DANS LE CADRE DU COLLOQUE ORGANISÉ POUR LES 70 ANS DE L’EXPRESS dans l’auditorium de Radio France, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, et le philosophe Francis Fukuyama, professeur à Stanford et auteur de La Fin de l’histoire et le dernier homme, ont tenté de répondre à la question « Les démocraties vont-elles mourir? ». Nous retranscrivons leur échange passionnant.
L’attaque sanglante du Hamas contre Israël et l’invasion de l’Ukraine par la Russie prouvent que les adversaires des démocraties libérales ne respectent même plus les règles élémentaires de l’ordre international. Les démocraties doivent-elles, à leur tour, s’en affranchir?
Bruno Le Maire Chaque fois que les démocraties essaient de trahir leurs idéaux et leurs fondamentaux, elles s’affaiblissent. Oui, les régimes autoritaires remettent en cause l’ordre international tel que bâti depuis 1945, mais les démocraties elles-mêmes, sans doute à force d’hubris, ont parfois abîmé ce modèle. En Irak, en Afghanistan et en Syrie, il y a eu trois défaites de la première démocratie au monde, la démocratie américaine.
Les Etats-Unis se sont d’abord affranchis du droit en prenant la décision d’envahir l’Irak sur la base d’éléments fallacieux. Ils ont affaibli du même coup la crédibilité et la légitimité des nations occidentales. J’ai le souvenir très vif de Colin Powell, secrétaire d’Etat, bran dissant sa petite fiole et disant: « Voici de l’anthrax, et il y en a de 100 à 500 tonnes en Irak ». Il n’y en avait pas un gramme.
Deuxième affaiblissement, celui de la force des nations occidentales. Le 11 septembre 2001 a été un moment de rupture. Tous, France comprise, nous avons pris la décision, cette fois sur la base
