C’est un livre clef pour comprendre le nouvel ordre mondial. Dans Les Ambitions inavouées. Ce que préparent les grandes puissances (Tallandier), Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), décrypte les stratégies de neuf pays phares (Russie, Chine, Etats-Unis, Allemagne, Inde, Turquie…), mais aussi les leçons que la France doit en tirer pour sortir de son « nombrilisme stratégique » et encore compter dans le monde. Entretien.
Un nouveau seuil a été franchi dans cette guerre en Ukraine avec la livraison de chars lourds par les alliés occidentaux. Quelle sera la suite ?
Thomas Gomart Les Ukrainiens savent qu’ils ont besoin de produire un nouvel effort assez rapidement, car le temps joue contre eux au vu des effets de la mobilisation et de l’accélération de la militarisation du corps social russe. L’envoi de chars lourds n’est pas anodin : il faut de la formation, de la logistique et une doctrine d’utilisation. Mais cette décision n’est pas une bonne nouvelle pour Moscou. Cela représentera forcément un atout pour les Ukrainiens, auquel les Russes opposeront leur aptitude à renforcer les lignes. A l’agilité et à la détermination ukrainienne, ils répondent de manière extrêmement soviétique, par le nombre. Ce qui fait que l’issue du conflit reste très incertaine.
L’argument d’une supposée cobelligérance de l’Otan du fait de cette livraison d’armes lourdes me semble biaisé. Il y a trois cobelligérants : la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine. L’Otan