart des chroniques, discours et textes que j’ai écrits sur la politique étrangère canadienne au cours de la période mentionnée plus haut2. Les chroniques, ces regards instantanés et nécessairement rédigés sur le vif, ont dans certains cas été un peu remaniées dans leur forme afin de les rendre plus lisibles aujourd’hui. Je n’ai pas écrit régulièrement sur la politique étrangère canadienne durant la période abordée. Ainsi, certaines années, je produisais à peine un ou deux textes sur le sujet. Il y a trois raisons à cela. D’abord, à titre de chroniqueur pour La Presse, je devais surtout couvrir l’ensemble des affaires internationales, ce qui m’obligeait à faire des choix et à me concentrer sur l’actualité mondiale la plus brûlante. Ensuite, il faut bien le dire, au cours de cette période qui s’étale sur une quinzaine d’années, le Canada n’a pas proposé au monde de grandes initiatives ou même agi de façon marquée sur la scène internationale. Enfin, en 2015 et 2016, je n’ai rien écrit sur la politique étrangère canadienne en raison de mon engagement politique auprès de Justin Trudeau avant l’élection d’octobre 2015, puis lors de mon passage au gouvernement pendant un an.
Les cinq parties du livre abordent chacune un thème en particulier. La première met en scène un premier ministre très atypique de notre histoire moderne, le très conservateur Stephen Harper. Son irruption dans le paysage politique en 2004 comme chef d’un Parti conservateur renouvelé constitue une rupture avec le consensus ambiant sur la politique étrangère canadienne et va changer la donne en la réorientant vers l’Amérique du Nord, au point où même le Parti libéral, qui a longtemps façonné la marque internationaliste du Canada, en sera influencé. J’y documente ses a priori, ses convictions, ses retournements. La deuxième partie porte sur l’abandon progressif par les gouvernements Martin et Trudeau et celui de Harper du maintien de la paix, un élément central de l’identité internationale du Canada pendant des décennies. Les troisième et quatrième parties sont consacrées au déclin de l’influence du Canada dans le monde, comme en font foi une série d’échecs diplomatiques, dont les deux tentatives malheureuses pour se faire élire membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. La cinquième partie souligne l’incapacité du Canada à se positionner sur la scène internationale. Enfin, en conclusion, le dernier texte, paru dans la revue Argument, pose la question de l’identité internationale du Canada: celle qui a été perdue, comme celle qui reste à trouver.
Cet ouvrage a bénéficié de l’œil averti de spécialistes sur la question. Je remercie Stéphane Roussel, codirecteur de la collection, pour la préface qu’il signe ici ainsi que pour ses précieux conseils. Mes remerciements vont aussi au politologue Jean-François Caron et aux deux évaluateurs externes pour leurs relectures et commentaires judicieux. En particulier, ils m’ont aidé à resserrer l’argumentaire du texte introductif. Un mot de remerciement à Élaine Potvin pour la révision linguistique des textes et à toute l’équipe des Presses de l’Université de Montréal pour le travail éditorial.
Enfin, ce livre est un recueil, et à ce titre je tiens à remercier les publications et les institutions qui m’ont autorisé à reproduire les textes: La Presse, Le Monde, Jeune Afrique, Options politiques, Global Brief, L’Action nationale, Argument, L’actualité, La politique étrangère canadienne, Canadian Global Affairs Institute, Athéna Éditions.
Bonne lecture.
Jocelyn Coulon
Juin 2021
1. Plus ça change, plus c’est pareil. Dans le premier texte qui ouvre ce recueil, «Le Canada tiraillé entre Washington et le monde» publié le 28 avril 2004, on peut lire que le gouvernement libéral de Paul Martin n’avait pas l’intention de renverser la marche vers la construction d’une forteresse nord-américaine. Dix-sept ans plus tard, en mars 2021, les experts de la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université Carleton concluaient dans leur rapport annuel sur la politique étrangère du libéral Justin Trudeau que la stratégie de son gouvernement «appears to be rooted in building a Fortress North America
». Voir David Carment, Ted G. Fraser et Sydney Stewart, 2021 Foreign Policy Report Card, iAffairs, p. 10, en ligne: https://iaffairscanada.com/.
2. Je n’ai pas rassemblé tous mes textes sur la politique étrangère canadienne. Ceux qui n’ont pas été reproduits portaient sur des événements particuliers sans aucun lien avec la thèse que je défends dans ce livre.
Introduction
Entre 2004 et 2020, la politique étrangère canadienne a connu une évolution marquée. Cette évolution s’est inscrite dans un vaste mouvement appelé «révolution conservatrice» apparue il y a une quarantaine d’années et qui continue à transformer les sociétés occidentales. La révolution conservatrice n’a pas frappé en même temps et partout. Elle a commencé en 1979-1980 avec l’élection de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et, un peu plus tard, avec la conversion du président socialiste français François Mitterrand à l’économie de marché. Cette révolution a eu pour effet de fragiliser ou, parfois, de remettre carrément en cause l’ordre politique, économique, social et international édifié après la Deuxième Guerre mondiale. Le courant conservateur a imposé une bonne partie de ses idées sur le plan politique et économique, comme en font foi l’adoption par les partis de gauche de l’économie de marché et du libre-échange, l’abandon des nationalisations et le contrôle plus serré des dépenses de l’État-providence3. En politique étrangère, le courant conservateur a promu une lecture binaire des relations internationales où il distinguait le camp du Bien et celui du Mal.
Dès lors, les fondements de la politique étrangère occidentale d’après-guerre n’ont pas été épargnés par cette révolution. Initiateurs de l’internationalisme libéral – ce concept qui embrasse le respect et la promotion des normes et des règles du droit international et de toutes les institutions et les pratiques à même de favoriser le dialogue entre les nations –, les États-Unis ont profité de la fin de la guerre froide et de l’effondrement du camp communiste pour imposer au reste du monde ce que Steven Walt appelle l’«hégémonie libérale4». Cette domination s’est traduite dans les années 1990 et au début des années 2000 par l’élargissement de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) aux anciens pays de l’Est et par une série d’interventions militaires – guerre du Golfe, Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Irak – lancées au nom de la défense des droits humains et de la promotion de la démocratie. Ce penchant interventionniste a été perçu par la Chine et la Russie comme une menace à laquelle elles ont répondu en adoptant des politiques agressives. En parallèle, l’après-guerre froide a été caractérisée par la montée de puissances régionales dont l’effet a été de rebattre les cartes de la géopolitique mondiale.
Les assises sur lesquels la politique étrangère canadienne était fondée ont commencé à être remises en question. L’internationalisme libéral en a longtemps été la boussole et, malgré la révolution conservatrice, les gouvernements du progressiste-conservateur Brian Mulroney (1984-1993) comme du libéral Jean Chrétien (1993-2003) s’en sont fortement inspirés tout en approfondissant les relations avec les États-Unis. Paul Martin (2004-2006) a suivi le courant, mais c’est aussi sous son règne que le paysage idéologique façonnant la politique étrangère canadienne s’est transformé. Les positions très campées en matière de relations internationales du nouveau Parti conservateur, né en 2003 de la fusion entre le Parti progressiste-conservateur et l’Alliance canadienne, ont remis en cause le consensus canadien.
L’École de Calgary ou la victoire du continentalisme
Les idées politiques, économiques et sociales ainsi que les orientations de politique étrangère de ce nouveau Parti conservateur ont trouvé, en partie, leurs sources dans les travaux d’universitaires, principalement ceux de l’Université de Calgary, véritable laboratoire du nouveau conservatisme canadien. Le Parti s’est situé alors bien à droite sur l’échiquier politique et partageait de nombreux points communs avec le Parti républicain aux États-Unis, particulièrement à propos des affaires internationales.
Les penseurs de l’École de Calgary ne jurent que par les États-Unis. Cela colore nécessairement leurs orientations de politique étrangère. Dès lors, l’Europe est reléguée aux antipodes, l’Afrique est une cause perdue, le monde arabo-musulman est une zone de turbulences à traiter militairement, le maintien de la paix est une distraction qui affaiblit les Forces armées, l’accord de Kyoto est un frein au développement économique et la justice internationale est une aberration dont les conséquences sont de limiter la souveraineté des États à agir comme ils l’entendent contre leurs ennemis. Dans cet univers, le multilatéralisme est une option et non une nécessité pour le Canada. Enfin, sur le plan idéologique, l’École de Calgary élabore un cadre où la politique étrangère doit être conçue en fonction d’une lecture morale des relations internationales. Si cette description semble caricaturale, elle n’est pas éloignée de la réalité.
Un des premiers textes qui amorce cet ouvrage porte sur les idées de politique étrangère de cette école, dont plusieurs vont influencer le Parti conservateur. Il a été publié quelques jours avant l’élection de juin 2004 où le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, tentait de ravir le pouvoir au premier ministre libéral Paul Martin5. L’enjeu était de taille. Pour la première fois depuis l’émergence du Canada sur la scène internationale à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les électeurs faisaient face à un leader conservateur en rupture avec le consensus traditionnel libéral-progressiste-conservateur sur les grandes orientations de la politique étrangère6. Le parti qu’il dirigeait ne cachait pas ses choix. Au cours de la campagne électorale, il a fait de l’exaltation des vertus martiales, des relations avec les États-Unis et d’un positionnement moral sur la scène internationale les seules véritables priorités de sa politique étrangère. Cette posture est illustrée par sa position sur la guerre contre l’Irak. En 2003, lors de l’invasion de l’Irak par les États-Unis, Harper a signé une tribune dans un grand quotidien américain où il s’est excusé auprès des Américains à la suite du refus exprimé par Jean Chrétien, alors premier ministre, d’engager le Canada dans cette guerre.
Les propositions conservatrices équivalaient, écrivent Dorion-Soulié et Roussel, à «une transformation radicale de l’identité internationale du Canada7». En particulier, elles allaient au-delà d’un simple approfondissement du processus de continentalisation de l’Amérique du Nord en contribuant à l’émergence d’une nouvelle façon de penser la politique étrangère: le néocontinentalisme8.
D’une certaine façon, mon texte publié en juin 2004 s’est révélé prémonitoire. Il annonçait l’effritement de l’internationalisme libéral en soulignant le contraste entre la force et la clarté des convictions conservatrices et la faiblesse du programme du Parti libéral, pourtant gardien de l’internationalisme libéral, mais «embourbé dans une phraséologie politiquement correcte, qui peine à trouver consistance 9». Les idées conservatrices auront un effet corrosif sur le consensus dominant. Si le Parti conservateur a finalement perdu l’élection de l’été 2004, un an plus tard les libéraux ont dévoilé une importante révision de la politique étrangère et de défense du Canada où ils ont tenté la synthèse entre certaines idées conservatrices – l’accent sur les relations avec les États-Unis, une vision non idéaliste des relations internationales, une augmentation des dépenses de défense – et une refondation du multilatéralisme – dont la création d’un G20 politique était l’idée centrale – afin de maintenir la place du Canada dans le concert des grandes nations10.
Les libéraux se voulaient encore les champions de l’internationalisme libéral, mais le ton du document s’est révélé résolument plus réaliste et a laissé tomber la référence classique que
