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Le CONSERVATISME A L'ERE TRUMP
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Livre électronique228 pages2 heures

Le CONSERVATISME A L'ERE TRUMP

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À propos de ce livre électronique

Il y a dix ans, le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand, Charles-Philippe David, dirigeait avec Julien Tourreille un ouvrage collectif dressant un portrait du conserva­tisme aux États-Unis. Une décennie plus tard, force est de constater que les boulever­se­ments survenus au cours des dernières années sur la scène politique américaine – la crise économique et financière de 2008 ; la descente aux enfers de la présidence Bush ; l’élection historique, puis la réélection de Barack Obama ; la montée du Tea Party et les gains également historiques du Parti républicain au Congrès et au sein des gouvernements d’États ; et, finalement, l’élection fracassante de Donald Trump et son arrivée à la Maison-Blanche – ont contribué à transformer le mouvement conservateur. Maintenant et pour les années à venir, les répercussions sont importantes pour la gouvernance à Washington et au-delà des frontières américaines.

Le besoin est donc né, pour les auteurs du présent ouvrage, de revisiter le portrait du conservatisme américain réalisé à l’époque. L’objectif de ce livre est de fournir au lecteur une compréhension globale de ce que constitue le conservatisme américain à l’ère Trump. Il décrit, à l’attention de quiconque s’intéresse à la politique américaine, comment le mouvement a été façonné, comment il continue à être remodelé, et quelle influence il peut avoir au sein de la plus puissante démocratie de la planète.
LangueFrançais
Date de sortie10 janv. 2019
ISBN9782760548824
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    Aperçu du livre

    Le CONSERVATISME A L'ERE TRUMP - Rafael Jacob

    Introduction

    Rafael Jacob et Julien Tourreille

    En 2007, lorsque Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM, et Julien Tourreille, chercheur à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire, codirigèrent l’ouvrage Le conservatisme américain : un mouvement qui a transformé les États-Unis, un de leurs objectifs majeurs était de faire mieux connaître un mouvement idéologique qui avait eu une importance considérable dans l’évolution de la société et de la vie politique américaines depuis la « révolution Reagan » amorcée au tout début des années 1980.

    Ce n’est en fait qu’à partir des années 1960, sous l’influence de Barry Goldwater, candidat défait à l’élection présidentielle de 1964, que le Parti républicain est manifestement devenu le véhicule politique de cette idéologie. L’élection de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis en 1980 scellait la pertinence de cette « alliance ». Le Parti républicain au pouvoir pouvait alors mettre en œuvre des politiques publiques d’inspiration réellement conservatrice. Ces politiques s’articulaient autour de trois axes : la réduction de la taille du gouvernement fédéral, notamment dans ses fonctions de régulation et la baisse des impôts ; l’augmentation du budget de la Défense et la projection du pouvoir militaire américain à l’étranger ; et la sauvegarde des valeurs morales traditionnelles. Malgré certains effets négatifs de ces politiques, tels que le creusement des inégalités sociales aux États-Unis ou l’accroissement d’une certaine incompréhension entre les États-Unis et leurs alliés occidentaux, notamment en matière d’usage de la force sur la scène internationale, le Parti républicain a, d’un point de vue électoral, semblé bénéficier de l’application des préceptes conservateurs. Depuis 1980, il a ainsi remporté 6 des 10 dernières élections présidentielles. Depuis 1994, il a été majoritaire dans les deux chambres du Congrès pendant 14 ans.

    À la suite des élections de novembre 2016, le parti a conservé ses majorités au Sénat et à la Chambre des représentants en plus d’avoir reconquis la Maison-Blanche avec la victoire de Donald Trump. Au niveau des États, l’implantation des républicains est encore plus spectaculaire. Après avoir conquis un nombre historique de législatures et de postes de gouverneurs pendant la présidence Obama, cette domination s’est consolidée au lendemain du scrutin du 8 novembre 2016. Depuis, les républicains contrôlent 69 des 98 chambres législatives partisanes d’États et 33 des 50 gouverneurs (l’équivalent des premiers ministres provinciaux au Canada) sont issus de leurs rangs, soit le niveau le plus élevé atteint en près d’un siècle. Dit autrement, le Parti républicain jouit de la totalité du pouvoir politique (législatures et gouvernorat) dans 25 États et d’un pouvoir partiel (soit législature, soit gouvernorat) dans 20 autres. Quatre-vingts pour cent de la population américaine vit ainsi dans un État totalement ou partiellement contrôlé par les républicains⁴ !

    Les élections de novembre 2016 concrétisent-elles donc l’avènement d’une ère conservatrice, comme l’imaginait Karl Rove, le principal conseiller politique de George W. Bush, après la réélection de ce dernier en 2004 ? L’histoire politique américaine et celle du mouvement conservateur en particulier obligent à être prudent lorsqu’il s’agit de répondre à cette question. La consolidation du pouvoir des républicains dans les États et la reconquête de la Maison-Blanche sont certes des éléments qui traduisent la vigueur du mouvement conservateur et l’attractivité persistante de nombre de ses idées, notamment sur la non-intervention de l’État dans les domaines économiques et sociaux. Pour autant, rien n’indique que le mouvement ait trouvé en Donald Trump un champion incontestable capable d’en unifier les différentes composantes. Il convient en effet de garder à l’esprit que si le conservatisme domine intellectuellement le Parti républicain, il rassemble des sensibilités diverses qu’il est très difficile d’unifier et de satisfaire dans leur ensemble dans le cadre de l’exercice du pouvoir. Les premiers mois de la présidence Trump illustrent parfaitement ces difficultés alors que la nouvelle administration et le Congrès républicain peinent à s’entendre sur l’abrogation d’« Obamacare », sur la réforme de l’immigration, ou encore sur les questions fiscales et budgétaires.

    C’est donc avant tout pour essayer d’apporter des pistes de réponse à cette question et pour tenter de mieux cerner les conséquences profondes de l’élection spectaculaire de novembre 2016 que nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure de ce nouvel ouvrage portant sur le conservatisme aux États-Unis. C’est également pour comprendre les transformations que celui-ci a connu au cours d’une décennie agitée, marquée par la crise économique et financière de 2008 ; la descente aux enfers de la présidence Bush ; l’élection historique, puis la réélection de Barack Obama ; et la montée du Tea Party. Être « conservateur » aux États-Unis n’est plus aujourd’hui tout à fait la même chose qu’il y a 10 ans. Les implications de ce changement sont importantes pour la gouvernance à Washington, pour l’évolution de la société américaine, pour sa capacité à relever les défis du XIXe siècle. Elles le sont également au-delà des frontières américaines où le mouvement conservateur américain rencontre d’indiscutables échos, que ce soit au Québec, au Canada, ou encore en Europe. L’objectif de ce nouvel ouvrage est ainsi de fournir au lecteur une compréhension globale de ce qui constitue le conservatisme à l’ère Trump – comment le mouvement a été façonné, comment il continue à être remodelé, et quelles répercussions il peut avoir au sein de la plus puissante démocratie de la planète.

    Pour ce faire, le livre propose un tour d’horizon donné par un ensemble de chercheurs offrant chacun un angle vital à la compréhension d’un mouvement ne trouvant pas de réel penchant de ce côté de la frontière. Amélie Escobar fait d’abord état des bases historiques, expliquant comment le mouvement conservateur moderne est né au milieu du XXe siècle et s’est développé au fil du temps jusqu’au début du XXIe. Rafael Jacob complète cette revue historique en relatant les changements, brièvement mentionnés plus haut, ayant secoué et animé la vie politique américaine de façon générale et le mouvement conservateur de façon plus précise depuis le milieu des années 2000.

    Une fois cette mise en contexte établie, nous détaillons dans la deuxième partie du livre deux structures majeures du conservatisme américain : les médias et les think tanks de droite. Dans un premier temps, Karine Prémont et Tristan Rivard expliquent comment une série de changements majeurs dans le mode de fonctionnement des médias au courant des dernières années a changé la donne de façon importante. Puis, Alexis Rapin nous éclaire sur une facette souvent méconnue et pourtant souvent centrale à la vie politique américaine : celle des think tanks (laboratoires d’idées) mettant sur pied bon nombre d’idées vendues – et éventuellement implantées – par les politiciens conservateurs d’un océan à l’autre.

    Nous concluons en plaçant le conservatisme dans un contexte plus large. Christophe Cloutier-Roy signe un chapitre sur le rôle occupé par le Parti démocrate à une ère où il semble avoir été presque totalement chassé du pouvoir par l’électorat. Puis, Philippe Fournier place les choses dans une perspective internationale, en comparant les points de similitude – et de divergence – pouvant être observés entre le conservatisme tel qu’il est connu, formulé et pratiqué aux États-Unis et ailleurs dans le monde, particulièrement en Europe.

    PARTIE I

    ORIGINES, FONDEMENT ET HISTOIRE

    CHAPITRE 1

    Le développement du mouvement conservateur contemporain

    Amélie Escobar

    Dans une dynamique purement politique, les termes conservateur et conservatisme font référence à des partis politiques ou à des individus favorables au maintien d’un ordre, qu’il soit politique, économique, social ou culturel, en opposition aux progressistes qui, eux, prônent les changements sociaux et politiques plus collectivistes. Cependant, conservatisme et modernisme ne sont pas des termes antinomiques. Par exemple, certaines monarchies ont réussi à allier traditions politiques et modernité socioculturelle, comme la Grande-Bretagne, par exemple. La République américaine s’inscrit dans cette lignée et semble parvenir à conjuguer, avec un certain succès, attachement aux valeurs traditionnelles et modernisme.

    Le conservatisme dit « classique » qui caractérise les premières années de la République américaine repose sur six principes fondamentaux. Edmund Burke (1729-1797), considéré comme le père spirituel de ce courant, en fait la synthèse : 1) une grande méfiance vis-à-vis du pouvoir fédéral ; 2) la primauté du principe de liberté sur celui de l’égalité ; 3) un sentiment patriotique inébranlable ; 4) la croyance dans le bien-fondé d’un système institutionnel et hiérarchique ; 5) une aversion pour le progrès ; 6) seules les élites possèdent les compétences requises pour gouverner (Micklethwait et Woolridge, 2004, p. 13).

    Le mouvement conservateur contemporain aux États-Unis, quant à lui, émerge à l’apogée du libéralisme. Il rassemble différentes mouvances qui se sont affirmées sur le plan intellectuel dans les années 1950. Le terme même de « conservatisme contemporain » sera utilisé pour la première fois par Russell Kirk dans son ouvrage publié en 1953, The Conservative Mind : From Burke to Santayana⁵. Cette œuvre majeure propose une synthèse des idées développées par les penseurs et personnalités politiques anglo-saxons depuis la fin du XVIIIe siècle. Comme Edmund Burke à son époque, Russell Kirk considère que la pensée conservatrice est construite autour de six principes fondamentaux ou « canons » : 1) la conviction dans l’existence d’un ordre transcendant qui peut prendre différentes formes (la tradition, la révélation divine ou les lois naturelles), et auquel les sociétés humaines sont soumises ; 2) les sociétés traditionnelles sont source de vertu ; 3) les différentes classes de la société doivent refléter les distinctions naturelles ; 4) les concepts de propriété et de liberté sont intimement liés ; 5) la valorisation des coutumes et des traditions ; et enfin 6) le changement n’est pas synonyme de réforme, la prudence est de mise. En mettant l’accent sur l’existence d’une tradition conservatrice propre à la société américaine, il offre au mouvement conservateur naissant une solution de remplacement intellectuelle solide permettant de contrer le discours dominant de l’époque faisant de l’Amérique une nation libérale (Deutsch et Fishman, 2010, p. 125)⁶.

    Kirk insiste davantage sur la construction historique du conservatisme au sein d’un autre ouvrage publié en 1974, The Roots of American Order. En retraçant l’évolution politique de différentes cités sur plus de 3 000 ans d’histoire, il met en lumière le particularisme américain⁷. En effet, pour les Pères fondateurs, l’instauration d’un système gouvernemental et politique sert à préserver et à étendre les droits des hommes. Dès lors, si les instances étatiques mettent en péril le droit des peuples en outrepassant leur pouvoir, elles doivent être abolies. Ainsi, les droits de l’homme peuvent être limités dans deux cas seulement : lorsque le bien-être public est en péril, et par le droit des autres individus. Ces principes constituent l’essence de la Déclaration d’indépendance et, plus tard, de la Constitution. Ces deux textes ont su combiner avec brio le concept de « liberté individuelle » avec celui de « contraintes sociétales » (Farmer, 2005, p. 19), marquant l’émergence d’un nouveau système politique, le fédéralisme, qui détermine la nature et les limites de chacune des branches du pouvoir.

    1. Les années 1950-1970 ou la consolidation de la nouvelle alliance

    Le courant conservateur connaît une transformation profonde durant la décennie 1950. Trois factions distinctes, les libertariens, les traditionalistes et les anticommunistes s’allient afin de constituer un pouvoir politique à part entière. Malgré leurs divergences, ces différents groupes se rassemblent autour de certains préceptes qu’ils considèrent comme étant caractéristiques de l’exceptionnalisme américain : la méfiance envers un gouvernement fédéral tout-puissant ; la prévalence des libertés individuelles, ce qui suppose une grande tolérance pour les inégalités et, par conséquent, une méfiance envers le socialisme ; la volonté de réduire au maximum les impôts afin de ne pas nuire aux libertés individuelles ; et enfin, limiter les dépenses du gouvernement fédéral (Farmer, 2005, p. 14). L’objectif premier étant de s’unir afin de contrer l’idéologie dominante de l’époque, à savoir le socialisme en tant que synonyme d’État providence, l’égalitarisme et le communisme (Nash, 2006). Ainsi, les conservateurs ont su cibler les éléments qu’ils souhaitaient conserver de l’héritage américain afin de s’imposer comme la nouvelle doctrine dominante. Encore aujourd’hui, les Américains restent très attachés à ses valeurs et symboles, reflets de l’identité américaine (Micklethwait et Wooldridge, 2004).

    Cette décennie va connaître une ébullition intellectuelle importante. En effet, de nombreux philosophes, journalistes, écrivains, hommes politiques, etc., émergent sur la scène publique américaine. Frustré par la prédominance du libéralisme au sein des milieux académiques, littéraires et médiatiques, William F. Buckley Jr. lança une nouvelle revue afin de permettre aux mouvements conservateurs de se rassembler pour offrir un choix idéologique. La National Review voit ainsi le jour en 1955. Bien plus qu’une revue d’opinion, il s’agit d’un véritable manifeste politique, symbole qui contribue à dessiner les contours du mouvement conservateur contemporain. Les universités deviennent alors le premier terreau de l’idéologie conservatrice largement relayée et vulgarisée par les médias conservateurs. Dès lors, la diffusion et l’intégration du discours conservateur auprès du grand public suscitent l’intérêt des hommes politiques, qui y perçoivent un potentiel électoral à exploiter. Très vite, des mécènes financeront très largement les campagnes politiques des représentants de ce courant, faisant du conservatisme une force politique naissante en plein essor. Cependant, il faudra attendre le milieu des années 1960 pour que l’idéologie conservatrice devienne une réelle force politique à l’échelle nationale⁸.

    Le contexte politique des années 1960 offre un terrain favorable à la révolution conservatrice. Deux éléments majeurs permettent d’expliquer

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